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Quelle est la place de l’homme dans l’univers ?

Compte rendu de la 49ème Rencontre du CERA du jeudi 30 juin 2011

Trinh Xuan Thuan nous invite à voyager avec lui aux origines du cosmos et à comprendre quelle est la place de l’Homme dans l’univers et quel est le sens de notre vie ? Sommes-nous seuls, perdus et sans avenir dans l’immensité ? Ou bien avons-nous un destin et un espoir ?

 

Présentation de TRINH XUAN Thuan

Trinh Xuan Thuan est né en 1948 à Hanoï au Vietnam. A 6 ans, il part pour Saigon où il fréquente l’école française « Jean Jacques Rousseau » jusqu’à son bac en 1966. C’est grâce à un riche vocabulaire de français, acquis à cette époque, qu’il a pu écrire des ouvrages sur l’astrophysique, renommés tant en raison de leur exactitude scientifique que de leur caractère poétique. Il passe ensuite une année à Polytechnique Lausanne puis se rend aux Etats-Unis pour y suivre des études d’astrophysique. Depuis 1976, il enseigne cette discipline à l’université de Charlottesville dans l’Etat de Virginie aux Etats-Unis. Il partage son temps entre les Etats-Unis et la France. En tant que professeur invité à l’université de Paris 7, à l’observatoire de Meudon, au service d’astrophysique de Saclay et à l’IAP (Institut d’astrophysique de Paris) du CNRS, il collabore régulièrement avec des scientifiques français.

Spécialiste internationalement reconnu de l’astronomie extragalactique (extérieure à la Voie Lactée) il est l’auteur de plus de 230 articles sur la formation et l’évolution des galaxies, en particulier celle des galaxies naines, et sur la synthèse des éléments légers dans le Big Bang. Ses articles font référence dans le monde entier.

Pour ses recherches astronomiques, il utilise les plus grands télescopes au sol (Kitt Peak, Hawaï, Chili…) et dans l’espace (Hubble, Spitzer…). A la fin de l’année 2004, grâce à des observations faites avec Hubble il a découvert la plus jeune galaxie connue de l’univers.

Parallèlement à son travail de chercheur et de professeur d’université, il mène, par ses livres et ses conférences, une œuvre de diffusion de la connaissance scientifique auprès du grand public. Il est l’auteur de nombreux ouvrages exprimant avec clarté la vision complexe et subtile d’un scientifique sur l’univers et sur la place de l’homme dans le cosmos :
La Mélodie secrète (Fayard, 1988, Folio-Gallimard, 1991), panorama de la cosmologie moderne et de ses implications philosophiques,
Un astrophysicien (Beauchesne-Fayard, 1992, Champs-Flammarion, 1995), autobiographie,
Le Destin de l’Univers – Le Big Bang et après (Découvertes Gallimard, 1992),
Le Chaos et l’Harmonie (Fayard, 1998, Folio-Gallimard, 2000), synthèse dans un langage simple des connaissances scientifiques du XXème siècle et de leur implication philosophique,
L’Infini dans la paume de la main (Nil/Fayard, 2000, Pocket, 2002), dialogue avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard sur les convergences et les divergences de la science et du bouddhisme dans leurs descriptions du réel,
Origines, (Fayard, 2003 / Folio-Gallimard 2005), illustré de magnifiques photos, raconte la grande fresque cosmique depuis le Big Bang jusqu’a l’émergence de la vie et de la conscience,
Les voies de la lumière (Fayard, 2007), explique l’Univers au travers du signal qu’il nous envoie : la lumière.
Le dictionnaire amoureux du ciel et des étoiles, (Plon, 2009), ou comment l’infiniment petit a-t-il accouché de l’infiniment grand ? Comment le soleil et la lune sont apparus ? Comment l’univers tout entier avec ses centaines de milliards de galaxies a-t-il jailli d’un vide microscopique ?…
Le Big Bang et après, (Albin Michel, 2010), coécrit avec Alexandre ADLER et Marc FUMAROLI, reflète une vision complexe et subtile de la vision de l’univers selon Trinh Xuan Thuan, et de la place de l’homme dans le cosmos.

L’invité du CERA de ce jour est un scientifique brillant mais également un véritable poète. Le regard qu’il porte sur le monde est subjugué par l’émerveillement et la passion scientifique. Nous sommes avides de comprendre, d’échanger et d’apprendre de la part de l’auteur de ces mots « Si l’univers est si grand, c’est pour permettre notre présence ».

Merci Trinh Xuan Thuan d’avoir accepté l’invitation du CERA et d’éclairer nos consciences.

 

TRINH XUAN Thuan

La question qui nous occupe aujourd’hui concerne la place de l’homme dans l’univers. La cosmologie moderne a réduit la place de l’homme dans l’univers. Faut-il en être désespéré ? Avons-nous un rôle à jouer dans l’univers ?

L’homme a toujours voulu expliquer l’univers. Il y a environ 10 000 ans, il a émis l’idée que celui-ci découlait des actes et des vies des dieux. C’est le concept de l’univers mythique.

Pour les Egyptiens, le ciel est le corps d’une belle déesse, les étoiles constituent ses bijoux, sa vue de face incarne le jour, son dos symbolise la nuit.

Pour les Indiens, l’univers est né de la danse du Dieu Shiva. La flamme qu’il tient parfois représente la chaleur qui prévalait à l’origine du monde.

En Asie, ce ne sont pas les actions des dieux mais l’interaction des 2 forces polaires du Yin et du Yang qui façonne le monde.

Ces postulats ont eu cours jusqu’au V° siècle av JC. A cette date, quelques hommes, comme Démocrite, Pythagore, Euclide,… se sont penchés sur la nature de l’univers et ont décrété que la raison humaine pouvait expliquer le monde.

A cette époque, on pensait que l’homme était le centre du monde. Le grand astronome Grec Ptolémée était à l’origine du modèle géocentrique. Tout tournait autour de la terre, la lune, le soleil, les planètes,…

Les Grecs se sont rendus compte que cette idée n’était pas juste : le modèle géocentrique était infirmé par le mouvement des planètes. La théorie n’était pas confirmée par l’observation et l’expérience. C’est toujours de cette manière que la science progresse. Lorsqu’il faut modifier sans cesse une théorie, c’est qu’on n’est pas sur la bonne voie. En réalité, la nature est simple, comme la vérité.

Au Moyen Age, l’Eglise joue un rôle extrêmement important à tous points de vue. Au XIII° siècle, St Thomas d’Aquin fait la synthèse de la théorie géocentrique rapportée à Dieu, à la vision céleste et divine.

Au XV° siècle, le moine Copernic avance l’idée que c’est peut-être le soleil et non la terre qui est au centre de l’univers (héliocentrisme). Il a été jugé hérétique pour cette idée, sans pour autant être brûlé vif. En homme prudent, échaudé par les crimes de l’Inquisition, il a livré sa théorie sur son lit de mort ! En 1600, Giordano Bruno est quant à lui brûlé pour avoir osé affirmer qu’il existait d’autres formes de vies ailleurs dans l’univers.

Les germes étaient semés. Un choc psychologique énorme s’était produit : ni l’homme, ni la terre, n’étaient au centre de l’univers !

Galilée avait le premier braqué un télescope vers le ciel en 1609, découvrant ainsi que les planètes présentent des phases qui justifient leur fonctionnement autonome. Ces observations lui permettaient de contrer le modèle copernicien. Il dû réfuter ses déclarations, fût mis à l’index et placé en résidence surveillée. Ce n’est que récemment que Jean-Paul II a présenté les excuses de l’Eglise à Galilée, soit plus de 400 ans après sa mort…

Tycho Brahe et son assistant Kepler ont à leur tour fait progresser la science en déchiffrant le mouvement des planètes. Tycho Brahe est particulièrement connu pour avoir établi un catalogue d’étoiles précis pour son époque, et pour avoir produit un modèle d’univers cherchant à combiner le système géocentrique de Ptolémée et héliocentrique de Copernic. Kepler a développé des théories sur l’astronomie et formulé les trois lois du mouvement des planètes dites « lois de Kepler ».

Le grand Newton, quant à lui, découvrit en se basant sur les lois de Kepler la loi universelle de la gravitation, comment fonctionne la force qui « tient » les planètes. Il fit la synthèse de ses différentes découvertes en optique, en mécanique, en mathématiques, et inventa le réfracteur, ou télescope des lumières.

Les télescopes sont de grandes cuvettes de lumière, lumière que les astronomes recueillent. Il n’est pas possible de mener des expériences de laboratoire dans l’espace mais heureusement, la nature nous a donnés le moyen de déchiffrer le code cosmique par l’observation de la lumière dont la vitesse se situe à 300 000 km /seconde. Pour vous donner une idée des distances ainsi  mesurées :

– 1 minute – lumière = 18 millions km
– 1 heure – lumière = 1,1 milliards km
– 1 année – lumière = 9 460 milliards km
En conséquence, la distance séparant le Soleil et la Terre est de 8 minutes-lumière, la Voie Lactée est un disque de 90 000 années-lumière, le Soleil se trouve à 25 000 années – lumière du centre galactique (centre de rotation de la Voie Lactée), et le Soleil à 4 années – lumière de l’étoile la plus proche.

La lumière qui nous parvient aujourd’hui de l’extrémité de l’univers observable date de la période durant laquelle les premiers hommes apparaissaient en Afrique !

Des télescopes placés dans le monde entier recueillent la lumière cosmique qui nous permet de progresser dans nos connaissances. Le télescope du futur, de 30 mètres de diamètre, nous permettra d’accéder à des informations vieilles de 30 milliards d’années, autrement dit l’époque de la naissance des premières galaxies et étoiles. Le spectre électro magnétique compte les rayons gamma, rayons x, la lumière ultra violette, ces nombreux rayons qui viennent de l’univers, dont nous sommes heureusement protégés par la couche d’ozone.

Certains télescopes sont installés au sol, d’autres gravitent dans l’espace à une distance de 600 km au-dessus de la Terre. Comme Hubble. A cette distance, les atomes ne subissent plus le phénomène de tremblement que nous connaissons bien ici. Les photos rapportées sont de ce fait d’une qualité extraordinaire.

En 2015, les navettes seront toutes à la retraite. Leur successeur sera un immense télescope, en mesure de remonter le temps de 13 milliards d’années. En voici une représentation.

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Partons maintenant à la découverte de l’univers, du cosmos. Mercure, dont la surface est marquée par de nombreux impacts, contrairement à la Terre protégée par la couche d’ozone. Vénus, à l’atmosphère très chaude (450°), qui connaît un énorme effet de serre, invivable avec 96% de CO2. Mars, qui présente sur les clichés rapportés des lits de fleuves desséchés. Ce qui conduit les scientifiques à penser qu’il y avait de l’eau sur cette planète il y a environ 4 milliards d’années, et donc éventuellement de la vie sous forme microbienne. On ne sait pas comment la vie a surgi sur Terre. La comparaison avec Mars pourrait peut-être nous aider à comprendre nos origines. Il est possible que nous soyons issus d’astéroïdes provenant de Mars, tombés sur la Terre il y a des milliards d’années. Pour autant, je pense que nous sommes la seule forme de vie intelligente dans l’univers. Après Mars vient Saturne et ses anneaux. Puis Pluton, qui aujourd’hui n’est plus considéré comme une planète mais comme une météorite. La Terre, qui n’est pas le centre du monde… On s’est d’ailleurs posé la question de savoir si notre astre, le soleil, constituait ce centre. Depuis la fin du XIX° siècle, nous savons que nous vivons dans la Voie Lactée, dont nous ne sommes pas le centre. Le soleil nous entraîne dans l’espace interstellaire de la Voie Lactée. Au XX° siècle, des télescopes de plus en plus grands découvrent des objets de plus en plus petits.

 

Edwin HUBBLE (1889 – 1953), qui a donné son nom au télescope spatial, calcula la distance qui séparait la Voie Lactée de la galaxie d’Andromède : 2,3 millions d’années-lumière. Il démontra à la suite qu’il existe d’autres systèmes intergalactiques. Ce qui confirme que le Voie Lactée est loin d’être le centre du monde.

On découvre de plus en plus de systèmes, de galaxies, d’objets de toute beauté. Il existe plus de 100 milliards de galaxies dans l’espace. Où que l’on porte son télescope, on en voit ! Des galaxies spirales, elliptiques, sphériques,…

 

Nous allons parler maintenant de l’architecture de l’univers. L’organisation des galaxies constituées de centaines de millions d’étoiles est soumise aux lois de la gravité. La structure de l’univers n’est pas aléatoire. L’espace s’est beaucoup agrandi au cours des découvertes scientifiques. La Terre n’est qu’un petit grain de poussière… En témoigne le voyage dans l’espace que je vous propose d’effectuer :

– Voie Lactée à Andromède : 2 millions d’années-lumière
– Groupe de galaxies : diamètre = 6 millions d’années – lumière
– Amas de galaxies : diamètre = 30 millions d’années – lumière
– Superamas de galaxies : diamètre = 150 millions d’années – lumière
– Galaxies et quasars les plus lointains observés : 12 milliards d’années – lumière
– Univers observable : lumière partie il y a 13,7 milliards d’années

 

Avec nos télescopes, nous ne pouvons avancer qu’à 1/10 000ème de la vitesse de la lumière. Ce qui est peu au regard des distances évoquées. Pour autant, on a découvert avec Hubble que la Terre était probablement née il y a 13 milliards d’années. On s’est également aperçus que toutes les galaxies s’éloignent de la Terre. La majorité d’entre elles rougit, ce qui signifie qu’elles s’éloignent de nous. Les galaxies de couleur bleue sont les plus récentes, on les observe en moindre quantité que celles de couleur rouge. Toutes les galaxies se trouvaient au même endroit au même moment. Puis il y a eu l’explosion du Big Bang. Depuis, l’univers se dilue plus en plus. A mesure que le temps passe, l’univers se refroidit, ce qui lui permet de construire des structures toujours plus complexes.

 

Unifier la relativité avec la mécanique quantique permettrait peut-être d’expliquer certains phénomènes. Au départ, le vide quantique de l’univers est un vide plein d’énergie à l’origine de toute la matière. Il y a peu d’antimatière dans l’univers actuel. 75% de la masse de l’univers est constitué d’hydrogène, 25% d’hélium.

L’univers était dans ses « débuts » dans un tel état d’expansion qu’il ne pouvait plus fabriquer de matière. Tout baignait dans un épais brouillard. La lumière ne pouvait pas se propager. Les télescopes ne peuvent donc pas percer cette « soupe ».

 

En 1965, deux astronomes américains, Arno Penzias et Robert Wilson, ont découvert par hasard le rayonnement fossile, autrement dit la chaleur de la création qui persiste depuis les origines de l’univers. Ils ont fait cette découverte en menant des recherches pour le compte de l’entreprise de téléphonie qui les employait.

La théorie du Big Bang trouvait de la sorte des bases solides. De nombreux scientifiques pensent que cette théorie est actuellement la plus pertinente pour expliquer la naissance de l’univers. Toutefois, comme 96% de l’univers est de nature encore inconnue, la science a encore du pain sur la planche ! Le schéma ci-dessous montre la répartition évaluée à ce jour de la matière.

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Nous avons voyagé dans l’espace il y a quelques instants, je vous propose maintenant de me suivre maintenant dans un voyage à travers le temps.

Si l’on évaluait le temps de la vie de l’univers à l’aune d’une année civile, on constaterait le calendrier suivant :

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Je m’arrête un instant sur l’énigme qui a plané longtemps relative à l’extinction des dinosaures, située la 28 décembre sur notre calendrier. L’explication la plus vraisemblable met en scène un gigantesque astéroïde qui, en heurtant la terre, aurait provoqué un nuage de poussière tel qu’aucun mammifère n’auraient pu survivre.

 

La journée du 31 décembre de l’année recouvrant l’âge de l’univers se répartirait de la manière suivante :

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Revenons maintenant à la question initiale qui nous réunit aujourd’hui. Faut-il être désespéré de la réduction de la place de l’homme dans l’univers?

Blaise PASCAL, au XVIII siècle, écrivait : « Le silence éternel des espaces infinis m’effraie ». Jacques MONOD, dans son ouvrage Le hasard et la nécessité en 1971 « L’homme est perdu dans l’immensité indifférente de l’univers d’où il a émergé par hasard », et Steven WEINBERG, prix Nobel de physique Américain, disait en 1977 « Plus on comprend l’univers, plus il nous apparaît dépourvu de sens.»

 

Je ne suis pas tout à fait de cet avis. Nous pouvons nous émerveiller de ce que la nature met à notre disposition, de toute la panoplie des atomes qui crée la richesse du monde.

Percevant cette connexion cosmique, le poète William BLAKE (XVIII° siècle) écrit dans In Auguries of Innocence « : « Voir un univers dans un grain de sable, et un paradis dans une fleur sauvage, tenir l’infini dans la paume de la main, et l’éternité dans une heure.» Le poète décrit ici une intuition très juste qui peut véritablement éclairer notre vision du monde. La poésie est l’une des fenêtres qui permet de regarder le réel. La spiritualité ou l’art en sont d’autres – à même de compléter la vision de la science pour appréhender le réel.

 

La cosmologie du monde a démontré des réglages très fins pour l’émergence de la vie (taille des montagnes, des arbres, des hommes,…)

Les propriétés de l’univers telles qu’on les conçoit aujourd’hui sont déterminées par une quinzaine de constantes physiques (vitesse de la lumière, intensité des 4 forces fondamentales, masse et charge des particules, etc.) ainsi que par des conditions initiales (quantité totale de matière, taux d’expansion, etc.) Si l’on touchait à ces constantes, l’univers ne fonctionnerait plus. La subtilité des réglages est telle qu’il nous est impossible à ce jour de programmer par voie informatique des modèles d’univers fertiles. Nous pouvons ainsi affirmer que notre univers est la combinaison gagnante et que nous sommes le gros lot !

 

Le hasard ou la nécessité ?

La science ne peut pas faire de distinction entre ces deux choix métaphysiques. En revanche, nous, individus, devons faire un choix, à l’instar de PASCAL.

Les différents points de vue :

Le hasard – tout est dû au hasard. Il existe une infinité d’univers ou multivers (univers parallèles, cycliques, présentant différentes combinaisons subtiles) dans un méta-univers et nous nous trouvons PAR HASARD dans celui qui a la combinaison gagnante ! A ce titre, on peut rationnellement considérer que celui qui achète tous les billets d’une loterie va gagner le gros lot !

Nous nous trouverions alors dans une bulle-univers contenue dans un immense groupe de bulle-univers.

La nécessité – considérons cette fois-ci un seul univers. Un principe créateur en aurait fixé les lois dès le début. Pour moi, ce principe créateur est la manifestation de lois physiques harmonieuses (et non le fait d’un Dieu barbu). Mon choix, mon opinion, c’est la nécessité, pour la simple et bonne raison que je suis un observateur du cosmos. Postuler une multitude d’univers que je ne pourrais jamais observer n’est pas viable dans la mesure où il ne peut y avoir interaction entre l’expérience et l’observation.

Un autre argument se loge dans le principe de simplicité découvert par le moine Guillaume d’Occam au XIV° siècle, selon lequel « les hypothèses les plus simples sont les plus vraisemblables ». Dans cette perspective pourquoi compliquer notre réflexion par l’idée d’un multivers ?

Il me semble que la beauté de l’univers doit également prise en considération. Tout cet ordre, toute cette harmonie extraordinaire ne semblent pas varier dans le temps et dans l’espace. Tout semble tendre vers l’unité du ciel et de la terre. Newton avec la pomme au XVII° siècle, Maxwell avec sa découverte de l’électromagnétisme au XIX°, tendaient vers la confirmation de cette unité.

Je terminerai en citant le célèbre poète Français Paul Claudel : « Le silence éternel des espaces infinis ne m’effraie plus. Je m’y promène avec une confiance familière. Nous n’habitons pas un coin perdu d’un désert farouche et impraticable. Tout le monde nous est fraternel et familier ».

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Extraits des questions-réponses :

Que pensez-vous de la théorie des cordes qui dit grosso modo que les particules sont le résultat des vibrations des protons, neutrons, photons,… ?

Cette théorie unifie la gravité avec une théorie purement mathématique qui n’a jamais rien produit de concret. J’attends la vérification expérimentale qui nous dira si c’est effectivement une théorie physique.

 

Sur quoi vous appuyez-vous pour calculer et mesurer les valeurs et unités de mesure que vous utilisez ?

Les astrophysiciens ont mis au point certaines méthodes de mesure de distance. Pour les objets très lointains, nous nous servons de la Loi de Hubble qui énonce que les galaxies s’éloignent les unes des autres à une vitesse approximativement proportionnelle à leur distance. Autrement dit, plus une galaxie est loin de nous, plus elle semble s’éloigner rapidement et plus sa lumière décroît vers le rouge. Nous pouvons déduire ainsi des distances absolues.

 

Le plus surprenant est la capacité des astrophysiciens à élaborer des théories qui se confirment !

Si l’esprit humain peut découvrir et comprendre des lois pour saisir le réel, c’est parce que la nature se comporte selon les mathématiques d’une façon extrêmement rigoureuse ! L’adéquation entre les mathématiques et la nature a toujours beaucoup étonné les physiciens. Cette dernière comprenant des lois mathématiques très abstraites qui ont jailli bien avant la découverte de leurs effets dans la nature.

 

Que doit-on inventer pour aller explorer l’univers ?

On ne pourra jamais aller à la vitesse de la lumière. La science fiction a imaginé la téléportation, mais ça reste une invention. On peut reproduire quelques particules à distance mais on ne sait pas reproduire des milliards d’atomes.

 

Le Big Bang a permis la création de l’univers. Qu’est-ce qui existait auparavant ?

Le temps et l’espace sont nés en même temps. Il n’y a pas de temps et d’espace préexistant au Big Bang. Quant à la fin, il n’y aura pas de terme mais un mouvement d’expansion éternel.

J’ai postulé un principe créateur qui est une loi physique. Je ne sais pas si « avant » a un sens puisque je pense qu’il n’y avait rien avant. De culture bouddhiste, je ne crois pas dans le principe d’un dieu, un être indépendant de toute chose qui aurait créé l’univers ex-nihilo. Tout est interdépendant et créé de manière harmonieuse. Certains affirment que le Big Bang n’est pas le premier phénomène mais résulte de la collision de membranes. Il pourrait s’être produit une succession de collisions… Plus on avance, plus le mystère s’épaissit !

 

Y-a-t-il dans l’univers une place pour le chaos ?

Avec NEWTON et LAPLACE, on pensait que l’on connaissait la place de chaque particule, on pouvait tout connaître de l’avenir. Mais la théorie du chaos en physique, élaborée par POINCARRE, fait état de phénomènes physiques tellement variés et parallèles qu’on ne pourra jamais rien prédire avec certitude. C’est ce qu’on appelle « l’effet papillon ». Le chaos dans le monde macroscopique donne de la liberté à la nature. En physique quantique, on dit qu’on ne peut raisonner qu’en probabilité en termes de position et de vitesse. Il existe une part d’indétermination dans la nature. On peut comparer cette occurrence à un morceau de jazz. La nature joue des thèmes généraux mais varie selon son humeur et la réaction du public.

 

Tout ceci est de l’ordre de l’humain, par nature limité dans sa perception. L’homme peut aborder son environnement mais ne peut aller au-delà de ce qu’il peut observer par lui-même. Il ne peut exprimer que ce qui est. Qu’en est-il lorsqu’il est confronté à des questions comme le Big Bang ?

Les scientifiques ont recours à des paradigmes utilisés par l’ensemble de la communauté scientifique. Si ce n’était pas le cas, on ne pourrait pas progresser. Les poètes ou les romanciers de science fiction peuvent inventer des concepts. Ce n’est évidemment pas possible pour des scientifiques. Par exemple, William BLAKE et la poésie sont importants à mes yeux, pourtant, la plupart de mes collègues disent avec arrogance que seules les sciences sont en mesure d’expliquer les phénomènes physiques. De tous temps, il y a eu des représentations et moyens d’expression parallèles, mais l’univers scientifique ne prête foi qu’à son propre langage.

 

Pouvons-nous revenir quelques instants sur la théorie du hasard et de la nécessité ? « Un peu de science éloigne de Dieu, beaucoup de science y ramène » disait Louis PASTEUR. Le confirmez-vous ?

Oui. C’est pour cette raison que je parie sur la nécessité. Je pense que durant la Renaissance, les scientifiques étaient profondément mystiques. EINSTEIN l’était également. Les plus grands esprits ont toujours pensé qu’il n’y avait pas de hasard. C’est la science, mais aussi ce que les anglo-saxons appellent le « background » de chacun, sa personnalité, son parcours qui comptent pour se faire une opinion.

 

Avez-vous eu l’occasion de contredire vos convictions métaphysiques en vous confrontant à la science ?

Non, ça ne m’est pas arrivé, mais si les circonstances se présentaient un jour, je suivrai la science. J’accepterai ce que me disent les théories scientifiques.

 

J’aimerais que vous nous parliez de la beauté et de l’intelligible. La beauté de l’univers est-elle réservée aux astronomes ?

Tout ce que le monde propose, qu’il s’agisse d’un coucher de soleil, d’un flocon de neige, d’une galaxie, tout est beau et nous met du baume au cœur, qui que nous soyons. Chacun de nous peut avoir accès au bonheur, à la sérénité de l’âme par la beauté.

Celle-ci conjugue l’ordre et l’harmonie qui nous rapprochent d’un principe créateur. Or nos recherches scientifiques nous permettent d’accéder à certaines lois de l’harmonie.

 

Si l’univers a été réglé par l’émergence de la vie, peut-on dire que la terre est le centre de l’univers ?

Tout ce que j’ai dit sur les réglages ne vaut pas seulement pour l’homme mais pour toutes sortes de vies, y compris ailleurs dans l’univers. Le principe anthropique vaut pour toutes les civilisations. Pourquoi toute cette beauté n’existerait que pour les humains ? Pour autant, écouter les signaux qui viennent de l’espace est très aléatoire car on ne sait pas dans quelle direction pointer nos télescopes !

 

Peut-on établir un rapport entre observateurs et principes observés ?

La mécanique quantique a changé radicalement les choses en établissant que c’est notre conscience qui détermine le résultat de l’expérience. C’est parce que l’homme observe l’univers qu’il lui permet d’exister !

 

Vous vous êtes exprimé sur le bouddhisme dans l’ouvrage écrit avec Matthieu RICARD. Avez-vous des échanges réguliers avec des chrétiens ?

Je ne suis pas expert en tradition chrétienne. Il vaudrait mieux que ce soit un scientifique de culture chrétienne qui mène ce type d’échanges, qui seraient à mon sens extrêmement intéressants. Matthieu RICARD répondait à deux critères qui permettaient ce dialogue, il est docteur en biologie et connaît bien les textes bouddhistes.

 

Vous avez parlé de multivers. Que pensez-vous dans ces conditions du paradoxe de FERNI qui s’intéresse à la question de savoir pourquoi nous n’avons jusqu’à présent trouvé aucune trace de civilisations  extra-terrestres dans l’univers ?

Si vous suivez ce postulat, il devrait y avoir des êtres qui seraient venus nous visiter ou au moins laissé des signaux…

Je n’ai pas de réponse à cette question. Pourquoi le ciel est-il si silencieux ?

On peut évoquer plusieurs hypothèses :

– Peut-être que d’autres civilisations existent sans avoir le désir de nous rencontrer ?
– Peut-être nous considèrent-ils comme trop peu évolués, comme si nous étions semblables à des singes occupés à faire la guerre, abîmer notre planète…
– Peut-être sommes-nous trop éloignés les uns des autres pour pouvoir nous rencontrer ?
– Ce qui me paraît important à réaliser, c’est que nous sommes là depuis 4 millions d’années et ne disposons de télescopes que depuis une cinquantaine d’années ! Peut-être que nous sommes en complet décalage par rapport à d’autres civilisations beaucoup mieux équipées.
Je n’ai aucune certitude et admire beaucoup certains de mes collègues qui observent des événements qui ne se réaliseront jamais !

Je terminerai en disant que la place spatiale est très petite mais elle est très grande parce que nous lui donnons un sens !

 

Compte-rendu réalisé par Laurence CRESPEL TAUDIERE
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