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Grand débat du CERA 18/02/2019 Christiane LAMBERT (présidente de la FNSEA) et Arnaud DAGUIN (cuisinier-agitateur, militant d’une agriculture du sol vivant)

Christine Lambert, présidente de la FNSEA

Arnaud Daguin, cuisinier-agitateur, militant d’une agriculture du sol vivant

90° rencontre du CERA du 18 février 2019

« Comment nourrir l’humanité ? »

 

Introduction de Hervé Pillaud, membre du CERA 

Que mangerons-nous demain ?

Il y a trois grands défis pour l’agriculture de demain, c’est la population à nourrir, le climat, la biodiversité et l’énergie qui sera l’un des grands problèmes des décennies à venir.

La population représente environ 10 milliards de personnes à nourrir. Nous le pourrons ou nous ne le pourrons pas ? Ce n’est pas la première question. La première question concerne la concentration des populations. Plus de 50% de la population est concentrée dans la zone orientale, alors que 70% des surfaces n’y sont pas cultivables. Le continent africain passera de 1,1milliard d’habitants aujourd’hui à 2,6 milliards en 2050. Alors 6 à 7 milliards d’humains, soit 85% de l’humanité, seront urbanisés sur un axe Tokyo – Lagos, dont la moitié vivra dans des bidonvilles. Voilà l’enjeu de la nourriture, premier besoin des hommes, tel qu’il se posera demain. Les besoins alimentaires vont donc évoluer dans cette zone.

Chez nous, ils n’augmenteront qu’un peu car la population va diminuer. Le bloc asiatique augmentera beaucoup tandis que le bloc africain augmentera énormément. Heureusement l’Afrique dispose de beaucoup de terres cultivables pour se nourrir. Sous réserve d’une bonne gestion, nous devrions réussir ce challenge.

La biodiversité, dont nous parlons depuis peu de temps, est un véritable enjeu pour demain car il faudra travailler avec moins d’intrants, moins de pesticides, mais plus de connaissances, en particulier concernant la biodiversité.

L’énergie est un autre enjeu. En 1970, nous consommions chacun 1,35 tep (tonne équivalent pétrole), en 2000 1,5 tep, en 2030 nous serons à près de 2 tep. Avec l’évolution de la population, en 60 ans, nous aurons multiplié par trois la consommation énergétique de la planète. La plus grande partie actuellement est d’origine fossile. Là aussi les choses vont changer, et c’est peut-être une chance pour l’agriculture.

Pour conclure, l’agriculture sera-t-elle un problème ou une solution ? Pour en débattre, je vais accueillir Emmanuelle Ducros, journaliste à L’Opinion, très au fait des questions agricoles. Elle aura la charge de modérer un débat qui peut être animé tant les personnes que je vais vous présenter sont passionnées par ce qu’elles font. Nous accueillons aujourd’hui Arnaud Daguin, grand chef épicurien, d’une famille de cuisiniers au Pays Basque, et Christine Lambert, présidente de la FNSEA.

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Emmanuelle Ducros, journaliste, animatrice du débat :

Vous avez vu, les perspectives sont assez anxiogènes concernant la planète ! Cela fait bientôt quatre ans que j’écris sur l’agriculture et sur l’alimentation, et plus j’avance sur ces terres-là, plus je me rends compte que je ne fais pas grand-chose. J’ai dû beaucoup batailler contre moi-même, contre des idées reçues et finalement faire face à ce que chacun d’entre nous observe lorsque l’on commence à s’intéresser à ces questions de l’alimentation, et je pense que cela va être intéressant de bousculer quelques-unes des certitudes que vous avez certainement, que nous avons tous.

Pour commencer, je vais demander à Arnaud Daguin de nous expliquer comment il en est arrivé à s’intéresser à l’agriculture du vivant puisque c’est le nom de l’association que vous avez cofondée avec l’idée de prendre les thématiques de manière totalement transversale et totalement au ras du sol.

 

Arnaud Daguin :

Merci à tous de m’accueillir, moi qui ne suis expert de rien, sauf peut-être du foie gras et du magret dans lesquels je suis tombé quand j’étais petit. Je suis cuisinier et depuis toujours, une question taraude le restaurateur-cuisinier que je suis « Qu’est-ce qu’un bon produit alimentaire ? » Restaurare en latin, veut dire remettre en état. Remettre en état nécessite des matières premières. J’ai été élevé d’un côté par mon père qui a répandu la consommation du magret de canard, et de l’autre côté par mes grands-parents maternels qui avaient le premier restaurant végétarien de Paris, La Saladière, avenue des Ternes. Mes grands-parents étaient dans ce que l’on appelait la macrobiotique. D’un côté le paternel avec le foie gras, le magret, la viande, et de l’autre côté, les grands-parents complètement à l’opposé. Ce grand écart est culturellement bien venu pour comprendre notre rapport à l’alimentation et ce qui fait notre alimentation, c’est-à-dire l’agriculture. Donc qu’est-ce qu’un bon produit ? Cette question m’a toujours animé. Il y a une vingtaine d’années, j’étais le patron d’un restaurant à Biarritz où nous étions deux en cuisine, puis il y a eu ma maison d’hôtes à Hasparren où j’étais seul. Quand je fais la cuisine, j’ai les mains occupées, mais la tête peut partir et réfléchir à plein de choses. Du coup je me suis posé comme problème « Comment définir un bon produit alimentaire, comment faire en sorte que, quand j’ai acheté quelque chose, j’ai la saveur qui va avec le prix que j’ai payé ». Je me suis aperçu que dans mon métier une idée de coût n’est pas forcément une idée de valeur. Mais qu’est-ce que la valeur ? Est-ce une valeur gustative ? Concernant celle-ci, le goût peut être enrichi par des poudres de perlimpinpin, de façon pas très honnête, en particulier dans l’alimentation industrielle. Le gustatif ne suffisant donc pas à lui seul, je me suis tourné vers le nutritionnel. De fait, il y a des produits qui contiennent ce dont nous avons besoin et d’autres, pas du tout. Une façon d’évaluer un produit alimentaire est donc de savoir ce qu’il y a dedans. Cela m’a occupé un temps, mais cela ne suffisait pas. Dans le produit il y a ce qui est dedans mais aussi ce qui en découle, sa façon d’être produit. Le mode de production du produit avait lui-aussi une valeur, une valeur écologique.

Je me suis aperçu d’une autre famille de valeurs. Il s’agit de tout ce qui relève de l’économie des territoires. Est-ce que la production, la mise sur le marché de ce produit permet à son producteur de se projeter dans un futur possible ?

Il y a trois familles de valeurs, et je vous mets au défi d’en trouver une seule qui n’entre pas au moins dans une de ces trois familles. C’est très difficile d’évaluer un produit sur ces trois champs à la fois. Nous en arrivons à la logique du cap et de la boussole.

Pourquoi le cap et la boussole ? De quoi avons-nous besoin pour durer ? Nous voulons boire et manger. Nous nous apercevons que cela n’est pas seulement une question de quantité. De façon certaine nous savons qu’il y a plus de gens qui vont mourir de trop et mal manger que de gens qui vont mourir de faim. 12% de la population sont menacés de mourir de faim et 18% vont mourir ou avoir des pathologies liées au fait de trop ou mal manger. Donc pendant des siècles, des millénaires, nous avons fonctionné sur la question « Combien je mange ? » et aujourd’hui, le mur civilisationnel que nous avons à passer est celui du « Comment je mange ? ». Nous n’en avons pas encore correctement, complètement intégré l’importance, nous sommes tout le temps en train de nous demander « Comment allons-nous nourrir l’humanité ? » Aujourd’hui, nous produisons une bio masse suffisante pour nourrir 12 milliards d’êtres humains, nous en jetons un tiers et ce que nous ne jetons pas, nous nous en servons pour nourrir des animaux que nous allons manger.

La vraie question que nous avons à nous poser à mon sens est « Comment ? » et non pas « Combien ? » Ce « Comment ? » est complètement corrélé à ces trois familles de valeurs que je vous ai exposées jusque-là : le comment écologique qui implique le climat, la biodiversité, l’eau et le carbone – le comment nutritionnel, pas de toxique et la nutrition dont nous avons besoin – les valeurs économiques, transmission, culture et territoires, ce que tu manges dessine ton monde. Ce sont par nos choix, avec notre carte bleue, que nous allons voter pour un système ou un autre, notre avenir dépend de la façon dont nous allons prendre collectivement cet enjeu en main. Que voulons-nous ? Quels sont nos objectifs ? Comment notre agriculture aujourd’hui peut-elle relever ce défi du « Comment ? »

 

Emmanuelle Ducros :

Christine Lambert, vous êtes présidente de la FNSEA, principal syndicat agricole en France, vous représentez l’agriculture française, une agriculture qui est diverse. Vous avez entendu Arnaud Daguin nous présenter le tabouret à trois pieds du Comment, le Comment écologique, le Comment nutritionnel et le Comment économique. Comment l’agriculture française s’inscrit-elle dans ce Comment ? Est-ce que c’est, pour vous, un objectif qui vous semble partagé ?

 

Christine Lambert :

Plus que jamais les Français ont des attentes qualitatives vis-à-vis de leur alimentation. 53% des Français sont prêts à dépenser un peu plus pour leur alimentation s’ils sont sûrs que cela revient bien aux producteurs. Même en pleine négociation commerciale et avec tout le bruit de fond qu’il y a eu, certains distributeurs ont acheté des pages de pub, il n’y a pas eu le choc psychologique du 1° février où les prix devaient augmenter. Les Français, aujourd’hui, demandent de la proximité, demandent à être rassurés sur les moyens de production et demandent de l’équité, c’est-à-dire un juste retour de valeurs aux producteurs. De plus en plus de Français mesurent, même s’ils payent cher pour des produits bio, que cela ne retourne pas toujours aux producteurs. Dans la trilogie évoquée par Arnaud Daguin, je trouve normale la demande d’aujourd’hui en direction de modes de production respectueux de l’environnement, de produits de proximité qui offrent un bénéfice pour la planète, pour le territoire local, pour les emplois générés et l’éthique. Jamais il n’y a eu autant de préoccupations. Je me souviens d’un médecin nutritionniste disant : « Dit-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es », nous pourrions dire aujourd’hui « Dis-moi comment et où tu fais tes courses, je te dirai si tu votes ou pas pour telle ou telle agriculture ». Les agriculteurs qui sont au début de la chaîne sont prêts à produire tout ce que les consommateurs demandent si le contrat est honoré jusqu’au bout, c’est-à-dire s’il y a une commande qualitative, mais aussi l’achat qui va avec. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas, le déclaratif « Je veux de la proximité, du beau, du sain » et les supermarchés qui sont le lieu principal de fréquentation font qu’il y a une espèce de déconnexion, mais la bonne nouvelle est que les Français n’ont jamais été aussi curieux à l’égard de leur alimentation. Il faut que nous soyons à même de répondre à cette attente, réussir maintenant, plus que nous l’avons fait dans le passé, ce rendez-vous entre les producteurs et les clients.

 

Emmanuelle Ducros :

Cela veut-il dire que sur l’objectif, vous êtes globalement d’accord moyennant l’inconnue du consommateur qui va ou pas s’exprimer avec sa carte bleue ?

 

Arnaud Daguin :

Ce n’est pas tout à fait une inconnue. Je pense que la raison veut, quand il y a de la valeur quelque part, que nous allions la chercher, et rapidement. C’est pour cela que j’ai cofondé cette association, Pour une agriculture du vivant, qui rassemble tous les acteurs des filières. Depuis le sol jusqu’au rayon du supermarché, jusqu’à l’assiette de la restauration collective. Nous sommes capables de tracer et de comprendre le cheminement des produits, d’évaluer et de savoir exactement ce que nous faisons.

 

Christine Lambert :

Pour compléter les 53% évoqués, il faut considérer les 47% pour qui le facteur prix est l’élément déterminant. D’ailleurs le mouvement social que nous connaissons dans notre pays actuellement est plutôt l’effet de personnes qui se plaignent de leur pouvoir d’achat et des difficultés de fin de mois. Il faut garder à l’esprit que l’accessibilité à l’alimentation est importante. Pour ceux qui ont de faibles moyens, il faut être capable de produire une alimentation saine, diversifiée et accessible, mais il faut également produire une palette de produits plus haut de gamme. Les lieux de consommation changent aussi beaucoup, de plus en plus de Français ne mangent pas chez eux, quel que soit le pouvoir d’achat. La consommation de viande baisse dans les foyers, mais augmente dans les restaurants et la restauration collective. Nous devons regarder cette grande diversité dans la façon de se nourrir avec les producteurs et avec ceux qui transforment les produits pour y répondre correctement. Les enfants ne mangent pas comme les jeunes salariés. Nous avons des modes de consommation qui évoluent avec le temps, qui sont différents, entre la semaine (consommation rapide et pratique) et le week-end (consommation plus plaisir, préparation pour la famille et les amis). Le regard que nous portons sur les produits n’est pas le même selon notre alimentation. Il faut avoir à l’esprit cette très grande diversité de situations de restauration. 23% de notre restauration est faite hors domicile, en particulier en restauration collective où les coûts des ingrédients sont négociés très fortement, tout en voulant des produits bio, locaux et de qualité dans les cantines. Il y a donc des paradoxes sur lesquels chacun doit s’interroger. Il faut bien sûr avoir la volonté de répondre à une aspiration indispensable de manger mieux, de produire plus et mieux, avec moins d’impacts négatifs.

 

Arnaud Daguin :              

Toutefois on peut considérer qu’un produit qui offre des valeurs nutritionnelles nous aide à économiser sur les frais de santé. De même une agriculture qui stocke massivement du carbone constitue également un service rendu à la collectivité et qu’est-ce qui stocke le mieux le carbone que le végétal ? Il n’y a aucun problème à dire que le stockage carbone peut être une rémunération pour ceux qui en font de façon avérée, au même titre que les pratiques agricoles adéquates des surfaces pour rendre les sols poreux et aptes à filtrer et à stocker l’eau de pluie dans les nappes phréatiques tout en limitant l’érosion. Ce service rendu à la société pourrait être rémunéré d’une autre façon et aura pour conséquence d’alléger le coût des productions agricoles proprement dites.

Le chercheur Alexandre Rambaud à Agro Graphi Tech mène des recherches en comptabilité. Il part du principe que la comptabilité est une tentative de représentation du réel. Il défend l’idée que ce qui concerne le foncier, c’est à dire le sol agricole, ne peut pas rester un actif de l’entreprise agricole. Pour lui, il faut sortir tout ce qui concerne le maintien de l’état du sol des coûts de production, cela doit se financer autrement, je trouve cela très malin.

 

Emmanuelle Ducros :

Cela veut dire qu’il faut repenser le système actuel dans un coût global ?

 

Arnaud Daguin :

Nous avons des enjeux tellement colossaux qu’il faut envisager toutes les pistes possibles. Celles-ci en sont quelques-unes. Aujourd’hui quand nous produisons des produits alimentaires, nous ne pouvons plus être rémunérés par eux seuls. La santé du sol, celle des plantes, celle des êtres vivants, celle du territoire, c’est la même ! Il n’y a pas non plus de différence avec ma petite santé, celle-ci s’apparente à celle de l’eau, de l’air, de la biodiversité, du carbone… C’est la même.

Emmanuelle Ducros :   

Nous sommes assez surpris que l’agriculture soit aussi comptable !

Christine Lambert, quand on nous explique que votre rôle d’agriculteur ne va plus être seulement de produire à manger mais aussi de trouver votre place dans un écosystème qui concerne chacun d’entre nous, cela doit vous ravir car quand vous êtes arrivée à la tête de la FNSEA, vous avez dit « Un de mes buts sera de rapprocher l’agriculture et la société ». Finalement ce que dit Arnaud Daguin n’est pas très différent de cela.

 

Christine Lambert :

J’avais signé, il y a sept ou huit ans, un papier qui s’appelait « L’agriculture, c’est bien plus que l’agriculture ». Les territoires ne seraient pas ce qu’ils sont sans l’agriculture. La Vendée ne serait pas ce qu’elle est sans l’agriculture. Nous avons une très grande diversité de richesses, de territoires qui doivent beaucoup à leur agriculture. Les agriculteurs de tout temps ont su s’adapter sur des territoires parfois difficiles et en tirer le meilleur. Depuis longtemps et plus encore avant que la question du changement climatique ne s’impose à nous tous, nous raisonnons sur des temps longs. Nous nous posons la question de la pérennité du sol et de sa qualité, de la biodiversité et de sa diversité. Ces réflexions de temps longs, nos parents n’y étaient pas confrontés. Notre responsabilité aujourd’hui est d’avoir une vision plus large à 360° pour dire : je suis agricultrice à Bouillé-Ménard, je cultive 106 hectares qui nourrissent mes porcs, je stocke tout le grain et toute la paille pour alimenter mes animaux. J’ai reconstitué un cercle vertueux puisque les lisiers fumiers fertilisent les sols qui nourrissent les porcs. C’est l’économie circulaire pratiquée par la majorité des agriculteurs. Pour vivre, je vends des porcs charcutiers qui sont la seule ressource de l’exploitation.

Le jour où il y aura des rétributions pour prestations de service environnemental, je dirai banco. Depuis 2011, je travaille à la FNSEA sur ce sujet et nous avons construit un contrat pour prestations de services environnementaux. Nous avons copié ce que fait Munich avec l’agriculture bio autour de la ville, ce que fait Vittel pour avoir de l’eau claire. Et ceci sans la puissance publique, car il faut imaginer que cela puisse se faire sans l’Etat qui met toujours énormément de temps à payer ses mesures environnementales et climatiques à l’agriculteur. Qu’est-ce que l’agriculture apporte en termes de qualité de bocage, de pouvoir épurateur des sols, de capture carbone et comment construisons-nous des modèles économiques ? Par exemple, en Maine et Loire, La Poste, gros émetteur de gaz à effet de serre avec ses nombreux véhicules de distribution du courrier, paye les agriculteurs du département pour l’entretien des haies de façon durable pour capter le carbone émis par La Poste. Toutefois ces processus sont très complexes à monter et nécessitent un partage d’objectifs des parties concernées.

 

Arnaud Daguin :              

C’est en effet tout le problème ! Sommes-nous d’accord sur les objectifs et faisons-nous en temps réel ce à quoi nous nous sommes engagés. Nous devons tous y travailler, avec la recherche, avec la science et toutes obédiences confondues. Le plus difficile ne sera pas de faire émerger de nouveaux systèmes plus vertueux, ce sera de faire le deuil du vieux monde, celui qui continue à tourner, celui qui continue à faire des emplois, de la chimie, de la mécanique, à nous rendre pétro dépendants, ce sera de démontrer que le nouveau monde sera capable de compenser la perte de l’actuel. C’est compliqué, nous ne pouvons pas jeter le bébé avec l’eau du bain, il faut faire une transition la plus douce possible.

Il faut aussi que nous comprenions qu’il n’y a jamais eu d’âge d’or de l’agriculture. A la suite de l’homo sapiens, nous sommes devenus ce que nous sommes, c’est-à-dire des civilisations de production. Ce n’est pas une révolution mais une involution, nous avons eu à répondre au défi de notre inconscience de la limite de nos ressources et donc de la façon dont nous nous reproduisons. Par rapport aux autres familles homo, par rapport aux grands primates, par rapport aux gros mammifères, nous les humains, nous nous reproduisons selon la stratégie R des petits mammifères, c’est-à-dire dès qu’ils le peuvent, alors que tous les grands mammifères se reproduisent en stratégie K, en faisant un petit, en l’élevant et en refaisant éventuellement un autre. Un orang outan fait un petit tous les sept ans, un éléphant tous les douze ans et nous tous les neuf mois. Il y a 35 000 ans, quand l’homo sapiens arrivait sur un territoire, où que ce soit, mille ans après, il y avait deux effets collatéraux. Le premier, c’est qu’il n’y a plus une seule grosse bestiole. Le second, c’est qu’il n’y avait plus aucun représentant des autres familles homo. A un moment donné nous ne pouvons plus nous permettre d’être simple préleveur, il nous faut produire. C’est-à-dire rester, stocker, donc défendre et c’est le début des civilisations. L’homme est en guerre perpétuelle au vivant et dans son agriculture en accélérant l’érosion des sols.

 

Emmanuelle Ducros :   

Je suis arrivée avec Arnaud Daguin qui m’a dit : « Cela fait 25 000 ans que l’homme fait de l’agriculture bio en fabricant du désert. Le croissant fertile, qu’est-ce que c’est aujourd’hui, comment-est-il aujourd’hui ? Il n’est plus très fertile ! »

 

 

Arnaud Daguin :

Je ne veux pas être trop lourd avec cela, mais cela m’a beaucoup aidé à comprendre notre destiné en tant qu’humain et le défi que nous avons eu il y a 25 000 ans. Nous avons fait une agriculture qui fabrique du désert. Chateaubriand écrivait : « Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent ». Envisager maintenant de faire une agriculture qui travaille avec le vivant, c’est un pas civilisationnel et non pas une petite réforme de l’agriculture. C’est un pivot complet et culturel de notre espèce. Agriculture de conservation, agriculture régénérative, agriculture du vivant. Notre avenir sur terre et la façon dont nous pourrons nous nourrir, même quand nous serons 9 milliards, dépend de notre capacité à transformer l’entièreté de notre agriculture en une agriculture avec le vivant et plus contre lui !

 

Emmanuelle Ducros :   

Christine Lambert, est-ce que le monde agricole a saisi l’enjeu du désert et est-il prêt et en état de l’affronter et de faire cette révolution que l’on peut peut-être appeler la deuxième révolution agricole ?

 

Christine Lambert :

Je ne serai pas aussi lyrique qu’Arnaud Daguin, moi qui en tant qu’homo sapiens ne fait pas un petit tous les neuf mois, mais seulement trois en dix ans. C’est vrai qu’il existe un gap immense entre les premiers hommes, ceux qui ont fait d’abord la culture, la chasse, la cueillette, puis la sédentarisation, puis l’agriculture, qui ont marqué notre histoire avec cette relation, la coévolution des animaux, la domestication, les troupeaux, puis l’élevage, et notre fonctionnement actuel où nous avons la possibilité de quantifier, de calculer, d’utiliser des algorithmes. Nous avons même aujourd’hui la géolocalisation satellitaire. Ce sont de bons outils, mais il nous faut maintenant décompacter certains cerveaux et certains raisonnements, peut-être changer certaines habitudes vis-à-vis de questions que nous ne nous posions pas.

Avec Michel Griffon, grand scientifique, président de l’association Agriculture Ecologiquement Intensive à Angers, avec des adeptes du ver de terre comme Philippe Pastoureau, nous avons essayé de voir comment être agriculteur avec des enjeux économiques, mais avec la vision du temps long, par rapport au sol, par rapport à la biodiversité, par rapport à la qualité de l’eau et par rapport aux conséquences de l’acte de production. Ce n’était pas vrai il y a 50 ans, ni 40 ans. Dans les années 80, nous entendions parler de l’OGAF, Opération Groupée d’Aménagement Foncier, il s’agissait des balbutiements des changements de pratiques des agriculteurs.

Aujourd’hui il y a une accélération. Ici, en Maine et Loire, les sols ne sont pas appauvris comme parfois ailleurs car la polyculture et l’élevage sont dominants. Toutefois certains sols argileux sont appauvris. Donc la prise de conscience est là, nous avons les outils, de plus en plus d’agriculteurs en sont conscients et participent maintenant en grand nombre aux conférences de formation.

 

Emmanuelle Ducros :

Je vais sonner un temps mort technique. A propos de l’agriculture de conservation des sols, il va falloir un petit point car je crois que nous avons perdu une partie de la salle. Qu’est-ce que l’agriculture de conservation des sols ? Quelles sont ses vertus et pourquoi cela répond à votre question de non fabrication du désert ?

 

Arnaud Daguin :              

Je demande pardon aux férus d’agronomie pour ce que je vais dire maintenant. L’agriculture de conservation des sols, c’est d’abord l’agriculture qui ne les détruit pas. En gros, c’est une agriculture qui tient à garder la cohérence de ce complexe argilo-humique, cet espace, cet horizon sur lequel nous nous nourrissons. C’est une agriculture qui évite le plus possible le travail du sol, le labour profond notamment, et qui se sert de la biodiversité comme moteur de la fertilité, et donc des vers de terre comme laboureurs. L’agriculture de conservation des sols stocke de la matière organique dans les sols. Cela veut dire que la biomasse qui est créée dans cette agriculture-là a grosso modo trois usages : premièrement une partie de cette biomasse sert à nous nous nourrir et à nourrir nos animaux, deuxièmement une autre partie sert à nourrir le sol, paradoxalement c’est la plante qui fait le sol et non le sol qui fait la plante, une troisième partie peut produire des biomatériaux et de l’énergie. Ça veut dire que cette agriculture a compris son rôle de nous nourrir et de régénérer les sols.

 

Christine Lambert :

En France, cela représente 5% des sols mais de plus en plus d’agriculteurs s’y intéressent et le font partiellement dans leurs exploitations, sachant que tous les sols ne s’y prêtent pas.

 

Arnaud Daguin :              

Cela concerne tous les agriculteurs, quelles que soient leurs productions, bio ou conventionnelles, leurs tailles, leurs opinions. Le point commun est la durée, la durée de notre espèce, c’est la capitalisation sur la fertilité.

Emmanuelle Ducros :

Techniquement cela veut dire que nous ne laissons jamais le sol tout nu, il est habillé en permanence d’un végétal.

 

Arnaud Daguin :

La photo synthèse est là en permanence, le soleil tape pour produire ou pour stériliser. Quand le sol est nu, le soleil stérilise. Quand le sol est couvert d’un végétal, le soleil fait pousser. Et cette énergie est gratuite.

 

Christine Lambert :

Il est vrai que cette question est souvent présentée comme l’alpha et l’oméga, le bien et le mal. Ne tombons pas dans la facilité. Prenons l’exemple de l’Yonne ou la Côte d’Or où les sols sont extrêmement caillouteux, l’élevage a été arrêté depuis longtemps et il y a un appauvrissement des sols. La reconstruction de la matière organique ne se fera que par l’apport de biomasse, les déjections animales ne suffiront pas. Michel Griffon disait : « Nous n’utilisons que 60% de la capacité photosynthétique du soleil ». Le soleil se lève tous les jours, mais nous laissons 40% des terres nues ou sans production. Cela dit, il est maintenant interdit d’avoir des sols non couverts en hiver pour lutter contre l’érosion mais surtout pour pomper l’azote contenu dans les nitrates du sol et éviter que les nitrates non consommés dérivent vers les nappes phréatiques. En cas d’excédents structurels, l’agriculteur se trouve taxé, le foncier et les coûts de gestion sont augmentés, la compétitivité est dégradée.

Ces cultures – pièges à nitrate, appelée aussi cultures de fertilisation, malgré leur coût de 20€ par hectare, apportent des avantages tels que la structure du sol, l’azote captée, les apports aux cultures suivantes. C’étaient les balbutiements de ce que vous appelez « L’agriculture du vivant », aussi appelée « L’agriculture régénératrice ». De plus en plus d’agriculteurs sont convaincus que c’est une évolution incontournable. La question est le temps de transition et l’accompagnement en intelligence, en formation.

 

Arnaud Daguin :

C’est pour cette raison que le soutien des groupes industriels, en aval, comme Danone, Accor, Flunch, Système U, est absolument nécessaire. Des gens intéressés par ces valeurs, qui ont compris l’importance du temps long et la nécessité d’attendre quelques années pour valoriser les produits issus de ces pratiques.

 

Christine Lambert :

C’est effectivement quelque chose que nous faisons de plus en plus avec ces entreprises qui sont en fait nos acheteurs, nos clients, qui nous accompagnent dans la mutation.

 

Arnaud Daguin :              

En fait il n’y a pas de cahier des charges, il y a des objectifs et des cahiers de propositions. J’ajoute que parmi tous ceux qui sont entrés dans ces pratiques-là, aucun n’est revenu en arrière, parce que les coûts de production finissent par baisser très sensiblement suite à une consommation de plus en plus faible d’intrants et de produits pétroliers. Quant aux rendements, après une baisse sensible au début, ils remontent petit à petit et reviennent aux niveaux d’origine, voire plus selon les territoires. Les effets induits sont très importants, aucun agriculteur ne fait marche arrière, mais ce qui leur manque, c’est la signalétique de leurs produits actuellement mélangés aux autres. Il faut donc structurer des filières pour valoriser les produits « du vivant ».

Nous nous sommes donné une tâche agronomique, vis-à-vis de la structuration économique des filières, et une tâche, qui m’est dévolue, de culturation générale du plus grand nombre pour sortir du bourbier dans lequel nous sommes.

 

Emmanuelle Ducros :   

Je vous entends et c’est très convaincant pour un monde agricole qui a beaucoup souffert ces dernières années. Christine Lambert, qu’est-ce qui freine encore pour que cette bascule de fasse. Est-ce que les raisons sont financières, sociologiques ou touchent la valorisation des produits ? Y-a-t-il de l’envie et de la peur ?

 

Christine Lambert :

C’est variable. Les conditions économiques sont mauvaises pour certains. Des gens s’accrochent, d’autres décrochent. Je parle donc de différentes catégories de populations. Certaines transitions coûtent, certaines demandent des investissements et des formations. J’espère que la conjoncture va se stabiliser et que les états généraux de l’alimentation apporteront quelques centimes aux agriculteurs. L’agriculture est capable de produire de l’alimentation mais aussi de l’énergie que nous pourrons vendre.

Les agriculteurs s’y intéressent plus que jamais et je peux attester que c’est en train de changer. Et de plus en plus de journalistes en parlent de façon éclairée. Nous irons d’autant plus vite qu’il y aura une rentabilité au bout, le niveau de revenus des agriculteurs fait qu’ils ne peuvent pas prendre de risques inconsidérés. Il faut être solide pour faire face à la baisse de production durant les premières années, l’aide financière des grands de l’industrie s’avère alors indispensable.

La personne qui inspire confiance aujourd’hui est l’agriculteur, à hauteur de 79%. L’industrie 34%. La distribution 10%. La politique 5%. Les journalistes 2%. Le capital confiance et la garantie se trouvent du côté de l’agriculteur, mais l’empreinte carbone est à 60% dans la ferme. L’industrie a réduit son empreinte, et nous, nous avons à progresser. De plus, nous sommes responsables de l’émission de gaz à effet de serre, à hauteur de 18%. Nous sommes en quelque sorte victimes parce que notre usine n’a pas de toit, nous prenons les inondations, la sécheresse, la canicule et tout cela dans la même année, cela fait mal à la terre certes mais aussi au compte d’exploitation.

Problèmes et solutions. Qui capte le carbone ? Nos prairies, nos champs de maïs, nos forêts captent des tonnes et des tonnes de carbone. Jusqu’à maintenant nous l’avons fait gratuitement, maintenant nous allons le faire payer. Qui produit de la biomasse ? Quand nous la donnons pour isoler des maisons, faire de la chimie verte, des shampoings, de la lessive, c’est gratuit ! Je souhaite que ce soit maintenant comptabilisé à l’actif de l’agriculture. Le Comité d’Economie Verte étudie la traduction en solution fiscale.

Nous ne voulons plus d’annonces toutes faites décrétant moins tant de % de phyto en 5 ans. Comment ? On ne sait pas ! Et sans moyens. Nous voulons travailler ensemble, scientifiques, économistes, fiscalistes, écologistes, agriculteurs, industriels…, avancer à petits pas mais concrets et continuer à progresser comme actuellement.

 

Arnaud Daguin :              

Il ne faut pas oublier que c’est l’INRA qui a fait que nous en sommes là aujourd’hui. Je constate aujourd’hui que la plupart des progrès viennent des producteurs eux-mêmes, qui essayent d’avancer sur ces sujets-là. Ils sont porteurs de solutions qui demandent à être corroborées par l’INRA pour être consolidées. C’est pour moi une grosse surprise de constater que les solutions viennent de la terre et de ceux qui la travaillent. La dynamique est très forte. Ils expérimentent, travaillent en réseau, partagent les résultats et les solutions validées, comme Linux dans le monde de l’informatique, n’appartenant à personne, résultat de l’économie collaborative, riche d’une amélioration continue depuis 20 à 30 ans, utilisée par toutes les sociétés du digital et accessible à tout le monde, en open source. Nous avons besoin d’un Linux de l’agronomie, nous avons besoin d’une base de données accessible à tout le monde pour faire avancer l’agriculture mondiale à la bonne vitesse.

 

Emmanuelle Ducros :

Quand nous avons préparé cette table ronde, vous nous avez dit que vous aviez découvert que les financements de cette transition existent et qu’ils sont importants.

 

Arnaud Daguin :

Nous savons que le problème, ce n’est pas l’absence d’argent, mais il s’agit de le mettre là où il faut. Nous sommes sollicités par des fonds qui ont la prétention de financer la transition agro écologique. Tant mieux, j’attends de voir comment ils vont passer à l’acte.

 

Emmanuelle Ducros :   

L’échelle de temps et l’impression de décalage de la société et du temps agricole. Comment parvenir à résoudre cette équation du temps qui finalement ne satisfait personne ?

 

Christine Lambert :

Tous les jours, l’actualité nous montre qu’il y a un vrai décalage entre le temps politique et le temps scientifique. Le tout tout de suite caractérise notre société. Je le vois, je le veux. J’ai peur, je ne le veux plus.

Quand on se lance dans la conservation des sols, il faut du temps. Allonger les rotations des cultures demande plusieurs années pour en voir les bienfaits. Pour l’opinion des gens, pour l’opinion des observateurs et des politiciens, cela ne va jamais assez vite. Psychologiquement, c’est très dur à supporter par les agriculteurs.

Un exemple avec le glyphosate que l’Europe a réhomologué pour cinq ans. Notre président a dit, le soir même : « Moi je le ferai en deux ans », tandis que l’INRA rappelle qu’il y a cinq impasses que nous ne résoudrons pas : 1- L’agriculture de conservation des sols a besoin du glyphosate car elle ne peut pas retourner la terre pour désherber ;  2- Des vignes et des vergers doivent être traités à dos d’homme sur des terrains inaccessibles aux petits tracteurs ; 3- Les noix et les noisettes ont besoin d’un sol parfaitement lisse pour la récolte ; 4- Les légumes d’industrie demandent d’éviter la présence de mauvaises herbes dans les boites de conserve ou dans les surgelés ; 5- Les semences doivent être pures. Donc acceptons que pour au moins ces cinq sujets, nous bénéficions d’adaptations.

 

Arnaud Daguin :

Nous pourrions considérer que ce ne sont pas des impasses mais des pistes de réflexion prioritaires à financer, où la R&D s’avère absolument nécessaire. Le fait d’interdire d’abord, avant d’obtenir des résultats, est vraiment contre-productif. De fait, si le glyphosate est interdit, Monsanto sortira une nouvelle molécule, parfaite mais plus chère car il faut bien payer les recherches et le progrès, et cela sans savoir si cette molécule n’est pas elle aussi cancérigène. Ce n’est pas la bonne façon.

La bonne façon est de s’imaginer dans une trajectoire de progrès en maitrisant de mieux en mieux les coûts verts, les récoltes.

 

Christine Lambert :

Extrapolons à d’autres domaines. Pour la voiture et la fin du moteur thermique, Nicolas Hulot a fixé un horizon 2040, tandis que pour le phyto, cela doit être fait demain. Ce n’est pas possible. Il faut améliorer les connaissances et les pratiques, mais il faut s’attendre à ce que parfois, le remède soit pire que le mal.

 

Arnaud Daguin :

En tout cas, il faudra se passer de la chimie du pétrole. Ce point n’est pas négociable !

 

Christine Lambert :

Certains mots employés peuvent être bloquants. « Pour un monde Zéro déchet » selon Brune Poirson, secrétaire d’état à l’écologie. Franchement pouvez-vous avoir chez vous zéro déchet ? Dire « zéro pesticide », c’est tromper les gens ! « Moins de chimie », oui. « Zéro chimie », non.

 

Arnaud Daguin :

Il y a déjà des secteurs de grandes cultures qui peuvent se passer de chimie. C’est un signe que cela est possible. C’est souhaitable à terme mais en faire une obligation est une erreur. Les seules obligations à conserver sont les objectifs que nous voulons atteindre.

Emmanuelle Ducros :   

Ce que vous dites l’un et l’autre, c’est ce que le public, les consommateurs comprennent. Que savent-ils réellement de la manière dont nous produisons leur nourriture et comment pouvons-nous les ramener dans la boucle pour qu’ils comprennent que les pensées magiques ne marchent pas sur le terrain ?

 

Arnaud Daguin :              

Il est important de reconnecter tout le monde avec le vivant, de se réconcilier alors qu’il est si facile de se quereller. Nous sommes tous dans la même santé unique, celle de nos plantes, celle de nos territoires. Nous sommes tous dans le même bateau.

 

Christine Lambert :

Qu’est-ce que les Français connaissent de l’agriculture ? Beaucoup admettent en connaitre très peu. Ici nous sommes dans les Mauges, dans un milieu rural, les gens qui ne sont pas agriculteurs voient des vaches dans les prés, des tracteurs qui labourent, etc. Mais le degré de leurs connaissances est très faible et nous sommes extrêmement désireux de leur faire connaître notre métier. Il faut que ce soit les agriculteurs qui en parlent car la parole de l’agriculteur est sincère et crédible. Les agriculteurs s’emparent des réseaux sociaux pour expliquer leur vie, leurs animaux, etc. Il n’y a pas de filtre. Trop souvent ils sont blessés, car ce sont les choses exceptionnelles qui sont montrées, en hyper positif comme en hyper négatif. Le salon de l’agriculture approchant, nous voyons au journal télévisé des agriculteurs heureux d’expliquer leur métier. Jamais ils n’ont eu autant envie d’expliquer car ce qui marque les Français, ce sont des images trash volées dans les élevages ou dans les abattoirs et qui conduisent certaines personnes à ne plus vouloir consommer de viandes. Certaines associations ont pour but d’arrêter l’élevage. Dans cet objectif, elles montrent ce qui ne va pas. A nous d’améliorer nos méthodes, nos installations, d’investir pour garantir le bien-être animal.

La moyenne d’un élevage laitier, en France, est de 62 bêtes avec 1,7 personne pour s’en occuper. Nous sommes loin des installations de 3000, 6000 vaches comme en Pologne ou en Argentine qui nous envoient leur viande. Je regrette que l’agriculture française soit ainsi stigmatisée, cela peut décourager des jeunes à s’installer. Petit à petit, nous perdrons l’agriculture à la française et sommes obligés d’importer des nourritures qui ne correspondent pas à nos habitudes et à nos souhaits de qualité. Nous ne voulons pas importer la nourriture que nous ne voulons pas manger. Faisons l’agriculture qui correspond aux besoins et attentes des Français !

Arnaud Daguin :              

Voilà une clé, mais rassurez-vous il y a de plus en plus de jeunes gens qui entendent que paysan est vrai métier d’avenir, que nous manquons d’agriculteurs. Nous avons perdu l’humain, 80% de la population rurale en 100 ans, nous avons perdu l’humus car nous avons perdu un taux important de matière organique, et nous avons perdu l’humilité car nous pourrions être attentifs au bilan et l’analyser objectivement avant de faire plus et mieux que la nature.

 

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Les questions de l’assistance :

 

Je suis Daniel Michaud, président de l’OGEC de Saint Laurent sur Sèvre. Je surpris que vous ne parliez pas de l’avenir de nos jeunes. Notre mission est d’éduquer et pour éviter des réflexions telle que « je ne veux plus manger de viande ni de poisson carré », nous devons essayer de développer la sensibilité de nos jeunes. Ma question à Mme Lambert est la suivante : quelles actions menez-vous auprès du ministre de l’enseignement pour sensibiliser nos jeunes ?

 

Christine Lambert :

C’est essentiel car nous voyons que les enfants ne connaissent pas les légumes. Cette connaissance devrait déjà être apportée au sein de la famille, mais tous les enfants n’ont pas la chance d’avoir des parents qui le font. L’éducation nationale a également un rôle à jouer et parce que les enfants sont très curieux, la FNSEA organise depuis 25 ans, une action appelée « Ferme ouverte », qui s’adresse aux enfants du CM1, en accueillant en mai les classes dans des fermes. En cours d’année, les cours de biologie sont préparés avec notre collaboration : l’alimentation, les cultures, la production de lait, la reproduction… Les questions des enfants sont passionnantes, les enseignants se prennent au jeu et nous touchons 10 000 enfants par an. Nous les recevons également au salon de l’agriculture. Tout cela pour combler le déficit de communication du passé. Nous intervenons auprès du ministère de l’éducation pour contrer les infos et plaquettes vantant la maltraitance animale et la non consommation de viande.

L’école est un lieu de transmission de savoirs, montrons une alimentation équilibrée, capitale pour la santé. Nous avons des supports de communication, nous avons envie de transmettre, les agriculteurs sont accueillants, mais il faut aussi que les enseignants se tournent vers nous.

 

Arnaud Daguin :              

Nous avons un outil formidable pour acculturer nos jeunes qui s’appelle « La cantine ». La restauration rapide traite une énorme partie de notre alimentation. Nous essayons de faire le plus de lobbying possible, notamment au niveau départemental et municipal. Par exemple au Pays Basque, j’ai participé à la conception d’une cantine alternative où des gamins, par petits groupes, étaient invités à faire la cuisine. Ainsi ils voyaient les produits et leurs transformations.

Compte de la mosaïque des intervenants déconnectés les uns des autres dans les cantines et de la grande difficulté à leur donner une orientation par en haut, les parents d’élèves doivent être capables de porter ces sujets-là.

 

Christine Lambert :

La cantine est un domaine qu’il faut faire évoluer. Faire cuire 1000 cuisses de poulet le même jour pose le problème de ce que nous faisons du reste de l’animal.

 

Arnaud Daguin :

Quand une directive nationale impose un grammage de protéine animale par tranche d’âge et que nous ne pouvons même pas dire d’en servir moins pour en servir mieux. Cela pose problème.

 

Christine Lambert :

Concrètement, avec les chambres d’agriculture qui conduisent les plans alimentaires territoriaux consistant à favoriser la production locale, nous travaillons avec les cuisiniers et les acheteurs des établissements pour leur proposer des produits adaptés à leurs besoins. Ce n’est pas toujours facile mais j’ai l’exemple d’un collègue à Rouen qui fournit des poulets de la bonne taille pour que, une fois coupés en six, les parts soient toutes égales pour les enfants. Il y a donc une connexion des acteurs de la chaîne alimentaire, cela prend du temps mais donne une réelle satisfaction.

 

Je suis arboriculteur bio. Depuis 2011, je n’utilise plus de glyphosate. Le désherbage de mes pommiers ne me coûte pas plus cher qu’avant et, au moins, c’est sain. Au début de votre intervention, vous avez dit que le sol devait être couvert et, à la fin de votre intervention, vous dites qu’il faut absolument désherber les pommiers pour que le sol soit propre…

 

Christine Lambert :

J’ai parlé des noix et les noisettes, ce n’est pas pareil.

… les pommes aiment la chaleur aussi et si je garde un sol nu, cela n’est pas possible. Est-ce que nous avons encore besoin de glyphosate ?

 

Arnaud Daguin :             

Vous, apparemment non et c’est très bien.

 

… certes aujourd’hui, je fais peut-être un peu moins de pommes mais j’ai tout valorisé cette année. Cette année il n’est pas resté une pomme dans le verger. Quand je vois mes collègues qui sont en conventionnel qui laissent 15 à 30% de leur récolte parce que cela se valorise 15 centimes et le coût de la cueillette est à 20 centimes par kg. Produire pour laisser sur place, mettre des intrants, ça sert à quoi ?

 

Christine Lambert :

Chaque fois que nous pouvons nous passer de produit phyto, il faut s’en passer. Ceci dit quand je regarde le prix des pommes bio, tout le monde ne peux pas les acheter. Il faut des pommes bio et des pommes non bio, il faut une liberté de choix.

 

Arnaud Daguin :              

Il y a plein d’endroits où les choses sont bien faites, où les cantines sont même à 100% bio, et où le prix du repas n’a pas augmenté. C’est réalisable dans certaines conditions, dans certaines filières, par exemple en ne jetant plus rien, nous économisons 30%. Je souhaite que votre exemple puisse se généraliser à toutes les filières possibles. Pomme Evasion a des résultats incroyables en travaillant sur la vie du sol. L’arboriculture a des pistes prometteuses. Sur les noix et noisettes, c’est moins simple, il faut trouver des solutions. Sur les grandes cultures, les rotations ne suffisent pas, peut-être faut-il faire un peu d’agro foresterie et introduire des arbres en alignement, ce qui va demander des années, mais le résultat sera là à un moment donné. Ce sont des bouquets de propositions qui nous permettront d’obtenir des résultats car nous voulons nous passer de la chimie agricole et peut-être aussi du travail du sol pour avoir de la fertilité et non de la fertilisation. Nous ne voulons plus de génie mécanique mais du génie végétal. Nous ne voulons plus de productivisme mais de la productivité vraie.

Comment ferons-nous pour nourrir l’humanité en 2030 ? Je pense que nous pourrons nourrir l’humanité en bio dès 2030, que nous n’aurons pas le choix et qu’il va falloir aller beaucoup plus vite que le consensus mou auquel nous avons assisté ce soir. Pourquoi nous n’aurons pas le choix ? Parce que la cour des comptes a sorti un rapport en février 2016 qui indique que le coût de la dépollution de l’eau en France est de 154 milliards / an payés par le consommateur. La pollution de l’eau est essentiellement due aux engrais minéraux de la culture intensive, les pesticides et, un petit peu, les résidus de médicaments, de plus en plus nombreux. Ramenés aux 24 milliards d’hectares et si on appliquait le principe pollueur-payeur, non appliqué en France, on arrive à 4000 € / hectare traité.  La décision est alors facile à prendre, je suis maintenant bio, j’ai 120 vaches laitières et 6 emplois, j’ai une activité de vente directe et je vis très bien, félicité par mes clients. Je déplore que vous n’incitiez pas les autres agriculteurs à en faire autant. Quant à la biodiversité, à l’érosion de 70% des insectes et de 30% des oiseaux, l’usage des pesticides en est bien le responsable. Moi, j’ai remis en question le traitement des mouches en 1988 quand un agriculteur québécois est venu m’expliquer qu’en traitant les mouches, je tuais les hirondelles. Depuis 30 ans, il n’y a eu aucune évolution.

Depuis que je suis en bio, j’ai un très bon excédent brut d’exploitation, j’ai un très bon revenu agricole et un meilleur bénéfice agricole. Il y a deux ans, j’ai fait 135 000 € de bénéfice agricole, contrairement à tout ce que nous pouvons entendre. Depuis que je n’utilise plus d’engrais minéraux, je ne rends plus mes plantes malades, donc j’ai de très bons rendements en céréales, je ne rends plus malades mes animaux qui mangent mes plantes. Mon vétérinaire qui rayonne sur environ 1 000 fermes est venu me voir en 2017 pour me demander pourquoi j’avais changé de vétérinaire !

Je déplore que nous n’allions pas plus vite. Vous parliez de l’INRA qui ne fait plus de recherche fondamentale, l’INRA ne fait plus que de la recherche financée par l’industrie !

 

Arnaud Daguin :             

Vous ne m’apprenez rien, je connais les vertus de l’agriculture biologique et je connais aussi ses limites. C’est bien d’être en circuit court. Mais à Paris, j’ai 250 000 écoliers à nourrir et pour cela j’ai aussi besoin du circuit long, d’un certain rendement. Et même si aujourd’hui il serait souhaitable de le faire, ce n’est pas possible à tous les échelons. Vous le faites très bien et vous n’êtes pas le seul, mais nous ne pouvons pas projeter votre conversion à l’ensemble du monde agricole, aujourd’hui et tout de suite. Le prétendre est tout aussi malhonnête que de dire qu’il n’y a que le conventionnel qui peut marcher. Vous représentez la culture bio et c’est bien, continuez.

 

Je vais demander au CERA de me rembourser mes 15€ car je suis déçu par rapport au thème « Nourrir l’humanité ». Depuis quelques années, je passe chaque année un mois en Côte d’Ivoire dans un petit village à 450 km au nord d’Abidjan. Je constate que les paysans Ivoiriens sont d’abord soucieux de savoir s’il y aura suffisamment de riz pour se nourrir d’abord. Par contre dans la mégalopole où se regroupe 1/3 de la population de Côte d’Ivoire sont consommés des riz du Vietnam et de Thaïlande à des prix très inférieurs, des poulets congelés à bas prix du Brésil ou de Hollande. Voilà la situation. La maîtrise de l’eau est également problématique. Quant au stockage du carbone, je pense qu’il faut de plus en plus de surfaces vertes.

 

Emmanuelle Ducros :

Ne sommes-nous pas arrivés à des échanges complètement fous ?

 

Christine Lambert :

Arnaud Daguin a beaucoup parlé de sols vivants. Nous, nous avons des sols de riches, un climat plutôt tempéré. Dans les pays où les tensions démographiques sont les plus fortes, les conditions sont bien moins favorables. La Chine avec 7% des sols doit nourrir 22% de la population. La Chine investit en Afrique, elle cherche des sols. Il faut développer la production agricole partout dans le monde. Il y aura toujours des échanges commerciaux mais il faut développer l’agriculture, aussi pour fixer les populations. Un pauvre à la campagne vivra toujours mieux qu’un pauvre dans un bidonville. Les déplacements géographiques liés à la faim, aux accidents climatiques font bien plus de dégâts que les aléas démocratiques dans ces pays-là. La question de la sécurité alimentaire mondiale est posée plus que jamais. Certains pays soutiennent leur agriculture parce qu’ils en ont les moyens, d’autres ne le peuvent pas.

Dans notre organisation, nous avons l’AFDI, Agriculteurs Français et Développement International, pour protéger le foncier, protéger les ressources, gérer l’eau et former les agriculteurs de ces pays pour contribuer à fixer les populations. Moins nous réglons la question du changement climatique et des dégâts causés, plus nous portons préjudices à la stabilité humaine et politique dans ces pays-là.

La FAO dit que les besoins vont augmenter de 70% d’ici 2050. Il faut produire partout, toutefois faute de ressources certains pays resteront acheteurs.

Avec l’accélération des évènements climatiques, par exemple en Australie après une sécheresse historique suivie de pluies catastrophiques, 500 000 ovins ont péri noyés, en Chine sévit la fièvre porcine africaine, avec pour conséquence moins 20% de porcs. Et il y aura des interférences économiques dans d’autres secteurs à l’échelle mondiale.

Les politiques publiques sont nécessaires, les chefs d’état et les jeunes dirigeants Africains ont de plus en plus cette conscience-là, il faut encore les aider dans une approche de partage d’objectifs et de respect de chaque côté de la Méditerranée.

Emmanuelle Ducros :

Arnaud Daguin, comment peut-on articuler le souci qui nait ici en Occident de préserver les sols, l’environnement, la santé des consommateurs et la santé économique des agriculteurs avec cette nécessité de nourrir la planète avec une tension alimentaire permanente ? Est-ce en fait un luxe d’Occidentaux ?

 

Arnaud Daguin :              

Je ne veux pas faire de géopolitique de l’alimentaire, je ne suis pas assez compétent pour le faire bien, mais ce que nous pouvons questionner, ce sont les raisons profondes de ces manques alimentaires dans certains endroits du monde, notamment l’orientation que nous avons donnée à certaines agricultures de ces pays de sud qui n’ont plus de cultures vivrières. L’adoption de modes de vie différents, la métropolisation mais aussi des captations catastrophiques de l’eau et la fabrication de déserts contribuent à ce que des terres agricoles ne soient plus agricoles.

Ce qui me semble relever du bon sens, c’est qu’un territoire devrait être capable d’assurer à minima sa subsistance. Un territoire peut avoir envie de cultiver de la banane ou de la vanille sans pour cela oublier de réfléchir à la production alimentaire. Cette reterritorialisation en France s’avère nécessaire, l’autonomie alimentaire d’une ville est en moyenne de 72 heures. Les stocks sont dans les camions car nous ne savons plus stocker les aliments à la maison. Nous vivons dans l’opulence, tout est à portée de main. Nous vivons avec un vrai problème de sécurité alimentaire et même avec un problème de sécurité nationale. Il faudrait que nos gouvernements commencent à penser à une autre façon de voir l’autonomie alimentaire des territoires, notamment via la production agricole.

 

Je suis étudiant et tous les midis je mange au restaurant universitaire et je n’arrive à comprendre pourquoi sont proposés des repas végétariens que je suis quelque fois obligé de consommer parce qu’il n’y a pas de plat non végétarien.

 

Christine Lambert :

Dans la loi alimentation il est prévu un menu végétarien par semaine et ce qui doit prévaloir est la liberté de choix.

 

Quand je regarde la salle, je ne vois pas beaucoup de jeunes agriculteurs. Pour nourrir l’humanité demain, il nous faut de jeunes agriculteurs aujourd’hui. Les banquiers ne leur prêtent pas d’argent. Nous ne faisons pas assez confiance aux jeunes et nous voyons bien qu’il n’y a pas de réelle politique pour accompagner de jeunes agriculteurs à former les Africains. Qu’en pensez-vous ?

 

Christine Lambert :

Il y a un regain d’installation mais nous manquons effectivement de jeunes agriculteurs. Il y a une installation pour trois départs en France. Ici dans le département, nous avons une installation pour 1,8 départ. 40% des jeunes qui s’installent ne sont pas fils d’agriculteurs.

Par rapport à votre dernière question, des agriculteurs Français accompagnent des agriculteurs Africains. Ils viennent chez nous en stage, puis ils transposent chez eux ce qui peut être reproductible et qui peut s’appliquer.

Le rapport à l’eau en Afrique est un élément clé pour le développement. La rareté de l’eau fait l’objet de nombreuses recherches et projets hydrauliques grands et petits extrêmement importants. De nombreuses associations existent pour accompagner les projets. Il existe un jumelage avec le Burkina Fasso dans notre département du Maine et Loire.

 

Emmanuelle Ducros :

Ne pensez-vous pas que l’exploitation intensive des animaux est une aberration éthique, une aberration pour la sécurité alimentaire ainsi que pour la santé de l’homme, sachant qu’il faut 7kg de protéines végétales pour produire 1kg de protéines animales. Ne serait-ce pas une solution à la faim dans le monde de passer au végétal et une solution pour le stockage du carbone de remplacer les pelouses qui nourrissent les vaches par des forêts qui absorberaient le carbone et créerait de la biodiversité ?

 

Arnaud Daguin :              

Deux petites réflexions : ce sont sur les prairies naturelles que nous stockons le plus de carbone, même par rapport à la forêt, et faire sortir l’animal du projet agricole serait, à mon sens, une erreur. Le fait que nous traitons mal les animaux est vrai et que nous en mangeons trop est également vrai. 130 kg aux Etats-Unis par an et par personne, 89 kg en France, c’est trop. Mais dire que le salut de l’humanité se trouve dans une alimentation purement végétale n’est pas non plus judicieux.

 

Je suis cadre de santé à l’hôpital et je voudrais répondre à monsieur qui a le malheur de manger végétarien qu’il a de la chance. Moi je suis végétalienne et pour manger végétalien, je suis obligée d’apporter ma nourriture. Les enfants ne peuvent pas manger végétalien dans les écoles. C’est à la suite des vidéos de L214 que je suis devenue végétalienne, l’exploitation des animaux est immonde. Par ailleurs l’accès des associations végétaliennes dans les écoles est interdit. Où est l’équité ?

Notre alimentation dépend à 95% de la disponibilité en énergie du pétrole et nous sommes arrivés à la moitié de la cuve à fuel. Ne faudrait-il pas favoriser une meilleure répartition des petites exploitations agricoles qui sont les plus productives au m2 pour assurer une alimentation équitable ?

Je suis éleveur laitier à quelques mois de la retraite. Depuis 15 ans je chemine vers l’agriculture biologique, j’ai installé un de mes fils il y a deux ans et je ne renie pas ce que j’ai fait pendant 30 ans en utilisant le glyphosate !

Le consensus entre vous deux sur les objectifs ne me choque pas, par contre je m’interroge sur le comment, la boussole comme vous dites. Je pense que la boussole agricole a besoin d’un bon réglage, d’une bonne révision. Il faut passer de la politique du combien à celle du comment mais celle qui est pratiquée aujourd’hui est toujours une politique du combien. Les rapports du Sénat en 2017, de la Cour des comptes en 2018, ont pointé du doigt cette politique agricole. Y aura-t-il une réelle volonté d’aménager cette politique à l’hectare ? Regardez le cas du Roundup qui bénéficiait d’un moratoire de 20 ans, qu’avons-nous fait pendant 20 ans ? Le dossier est resté sous la pile !

 

Christine Lambert :

La PAC, la Politique Agricole Commune a été productiviste et je l’assume car il fallait produire beaucoup et à pas cher. A partir de 1992 les aides n’ont plus été proportionnelles au volume sans limite de plafonnement.

La France est un pays de petites exploitations à grande efficacité.

Le pétrole pas cher nous a conduit à faire des erreurs en consommant beaucoup de beaucoup de choses, l’essence, les engrais, les plastiques, le machinisme. Maintenant la ressource s’amenuise.

Les règles de bien-être des animaux existent et doivent être respectées en tenant compte des conditions climatiques et du type d’animal et la France est le pays en Europe qui met le mieux en œuvre les règles du bien-être animal.

 

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel Taudière

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