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L’âge de la connaissance – Principe et réflexions sur la révolution noétique au XXI° siècle

Compte rendu de la Rencontre du CERA du vendredi 4 avril 2008

 

La noétique vient du grec « noûs» qui signifie connaissance, intelligence, esprit. La noosphère est, selon Pierre Teilhard de Chardin, « une couche abstraite faite de connaissances autonomes et reliées entre elles par des réseaux infinis ».

 

Présentation de Marc HALEVY

Polytechnicien, docteur en sciences appliquées, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers, chercheur, élève du prix Nobel Ilya Prigogine, Marc Halévy développe depuis plus de vingt ans des interventions managériales de terrain auprès d’entreprises en situations complexes. Dès le début des années 1990, il se lance dans la prospective (scénarios possibles/souhaitables sur la base de l’analyse de l’actuel). Sa conviction : le monde bascule radicalement d’une économie industrielle (fabrication et échange d’objets matériels) vers une économie de la connaissance (création et prolifération d’idées immatérielles). Il accompagne les dirigeants et les entreprises dans ce grand changement.

Il est l’auteur notamment des « Prêcheurs de l’Apocalypse – Pour en finir avec les délires écologiques et sanitaires » (PLON)

 

Marc HALEVY

La noétique vient du grec « noûs» qui signifie connaissance, intelligence, esprit. La noosphère est, selon Pierre Teilhard de Chardin, « une couche abstraite faite de connaissances autonomes et reliées entre elles par des réseaux infinis ».

 

Pour commencer, qu’est-ce qu’un prospectiviste ?

C’est quelqu’un qui questionne le présent pour envisager l’avenir. Ce qui revient à prévoir des tendances lourdes à partir de signaux faibles. Le proverbe chinois « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse » illustre bien ce dont je voudrais vous parler aujourd’hui.

Aujourd’hui plus que jamais, quel avenir voulons-nous ?

Je développerai mon intervention autour des 4 mots clés suivants :
– Un monde noétique,
– Un monde de frugalité,
– >Un monde complexe,
– Un monde intériorisé.

 

 

1ère dimension : un monde noétique

L’union Européenne à Lisbonne a fait la déclaration suivante « nous sommes entrés dans le monde de l’immatériel », ce qui marque le passage d’une société des objets et de la consommation à une société de la connaissance et de l’information, d’une économie industrielle à une économie immatérielle, d’un pouvoir de l’argent à un pouvoir de connexions et de talents.

Quelques chiffres… En France :
– 73% des personnes qui travaillent le font sur de l’information,
– 80% de la valeur des produits viennent de la matière grise. Les objets ont évolué, et leur valeur ajoutée est de plus en plus immatérielle. L’objet est devenu avant tout le support de l’idée. Sa valeur est majoritairement liée à l’idée mise dans l’objet. Ce qui fait la valeur d’une voiture, ce n’est plus la mécanique mais le design, la sécurité,…
– 60% des nouvelles entreprises se créent dans le métier de l’immatériel. Ce sont des sociétés qui vendent de la communication, de la créativité, des services, du design, c’est là encore un basculement. Ces entreprises n’ont pas besoin de disposer de grosses sommes d’argent mais de personnes compétentes. Nous ne sommes plus par conséquent dans le monde de la finance et de la bourse. Enfin, en théorie car des spéculateurs sont intéressés par ces structures.

 

Vous me direz, qu’est-ce que ça change ?

Eh bien ça change tout !

Un objet matériel, je le possède physiquement, il est à moi. Ce qui induit la PROPRIETE. La loi de l’offre et de la demande fait grimper la valeur de l’objet. Ce qui induit la RARETE.

Admettons que j’aie une idée, si je la garde pour moi, elle vaut 0. Si je la partage, elle m’appartient encore mais elle entre en connexion avec les idées des autres, donc elle s’enrichit.

Cette économie de l’immatériel n’obéit pas du tout aux règles classiques de l’économie. On se sert aujourd’hui tous les jours de Google pour 0€. Linux est le logiciel le plus puissant. Il coûte 0€. Métro est le journal le plus lu. Il coûte 0€.

Une compagnie d’aviation, Virgin Airlines, a pour projet de ne plus faire payer leurs billets aux passagers. Ce sont les sociétés de taxis, les magasins de parfums dans les aéroports, les compagnies de voyage,… qui payeront à leur place.

Autre exemple, une entreprise emploie 15 ingénieurs géniaux qui font du SAMU industriel. Ils interviennent sur des sites en grand danger et sont à ce titre très sollicités. La société n’a pas de murs, ses ordinateurs et voitures sont en leasing. Le patron a un très beau capital humain et gagne beaucoup d’argent. S’il décide de vendre, les ingénieurs pourront démissionner du jour au lendemain. Il ne restera plus rien !

Quand j’avais 6 ou 7 ans, je me trouvais un jour dans un magasin qui appartenait à l’un de mes oncles. Une dame entre, voit une robe rouge qu’elle essaye. Elle demande combien vaut cette robe. Le vendeur lui répond que ça dépendra de la façon dont la femme qui l’achètera la portera et du regard que les autres poseront sur elle lorsqu’elle la mettra. Par contre, dit-il, moi je sais combien je vais la vendre. Cette anecdote permet d’établir une différence entre la VALEUR et le PRIX d’un objet.

Que vaut une entreprise ? Elle vaut le prix que quelqu’un est prêt à y mettre pour l’acquérir. Acheter une entreprise ou une idée, c’est commettre un acte de foi. C’est incroyable à entendre dans le pays de Descartes mais vrai !

Cette économie nouvelle est en train de s’inventer. Aujourd’hui, banquiers et comptables essayent de trouver une solution pour les années à venir car nous passons d’un développement économique par la croissance à un développement économique par l’intelligence. Ce n’est pas la même logique.

 

La notion de connectivité

Transporter 10 milliards d’octets sur la toile sur des millions de kilomètres coûte bien moins cher que transporter quelques personnes par avion.

Aujourd’hui, nous comptons 4 milliards de téléphones portables pour 6 milliards de terriens.

80 milliards de courriels circulent tous les jours sur la toile, dont 73% de spams (les « pourriels » comme disent les canadiens). La toile est en train de devenir une place centrale de l’économie mondiale.

Selon la loi de Moore, créateur de la société Intel, la capacité de notre matériel informatique double tous les 18 mois. La logique de dématérialisation étant de plus en plus importante, nos DVD pourront être 10 millions de fois plus petits dans 10 ans.

L’addiction à la technologie et à la connexion est croissante. Peut-on s’en passer ? Rester déconnecté ? Oui, c’est possible. Nous sommes victimes de la confusion de sens entre urgence et importance. La vraie question à se poser est de savoir ce qui est important. De toute façon, on ne pourra pas tout gérer, alors, posons-nous régulièrement la question de discerner ce qui est important et ce qui ne l’est pas.

Nous passons 60% de notre temps professionnel à faire des choses qui ne sont pas importantes. L’assuétude au virtuel est devenue une véritable maladie. Les adolescents passent 1 heure de moins devant la télé tous les jours depuis 10 ans, mais ils passent 2 heures de plus sur leur ordinateur à tchatcher (autrement dit échanger du vide) et chercher des jeux. Le succès des « second live »,  qui permettent aux utilisateurs de vivre une sorte de « seconde vie » virtuelle en créant des avatars (personnages imaginaires) en témoigne. C’est très amusant mais un nombre croissant de personnes préfèrent cette seconde vie à la leur qui ne leur convient plus. C’est une triste révolution sociologique.

Il existe une distance toujours plus importante entre ce que l’on fait et où on le fait. C’est ce que l’on appelle le nomadisme généralisé. Le client se moque de savoir où se fait le travail du moment qu’il se fait correctement et dans les temps. Il est ainsi possible de travailler dans un bureau, dans le train, au bistrot,…

La télé-activité est appelée à se développer de plus en plus. La chose la plus aberrante est de faire venir 400 étudiants dans un lieu en centre ville au lieu de leur proposer de travailler en e-Learning (enseignement par Internet), en proposant régulièrement des séances de travaux pratiques. Les entreprises sont elles aussi concernées par ce type de fonctionnement.

 

Talents : les faits

On assiste à une pénurie de compétences. Nous connaissons tous le nombre de chômeurs en France.  1 200 000 emplois durablement non pourvus existent (restaurateurs, médecins, soudeurs,…). Ce chiffre pourrait atteindre 4 millions en 2015, Sommes-nous prêts à vivre la polyculture induite par l’arrivée de personnes venues de l’étranger ?

10% d’adultes étaient répertoriés comme illettrés en France en 1985. Ce taux ne cesse d’augmenter. En 2005, il était de 17%.

85% de la population est sous-cultivée ;(en 1968, 2000 mots étaient employés par la moyenne des français, en 2005, 800 mots, aujourd’hui, certains français n’utilisent plus que 300 mots). Or quand on n’a plus les mots à manipuler, on a plus que les poings pour s’exprimer…

L’obsolescence des systèmes éducatifs est inquiétante. Le cerveau gauche est toujours plus mis en valeur et nourri. La première vertu d’un bon étudiant est de restituer ce qu’on lui a appris de la manière la plus « soumise » possible. Or nous avons besoin de « rebelles » qui soient créatifs, innovants. L’idéal est de disposer de « rebelles » ayant un niveau de culture de « soumis »… Nos enfants sont formés pour être des « cerveaux gauche soumis » et non des « cerveaux gauche ET droit ».

 

Talents : les conséquences

Va-t-on avoir la grande rupture sociale ? D’un côté un monde élitaire, une société aristocratique de gens capables de manipuler tous les outils informatifs, et de l’autre des personnes incapables de travailler dans le monde de l’information ?

Si les premiers deviennent de plus en plus rares, ce sont eux qui choisiront l’entreprise pour laquelle ils travailleront et non les employeurs qui choisiront leurs employés. Les entreprises doivent donc séduire. L’argent est un facteur d’hygiène et non de motivation. Donc avec quoi les attirer ? Avec un vrai projet, une vraie passion partagée.

Ce fait me rappelle une petite histoire. Au XIIIème siècle, un chevalier passe devant  trois tailleurs de pierres. A chacun, il demande « que fais-tu ? » Le premier répond « moi, je taille des pierres ». Le second « moi, je bâtis un mur ». Le troisième « moi, je construis des cathédrales ». C’est de celui-ci que tous les patrons rêvent. Mais pour cela, il faut avoir des cathédrales à construire. Le profit est indispensable. C’est le carburant qui permet à l’entreprise de grandir, mais ce n’est pas le cœur d’un projet. Ce n’est pas l’essence que je mets dans ma voiture qui décide de la direction que je vais prendre ! Ce n’est pas nous qui imprimons notre rythme au reste du monde. C’est la dématérialisation des faits qui donne le rythme à tout le monde.

 

2ème dimension : un monde frugal

Des réserves d’énergie, il y en a. Le problème, c’est l’extraction de ces réserves. L’énergie ne sera plus jamais bon marché. Le baril de pétrole se négociera aux alentours de 400$ en 2020. On ne fera plus de délocalisation, on n’importera plus et on n’exportera plus, et l’économie locale va se développer de plus en plus.

Le trafic routier va diminuer. Le moyen de transport le moins onéreux est le fluvial, mais à peu près tous les canaux français sont hors d’état, et il faudrait une quinzaine d’années pour les remettre en état. Nous ne disposons plus de ce temps.

Le biocarburant est un leurre. Il faudra choisir entre circuler et se nourrir. Je préfère me nourrir !

Nous avons vécu au-dessus de nos moyens pendant deux générations. Il va falloir payer le coût écologique qui sera de plus en plus cher et apprendre à consommer de moins en moins de tout. C’est le principe de frugalité.

Le développement de la croissance est peu à peu remplacé par le développement de l’intelligence. Si nous continuons ainsi, nos enfants et petits-enfants vont nous maudire !

Heureusement, il y a des choses qui bougent, et notamment les mentalités. Nous sommes en train d’entrer dans l’ère de la qualité : consommer moins mais consommer mieux. Dans son livre L’art de la simplicité (Robert Laffont), Dominique LOREAU signale parmi de nombreux autres exemples que les femmes ne mettent que 10 à 15% de leur garde-robe. Elle en conclut qu’il est préférable d’acheter peu de vêtements mais de très belle qualité. Ce qui ne coûte pas plus cher.

 

3ème dimension : un monde complexe

 

Construire un avion n’est pas complexe mais compliqué. La mayonnaise, elle, est un mélange complexe parce qu’il s’agit d’une émulsion que l’on ne peut plus démonter une fois réalisée.

Une entreprise mécanique est semblable à une machine que l’on peut démonter et remonter.

Dans une entreprise organique, l’interaction des intelligences crée une émulsion qui en constitue la valeur ajoutée.

L’Etat n’est plus le modèle de demain en raison de son attirance vers l’international qui se heurte au retour fort de l’appartenance au terroir. Nous évoluons vers un monde de mosaïques de petites communautés, avec interférences fortes entre ces unités. Il n’y a plus que du morcelé et du réseau. Nous sommes en train de passer d’une économie de biens à une économie de liens.

Le monde est de plus en plus complexe, et donc de plus en plus incertain. Or l’homme revendique la sécurité et le stress négatif engendre une perte de productivité de 60%… Comment faire ? Apprendre à construire de la certitude intérieure. Qu’est-ce que cela signifie ? Répondre à des questions simples :
– Qui suis-je ?
– Qu’est-ce que je veux faire ?
– Qu’est-ce que je peux faire ?
– Pour quelles raisons vais-je travailler ?

Si je ne suis pas capable de répondre à ces questions, cela signifie que je suis stressé.

 

4ème dimension : un monde intériorisé

Le Salut par la religion puis par l’idéologie, puis par la science, la technologie, puis la croissance, la richesse, a pris fin. Nous pouvons en tirer une conclusion claire : le bonheur des hommes ne vient pas de l’extérieur mais de leur intérieur.

On inverse brutalement tout. On regarde à l’intérieur et l’on s’aperçoit que c’est sacrément vide ! Cette constatation est à rapprocher de l’immense intérêt actuel porté au développement personnel.

 

Un martien débarque sur terre. Il avise un engin garé. Il demande à un ingénieur de lui expliquer de quoi il s’agit. Celui-ci lui répond qu’il s’agit d’une voiture et lui explique sa mécanique. Un sociologue les rejoint et apostrophe l’ingénieur « ce que vous lui dites est complètement déplacé. Une voiture, c’est une solution à un problème de déplacement ».

Ils ont tous les deux raison. On peut répondre aux problèmes avec le pourquoi et le comment, que ce soit concernant des entreprises comme des individus « comment puis-je résoudre ce problème, mais avant tout, pourquoi ai-je ce problème ? »

 

En conclusion, le monde de demain sera mosaïque, vaste réseau complexe de petites entités. J’en veux pour exemple le fait que je travaille régulièrement depuis 10 ans avec 7 prospectivistes que je n’ai jamais rencontrés.

Autre point important, la marginalisation de plus en plus importante de toutes les grosses structures politiques, sociales et économiques qui deviendront de plus en plus obsolètes.

 

Site Internet à consulter pour en savoir plus…
noetique.eu

 

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Extraits des questions-réponses :

Comment faire évoluer les modes d’enseignement ?

Aux propositions des prospectivistes, les politiques répondent :
– Vous nous parlez d’un processus à une ou deux générations. Nous, on veut une vision à environ 5 ans.
– Même si on prenait le problème à bras-le-corps, il s’agirait d’un suicide politique.
– Toute forme de réforme est impossible en raison de la fixité du système actuel.

Maintenant, je vais vous répondre ce que j’en pense.
– L’e-Learning est amené à se développer de plus en plus.
– On assiste à une résurgence du préceptorat pour des petits groupes d’enfants dans quelques pays européens.
– Les institutions sont par définition conservatrices. Donc la solution viendra par d’autres moyens : réseaux, transversalité par petits groupes,… Aujourd’hui, les institutions sont incompétentes pour résoudre nombre de problèmes, il faut nous prendre en main.

 

 Le travail du prospectiviste n’est-il pas aussi d’étudier ce qui ne bougera pas ?

Beaucoup de choses vont évoluer (vêtements, habitats,…)

Les invariants ne sont pas à l’extérieur mais à l’intérieur. Nous devons tenir compte des 3 points suivants pour les évaluer : l’homme est peureux – il recherche le bonheur à tout prix – il ne supporte pas la souffrance.

 

Comment peut-on évoluer vers un monde de frugalité compte-tenu de notre économie libérale ?

Un  constat est évident : ce n’est pas l’argent qui fait le bonheur. Il n’y a pas de corrélation forte entre ces deux éléments. Les pays les plus riches sont ceux qui offrent les plus grandes carences affectives.

Quand on parle de croissance, on parle de PIB (Produit Intérieur Brut) de l’ensemble des pays du monde, or ce chiffre ne représente que 16% de l’économie mondiale ! Les revenus de la mafia représentent 1/3 de l’économie illicite ; le travail au noir, 1/3 ; l’économie prosumériste (ou démonétarisée) 1/3 également. Cette dernière recouvre tout ce qui est échange de savoirs, de services, activités des femmes au foyer, etc.

Quand on parle de la croissance économique, de quoi parle-t-on ? Nous ne devons pas opposer une économie libérale à une économie de type noétique. Une économie ne chasse pas l’autre. Elles se superposent.

 

Vous avez parlé d’une régionalisation croissante. C’est difficile à imaginer !

Pas du tout. C’est en train de se passer. Quand on parle économie, on pense tout de suite économie mondiale. Or les grands groupes sont toujours à la traîne. Ils rachètent les petites sociétés. C’est le réseau mondial de petites entreprises locales qui est intéressant.

« Le  bon marché est toujours quelque chose qui revient cher ». Le prix, c’est du quantitatif. La valeur, c’est du qualitatif et c’est ça qui compte. Je prends l’exemple des magasins Nature et Découvertes . Le prix des articles n’a plus d’importance parce que les clients de ces magasins sont dans le plaisir, le leur et celui des autres. Une expérience a été menée : on a augmenté les prix de 20% dans 3 magasins. Aucun changement n’est apparu dans le chiffre d’affaires.

On a de moins en moins envie de manger du poulet fade tous les jours. On préfère en manger un bon une fois par mois. La dimension qualitative est en forte hausse.

 

Vous avez cité les chiffres de 17% d’illettrés, de 85% de masses sous-cultivées, que va-t-on en faire ?

Nous n’avons pas de réponse et c’est une grave question.

Le déficit de culture est rattrapable pour certains, pas pour d’autres. C’est ainsi.

Il y a l’intelligence cérébrale mais aussi celle des mains, qui fait aussi partie de la dématérialisation de l’intelligence.

 

Aujourd’hui, nous communiquons avec des signaux (téléphones, ordinateurs,…) Nous sommes dans la raréfaction des mots mais pas des signes. Nous devons apprendre à décrypter !

Nous assistons effectivement à la prolifération du nombre de langages (mathématique, musical, pictural,…), langues étrangères et langues techniques. On ne peut pas tout apprendre. Il y a des arbitrages à faire.

 

La pédagogie était autrefois axée sur le système de punitions / récompenses. C’est fini. On ne peut plus gérer les enfants par le comment mais par le pourquoi.

Les écoles scientifiques pleurent car elles n’ont plus d’étudiants. C’est avant tout parce que les études n’ont rien de concret. Utiliser l’analogie, les symboles et métaphores permet de donner envie – les points théoriques peuvent venir plus tard. « On découvre d’abord, on explique plus tard » disait Einstein. Les idées ne viennent pas par le raisonnement mais par l’intuition. Le cerveau droit est aussi important que le cerveau gauche. Les émotions ont autant d’importance que la logique.

 

Etes-vous optimiste ou pessimiste par rapport à l’avenir, et notamment par rapport au poids des institutions ?

Les institutions sont aujourd’hui absolument indispensables mais trop compliquées pour résoudre des questions complexes. On vote et revote des lois pour régler des problèmes d’ordres généraux qui ne recouvrent pas les problèmes individuels. Indispensables mais incapables d’apporter des solutions concrètes, pratiques. « Il faut s’appuyer sur les principes pour les casser » disait Talleyrand…

 

Concernant la recherche dans les pays développés – où en est-on ?

La logique est simple : les sujets ne sont publiables, et donc finançables, que s’ils reçoivent l’aval des hautes instances scientifiques. Il y a de plus en plus de communautés de recherche sur Internet qui font de la recherche comme activité secondaire. Pour autant, ces recherches ne sont que théoriques.

 

Vous nous avez fait rêver en parlant de billets d’avion gratuits. Est-ce un modèle à souhaiter ?

Ces nouveaux regards sur la dématérialisation et la nouvelle économie produisent des alternatives. En France, on a la détestable habitude de dichotomiser les choses. Ce n’est pas un système ou un autre. Ca deviendra une affaire de choix et de goûts. C’est un bien de voir l’explosion de toutes sortes de solutions parallèles, ça fait progresser les choses. On se dirige vers la multiplication des réponses possibles aux problèmes autrefois gérés d’une seule manière. J’en veux pour preuve, Linux et Microsoft fonctionnent très bien en même temps.

 

Qu’en est-il de la santé ?

On reconnaît aujourd’hui les pauvres en ville à leur obésité…

Voici quelques principaux problèmes de santé aujourd’hui : le vieillissement croissant de la population, l’intolérance progressive à toutes sortes de souffrances, la suspicion d’un grand nombre de personnes à l’égard de la médecine classique, le recours à des médecines parallèles. Nous devons réinventer  la notion de santé, « ce dont on s’occupe quand on ne l’a plus ».

Je voudrais pour terminer citer un proverbe chinois « ce n’est pas la maladie qui t’a attaqué, c’est toi qui l’a acceptée ». Nous sortons là des notions communément admises en Europe. Or nous sommes très forts tant qu’il s’agit de recourir à la médecine analytique et mécanique. Nous avons -nous, européens – beaucoup plus de mal lorsqu’il est question de fonctionnement global et systémique.

 

Compte-rendu réalisé par Laurence CRESPEL TAUDIERE
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