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La terre en héritage : quel avenir pour nos enfants et la planète ?

Compte rendu de la Rencontre du CERA du vendredi 14 septembre 2007

 

 

Présentation de Jean-Marie PELT

Jean-Marie PELT est botaniste, écrivain et président de l’institut européen de l’écologie.

 

Jean-Marie PELT

Que sera le monde quand nos bébés auront notre âge ? Voilà une question qui dépasse l’horizon politique habituel. En auvergne en 1940, les fermes étaient comme il y avait 300 ou 400 ans, sans auto, sans électricité, sans achat monétaire… et j’y ai vécu les plus belles années de ma vie. Le bonheur est déconnecté du « progrès ».

 

Comment sera demain ? Pas comme aujourd’hui de toutes façons. Depuis le début de l’ère industrielle nous avons puisé dans le sol, le pétrole, les minéraux, le sol lui-même dont on a détruit l’humus (l’agriculture conventionnelle ne fonctionne que par ses intrants). La nature est conçue comme un réservoir que l’on vide, et comme un dépotoir pour stocker nos déchets de déchets matériels et gazeux dont le CO2.

Et maintenant nous voyons le climat changer vite, trop vite. Le scénario prédit par le GIEC est des pluies dans le nord de l’Europe et la sécheresse dans le sud. C’est ce que nous avons connu cet été. À Sidney il a fait 49 °, et un chauffeur de taxi a dû quitter son pays et il est venu en Europe. C’est un des réfugiés climatiques prévus par l’ONU.

Le cyclone de cet été sur La Martinique est resté 14 h sur place sans se déplacer, phénomène nouveau.

 

La température a augmenté de 1° depuis 1980, et ce sera 2° en 2050 si nous faisons beaucoup d’efforts, 4 à 6° sinon. Nous ne résisterions pas dans nos pays.

 

La chimie. 2ème problème, les bébés qui naissent ont des molécules toxiques dans leur corps, dans leurs graisses : PCB, pesticides… qui ne se dégradent pas, s’accumulent et augmentent les facteurs de cancer.

Il ne suffit pas de ne pas fumer pour ne pas avoir de cancer ! Les pesticides augmentent le risque de cancer, et en plus ont les mêmes propriétés que les hormones femelles. Les garçons perdent chaque année 1% de leur stock de spermatozoïdes, et a donc 1% de risques de plus d’être stérile.

Dans un lac californien il n’y a plus de goélands mâles, les femelles s’arrangent entre elles mais cela ne fait pas d’enfants. Il en est de même pour des crocodiles dans une autre région. Si nous continuons d’accumuler ces pesticides, les garçons n’auront plus d’hormones, plus de désir, et les femmes n’auront plus d’enfants.

 

Le développement durable

Il y a une seule idée : nous devons transmettre aux générations suivantes une planète capable de subvenir à leurs besoins, et qui ne soit pas polluée.

Or les bébés qui naissent ont 20 000 euros de dette en naissant, devront payer le démantèlement des centrales nucléaires –ce qui ne produira rien. Ils auront à payer nos retraites.

Le péril climatique est grave. Or nous pouvons en diminuer de 40 % notre consommation énergétique et garder le même niveau de vie et d’emploi, car cela demanderait beaucoup de travail. Développons les éoliennes, l’isolation, le solaire. De telles stratégies se mettent en place dans des collectivités locales, ex Strasbourg et les vélos mis à disposition, Grenoble pour les émissions de gaz à effet de serre, Clermont-Ferrand et le solaire,

 

Il y a néanmoins des freins, nous sommes un pays très centralisé. On débat de la décision de faire un nouvel aéroport à Paris ? Paris est pollué à 42 % par les avions.

 

Au Grenelle de l’environnement les instances gouvernementales ont compris l’enjeu, mais pas les lobbys industriels, et les dirigeants politique y sont très sensibles.

Penser que la fonte des glaces est intéressante car elle libère l’accès à de nouveaux champs de pétrole est une hérésie, car nous réchaufferions encore plus vite la planète.

 

L’éthique du DD

Il nous faut travailler sur les solidarités entre générations et aussi sur les valeurs éthiques du développement durable. Les maires sont très souvent sollicités pour faire des projets DD (agenda 21) par des consultants qui se font payer très cher.

Quelle éthique ? Notre civilisation s’est construite sur des découvertes su XIXème siècle, pour Darwin, c’était « c’est la loi du plus fort », la lutte pour la vie, la compétition pour les ressources disponibles (cf. Malthus). Ce modèle convenait aux philosophes, aux marxistes pour la justification de la lutte, aux libéraux (Smith) pour justifier la libre concurrence. A la même époque Protopkine décrit la nature comme un ensemble de solidarités de complémentarités, de symbiose de mutualisme, de commensalisme, de coopération. Personne ne l’a lu. On ne connaît pas les russes d’un point de vue culturel !

Dans la nature il n’y a pas que de la compétition, ni que de la solidarité, il y a les deux. Par exemple dans la forêt, dans le système racinaire il y a des filaments qui extraient les phosphates du sol pour les introduire dans les racines des arbres, ce sont des champignons qui vivent sans lumière, donc sans fabrication de sucre. Les champignons se nourrissent de sucre de la sève de l’arbre qui le fabrique avec sa chlorophylle. Il y a deux ans des canadiens ont découvert que ces champignons mettent en relation les racines de deux arbres différents, le sucre du grand arbre au soleil qui cache le petit à côté qui n’accède pas à la lumière, les champignons font passer le sucre du grand arbre vers le petit. J’ai fait tout un live sur ceci.

 

Dans le DD il y a une autre valeur c’est l’équité. C’est complètement raté dans le monde, et en plus on s’en éloigne, les inégalités s’accroissent. L’injustice sociale grandit.

Quand on dit que quelqu’un gagne 1 ou n millions d’euros  cela ne nous dit rien on n’en est pas choqué. Alors que si l’on dit qu’un ministre gagne 10 000 € on trouve cela exagéré. La limite compréhensible étant dépassée, elle devient inaccessible à la représentation, donc à la critique.

Pour changer il nous faut aussi changer en nous.

 

Pour finir je cite Théodore Monod qui me dit vers la fin de sa vie : nous sommes tous les deux des scientifiques croyants, c’est devenu très rare. Il pensait que l’humanité ne  dépasserait pas l’an 2100. Plus de sol, de minéraux… et on s’entretuera pour avoir ce qui reste. Il y aura des guerres, on utilisera l’arme atomique, nous sommes la première génération de l’humanité qui peut TOUT détruire. Il y a sur terre deux espèces très agressives qui se font des guerres, les rats et les hommes. A moins que l’on n’entende les grands messagers. « Aimez-vous les uns les autres » on le dit mais on n’a jamais vraiment essayé, ce n’était pas grave, on pouvait continuer, mais aujourd’hui ne n’est pas pareil, il nous faut prendre cette phrase au sérieux, la mettre en pratique. Et le monde serait joyeux, c’est beau de s’aimer. Dites-le. Promettez-moi de le dire dans vos conférences. Alors je vous le dis ce soir.

 

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Extraits des échanges :

Il y a une augmentation des savoirs, mais aussi une perte énorme de savoirs, sur les plantes par exemple.

Le méthane est 21 fois plus actif en effet de serre que le CO2, attention à la fonte du permafrost en Sibérie.  La mer se réchaufferait et dégagerait les bulles de méthane du fonds des mers.

 

Sur la décroissance

Il ne s’agit de prôner un concept qui butte conter un tabou, la croissance, sinon je  suis mort. Ce qu’il faut c’est changer les indicateurs. Quand on crée des richesses, on en détruit aussi, on détruit les valeurs patrimoniales, intégrer l’évolution du bilan et ne pas seulement calculer le résultat annuel. Par exemple les accidents de la route représentent 0,1 à 0,15 % de point de croissance. Dire que la croissance crée de l’emploi c’est une tautologie puisque que l’on mesure l’activité, la même chose, de deux façons différentes (mis à part le coefficient de création d’emploi).

 

Sur les OGM

En 1996 j’ai commencé à m’y intéresser. À trois, nous avons demandé un moratoire en attendant de connaître les effets sur la santé, de vérifier leur traçabilité, l’étiquetage. Il y a eu un moratoire, mais pas d’études sur la santé. Onze ans plus tard nous ne savons rien sur les impacts des OGM sur la santé. Dans tous les végétaux OGM il y a des pesticides puisque soit ils sont résistants à ceux-ci et donc les tolèrent, soit la plante fabrique elle même du pesticide par le gène transformé pour résister aux prédateurs.

Nous avons donc demandé des essais sur la santé des animaux. Il y a eu un essai de maïs sur des rats pendant 3 mois, cela ne veut rien dire ! Les résultats n’ont pas été diffusés (secret industriel, avancé par Monsanto).  Des procès ont été intentés, débouté en France accepté en Allemagne. Les résultats ne sont pas très bons. Nous avons donc demandé de refaire les études mais Monsanto a refusé de transmettre les « amorces » nécessaires aux essais.

Sur les végétaux on sait qu’il y aune forte diffusion transgénique (les plantes alentours ont un patrimoine génétique modifié).

Il faut donc un moratoire sur les essais OGM de plein champ. Il y a deux mois il y a eu une étude sur le maïs

Comme les assurances n’assurent pas les risques OGM car ils n’en connaissent pas les risques, il est question que ce soit l’Etat qui les assure, car la CE a disculpé Monsanto des éventuels accidents.  Un comble !

 

Les OGM ne sont pas indispensables à l’alimentation de l’humanité. Selon la FAO l’agriculture biologique peut nourrir 10 milliards d’habitants sur la terre. Il peut y avoir des changements de pratiques agronomiques énormes. Par exemple ce jésuite qui cultive du riz à Madagascar en lui donnant peu d’eau il a multiplié le rendement par 6.

La culture sans labour réduit très fortement les dégagements de carbone.

 

La pile à hydrogène

Cela pose plusieurs problèmes. Le cracking CH4 qui donne H2, le bilan énergétique, les risques d’explosion avec l’oxygène… mais les américains prépareraient pour environ 10 ans des voitures à hydrogène, ce qui engendrerait une bulle boursière très forte, et ce serait durable.

 

Compte-rendu réalisé par Laurence CRESPEL TAUDIERE
www.semaphore.fr