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Jonathan Lehmann : « Les antisèches du bonheur »

Jonathan Lehmann

« Les antisèches du bonheur »

 

94° rencontre du CERA du 5 novembre 2019

Jonathan Lehmann au CERA le 5/11/2019

 

 

 

Accueil de Jean Michel Mousset :

Quand nous sortirons de cette salle ce soir, nous aurons quelques outils pour être plus heureux !

Nous accueillons quelqu’un qui rêvait d’être golden boy. Il l’est devenu à 25 ans. Il était avocat d’affaire et travaillait pour la banque Goldman Sachs à Wall Street. C’était son rêve, il y a fait carrière mais très vite il s’est aperçu que cette vie de luxe, d’argent, ne lui convenait pas. Il a fait une dépression, a quitté son emploi, puis il est parti faire le tour du monde durant trois ans, à la recherche du bonheur. Il a rencontré des sages, des philosophes, des gens de différentes spiritualités, de différentes pratiques. Il s’est initié au yoga, à la méditation, au chamanisme, et aujourd’hui il anime une communauté de plus de 185 000 followers sur Facebook qui s’appelle « Les antisèches du bonheur ». Nous avons le plaisir d’accueillir Jonathan Lehmann.

 

Jonathan Lehmann :

J’ai le cœur qui bat, ici devant une salle remplie, pour parler d’un thème qui nous est cher, celui du bonheur. Si j’étais à votre place, je me demanderais : « C’est qui ce type qui vient nous parler du bonheur ? » Cela peut être un thème qui fait lever en vous des objections, des peurs. Je n’ai pas de diplôme de bonheur et ce qui me permet de vous parler du bonheur aujourd’hui, c’est que j’étais un véritable cancre du bonheur. J’avais beaucoup de mal à trouver de la joie dans la vie de tous les jours.

J’ai grandi dans les années 80 et je regardais religieusement Dallas et Dynastie à la télé. C’étaient des séries autour de l’argent, autour du pouvoir. J’ai aussi été beaucoup marqué par un film qui s’appelait « Le secret de mon succès » dans lequel le héros commençait à travailler dans la salle du courrier puis, petit à petit gravissait les échelons pour finir PDG de l’entreprise. Je vous parle de cela parce que le message que j’ai reçu à l’époque, sur la formule du bonheur, c’est qu’il fallait gagner beaucoup d’argent, qu’il fallait avoir du pouvoir et que le bonheur allait arriver naturellement. Alors j’ai fait des études poussées de droit, elles m’ont amené à aller en fac de droit aux Etats-Unis et à devenir avocat d’affaires à Wall Street. Goldman Sachs était mon principal client et mon cabinet était juste en face. J’avais donc atteint ce but que la société m’avait dit d’atteindre pour être heureux. Je gagnais beaucoup d’argent, j’avais un beau statut, je me déplaçais en limousine et je mangeais dans les meilleurs restaurants. La chute vous la connaissez, j’étais malheureux comme les pierres. J’étais dépressif et sombrais progressivement dans différentes formes d’addiction. J’avais beaucoup de mal à trouver du bonheur dans ma vie de tous les jours, coincé dans ma prison dorée. Qu’est-ce qui allait m’arriver ? Je n’allais plus être en mesure de me payer des voyages, des hôtels. J’avais beau être mal, j’étais coincé et n’arrivais pas à partir. Il m’est alors arrivé quelque chose qui fut une tragédie tout en se révélant avoir de bons aspects, mon père est tombé gravement malade. Nous étions très proches et cela a complètement changé ma vie.

Du jour au lendemain, j’ai décidé de tout plaquer, de laisser derrière moi ma carrière d’avocat et de regarder mes peurs de manquer, mes peurs d’échouer et de me lancer dans une grande recherche pour trouver mon bonheur. Au début cette recherche était une quête complètement égoïste. Comment moi, vais-je réussir à me sortir de cette situation où je suis déprimé, où j’ai besoin de tant de choses pour me sentir bien ? Je suis parti en voyage, à la rencontre de yogis, de chamanes, de penseurs. J’ai fait des retraites, j’ai regardé plein de vidéos sur YouTube, je suis devenu boulimique de livres sur le développement personnel. J’ai alors fait une découverte sur l’origine de mon non-bonheur, j’ai compris la cause du non-bonheur, le mien mais aussi celui de tous ceux qui souffrent. Nous faisons partie du groupe des plus privilégiés de l’histoire de l’humanité si nous pensons en termes d’espérance de vie, d’accès à différentes formes de divertissements, de voyages.

Pourtant nous pourrions dire que nous n’avons jamais été aussi malheureux en tant qu’espèce. Il n’y a jamais eu autant de dépressions, l’âge moyen d’entrée en dépression n’a jamais été aussi bas et il y a de plus en plus de suicides. Mais j’en ai découvert la raison. Nous pouvons l’appeler la tyrannie du mental. Nous avons tous cette voix dans la tête qui nous parle sans cesse, qui nous dit que nous ne sommes pas assez ceci ou cela, que ça ne va pas, qu’il va nous manquer quelque chose, que nous avons envie d’être là-bas. Cette voix qui nous parle et qui nous parle et qui nous parle sans cesse. C’est comme si nous avions un chien fou à l’intérieur de la tête, capable de nous mordre, nous créant du stress, de la frustration, des angoisses mais aussi capable d’aller mordre les autres, créant des conflits et toutes sortes de problèmes.

Le travail que je fais aujourd’hui, grâce à ce que j’ai découvert sur la tyrannie du mental, c’est la manière dont nous pouvons transformer le mental tyrannique en un outil positif, comment transformer ce chien fou en chien d’aveugle ou en chien de garde.

Un mot sur le concept d’antisèche. Vous êtes peut-être familier avec le principe de Pareto qui dit que, pour beaucoup de phénomènes, 80% des conséquences viendraient de 20% des causes, c’est l’idée de l’effet de levier. Par exemple si vous faites 90 minutes de sport, vous allez obtenir 80% des bienfaits dans les 18 premières minutes, c’est l’idée qui sous-tend celle des antisèches.

Qu’est-ce que je vais pouvoir faire dans mon quotidien qui va avoir un très grand impact sur ma vie ?

Un mot aussi sur le bonheur. Chacun donne un sens différent au bonheur. Pour certains, c’est d’être seul sur une plage, pour d’autres ce sera de gravir seul une montagne, une vision de cauchemar pour certains qui sont bien avec 300 personnes autour d’eux.

Comment pouvons définir le bonheur ? Comme il est essentiellement subjectif, le bonheur est très difficile à définir, en revanche l’absence de bonheur est très facile à définir. C’est la souffrance. Les pensées négatives, le stress, la frustration, la peur, la colère, la culpabilité agissent comme des freins à votre bonheur. Si le bonheur est complètement subjectif, la souffrance est complètement universelle. Le bonheur est donc l’absence de souffrance. Cette définition vient de Bouddha qui parlait de notre propension à la souffrance.

Une autre manière de définir le bonheur existe par référence au concept d’instant présent. Je suis dans le bonheur quand j’accepte ce qui est en train de se passer ici et maintenant, et je suis dans la souffrance quand je n’accepte pas ce qui se passe ici et maintenant. « Non, je ne peux pas croire que j’ai raté le train, non, non et non ! »

Maintenant que nous sommes d’accord sur la définition du bonheur et que nous savons de quoi nous parlons, nous pourrons mesurer concrètement si nous arrivons à progresser sur ce chemin avec des outils que je vais partager avec vous.

Comment pouvons-nous mesurer notre progression sur ce chemin et l’impact sur notre vie ?

Il y a quelques années lors d’un congrès, des psychologues ont proposé l’idée qu’un moment de vie durait 3 secondes. C’est extrêmement arbitraire comme mesure, mais si nous observons le comportement des mammifères, une grande majorité de leurs comportements dure 3 secondes. Par exemple, le temps moyen qu’une girafe met à mastiquer de l’herbe, le temps moyen qu’un panda met à faire ses besoins ou le temps moyen d’embrassade d’une athlète olympique à la fin d’une épreuve, en moyenne cela met 3 secondes. Si nous considérons que nous vivrons 80 ans et que nous dormirons 1/3 de ce temps, nous allons connaître dans notre vie 500 millions de moments de 3 secondes. 500 millions d’opportunités d’être soit dans le bonheur, soit dans la souffrance, soit dans l’acceptation de l’instant présent, soit dans le rejet de l’instant présent. Il n’y a pas de gens heureux et d’autres malheureux. Nous avons tous une distribution de nos moments entre la résistance et l’acceptation, entre la souffrance et le bonheur. Le but des antisèches que je vais partager avec vous sera d’augmenter la proportion des moments de bonheur, car quelle que soit votre situation, que vous soyez à 30-70 ou 65-35%, nous avons tous la possibilité d’augmenter le nombre de moments de bonheur que nous avons dans notre vie et de réduire les moments de stress, d’agitation, de colère, etc.

A chaque moment de ma vie, j’ai le choix du bonheur ou de la souffrance. Toutes les 3 secondes, je peux changer mon état émotionnel. En général quand je me mets en colère, cela dure plus de 3 secondes. Mais regardez des enfants jouant dans une cour de récréation, ils sont capables de passer des rires aux larmes, de la joie à la déprime en quelques minutes seulement, ils sont capables de passer par tous les états des émotions humaines en quelques instants. Nous avons tous cette possibilité en maitrisant mieux notre attention. C’est seulement quelque chose que nous avons oublié et que nous ne savons plus faire à cause de cette tyrannie mentale dont nous allons parler en détail.

Le premier aspect de la tyrannie du mental est la compulsivité du mental. Cela tient au fait que notre mental crée 30 à 60 000 pensées par jour. Le mental ne s’arrête jamais, il produit en continu. La voix dans la tête nous parle sans arrêt, il n’y a pas de bouton off pour arrêter le mental. Par exemple, face à un magnifique coucher de soleil, vous vous dites que cela vous rappelle…, que vous pourriez le photographier, qu’il ne faut pas oublier de faire la réservation au restaurant, etc. Le mental vous parle constamment du passé et du futur. Le mental compulsif vous fait passer à côté de la chose la plus importante mais aussi la plus difficile à saisir, c’est l’instant présent.

Le mental n’est capable que de vous parler du passé et du futur, il ne peut que se souvenir et imaginer. Contrairement à ce que nous pouvons penser, il est impossible de multi tâcher. L’attention humaine est telle que je ne peux faire qu’une chose à la fois. Toutefois il est possible de passer très rapidement d’une tâche à l’autre en nous donnant l’impression de faire plusieurs choses à la fois. En fait, nous ne les faisons pas en même temps et en plus, nous les faisons plus mal. Le mental ne peut vous parler que du passé et du futur et l’instant présent ne peut que se vivre. Reprenons l’exemple du coucher de soleil, en le regardant, vous êtes en train de vous dire « Ce coucher de soleil que je suis en train de regarder ici et maintenant, comme il est beau ! » Vous n’êtes pas en train de parler du moment présent, vous êtes en train de parler du passé très très proche, parce que nous ne sommes pas capables d’être en même temps en train de percevoir et d’interpréter. C’est bien là le problème, car l’instant présent se passe dans l’espace qui existe entre la perception et l’interprétation, entre cette partie de ma personne qui est ma conscience, mon attention, la vraie personne que je suis, ce moi animal qui est capable de vivre l’instant présent et cette partie qui est spécifiquement humaine, qui vit seulement au travers du langage, seulement au travers du passé et du futur, qui vient systématiquement mettre des étiquettes sur tout. C’est beau, c’est moche, c’est bien, il est con, il est intelligent. Toutes ces choses nous empêchent de vivre l’instant présent qui n’existe qu’au-delà des mots.

Pourquoi est-ce tant un problème ? Pensez aux meilleurs moments que vous avez vécus, les plus belles choses que vous avez vues. Toutes ces expériences se passaient à l’instant présent, au-delà des mots. Vous êtes sans doute capable aujourd’hui d’en parler, d’éprouver de la gratitude, mais le bonheur que vous éprouvez à raconter l’histoire que vous avez vécue est extrêmement pâle en comparaison du bonheur que vous ressentiez à ce moment-là.

Le mental est obsédé par l’histoire de notre vie, le comment je me raconte l’histoire de ma vie. Quels sont mes accomplissements, mes relations, mes connaissances, mes possessions, mes goûts, mes opinions ? C’est ce qui préoccupe énormément le mental. Cette partie de nous est le moi de l’histoire, cette histoire de notre vie qui est constamment mise à jour dans notre tête, qui a tendance à nous tyranniser et à nous conduire à vivre en priorité l’histoire de notre vie plutôt que notre vie elle-même. Voyez l’exemple d’une personne qui filme sur son portable un concert plutôt que de le vivre pleinement. Son mental tyrannique lui dit qu’il ne faut surtout rien rater, qu’il faut s’en souvenir plus tard. Il est déjà en train d’anticiper le futur et de passer à côté de ce qui se passe dans l’instant présent. De la même façon quand je parle de ce coucher de soleil, je ne suis déjà plus en train de le regarder.

En fait nous pouvons imaginer que nous avons deux moi. Le moi de l’histoire et le moi présent. Le moi présent est cette partie de nous que nous partageons avec les autres animaux qui vivent l’instant présent au travers des cinq sens. Le moi de l’histoire est cette partie de nous qui vit exclusivement au travers du langage et donc seulement du passé et du futur. Le problème est que le vrai bonheur se trouve dans l’accès au moi présent et que le moi de l’histoire est un coup d’état permanent qui accapare notre attention, et comme nous ne savons faire attention qu’une chose à la fois, à chaque fois que je fais attention à mon histoire, à l’histoire de ma vie, je ne suis pas dans l’instant.

Voilà ce qu’est la compulsivité du mental, cette machine qui crée des dizaines de milliers de pensées, qui est obsédée par l’histoire que nous allons pouvoir nous raconter, à nous-même et aux autres. En fait le problème est encore plus profond que cela. Nous sommes identifiés à notre mental et c’est sûrement le concept le plus important et le plus difficile à comprendre. Nous croyons que nous sommes notre mental, que nous sommes notre moi histoire, que nous sommes l’histoire de notre vie. Cette histoire de notre vie nous permet de créer, d’entrer en relation avec le moi histoire d’autres personnes qui ont tant des choses à partager, avec qui nous pouvons faire tant de choses formidables, mais c’est aussi la pire de nos ennemis. La personne que nous sommes vraiment est notre moi présent, c’est l’animal en nous qui a cette faculté d’attention, qui est capable d’observer la mental, de se servir du mental mais qui n’est pas la mental.

Sur les dizaines de milliers de pensées que nous avons chaque jour, qui ne sont en fait que des suggestions, il y en a combien qui nous sont vraiment utiles ? Nous sommes libres d’accepter ou de refuser ces suggestions et pour cela nous devons faire un travail de désidentification du mental, c’est-à-dire revenir à la place de notre conscience, de notre moi présent et de sa faculté d’attention, apprendre à voir notre mental comme un objet qui parfois fait des choses formidables et parfois pas du tout.

J’aimerais bien que nous fassions une première méditation pour ressentir ce phénomène d’identification, pour que cela ne reste pas au niveau du mental. Ce sera un exercice de respiration qui durera trois à quatre minutes. Je vous invite à vous assoir de façon symétrique, les jambes décroisées, de façon droite et confortable, les mains posées sur vos cuisses, immobile. Je vous prie de garder le silence total.

Je vous demande de fermer les yeux, de fermer la bouche afin de ne respirer que par le nez…

Les narines filtrent l’air mieux que la bouche et permettent une respiration plus lente…

Et beaucoup plus sereine…

Vous devenez complètement immobile, la seule chose qui bouge en vous est l’air qui entre et sort de vos narines…

Vous observez votre respiration comme si elle était un phénomène extérieur à vous…

Elle se place naturellement et automatiquement sans que vous ayez à faire quoi que ce soit…

Pendant trente secondes je vais vous demander de porter toute votre attention sur la température de l’air qui entre et qui sort de vos narines et de remarquer comme l’air qui entre est plus frais que l’air qui ressort de vos narines. Et si durant ces trente secondes, vous êtes perturbé par des pensées, c’est normal et ce n’est pas grave. A ce moment, vous ramenez votre attention à cette température de l’air, l’air froid qui entre et l’air chaud qui sort…         

Avant de terminer cette méditation, je vais vous demander de porter, pendant les trente prochaines secondes, toute votre attention sur les bruits ambiants. Si jamais vous êtes perturbé par des pensées, c’est normal et ce n’est pas grave, ramenez votre attention sur bruits ambiants…

Quand vous serez prêt, vous pourrez progressivement sortir de cette méditation et doucement prendre conscience de tout ce qui vous entoure, le poids de vos vêtements sur votre corps, les couleurs autour de nous.

Bravo ! Vous avez médité durant 3mn30. C’est un exercice qui peut paraître peu de chose, mais parmi tout ce que j’ai pu apprendre de plus important dans ma vie, c’est la compréhension de ce qui se passe durant cet exercice. Car la compréhension de ce qui s’est passé pendant l’exercice est la clé de voûte de toute la tyrannie du mental, elle est la clé pour transformer la frustration en gratitude, l’angoisse en créativité.

Que s’est-il passé durant cet exercice ? Je vous ai demandé pendant trente secondes de porter votre attention sur l’instant présent. Nous avons choisi deux entrées différentes, la température de l’air puis les bruits ambiants. Avez-vous réussi à porter votre pleine attention à l’instant présent ? Ce fameux instant présent dont nous parlons tout le temps. Normalement aucun d’entre nous n’est capable de maintenir son attention durant trente secondes. Que se passe-t-il ?

Première étape, je vous demande de vous concentrer sur la température de l’air qui entre et qui sort. Vous y arrivez bien. Pour certains, cela a pu être une révélation.

Deuxième étape, il y a quelqu’un qui commence à parler dans votre tête. « C’est quoi cet exercice, combien de temps va-t-il durer, j’espère que le pot sera bien cette fois… ». Le mental ne peut pas s’arrêter, mais là, vous ramenez votre attention à l’instant présent et, comme par magie, vous ressentez le froid et le chaud et vous réentendez les bruits ambiants. Et sur une petite période de trente secondes vous avez sans doute remarqué que ce mouvement de va et vient a été assez fréquent.

Imaginer, ça c’est votre mental, votre moi histoire, l’histoire de votre vie qui n’arrête pas de parler du passé et du futur et ça, c’est mon moi présent, ce que je suis vraiment, ma faculté de conscience et d’attention.

Première étape, je fais attention à l’instant présent. Mon mental n’est pas là.

Deuxième étape, je me mets à penser et je pense sans me rendre compte que je suis en train de penser. Je suis tellement accro à ma pensée, à mon moi histoire, tellement convaincu d’être cette chose en moi qui pense que je ne me rends même pas compte que je pense. Mais il y a un moment magique où je me rends compte que je suis en train de penser « Ce n’est pas l’exercice ! » Alors je décolle mon attention du mental et j’arrive à voir le mental en train de parler et lui dire « Stop, je retourne à ma méditation, laisse-moi tranquille ! ».

En fait la clé est là. Si je suis identifié à ce mental qui crée des dizaines de milliers de pensées par jour, des pensées parfois toxiques, je les écoute sans voir que ce ne sont que des suggestions. Une pensée de colère et je deviens en colère ; une pensée de tristesse et je suis triste. Non ! Je peux apprendre à muscler la chose la plus importante pour vivre une vie heureuse, c’est notre faculté d’attention. Si je suis capable de décoller mon attention de mon mental, de la mettre sur l’instant présent et d’observer mon mental, alors je serai apte à beaucoup mieux m’en servir. Si j’ai une pensée de tristesse, je ne vais plus être triste, je n’aurai que la tristesse en moi. Cela peut vous paraître une différence triviale ou sémantique mais pourtant c’est une différence essentielle parce que si je vois que j’aie de la tristesse en moi mais que je ne m’y identifie pas, que je ne suis pas triste, je laisse en fait la tristesse me traverser beaucoup plus rapidement. C’est un autre des grands apports de Bouddha à la science du bonheur qui nous dit que « Derrière toute émotion, il y a une sensation physique » et la loi de l’impermanence fait que cette sensation physique arrive et repart. Si vous avez de la colère ou de la tristesse, vous allez sentir une sensation physique que vous allez reconnaître comme étant de la colère ou de la tristesse. La colère se ressent comme une espèce de tension, la tristesse se manifeste au niveau du plexus solaire comme une sorte de baisse de tension. Ce sont des sensations physiques, signes de la tristesse ou de la colère qui sont en moi. Mais que fait le mental quand il est identifié à ça ? Il raconte toute une histoire « Ah là là, je suis triste, qu’est-ce que je suis triste ! ». La sensation physique n’est plus là car elle n’a duré que quelques secondes, mais le relais mental est présent ! Je suis identifié à ce relai mental et je ne suis pas capable de me désidentifier de cette histoire, je souffre de cette histoire. L’histoire me dit « Tu es triste ! » alors je suis triste.

La pratique de la méditation, c’est tout simplement comment je vais muscler mon attention pour faire en sorte non seulement d’avoir un meilleur accès à l’endroit où se passe toute la magie de la vie, à savoir l’instant présent, mais encore comment vais-je réussir à décoller mon attention du mental pour être capable de l’observer et de statuer sur les pensées qui vont m’être utiles et celles qui seront inutiles et toxiques pour moi et mon entourage ?

Avant de rentrer dans les bienfaits scientifiques de la méditation, voyons un exemple de comment nous pouvons nous désidentifier du mental. Prenons l’exemple du musée. Quand j’étais jeune, mes parents m’emmenaient souvent dans des musées. J’ai pu y acquérir une forme de culture artistique qui me permettait de dire tout un tas de choses intéressantes. J’allais voir une expo, je passais devant toutes les toiles et disais « J’aime – je n’aime pas ! » J’étais capable de dire des choses intelligentes sur les toiles que je voyais. Pour les personnes qui m’accompagnaient, cela devait être insupportable. J’ai pris conscience que quand j’allais au musée, je ne voyais en fait rien du tout. Furtivement des toiles pour y mettre des étiquettes mais pas pour ressentir quoi que ce soit. Depuis j’ai radicalement changé ma manière d’aller au musée. Ça ne sert à rien d’essayer de cocher des cases ! Ça c’est pour ton mental, c’est pour l’identification mentale, c’est pour l’histoire que tu es en train de te raconter sur ta vie. L’idée, c’est dans quelle mesure tu vas commencer à véritablement ressentir, au-delà des mots, cette toile que tu vas voir. Aujourd’hui pour rétablir l’équilibre, quand je vais voir une expo, au lieu de voir toutes les œuvres, je choisis cinq ou six toiles que je regarde avec attention pendant trois-quatre minutes. Comment vais-je entrer dans ces toiles, voir les couleurs, voir les textures, essayer de ressentir les vibrations de l’œuvre qui est face à moi, essayer de me mettre à la place de la personne qui l’a créée, plutôt que de faire ce que je fais tout le temps si je ne calme pas mon mental, à savoir l’interpréter, la qualifier, lui mettre des étiquettes.

La pratique de la méditation permet de muscler ma faculté d’attention. Quand je lui dis de se concentrer sur l’instant présent, vous l’avez vu durant l’exercice de méditation, elle se fait capter par le mental. Chaque fois que je ramène mon attention à l’instant présent, que je muscle mon attention, je muscle mon attention comme si je soulevais des altères dans une salle de sport. C’est en musclant mon attention que je serai davantage capable d’être dans l’instant présent, de mieux fixer mes pensées pour savoir celles qui seront bonnes pour moi, et celles qui ne le seront pas. Scientifiquement, nous savons que la pratique de la méditation offre trois grands bienfaits : elle rend plus heureux, elle rend plus intelligent et elle rallonge la vie. Plus heureux car elle libère dans le cerveau les éléments physico chimiques du bonheur, la dopamine, l’endorphine ; elle permet de mieux gérer nos pensées gênantes, de prendre cette distance de désidentification qui nous permet d’agir sur nos pensées et nos émotions. Nous savons aujourd’hui que la méditation est plus efficace que les antidépresseurs pour éviter les rechutes de la dépression. La méditation rend plus intelligent car elle renforce la mémoire, la concentration, la créativité, la confiance en soi. Elle rallonge la vie car elle permet de prévenir l’arrivée de maladies cardiovasculaires, de lutter contre le stress à l’origine de nombreuses maladies, de protéger les télomères, ces petits capuchons situés au bout de nos chromosomes. La méditation agit comme un sérum de jouvence, vous verrez que les personnes qui méditent paraissent plus jeunes.

Une image me paraît puissante pour parler de la méditation. Au début du 19ème siècle, il n’y avait qu’une minorité de personnes qui se brossaient les dents régulièrement. Au début du 20ème siècle, il n’y avait qu’une minorité de personnes qui faisaient du sport régulièrement et au début du 21ème siècle, il n’y a seulement qu’une minorité de personnes qui pratiquent régulièrement la méditation et pourtant ce que nous savons aujourd’hui de source sûre, vue l’explosion des études sur les bienfaits de la méditation ces dernières années, c’est que les générations futures regarderont les non méditants de la même façon que nous regardons les gens qui ne se brossaient pas les dents ou ne faisaient pas de sport. Nous savons aujourd’hui que la méditation est une hygiène essentielle de notre organe le plus important, à savoir notre cerveau. Vous pouvez vivre sans faire de sport et sans vous brosser les dents. C’est la même chose avec la méditation, vous pouvez vivre sans mais vous n’allez pas pouvoir déverrouiller le potentiel incroyable de bonheur, de joie, et créer de nouvelles connexions dans votre cerveau.

Ma conférence vous présente des éléments très concrets. Mon but est de réussir à avoir un impact. Mon but est que vous repartiez non seulement avec un truc nouveau pour votre moi histoire, mais avec un meilleur accès à votre présent. Depuis que j’ai accès à mon moi présent, ma vie a été complètement transformée et c’est pour cela que j’ai à cœur de partager ça. Les gens qui pratiquent me disent « Je ne reconnais pas ma vie ! »

Mon souhait est que le maximum de gens repartent en disant : « Je vais essayer son truc, je verrai si ça fonctionne ». En ce moment, c’est mon moi histoire qui parle à votre moi histoire pour lui expliquer comment donner de la place à votre moi présent. C’est en pratiquant régulièrement que vous ressentirez l’émerveillement de la pratique de la méditation. Vous en parler comme je le fais en ce moment ne peut pas vous faire ressentir la véritable émotion vécue. Les moines bouddhistes disent : « Si tu as le temps, médite vingt minutes par jour et si tu n’as pas le temps, médite quarante minutes », l’idée étant que si nous n’avons pas le temps, c’est que nous nous servons mal de notre moi histoire, mal de notre mental qui nous emmène dans un endroit où nous nous sentons capable de multi tâcher alors que nous n’en sommes pas capables. Sachez qu’il vous suffit de prendre dix petites minutes par jour pour complètement, et je pèse mes mots, transformer votre vie. Tenez compte que tout ne se fera pas en un jour, il vous faudra du temps pour observer les ruses dont sont capables le moi histoire et le mental pour vous dérouter.

Au début, il faut s’accrocher. Faites dix minutes par jour et au bout de dix jours, vous commencerez à ressentir les bienfaits. Cent minutes, c’est ce que je vous implore de faire, la durée d’un mauvais film que vous regardez néanmoins. N’êtes-vous pas capable de vous faire ce cadeau magnifique ? Juste essayer ! Si au bout de dix jours, il ne se passe rien, arrêtez ! Mais je sais que 100% des gens qui le font ressentent des bienfaits.

Après, pour en faire une habitude, il faut un peu plus de temps, entre trois et six semaines de pratique de notre volonté pour que cela devienne un automatisme. Dix minutes, dix jours, comment faisons-nous ? C’est très simple, commencez avec des méditations guidées. C’est comme pour le vélo, c’est bien d’avoir une aide que vous trouverez aisément sur internet et particulier sur ma chaîne YouTube.

Voilà pour le premier aspect de la tyrannie du mental dont j’avais envie de vous parler : la compulsivité, l’identification au mental et l’antidote d’une hygiène de base du cerveau par la pratique de la méditation.

Maintenant j’aimerais vous parler d’un deuxième aspect de la tyrannie du mental qui est la négativité du mental. Notre cerveau est en proie à un phénomène cognitif qui s’appelle le biais de négativité. Cela veut dire que la pensée négative navigue plus rapidement dans le cerveau et pèse plus lourd que la pensée positive. Imaginez que je vous fasse vingt compliments et un reproche. Bien sûr vous ne vous souviendrez que du reproche, alors que nous ne voulons être qu’heureux, c’est véritablement un bug de notre cerveau. Mais pourquoi avons-nous ce bug ?

Cela fait 200 000 années que notre espèce vit sur Terre. Sur ces 200 000 années, nous aurions passé à peu près 185 000 à vivre en bande mobile de chasseurs et de cueilleurs et cela fait 15 000 ans que nous sommes passés au mode agriculture. Durant 185 000 ans, nous étions dans un mode survie, à savoir je me lève le matin et ma préoccupation principale est de manger suffisamment pour ne pas mourir.  Il y a 15 000, nous avons créé des villes pour nous protéger des prédateurs et nous avons changé le logiciel aléatoire de l’être humain. Nous sommes passés d’un logiciel « survie » à un tout nouveau logiciel, un logiciel « bonheur ». En vous levant ce matin, votre préoccupation n’a pas été de trouver à manger mais plutôt de passer une bonne journée. Le problème est que la machine qui traite ces informations, notre cerveau, n’a pas eu le temps de changer du jour au lendemain, elle ne s’est pas adaptée à ce nouveau logiciel. Notre cerveau est toujours au mode « survie » et, de ce fait, il privilégie l’information négative comme la présence d’un prédateur qui met en danger notre vie.

Aujourd’hui nous avons changé de logiciel et cela nous met d’énormes bâtons dans les roues, entre un compliment et un reproche, nous ne pensons qu’au reproche. Le cerveau passe son temps à chercher des problèmes pour pouvoir les régler. En ce moment, je suis certain que chacun d’entre vous a, au moins, un problème. Pourquoi ? Simplement parce que notre cerveau est là pour régler des problèmes, c’est sa raison d’être. Nous traitons l’information négative comme si elle était une menace pour notre vie alors que, la plupart du temps, ce n’est pas le cas.

Heureusement comme pour la compulsivité, il y a un antidote, c’est le phénomène de neuroplasticité. C’est l’idée que bien que notre cerveau soit à la base celui d’un animal en quête de survie, il évolue tout au long de la vie en fonction de la manière dont nous nous en servons. Le cerveau est comme de la pâte à modeler, il est en constante évolution. A chaque pensée correspond un réseau de neurones et à chaque fois que j’entretiens une pensée, j’active un réseau de neurones, je le renforce et j’augmente la probabilité que ce réseau de neurones se réactive par lui-même dans le futur. Autrement dit, il n’existe pas de pensée anodine, à chaque fois que j’entretiens une pensée, je suis en train d’affecter ma pensée à l’instant présent mais, en plus je suis en train d’envoyer un message à mon cerveau « S’il te plait, ressers-moi cette pensée dans le futur ! » C’est ainsi que nous connaissons des gens qui sont toujours dans leurs problèmes et d’autres pour qui tout va bien parce que le cerveau fonctionne ainsi, en cercles vicieux, ou vertueux !

Nous avons deux systèmes de pensées, la pensée automatique, le système 1, et la pensée délibérée, le système 2. Multiplier 2 x 2 fait appel à la pensée automatique. Mais multiplier 24 x 37 impliquera la pensée délibérée « Ah oui, j’ai une calculette sur mon téléphone, etc… » Conduire sur une route que vous connaissez fait appel au système 1, vous conduisez automatiquement et vous pouvez entretenir une conversation, mais dès que la circulation le requiert, vous coupez la radio, ne parlez plus, le système 2 entre en action. Notre vie est dans l’alternance entre notre système 1 et notre système 2. D’ailleurs quand nous pratiquons la méditation, c’est la pensée automatique qui nous sort tout un tas de choses et le jeu, au lieu de rajouter des pensées, est de ramener mes pensées à l’instant présent.

Tout ce que nous disons ou pensons dans la journée vient renforcer notre pensée automatique, c’est pour cela que des personnes sont tout le temps dans un cercle vertueux et d’autres dans un cercle vicieux.

La deuxième antisèche après la pratique de la méditation, la plus importante que j’ai personnellement apprise pour réussir à diminuer les moments de résistance à l’instant présent et donc d’augmenter le nombre de moments de bonheur, est la pratique de la gratitude.

Les religions, les grandes spiritualités, nous en parlent depuis des millénaires et la science contemporaine est venue confirmer que la pratique de la gratitude fonctionne comme une rééducation de notre cerveau. C’est elle qui peut faire échec et mat au biais de négativité.

Toutefois, il y a quelques différences entre ce que nous disent les religions ancestrales et ce que nous dit la science contemporaine. Les religions souvent nous disent « Merci Dieu, merci pour ma famille, merci de manger à ma faim » mais ce que nous dit la science du bonheur, ce que nous dit la psychologie positive, c’est que pour être efficace sur le cerveau, il faut savoir être spécifique dans sa pratique de la gratitude « Merci pour le délicieux pain au chocolat, merci pour le super bouquin que je suis en train de lire, merci pour le chaleureux accueil au CERA ». Être précis va permettre de renforcer nos réseaux de neurones et conduire la pensée automatique à nous suggérer de plus en plus de pensées qui seront propices à notre bonheur, et de moins en moins de pensées négatives. Concrètement, je voudrais ajouter une chose à vos devoirs, à vos antisèches, en plus des dix minutes de méditation. La pratique de la gratitude ne demande pas dix minutes mais à peine trois, et encore ! La Rolls de la pratique est de prendre un carnet et, tous les jours, écrire les choses spécifiques qui ont été bonnes dans votre journée. Le bon repas avec un collègue, l’éclat de rire avec un pote, le très bon jus d’orange que vous avez bu, etc. Nous avons tendance à prendre toutes ces choses exceptionnelles pour acquises, nous sommes pourris-gâtés, les plus privilégiés de l’histoire de l’humanité. L’idée est de rééduquer notre cerveau. « J’ai la chance de prendre cette douche chaude. » Ces choses ne sont pas acquises, même aujourd’hui pour certaines personnes.

Si jamais vous oubliez de faire votre carnet, l’antisèche de l’antisèche consiste, chaque fois que je prends ma douche, à lister cinq à dix choses supers qui se sont passées depuis ma dernière douche. Cela aura un impact majeur sur la capacité naturelle de votre cerveau à créer des moments de bonheur, l’important est de noter les moments de gratitude, peu importe la façon que vous adopterez pour cela.

Notre cerveau note les mauvaises nouvelles, il est fait comme ça. Il n’existe pas de journal des bonnes nouvelles. Nous nous rappelons de deux personnes qui se battent dans la rue mais pas qu’elles s’embrassent.

Un exemple. La mouche va voler au-dessus d’un champ de fleurs mais ne se posera que sur le petit caca qu’elle va trouver. L’abeille fera l’inverse et ne se posera que sur l’unique fleur. Et nous… nous sommes des mouches ! Mais avec un petit peu de travail, un peu de discipline et un peu plus de conscience, nous sommes capables de devenir des abeilles et de transformer complètement la proportion de moments dans nos vies passés dans le stress et l’angoisse et ceux passés dans la joie, la créativité, l’enthousiasme et la gratitude.

Voilà pour la présentation des anti-sèches du bonheur. J’espère qu’il y en qui vont partir d’ici et qui vont essayer de ressentir dans leur moi présent les bienfaits de la pratique de la méditation.

Le meilleur moment pour méditer se présente quand nous avons le ventre vide pour qu’il n’y ait pas d’interférences avec la méditation. Le mieux, c’est le matin avant le petit déjeuner et je sais que c’est difficile de prendre dix minutes le matin, particulièrement pour les mamans qui ont des enfants en bas âge. Si le matin vous n’y arrivez pas, choisissez le soir avant le diner. C’est important de faire la méditation assis. Mais vous pouvez aussi pratiquer le soir, allongé. Ce n’est pas une pratique de relaxation qui vous aidera à vous endormir, ce n’est pas du même ordre, cela ne vous aidera pas à vous désidentifier de votre mental. La méditation est vraiment une pratique d’observation. N’oubliez pas que si vous avez des milliers de pensées qui vous viennent, c’est normal et ce n’est pas grave. Cela fait partie de la pratique, cela n’existe pas de ne pas réussir à méditer. C’est précisément parce que nous n’y arrivons pas que nous en avons tant besoin.

Si vous le voulez bien, je vous propose que nous fassions une méditation guidée qui va durer une quinzaine de minutes.

Je vous demande de vous assoir de façon symétrique. Sans que cela soit inconfortable, vous vous tenez droit, dans une position qui va être, en même temps, alerte et relâchée, pour que vous puissiez être dans l’observation.

Vous fermez les yeux afin d’entrer à l’intérieur de vous et vous fermez la bouche afin de ne respirer que par le nez…

Les narines filtrent mieux l’air entrant que la bouche. La respiration est plus lente et beaucoup plus sereine…

Vous devenez complètement immobile. La seule chose qui bouge en vous est l’air qui entre et sort de vos narines…

Vous observez votre respiration. Elle se place naturellement et automatiquement sans que vous ayez à faire quoique ce soit…

Vous ressentez votre humeur du moment comme si vous inspectiez vos émotions, de l’extérieur…

Vous remarquez comme l’air qui entre est plus frais que l’air qui ressort de vos narines…

Si au cours de la méditation, vous êtes perturbé par des pensées, c’est normal, ce n’est pas grave. Quand vous vous en rendez compte, ramenez simplement votre attention à la sensation de l’air froid qui entre et l’air chaud qui ressort de vos narines. C’est-à-dire à l’instant présent…

Sans forcer et simplement en observant l’air qui entre et sort de vos narines, tâchez de ralentir votre respiration de telle sorte qu’elle devienne comme un tout petit filet d’air qui vient vous caresser à l’intérieur de votre corps lorsqu’il rentre à l’inspire et ressort à l’expire…

Comme si ce filet d’air était une substance magique qui vous apportait de la joie à chaque inspiration…

Et progressivement le filet d’air devient de plus en plus mince…

Et votre respiration de plus en plus lente…

Tout en restant concentré sur votre respiration, visualisez-vous quand vous étiez un bébé de six mois, les personnes autour de vous, l’endroit où vous viviez…

Le déroulement d’une journée typique…

Maintenant visualisez-vous à l’âge de cinq ans, rappelez-vous vos préoccupations…

Vos goûts…

Les personnes qui étaient autour de vous…

Maintenant vous avez dix ans, vous visualisez les gens autour de vous…

Vos préoccupations, vos croyances…

Vous avez vingt ans, visualisez votre corps, votre visage. Quelles sont vos préoccupations, à vingt ans ?…

Les gens autour de vous…

Vos croyances et vos goûts…

Maintenant vous avez trente ans. Souvenez-vous ou imaginez-vous à trente ans…

Tout en restant concentré sur votre respiration, visualisez vos préoccupations…

Les gens autour de vous à trente ans…

Vos croyances et vos goûts…

Quarante ans…

Maintenant vous avez cinquante ans. Qui sont les gens autour de vous à cinquante ans ? En quoi croyez-vous ? Qu’aimez-vous faire de vos journées ?…

Soixante ans…

Maintenant vous avez soixante-dix ans…

Quatre-vingts ans…

Vous avez quatre-vingt-dix ans. Vous êtes au crépuscule de votre vie. Regardez ce qui vous préoccupe…

Qui sont les gens autour de vous ? Quelles sont vos croyances et quels sont vos goûts ? …

Continuez à porter votre attention sur votre respiration. Qui êtes-vous ? La vraie personne que vous êtes n’a rien à voir avec vos préoccupations du moment, avec les gens autour de vous, avec vos croyances ou avec vos goûts. Toutes ces choses sont changeantes. La personne que vous êtes vraiment ne change pas, elle est le plus petit dénominateur commun de la personne que vous étiez à six mois, à dix ans, à quarante ans, à quatre-vingts ans. La personne que vous êtes, c’est la conscience immuable qui est capable de voir par toutes ces choses, la personne à l’intérieur de vous qui est capable de dire « Je suis » et d’observer le monde autour d’elle…

Avant de terminer la méditation, encore une fois ressentez votre humeur du moment comme si vous inspectiez vos émotions de l’extérieur…

Et quand vous serez prêt, vous pourrez progressivement sortir de cette méditation et doucement prendre conscience de tout ce qui vous entoure, tels que les bruits ambiants…

Le poids de vos vêtements sur votre corps et bien sûr, toutes les couleurs autour de vous…

J’espère que cette méditation vous aura fait du bien. Je sais qu’elle peut parfois être un peu secouante. Cette pratique que j’ai faite quand j’étais en Inde et qui, personnellement, m’avait beaucoup secoué, m’a fait prendre conscience de la trivialité des choses que je considérais comme des problèmes. Quand nous regardons quelles sont nos préoccupations et nos croyances aux différents moments de la vie, nous nous rendons compte à quel point ces choses sont changeantes et à quel point l’histoire évolue.

Avant d’ouvrir le temps des questions, je vous propose une pensée d’Albert Einstein qui dit « Il n’y a que deux façons de vivre sa vie, soit en faisant comme si rien n’était un miracle, soit en faisant comme si tout était un miracle ». Je crois qu’avec un peu de travail, un peu de discipline, ne serait-ce que quelques minutes par jour, vous pouvez transformer votre perception du monde et vous mettre à tout voir comme un miracle. A ce moment-là, la vie commence à avoir un autre goût. C’est tout le mal que je vous souhaite.

 

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Extraits du débat :

Quelque part tu fais un peu partie de ma vie, je te tutoie pour cette raison. Je suis tes méditations et à des moments compliqués de ma vie, tu as été une de mes petites lumières. Je voulais t’en remercier et il était évident de te rencontrer ce soir.

Je te remercie de ce que tu as fait ce soir, à savoir apporter un sujet positif et le partager avec tout le monde. C’est super fort !

 

Est-ce que tu crois que plus nous sommes restés longtemps identifiés à notre mental, plus il est difficile de s’en détacher ?

Je le reformulerais plutôt de cette façon  « Plus nous méditons, mieux nous arrivons à nous désidentifier du mental ». Si je ne fais pas de travail, de toutes façons je suis mon mental. Eckart Tollé qui a écrit « Le pouvoir du monde présent » dit « Je pense, donc je suis, cette phrase de Descartes, est la plus grande ineptie de l’histoire de la pensée. C’est la plus grosse erreur de l’histoire de la philosophie parce que je suis bien au-delà de ce que je pense. Je suis capable d’observer ma pensée. Ce que je suis n’est pas déterminé par le contenu de ma pensée et quelque part nous pouvons résumer l’identification au mental par cette phrase de Descartes « Je pense donc je suis » ».

Ce n’est pas ce que Descartes voulait dire, mais c’est ce que nous interprétons. Je pense donc je suis. Qui suis-je ? Ce sont des opinions, des croyances, c’est cette matière mentale, et plus nous avons passé de temps à la construire, plus cela peut être difficile à la déconstruire. J’ai passé une très grande partie de ma vie à construire des connaissances, des relations pour comprendre, en fait, ce n’était que de la matière mentale à laquelle je m’étais identifié et qui ne m’apportait rien du tout.

Cela nous dit de méditer dix minutes par jour mais je sais que déjà avec dix minutes, j’ai perdu des gens. Je médite bien plus de dix minutes, parce qu’avec la pratique, nous avons envie d’en faire plus, cela fait tant de bien. Les retraites, seul avec soi-même, dix heures par jour pendant dix jours, permettent de voir combien le mental est tyrannique. Nous voyons avec quoi nous vivions, nous voyons l’étendue du problème dont nous ne nous rendions pas compte.

 

Se séparer de son mental est inspiré par le Bouddhisme. Se séparer de son mental, de ses sentiments ! Que reste-t-il après s’être séparé de tout cela, que reste-t-il à donner ?

J’entends des gens parler du bonheur, d’amour, d’affection dont tu n’as pas parlé. Dans ta philosophie, prends-tu en compte cette idée d’amour ?

La première question « Comment tu fais quand tu es séparé du mental ? » Tu ne peux pas ! Mon mental continue à me parler. Je médite des centaines d’heure et le mental ne s’arrête pas. Il est de plus en plus aiguisé pour me tromper. L’égo ne s’en va pas. Comment puis-je faire pour interagir avec lui ? Et comment je fais avec l’ombre que j’ai en moi ? Nous avons tous une part d’ombre en nous, du narcissisme, de l’égoïsme, de la peur, du matérialisme, de la jalousie… Comment vais-je interagir différemment avec tout ça ? Avec l’amour. C’est en apprenant à aimer mon ombre, en apprenant que cela vient d’une souffrance, d’un enfant blessé à l’intérieur de soi, et au lieu de faire semblant ou de me culpabiliser, il convient de lui donner de l’amour. Ce thème de l’amour est le plus important qui soit. Quel est le but de la vie ? Je dirais c’est apprendre à donner et recevoir de l’amour.

Pour donner de l’amour et avoir les meilleurs rapports avec les autres, il faut d’abord avoir de bons rapports avec soi-même, c’est-à-dire avoir de bons rapports avec son mental. Si je suis capable d’ouvrir mon cœur, de transformer le jugement en compassion, de ne pas répondre à la négativité par de la négativité, il me faut agir sur mon mental pour savoir aimer.

Tu parles de la méditation, de la déconnexion du mental, mais tout ce que j’ai pu lire (en particulier Palo Alto) indique qu’il faut se reconnecter au maximum avec nos émotions, avec notre enfance, avec ce que nous avons pu ressentir. Est-ce que tu vois la méditation comme une déconnexion ou comme une espèce de reconnexion ?

Les deux mon général ! C’est une déconnexion et une reconnexion. Ce dont je parle depuis tout à l’heure sont des concepts, des outils. Il ne faut pas en faire des croyances, tu as besoin des deux. Tu as besoin de te connecter à ton enfant intérieur et tu as aussi besoin de te déconnecter, de te désidentifier. C’est une danse. Et la présence, c’est justement de savoir de quoi tu as besoin à l’instant. La présence, c’est de savoir dans quelle mesure je me sers de ce concept-là et dans quelle mesure je ne m’en sers pas. La croyance, c’est ne pas être présent, rentrer dans une situation et de se dire « connexion, connexion, connexion » ou « déconnexion, déconnexion, déconnexion ». C’est tout un travail. Personnellement, mon travail spirituel a plusieurs influences, une influence orientale, bouddhiste, de méditation, de connexion à l’instant présent, de présence, de ressenti des émotions, d’observation des sensations physiques. Ça, c’est la technique de méditation de Bouddha, il s’agit d’un système conceptuel. Il y aussi le système conceptuel de la psychothérapie qui t’invite à aller voir ton histoire, à comprendre là où tu as mal pour t’en débarrasser. Le problème est que si tu vas trop loin là-dedans, tu t’identifies à ton histoire, et trop à ton histoire. L’approche scientifique devient contre-productive. Il y a toujours cet équilibre à trouver, l’équilibre entre ce que tu appelles la connexion et la déconnexion.

 

Ce que j’apprécie dans ton discours, c’est qu’il nous apprend à être bien avec nous-même. 

Nous occidentaux sommes très dysfonctionnels, il suffit de voir les colonnes des journaux uniquement remplies de mauvaises nouvelles. Nous sommes très ingénieux pour nous pourrir l’existence. Mais ici, nous sommes en Vendée où il y a un journal qui s’appelle « De ma Vendée » qui a pris le parti de ne relater que des nouvelles positives.

Eckhart Tolle a proposé plusieurs techniques pour essayer de contrôler le mental sans batailler avec lui. Elles sont en particulier utilisées par les pratiquants de Taïchi et d’Aïkido. Elles consistent à porter son attention sur l’énergie et le point d’énergie source qui se trouve dans l’abdomen afin de se déconnecter provisoirement des émotions et des pensées ou de se mettre en position de témoin par rapport au mental, regarder passer les pensées et les émotions sans se laisser embarquer par elles et ne pas leur donner l’énergie et le pouvoir de s’inscrire encore mieux dans les circuits neuronaux.

Tout ce que tu as dit résonne en moi. Je crois que l’un des concepts que tu as employés et qui me parle le plus est celui de l’observation, c’est sûrement la chose la plus importante que la méditation nous apprend parce que, en créant un espace qui permet de mieux percevoir, j’observe mieux et du même coup je n’ai pas une interprétation directe des choses.

 

A propos des moines qui pratiquent le moment présent, quelle est la différence entre cette pratique du moment présent (Qu’est-ce que nous gagnons à méditer ?) et la spiritualité que leur religion ajoute ?

Ce que je trouve utile, c’est de définir la méditation simplement par rapport aux concepts d’attention et d’instant présent. A chaque fois que je porte mon attention sur l’instant présent, quelque part je suis en train de méditer, ça c’est la méditation définie au sens très large. Tu peux être en train de méditer en toute situation. Mais l’attention humaine est telle que si tu veux réussir à transformer tes activités du quotidien en méditations, tu as besoin d’une pratique du silence, d’une pratique où tu vas ramener ton attention pour qu’elle ne se perde pas, d’une pratique méditative où tu vas être assis dans le silence en te concentrant sur ta respiration. C’est l’une des plus grandes joies dans la vie.

Beaucoup de gens parlent de spiritualité, mais la seule chose qui les préoccupe est l’au-delà, les anges, les morts. Je n’ai rien contre tout cela, mais pour moi, la spiritualité c’est « Comment est-ce que je fais pour me rendre heureux et rendre heureux les gens autour de moi ? Comment est-ce que je fais pour aimer et donner de l’amour autour de moi ? »

La spiritualité n’a pas de sens si elle ne nous aide pas à mieux vivre dans cette vie-là, incarnée, corporelle. Pour moi, la spiritualité, c’est comment je réagis le matin à la machine à café quand quelqu’un vient et m’agresse. Est-ce que je l’envoie promener ou est-ce que je prends du recul en me disant qu’il doit être mal luné ? Alors j’essaie de me mettre à sa propre fréquence.

Pour moi c’est ça la spiritualité, c’est être capable de donner sans que personne te voit, de te séparer d’objets auxquels tu es attaché. La spiritualité, c’est aussi comment tu fais face à la peur de manquer, comment tu regardes cette peur de manquer, comment tu regardes le manque que tu as véritablement vécu, comment tu vois la dissonance entre les deux et dans quelle mesure tu peux t’en débarrasser. Comment tu regardes ta peur d’échouer, d’être ridicule pour essayer de vivre une vie alignée avec ce que tu crois et non pas avec ce que les gens croient autour de toi, pour trouver véritablement la raison pour laquelle toi, tu es sur cette terre, et non pour laquelle la société te dit que tu es sur cette Terre. La spiritualité, c’est ce qui permet de vivre avec amour, avec respect. Comment je profite au mieux de cette chance incroyable que j’ai d’avoir un corps, de vivre cette vie chaque jour.

 

Vous avez vécu cette expérience comme une deuxième naissance. C’est un peu ça ? Vous essayez de réparer ce qui est mal fait dans l’humain. Vous avez du travail !

Je vous entends dire que j’ai du travail, vous auriez dû dire que j’ai du travail sur moi car la seule personne sur laquelle nous pouvons travailler, c’est soi-même.

 

N’est-il pas dangereux de se dissocier du mental, de l’histoire de notre vie qui fait partie de nous-même et de refouler des choses qui ne nous plaisent pas ?

Il est sûr que si je refuse de voir des choses qui sont en moi, en général ce n’est pas une bonne chose. Ce que je refuse aura tendance à se manifester de plus en plus. Si, par exemple, je ne regarde pas les tendances que je peux avoir au narcissisme, je vais donner trop d’énergie à ce narcissisme. J’ai besoin de regarder, de comprendre, d’où cela vient dans mon enfance, de mes blessures avec papa/maman. C’est extrêmement utile. Nous avons besoin de vivre autrement cette histoire, sinon elle nous pourrit la vie.

Qui sommes-nous vraiment ? Regardez cette lampe. Il y a plein de lampes différentes dans la salle, mais il y a une électricité. De la même façon, nous sommes plein de personnes différentes mais il n’y a qu’une conscience. Le moi histoire est l’illusion de la séparation. Imagine, tu es une vague dans l’océan et tu regardes les autres vagues. En fait tu ne vois pas que cette séparation est une illusion, tu n’es pas la vague, tu es l’océan. Ces séparations sont illusoires, c’est la conscience. Je ne peux aimer l’autre sans m’aimer moi et réciproquement. Ces histoires créent des comparaisons, des jugements, elles créent des conflits, des eux contre nous, des horreurs de l’histoire de l’humanité, mais aussi des choses fantastiques, toutes les grandes découvertes. Ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui, en tant qu’espèce, ce n’est pas de renforcer le poids de l’histoire, mais au contraire, c’est de lui retirer un peu d’énergie. Eckhart Tolle dit : « Aimer, c’est se reconnaître en l’autre ». C’est-à-dire, en quoi je vois en l’autre ce qui existe en moi. Quand tu es égoïste, au lieu de dire « Ah, tu n’es qu’un égoïste ! » Je dis : « Attends, cet égoïsme que je vois est également en moi », donc je me connecte.

Les menaces qui pèsent sur notre espèce, que ce soit au niveau du climat, au niveau écologique, en recherche en génétique, la chose dont nous avons le plus besoin est de s’aimer, de s’allier et de travailler en commun, alors que nous voyons exactement l’inverse. C’est le renforcement des histoires, des collectivités, nous les Brésiliens, nous les Turcs, nous les blancs. Nos histoires individuelles et collectives sont en train de nous faire aller dans le mur.

 

Je suis vraiment convaincu de tout ce que tu as dit. Aujourd’hui nous soignons les gens en dépression avec des médicaments et je trouve que cela endort le problème. A quand la méditation dans les hôpitaux ?

J’ai créé un kit de méditations pour les écoles, un autre pour les hôpitaux, accessibles gratuitement et de plus en plus de professionnels sont motivés pour les utiliser. Ça évolue.

 

Comment fais-tu, toi qui as évoqué le mental tyrannique ? C’est quoi ton truc pour effacer les pensées négatives, pour répondre aux agressions extérieures.

La pratique de la méditation pour sortir les poubelles mentales et la pratique de la gratitude ont complètement transformé mes pensées négatives en pensées positives. Le plus important dans ma vie est la routine du matin, je sors ma poubelle mentale, j’écris absolument tout ce qui me passe dans la tête, sans filtre, c’est-à-dire que j’essaie de faire accoucher mes pensées pour savoir ce que mon histoire a à me dire, pour pouvoir statuer, pour pouvoir prioriser, pour aiguiser mon mental pour qu’il me serve le mieux possible. L’idée est de devenir mon propre coach, d’avoir un rapport éclairé avec moi-même. Puis je fais de l’exercice physique, le corps a besoin de se sentir bien pour que le mental soit bien. Ensuite je pratique la méditation. Je ne me permets pas d’ouvrir mon téléphone et de prendre mon petit déjeuner tant que je n’ai pas fait tout cela. Et la journée ne commence qu’après.

 

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel Taudière

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