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Alain SIMON : Quels changements géopolitiques et géostratégiques ?

Alain SIMON au CERA le 1 avril 2025

Quels changements géopolitiques et géostratégiques ?

Merci Jean-Michel, je viens de vérifier, 4 interventions au CERA sur 126, soit 3,27 %...
Ce qui, dans les sondages, rendrait certains très heureux, soit dit en passant.
C'est pas rien.
Comme une sorte d'effet d'accoutumance, en quelque sorte.
Allez.
C'est parti pour deux bonnes heures.
Tu sais que, une fois que je suis parti, on vérifie, c'est bien vous.
Je confirme, c'est moi.
Mais la photo date de 2017, peut-être, j'ai pris un petit coup de vieux.
Je peux toutefois apporter la preuve que c'est bien moi.
Et le plus extraordinaire, c'est que ce 1er avril, nous avons des invités surprises.
Dans cette salle, j'allais dire, dans ce bocal, en vedette américaine.
Il y a quelque chose, quand même, vous ne trouvez pas ?
Et alors attendez quand même, on n'allait pas se rater avec ça.
Et il y aura quelques seconds rôles de petits piranhas quand même.
Mais je garde l'espoir que les petits aient une chance contre les gros.
Mon métier, ça consiste à essayer de comprendre ce qui se passe dans le monde.
Autant vous dire que je n'aimerais pas être à ma place.
Dans le contexte. 11:53 02 Non ?
C'est fou.

Pour essayer de comprendre quelque chose à la confusion, la grille de lecture dont je me
sers, je me servais, je continue à me servir, c'est en effet la géopolitique.
J'ai bien dit grille de lecture.
Nous n'allons pas parler de géopolitique, ça n'aurait aucun intérêt.
On va parler à l'aide de la géopolitique comme grille de traitement de l'information.
Et en effet, la géopolitique n'est jamais qu'un habillage sémantique, new-look et chicos
de la vieille histoire géographique de nos enfances.
Mais je ne suis pas historien géographe, je m'en sers en application du principe Je n'ai
jamais pondu d'oeufs, mais je me sens aussi qualifié que les poules pour parler des
omelettes.
Ça vous convient ?

On ne fait pas ce métier depuis des années en radotant le même boniment.
Je n'ai pas non plus envie de me laisser prendre par la dictature de la quotidienneté.
J'aimerais tester la géopolitique dans ses capacités explicatives, des événements qui
viennent de se produire, depuis le début de la troisième décennie du 21e siècle.
Pour voir.
Donc rien de ce que je vais dire, je ne pouvais l'imaginer en 2017, dernière rencontre,
mais on ne va pas seulement faire commencer tout, le 21 janvier, l'inauguration de Donald
Trump.
Vous vous souvenez ce qui s'est passé ?
L'année 2020, ça vous revient.
Hein ?
T'es joli, hein ?
Ben oui, on a appris tout ça quand on a commencé à découvrir les conséquences ravageuses
des amours contre-nature des pangolins et des chauves-souris.
Vous vous souvenez ?
Quand on s'est mis à décliner l'alphabet grec.
On est arrivé à Omicron.
Ça vous revient ?

Il y a trois ans tout juste, on pensait être tiré d'affaire.
On pensait être au banquet des survivants, d'un mauvais moment, lorsque, damned, caramba,
il y a deux ans, un mois et une semaine.
Non, trois, un mois et une semaine.
On va faire le choix de rire des choses pas drôles, il y en a plus.
Et puis alors, c'est pas fini.
Vous vous souvenez de ce qu'il s'est passé il y a 18 mois maintenant ?
Là, il fallait changer de chaîne.
L'abomination, et les terrifiantes et abominables conséquences de l'abomination.
Et puis alors, comme si ça ne suffisait pas, la goutte d'eau qui met le feu aux poudres
ou l'allumette qui fait déborder le vase, je ne sais plus trop, bis repetita.
Eh bien, j'aimerais voir, avec vous, si la géopolitique, qui prétend être maline, est
capable de renouveler la réflexion sur cette incroyable succession d'événements depuis
cinq ans, et sur la confusion qui en résulte.
Vous êtes d'accord là-dessus ?

Pour éviter que ça parte dans tous les sens, je vais vous proposer un déroulé, c'est un
parcours que je propose.
Un plan un peu rigide.
Ben oui, autrement, ça part en café du commerce.
Un plan qui va s'appuyer sur un mot qui désigne un objet qui a complètement changé de
sens en l'espace de cinq ans, le mot « zoom ».
Vous vous souvenez ?
Il y a cinq ans, pour moi, un zoom, c'était un objectif photographique qui permettait de
changer de distance focale.
Et puis j'ai découvert il y a cinq ans que ça pouvait aussi être un substitut aux
rencontres en chair et en os qu'on est ravis de pouvoir reprendre.
Ambiance pascale.
J'aimerais vous proposer un plan qui va comporter plusieurs focales sur l'actualité.
Pour être même plus précis, trois.
Voilà, c'est pour que vous puissiez suivre le raisonnement.

Trois parties, trois focales.

  • Dans une première partie, je vais vous proposer un regard assez large, grand angle.
    Qu'est-ce qui est en train de se passer en ce moment sur un plan global ?
  • Dans une deuxième partie, on va zoomer davantage et on va se focaliser sur les guerres
    des années 20, si vous voulez.
    Bah oui, nos années 20.
    En essayant d'éviter la vision monoculaire, privilégier la vision binoculaire, parce que
    le monoculaire conduit au monomaniaque.
  • Dans une troisième partie, s'il y a encore quelqu'un vers 22h30, pas plus tard, promis.
    Au début, ils croient que je rigole, mais le petit bouton on/off, il est derrière.
    Et puis je ne cours pas vite, c'est vrai, Jean-Michel, mais je ne cours pas droit.
    Dans une troisième partie, s'il reste encore quelqu'un donc, on se focalisera d'avantage sur ce qu'est le liquide amniotique commun, quand même, des entreprises du CERA, c'est-à dire la dimension économique de ce qu'on est en train de vivre.

Et au fil des trois étapes, parce que ça les irrigue toutes.
Eh bien, on regardera dans le magasin de porcelaine, pour info, porcelaine en anglais,
China.
J'ai choisi ça, pour ça aussi.
Et puis un éléphant, ça trumpe énormément, vous le savez.
Ah ben attendez, il n'y a pas de raison.
Et en plus, c'est l'insigne du Parti républicain.
Tout au long de ces trois étapes, je vais vous proposer six haltes.
Six regards géopolitiques.
Alors, pour que ce soit un peu visible, parce que je n'ai pas de paperboard, je n'ai
rien, je vais symboliser ces regards géopolitiques par des petits poussins.
C'est ambiance de Pâques, non ?
Et puis un petit peu de tendresse quand même, ça n'empêche rien.
Allez, celui-là ne veut pas être.
Il est très instable, voilà.
Six fois, je vous proposerai un regard géopolitique pour ceux qui ont une mauvaise vue.
Voilà.
Une hypothèse de ce qui se passe en ce moment.
C'est clair ?
C'est parti ?

Je n'ai pas envie de prendre les événements que nous sommes en train de vivre depuis cinq
ans, par ordre chronologique.
Aucun intérêt, ni par ordre alphabétique.
J'aimerais essayer de réfléchir avec vous à la question suivante : Est-ce que ces
événements n'auraient pas des points communs qui nous échapperaient simplement parce que
nous aurions les yeux au ras des pâquerettes naines de la quotidienneté ?
Et pour ce faire, pour réfléchir à cette question, je vais imaginer, avec vous, ce que
des historiens, dans 30 ans, 40 ans, quand ils auront un recul que je n'aurai sans doute
jamais.
Ils sont partis en battue.
Qu'est-ce qu'ils pourraient imaginer de ce qui est en train de nous arriver ?
Vous voyez ?
Quand le sable sera retombé dans le bocal, toujours métaphore, 1er avril, qu'est-ce qui
pourrait surnager de tous ces événements ?

Et la première hypothèse, première halte, premier poussin, c'est que les historiens
pourraient, je suis au conditionnel, évidemment, je ne suis pas du tout sûr de ce que je
vais vous dire, observer qu'en l'espace de cinq années, celles qu'on est en train de
vivre, depuis 2020, Notre relation au temps vient d'être complètement bouleversée par
tous ces événements.
Pas le temps qui fait, ni le temps du changement d'heure.
Le temps de l'Histoire.
C'est-à-dire le passé, la relation au passé, au présent et à l'avenir.
J'explique.

Il y a cinq ans encore, quand avec des gens comme vous et moi, on réfléchissait au temps.
Le passé, on en distinguait deux, la plupart d'entre nous.
Un passé dont on avait été témoin, et un autre, plus ancien, dont on avait juste entendu
causer de.
On distinguait dans le passé ce qui lui ressort de la mémoire, ce qui lui ressort de
l'Histoire, n'est-ce pas ?
Et quand on réfléchissait à l'avenir, il y a cinq ans, On l'imaginait un peu prolongement
du présent, on n'avait pas tort.
Un peu persistance d'un passé qu'on avait bien connu.
On n'avait pas tort non plus, la persistance de la menace de l'islam radical, ce n'était
pas faux.
Et c'était aussi l'avenir des trucs dont on ne savait pas trop quoi penser.
Mais, il y a cinq ans,nous n'imaginions pas un instant que des événements que nous
considérions comme classés monuments historiques puissent faire partie de notre
actualité.
Nous n'imaginions pas, il y a cinq ans, que des épidémies puissent nous tomber sur le
coin de la figure, vu qu'on n'en avait pas connu.
Je parle dans les beaux quartiers du monde, je ne commence pas comme ça à Kinshasa.
On n'imaginait pas que des guerres en Europe puissent advenir.
Des guerres ailleurs, mais on s'en fout, je vous rappelle que les Européens appellent
guerres mondiales les guerres qui se passent en Europe.
On n'imaginait pas que de grandes migrations, liées aux guerres par exemple, puissent
advenir.
Ah, Sud-Nord, oui, bien sûr, on savait, on n'avait pas tort.
Mais Est-Ouest, on n'avait pas été témoin de ça.
Nous n'imaginions pas non plus que des pénuries puissent advenir.
Pas chez nous.
Et nous n'imaginions pas non plus, cinquième exemple, que les démocraties puissent être
fragiles, vu qu'on n'avait pas été témoin de leur fragilité.
Eh bien,t'as vu ?
En cinq ans.
Cinq exemples, cinq démentis.
Le retour des épidémies, j'ai pas besoin de faire un dessin.
Euh, le retour des guerres en Europe.

Eh !
Attendez, c'est pas qu'elles étaient impensables, c'est qu'elles étaient impensées par
ceux d'entre nous qui confondaient leur mémoire et l'Histoire.
C'est d'ailleurs ça qui a été terrifiant pour les Israéliens.
Ça faisait deux générations qu'ils n'avaient pas connu de guerre de haute intensité, avec
ce que ça implique.
Mobilisation durable, se salir les mains. l'émigration, j'avais dit.
Ah ben attendez, on a été servis quand même, non ?
Et puis attendez, je vois venir une autre vague, d'immigration en Europe, à laquelle on
ne songeait pas, c'est celle qui est en train de provoquer l'inénarrable.
Pour la première fois, on va voir, je vous le garantis, des flux migratoires Ouest-Est.
On a raison de s'y préparer.
Quelle surprise, hein ?
Et j'avais pris aussi l'exemple des pénuries.
Ah, je crois me souvenir qu'on a été gâtés, vous vous rappelez ?
Même si d'ailleurs, en 2020, on a découvert que la cause première de la pénurie, c'est la
crainte de la pénurie.
Mais ça change rien au résultat.
Ça a changé, il y a eu ça, il y a trois ans, notre inquiétude, c'était ça, il y a deux
ans, c'était ça.
Je trouve qu'on en fait un peu trop, à vrai dire, parce que c'est pas ça, les pénuries,
pour tout dire.
Non, il faut rappeler, les pénuries, c'est quand il manque les produits de première
nécessité.
Ce genre-là, quoi.
Ça, c'est la pénurie.
On est en train de découvrir depuis deux mois qu'il y a une variante de la pénurie.
C'est pas qu'on en manque, des objets, c'est qu'on est privé de leur droit d'utilisation.
Ben si !
Les Britanniques se rendent compte qu'ils ont le nucléaire, mais que les agives sont sous
contrôle américain.
C'est comme une pénurie qui ne veut pas dire son nom, mais elle arrive en ce moment
aussi, celle-là.
Les Ukrainiens découvrent que c'est bien joli d'avoir Starlink.
Mais, s'ils verrouillent, les Danois sont en train de comprendre que même s'ils veulent
faire décoller leurs avions pour survoler le Groenland, les Américains peuvent bloquer
les logiciels.
Une nouvelle forme de pénurie, qui s'appelle la dépendance, est en train de nous tomber
dessus.

Et puis j'avais pris, cinquième exemple, la fragilité de la démocratie.
On a été gâtés depuis cinq ans, tout de même, dans le pays qui était la référence en
matière de démocratie, ton en bon, hein ?
Et puis attendez, il y a encore deux mois, je disais : « La démocratie est fragile. »
Actuellement, je ne dis plus ça, je dis qu'elle est menacée.
Et puis je rappelle quelques trucs de base.
Être un démocrate, ça ne consiste pas à accepter d'être élu démocratiquement.
Ça, même les non-démocrates, ils veulent bien.
Ça consiste à accepter de quitter le pouvoir quand on est battu.
Et ça, il n'était pas prêt.
Et il ne l'est toujours pas, à mon avis.
Être démocrate, ça consiste à accepter le partage du pouvoir, l'équilibre des pouvoirs,
On n'y est pas.
Être démocrate, ça ne consiste pas à donner pleins pouvoirs à un Raspoutine qui n'est pas
élu.
Drogué, de surcroît.

Attendez, ça vous paraît fou ?
Le problème, c'est que c'est le site de la Maison-Blanche qui l'a publié.
On se pince. « Attendez, en ce moment, j'ai un peu l'impression de ça. » Non ?
Avec des gens qui ne respectent rien.
Enfin, attendez, c'est incroyable, ce n'est plus fragilité, c'est bien menace.
Nous sommes en train d'assister, soyons clairs, à la deuxième tentative de putsch par
Donald Trump.
Avec la transgression de tous les tabous.
C'est vraiment le monde à l'envers.
Vous savez, certains qui étaient plus attentifs, peut-être que nous, à la fragilité de la
démocratie, par exemple en Allemagne, en Espagne, déjà il y a dix ans, sentait venir le
truc.

Puis, il n'y a pas qu'aux États-Unis, hein, je rappelle qu'au Brésil aussi.
Et puis enfin attendez, dans un pays qui était la seule démocratie de la région, ils
auraient dû le savoir.
Fragiliser la démocratie, mais c'est dangereux.
Les méchants en profitent.
Et là aussi, on voit bien ce qui est en train de se produire.
Et puis en Turquie, de tous les côtés.
Et puis vous trouvez que franchement, massacre à la tronçonneuse, c'est démocratique et
ça fait école en plus.
Non, franchement, on est témoin d'un truc incroyable.

Et puis, rigolons quand même pas trop vite, parce que, je ne suis pas si sûr qu'en
France, la situation soit si stable que ça.
La paralysie de la démocratie.
Et j'en connais en France aussi, qui seraient prêts à faire élire démocratiquement, mais
qui ne sont pas pour autant des démocrates.
Je peux donner des noms si vous voulez.
Et puis, je trouve qu'en France aussi, le problème des relations au contre-pouvoir est
actuellement bien aléatoire.
La relation à la justice entre le pouvoir.
Il y a ceux qui trouvent que la justice est toujours trop laxiste avec leurs adversaires,
et toujours trop dure avec eux-mêmes.
C'est un problème, quand même, vous ne trouvez pas ?

Alors, Il me semble que lorsque les historiens auront un recul, que je n'aurai sans doute
jamais, ils observeront qu'il y a un point commun à tous les événements qu'on vient de
vivre depuis cinq ans, c'est que ceux qui confondaient leur mémoire et l'Histoire en sont
pour leurs frais.
Les mémoires courtes viennent de se prendre dans la figure un retour de l'Histoire
longue, de la grande histoire avec une grande H, ou un grand H, comme vous préférez.
Ça change tout.
Nous sommes redevenus des sujets historiques en cinq ans.
L'abord est redevenu une affaire collective.
Avant, c'était l'échec d'un destin individuel.
C'est de nouveau ce qui hantait toutes les générations qui nous avaient précédés.
La paix, la guerre, tout le tintouin, quoi.
On pensait en être exonérés, je t'en ficherais.
Nous aussi sommes des sujets historiques.
Et maintenant, j'espère en tout cas, quand on réfléchit à l'avenir, on a dans un coin de
tête que l'avenir, c'est peut-être du passé en préparation.
Rien n'est plus dangereux que ceux qui considèrent que l'avenir doit exclure un retour du
passé.
Je ne suis pas en train de dire « ça va recommencer », ce n'est pas ce que je veux dire.
Rien n'est plus dangereux que ceux qui en excluent l'éventualité.
Pas mal, cette période, finalement.

Nous sommes tombés du cocotier de nos illusions.
Ben oui, on avait cru qu'on était hors-sol historique.
J'ai aimé que le film qui a été césarisé en 2022 était celui-là.
Telle est ma première halte, mon premier petit poussin.
Hop !
Ça va, le plan est clair ?

Pour le compte rendu, pour que tu gardes un aide-mémoire, j'ai un substitut 1er avril,
pour chaque poussin, je te donne un poisson. » Tu ne veux pas dire que je n'ai pas
personnalisé.
Ça marche ?
On continue ?
Ou on arrête tout de suite ?
Je continue la même posture en me demandant ce que les historiens de 2050 pourraient,
etc.
Ça présente l'avantage de permettre de prendre du recul.
Je me suis demandé comment vont-ils s'y prendre, les historiens, de 2050, pour écrire ce
que nous sommes en train de vivre.

Deuxième hypothèse.
Lorsque viendra l'heure d'écrire l'histoire dont nous sommes les héros, mon intuition est
que les historiens prévoiront deux tomes. l'histoire de la manière dont chaque pays à
commencer par croire que ça ne le concernerait pas.
Tome 2, l'histoire de la manière dont chaque pays, quand il s'est rendu compte que
s'était foutu le doigt dans l'oeil, a tardivement réagi.
Il y aura l'histoire des aveuglements, suivie de, transition, l'histoire des prises de
conscience tardives et des rebonds laborieux.
Et ce qui est extraordinaire, c'est que tout au long des cinq années, ça a été la même
chose.
Ça a été la même chose pour ça.
Pour ça.
Pour ça aussi.
Bien sûr que c'est la même chose pour ça.
Et que s'agissant de la Russie, c'est pareil.
Or, ce qui m'a frappé, c'est que, aussi bien dans les phases de déni que dans les phases
de rebond, tous les pays ont ressorti des réflexes liés à leur histoire géographique.
Et que quelqu'un qui n'aurait rien su de l'histoire géographique, de la géopolitique des
pays du monde, aurait depuis cinq ans une leçon de géopolitique pour les nuls en
accéléré.
L'Histoire que nous sommes en train de vivre joue en fait le même rôle que des
dissolvants qui décapent un vernis superficiel et révèlent une marqueterie historique,
géographique, sous-jacente.
C'est ce que je vais essayer d'argumenter.
La période fait ressortir la marqueterie historique, géographique de chaque pays, aussi
bien dans « Je ne veux pas savoir » que dans « Il faut que je m'y colle ».
Extraordinaire période décapante.
Avant de vous donner des exemples, me permettez-vous de raconter le processus par lequel
j'ai eu cette intuition.
Vous souvenez-vous quel est le pays Il y a cinq ans, où la pandémie est tombée en premier
dans les beaux quartiers, je veux dire.
J'apprécierais que vous ne soyez pas cacophonique.
Où ça ?
C'est pas les beaux quartiers, enfin, je parle de l'Europe, les beaux quartiers.
Quelle ville ?
Milan.
Ça a été très fort à Milan, mais le point d'impact, la première grande ville.
Vous ne vous souvenez pas ?
Mais non.
Et à quel moment ?
Bergame a été le point le plus impacté.
Là, je parle du point d'entrée.
Et vous vous souvenez peut-être à quel moment ?
Pendant le carnaval.
Mais si, mais c'est bon sang, mais c'est bien sûr, c'est génial !
Ça a valu au journal Libération l'occasion de faire une fabuleuse couverture, où l'on a
vu, sous le masque du carnaval qui s'appelle la Baouta.
Le masque qui permet, grâce à l'impunité que procure l'anonymat, la transgression des
interdits, notamment sexuels.

Sous le masque de la transgression, on a vu apparaître le masque de la distanciation
sociale.
C'est trop joli !
Ce n'est pas une photo, c'est un oxymore.
Mais là où j'ai commencé à gamberger, parce que je ne le savais pas, je ne suis pas
historien, j'ai cherché.
D'où ça vient, la baouta ?
Et j'ai trouvé que, ô surprise, la baouta était une forme de masque inspiré du masque de
la grande peste, du médecin de la grande peste. qui n'était pas commode pour les Bisous,
cette forme-là.
On l'a tronqué, mais c'est le masque que l'on bourrait de camphre, de clous de girofle,
d'hydroxychloroquine, je ne sais pas quelle poudre de perlin à vin ils mettaient dedans.
Attendez, attendez, c'est dingue !
C'est là où était apparu le masque de la grande peste que fait son come-back, le masque
de la nouvelle, qui vient aussi de Chine.
Mais c'est incroyable comme concordance des lieux, vous ne trouvez pas ?
Eh bien si !
Marco Polo, le retour !
Comme si la rivière de notre actualité retrouvait le cours perdu du fleuve de l'Histoire.
Étrange, hein ?

Mais alors, je me suis demandé : « Mais qu'est-ce qui fait que l'Italie semble ainsi
systématiquement désignée pour prendre la foudre en premier ?
Pour être un tube à essais, pas cette bonne blague, c'est sa caractéristique
géographique.
C'est une péninsule.
Bien sûr, un cap, que dis-je, une péninsule ?
Une péninsule, je rappelle que c'est un truc qui dépasse.
C'est à la fois un tonton qui permet de conquérir des empires maritimes, comme la Grèce
d'ailleurs, Mais c'est aussi un paratonnerre qui prend toutes les foudres en premier.
C'est le statut géographique qui explique la caractéristique historique de l'Italie. « Et
si des fois, des trucs du même genre ne se produisaient pas ailleurs, ce serait quand
même une sacrée déveine, ça. » Et là, maintenant, je vous donne des exemples.
De concordance des temps, concordance des lieux.

Enfin, des caractéristiques géographiques. « A tout seigneur, tout honneur, celui par qui
le scandale est arrivé. » Vous vous rappelez ?
Comment ils ont fait ?
Dans un premier temps, le déni : on casse le thermomètre, enfin on fait disparaître le
dissident.
Vous vous rappelez ?
C'est leur habitude.
Ensuite, comme ça ne marche pas, à nous le BTP.
Et puis ensuite, cric-crac, on est dans notre maison.
Mais attendez, mais c'est extraordinaire.

J'ai observé que la Chine a retrouvé des réflexes liés à la manière dont, historiquement,
elle se protège des menaces extérieures.
Le BTP, c'est la Grande Muraille, et le confinement, c'est la Cité Interdite, qui
d'ailleurs a exactement la même forme que l'hôpital, c'est extraordinaire. la Chine a
retrouvé des réponses qui s'inscrivent dans sa relation à l'histoire et à la géographie.
Et comme bien évidemment, ça n'a absolument pas marché, eh bien, il a fallu qu'ils se
résignent.
Et là, eh bien, ils nous ont démontré, aussi bien dans la phase de résignation qu'ils
l'avaient montrée dans la phase de tentative de déni, un identique mépris pour la valeur
de la vie humaine.
Ils nous ont raconté leur histoire.
Croire que l'on peut s'isoler.

Il y a un autre pays qui est tombé dans le piège, plus récemment.
Croire qu'une muraille, grande ou petite, permet de se protéger.
Eh oui, terrible, hein ?
Que ça n'a évidemment pas marché, mais ce qui m'a halluciné, c'est de voir, finalement,
que les petits enfants des survivants de l'Holocauste avaient retrouvé le réflexe du
ghetto de croire qu'un mur, ça protège.
Alors que l'Histoire l'a enseigné, ça donne l'impression d'être une protection, mais en
fait, ça vous désigne à la vindicte.
C'est dingue de voir qu'Israël est retombé dans la bassine historique que les survivants
des arrière-petits se sont tapés un pogrom.
C'est invraisemblable.
C'est entré en résonance, vous ne trouvez pas ?

Il y a des pays qui n'ont pas éprouvé le besoin de s'isoler, par des murs, parce que,
isolés, ils étaient.
Ben, les insulaires.
Insulaires, ils ont immédiatement cru que leur insularité allait les protéger.
Ça a été le cas.
C'étaient les pays qui avaient choisi le zéro Covid.
Ça n'a pas marché pour la Nouvelle-Zélande.
Ça n'a pas marché pour l'Australie.
Ça n'a pas marché pour le Japon non plus.
L'insularité.
Ce réflexe géographique qui était historiquement fondé a été retrouvé, et ça n'a pas
marché.
S'isoler, croire qu'on l'est.
Il y a une variante de l'insularité qui prend un coup de canif depuis trois ans.
C'est la neutralité.
C'est presque pareil.
C'est croire qu'on peut se protéger par des choix politiques.
Eh bien, vous avez vu comment ça s'est passé, tiens, le croire qu'on peut bâtir des murs
par la neutralité.
Les Suédois avaient cru qu'ils allaient pouvoir rester neutres pendant le Covid, comme
ils l'avaient été dans les précédents conflits.
Ça n'a pas marché.
Ils ont cru qu'ils allaient rester neutres par rapport à Poutine.
Je t'en ficherais, moi.
C'est comme les Finlandais.
Eh bien attendez, j'ai l'impression depuis quelques mois d'être témoin du fait, par leur
volonté d'entrer dans l'OTAN de ces deux pays, que le mythe de la neutralité s'est
complètement écroulé.

J'habite actuellement dans un pays qui a fait de la neutralité une référence absolue,
j'habite en Suisse.
Pour les Suisses, c'est absolu, la neutralité, c'est là.
Eh ben, c'est pareil, ça n'a pas marché.
Ils ont cru qu'ils allaient rester neutres par rapport à Poutine, eh bien il a fallu
qu'ils s'alignent.
Mais pas trop quand même, une petite goutte d'eau.
Pas au point de vente du matériel militaire.
Parce que les Suisses, c'est un peu comme des Français, ils vendent le matériel militaire
uniquement aux gens qui respectent les droits de l'Homme avec.
Ils ont cru aussi que par rapport au 7 octobre, ils allaient pouvoir se ponce pilater.
Je ne sais pas si c'est terroriste ou pas, le Hamas.
Il y a des gens en France qui ont fait ça.
C'est pas de chance.
Ils sont obligés de s'aligner.
Mais à la Suisse, leur relation au temps apparaît.
Il faut consulter tout le monde, il n'y a pas le feu au lac, quoi.
À chaque fois, c'était extraordinaire pour des observateurs extérieurs que nous étions
récemment installés en Suisse, on a découvert la relation au temps des Suisses.
Tout s'inscrit dans la logique aussi vite que possible, aussi lentement que nécessaire.

Il y a un autre exemple d'insulaire qui, j'espère, fera progresser le raisonnement.
Plus insulaire qu'eux.
C'est vrai que l'insularité a protégé historiquement la Grande-Bretagne.
Donc, « in insularitas veritas ».
Toute l'Europe continentale s'est confinée, vous vous rappelez, il y a cinq ans ? « Pas
nous !
On ne va pas rouler du même côté de la route que les autres ! » Il a tenté un Brexit
sanitaire.
Le Brexit, ce n'est jamais que la version britannique de l'insularité.
Eh bien, il n'a pas été long à se rendre compte que ce n'était pas possible.
Il a suffi de deux, trois coups de téléphone, pour lui faire comprendre combien c'était
vain de croire qu'on peut se protéger par le Brexit.
Les dirigeants européens qui l'ont téléphoné en lui disant : « Dis donc, camarade », il a
tout de suite obtempéré, « Si tu veux faire un Brexit, nous, on va mettre en place un
Eurexit.
Comment ça ?
Une frontière autour de l'archipel ?
Même pas mal !
T'as rien compris, Boris, on va t'expliquer mieux.
Ce sera une frontière terrestre.
Ah bon, ça, là ? dans cette île qui fait partie de l'archipel, qui est divisée en deux.
Le nord, l'Ulster, fait partie du Royaume-Uni.
Tu peux faire ce que tu veux dedans.
Le sud, République d'Irlande, fait partie de l'Union Européenne, c'est les règles qui
s'imposent.
Et il est hors de question qu'on laisse circuler les cinglés librement.
C'est pas les cinglés, c'est les malades, vous comprenez ?
Toi qui les laisses dans la rue, nous qui les bouclons, on va mettre en place une
frontière ici.
Et alors ?
Ah bah alors, tu devras en assumer les conséquences.
Ça rendra impossible la libre circulation.
Ça va donc remettre en cause ce qui a rendu possible les accords du Vendredi saint qui
ont mis un terme à la guerre civile irlandaise.
Tu vas nous obliger à te rendre responsable de la reprise de la guerre civile. » Eh bien,
il a obtempéré.
Et c'est tout le dilemme de la Grande-Bretagne et de son impossible insularisation.
Je résume.
Ou bien, on met en place une frontière ici et la guerre reprend là.
Ou bien, Pour éviter que la guerre reprenne là, il n'y a qu'à mettre une frontière ici.
C'est ce qui figure dans l'accord du Brexit du 31 décembre 2020.
À ce moment-là, explosion de colère chez B.
Les unionistes. « Comment ça, on n'est pas traités de la même manière que les autres
provinces du royaume ? » Révolte des pieds-noirs de l'Ulster.
Et aussitôt, les Écossais sautent sur l'occase en disant : "Finalement, l'Ulster a le
droit de rester dans l'Union Européenne.
Nous aussi, on aimerait beaucoup !" Et c'est là qu'on découvre que ce que l'on croyait
être un Royaume-Uni, verni, la marqueterie des forces centrifuges, ne demande qu'à
ressortir sous l'effet décapant des périodes de crise.
C'est tout récent.
C'est lorsqu'un roi d'Écosse est devenu roi d'Angleterre, qu'il a fusionné au XVIIIe les
drapeaux et les royaumes.
Comme il s'appelait Jacques, le drapeau s'est appelé Union Jacques.
Se serait-il appelé Jean-Michel ?
Le drapeau se serait appelé.
Ça aurait une autre allure, d'ailleurs, je pense.

Mais ce qui m'a frappé, et ça fera progresser le raisonnement, j'espère, c'est qu'on a
retrouvé en 2020 la même marqueterie : Ulster, Irlande d'un côté, Écosse, de même côté,
Angleterre, Pays de Galles de l'autre.
La même que celle qui était apparue lors du référendum sur le Brexit.
Vous vous souvenez ?
Où, je rappelle que l'Écosse et l'Ulster avaient voté « Remain », l'Angleterre et le Pays
de Galles, Brexit.
Mais d'où elle vient, cette marqueterie qui ressort dans les périodes décapantes ? « Le
temps long », vous répétez-je depuis des années.
Ben oui, ça ne va pas nous rajeunir, c'est l'Empire romain.
J'observe qu'éprouve toujours le besoin de couper les ponts avec l'Europe continentale,
ceux qui ont été soumis à la tutelle impériale de l'Europe continentale.
N'éprouvent pas le même besoin ceux qui n'ont pas eu à subir la botte impériale romaine.
Comme si le mur d'Hadrien, qui n'existe quasiment plus dans le sol, n'existait encore
dans les têtes.
C'est dingue, vous ne trouvez pas ?

D'ailleurs, je rappelle que ce sont les mêmes. qui ont eu à subir la tutelle du
successeur de l'empereur de Rome.
Qui ça ?
Le pacte.
Le pacte de l'Église apostolique et romaine.
Vous pensez comme ça va bien se vendre en Angleterre.
À un type qui demandait qu'on pris Dieu en latin, mais vous vous rendez compte ?
Eh bien, c'est les mêmes qui ont tenté un Brexit religieux, ça s'appelle la sécession
anglicane.
Fascinant de voir les vieilles fractures qui ressortent en permanence.
Et c'est la raison pour laquelle, évidemment, depuis toujours, la Grande-Bretagne est,
par rapport à l'Europe, un pied dedans, un pied dehors, m'est avis qu'à très court terme,
ce sera l'inverse.
Et d'ailleurs, je salue au passage Donald Trump, parce que c'est grâce à lui, que l'on
voit la Grande-Bretagne et l'Europe continentale se rapprocher.
Comment le remercier, lui qui a contribué à reconstituer l'entente cordiale ?
Ah, que la Grande-Bretagne Brexit pour des histoires de chasse à la palombe ou
d'obligation d'attacher les bouchons aux bouteilles en plastique, des causes totalement
secondaires, ça, ce n'est pas grave, mais quand il s'agit de l'essentiel, C'est étrange,
hein, cette période démaquillante que nous sommes en train de vivre.
Un autre exemple encore, parce que vous insistez.
Je ne peux pas ne pas en parler.
Les États soi-disant unis.
Vous vous souvenez comment il a fonctionné, l'inénarrable ?
Il y a cinq ans tout juste.
Je voudrais détrumpiser son attitude.
Il a son style, mais il n'y a pas que ça.
Il est l'incarnation de l'histoire et de la géographie américaines, je vais essayer de le
montrer.
Je rappelle que les États-Unis, à vos souhaits, je sais, ça provoque des réactions
psychosomatiques, c'est assez normal.
Non, mais ça se comprend.

Les États-Unis ont été constitués par des gens qui ont fui les emmerdements européens.
Famines, guerres, persécutions, religieux, enfin tout le tintouin, quoi.
Et qui sont allés là-bas construire une non-Europe, vous vous souvenez.
Une non-Europe protégée des menaces européennes.
C'est-à-dire que consubstantielle de la création des États-Unis, il y a l'isolationnisme.
Oh, c'est toujours le même mot que je décline, insularité, c'est toujours pareil,
isolationnisme.
Sauf que l'histoire américaine montre que malgré leur volonté isolationniste, ils sont
parfois contraints de réagir.
L'histoire américaine est un mouvement de balancier. permanent entre une volonté
d'insularité et une résignation à l'intervention.
Et il n'y a pas de périodicité régulière.
C'est quand une posture percute le mur que le balancier part dans l'autre sens.
Quand les Américains sont interventionnistes, il faut les considérer comme des
isolationnistes contrariés, comme on parle de gaucher contrarié.
Eh bien, il a retrouvé le réflexe fondateur isolationniste.
Il n'arrête pas de retomber dans la bassine.
Sauf que, déjà, en 2020, pas de bol, si tu ne vas pas à l'international, c'est
l'international qui viendra à toi.
Vous vous souvenez ?
C'est l'histoire de leur vie.
Ils se sont ramassés un Pearl Harbour sanitaire. « The story of their lives ».
Même lui !
C'est le moment où je lui avais envoyé un bidon de 15 litres d'eau de Javel avec un postit
"Un ami qui te veut pas du bien".
Vous vous rappelez ?
Ils ont testé sur le président américain un traitement expérimental.
Vous vous rappelez ?
Ils auraient peut-être mieux fait de se casser une jambe, je suis d'accord avec vous.
Attendez, un traitement expérimental sur le président américain ?
Mais je vous rappelle qu'en France, il aurait fallu en passer par les tests, phase 1,
phase 2, phase 3.
Faire des essais sur les souris de laboratoire, faire taire la Ligue de défense des amis
des souris de laboratoire.
Ça aurait pris des années.
Eh bien, on vient de voir réapparaître une marqueterie essentielle.

Les pays, comme chez nous, où on dit prendre un risque, les pays, comme là-bas, où on dit
prendre une chance.

Mais oui, le pays qui a été peuplé par des gens qui sont allés là-bas pour surmonter un
échec.
Et c'est ça qui est fondateur aux États-Unis.
C'est pas le succès, c'est la capacité à surmonter les échecs.
Et c'est ce qui explique peut-être la fascination de Donald Musk, j'assume mon lapsus,
pour Donald Musk. Oui, chaque fois que Musk lançait un étage de Starlink, en France, on disait « échec,
échec, nouvel échec », « C'est fou le nombre de trucs que j'ai appris ! » Ce qui explique
Ce qui pour nous est incompréhensible, la fascination de ces deux personnages, c'est leur
aptitude à surmonter les échecs, qui s'inscrit dans l'histoire américaine.
e rappelle que échec, ça veut dire que j'ai échoué, pour moi.
Pour des gens qui ont quitté l'Europe en bateau, échouer, c'est éviter un naufrage.
Ben oui.
J'ai failli.
Enfin, j'ai fait faillite.
Oui.
Là-bas, c'est presque réussi.
Ce clivage culturel est essentiel à comprendre.
Mais oui, dans nos squares, les enfants jouent au manège.
Plus ça change, plus c'est pareil.
Là-bas, c'est roller coaster, on se casse la gueule, on repart.
Il y a une culture permanente du rebond.
On ne peut pas comprendre sa réélection, qui est hallucinante pour nous, si on n'intègre
pas ça.
Et puis alors, vous avez vu, cette espèce de gourmandise qui est la sienne ?
Mais là encore, c'est l'histoire américaine.
Je rappelle que les États-Unis se sont créés en repoussant en permanence les frontières.
Il y a une culture de la nouvelle frontière.
Même Kennedy avait proposé ça.
Il revisite le mythe fondateur de la relation à l'Histoire : repousser les frontières.
Je ne suis pas en train de donner raison.
J'essaie de comprendre d'où ça vient.
Et alors là aussi, on a vu la marqueterie ressortir.
Il faut que l'État américain s'y colle.
Enfin, il faut réagir plutôt.
Clivage, pardon, aux États-Unis. « Il faut réagir face au virus », que ce soit l'État qui
intervienne.
D'autres qui disent surtout pas de ça, Lisette. « On vient d'Europe où on confiait la
sécurité aux États, on a vu ce que ça donnait. » Non, non, non, que chacun prenne en
charge sa propre sécurité.
Je vous raconte le deuxième amendement sur le port d'armes.
Cette fracture-là, ceux qui sont en faveur de l'intervention de l'État, que chacun prenne
sa sécurité en charge, c'est en gros démocrates, républicains.
Ça s'est retrouvé aux élections de 2020.
En bleu, les démocrates, en rouge, les républicains.
Euh, ouais.

Moi, je vois une fracture plus archaïque qui ressort.
Je vois la fracture entre les côtes, traditionnellement plus consciente des menaces du
monde et de la difficulté de s'en protéger.
Et l'entrecôte, qui croit qu'on peut vivre isolé.
Et c'est étrange, parce que je crois même retrouver presque d'une certaine façon la
vieille frontière de la guerre de Sécession. qui n'a pas si tant cessé que ça, ça c'est
sûr.
Regardez par exemple la carte qui était derrière Trump quand il a reçu Saadé.
Je l'agrandis.
Eh bien, c'est la frontière des États confédérés.
Et j'observe qu'en ce moment, l'élection de 2024, et ce qui se passe depuis trois mois,
c'est comme si les Confédérés prenaient leur revanche dans la guerre de Sécession.
La victoire des tenants des valeurs traditionnelles qui s'en prennent aux valeurs
progressistes.
C'est pas encore le rétablissement de l'esclavage, mais c'est déjà le retour de la
discrimination.
C'est pas fini.
Ça aide, le temps long.
Il y a une dernière tentative de se croire protégé qui me semble avoir du plomb dans
l'aile, c'est celle-là.
Croire qu'on est protégé par des alliances.
Écoute pas, écoute pas, chérie.
Pour le meilleur comme pour le pire.
Mais par contre, il y a des trucs vachement plus dangereux, les alliances qui sont
remises en cause.
Ils l'avaient dit, d'ailleurs.
On est témoin de la remise en cause du mythe de l'alliance protectrice.
Patatrac !
C'est fou !
Et pas que l'OTAN, des trucs comme ça aussi.
Les Suisses sont en train de se rendre compte que ce n'était pas astucieux d'acheter des
F-35, vu que les Américains peuvent les débrancher.
On est en train de se rendre compte à quel point tous les mythes protecteurs sont en
train de s'écrouler les uns après les autres.
Je ne donne pas forcément très cher d'autres alliances que je pense être conjoncturelles.
Attendez, un marigot, deux crocodiles, vous y croyez-vous ?
Et celle-là.
Moi, j'adore cette période qui fait ressortir l'histoire et la géographie de chaque pays.
On n'est pas pressé par le temps.
Comment ?
Ça va, pour l'instant.
Ça vous tente ?
En français dans le texte.
La France a ressorti, elle aussi, des mythes historico-géographiques.
Le premier, c'est celui-là.
Le mythe du village de Petit Bonhomme qui résiste à ce qu'il se passe dans le monde.
Je ne sais pas à quoi ça tient, mais les Français me donnent l'impression par moments
d'être dans une espèce d'exoplanète à la lisière de la galaxie.
Juste après Pluton, il y aurait la France, protégée que nous sommes par nos frontières
naturelles, nous.
Ce n'est pas l'isolement, c'est les frontières naturelles.
Le mythe français, c'est celui-là.

Pourtant, vous savez, en 2020, il était parfaitement possible de savoir ce qui allait
nous tomber sur le coin de la figure à huit jours de délai.
Il n'y avait qu'à passer un coup de fil en Italie.
À 15 jours de délai, téléphoner en Espagne. « Mais non, quand même, on ne va pas se
comparer aux Italiens. » « Dolce vita far niente, pas sérieux. » Et aux Espagnols, on n'a
pas le même niveau de développement qu'eux.
Attendez, ce qui a tenu lieu de frontière naturelle en France, c'est notre arrogance.
On a retrouvé la version de la frontière naturelle revue et corrigée.
On a fait la même chose, d'ailleurs, en 2022.
Tout le monde avait compris que l'invasion de l'Ukraine, les rétorsions contre la Russie
allaient provoquer une crise de l'énergie.
Pas chez nous, voyons !
On a le meilleur système nucléaire du monde !
Et puis, il y a un truc qui m'a épaté en France, c'est qu'à l'heure du bilan, il y a eu
des faiblesses françaises qui nous ressemblent.
Bien sûr, comme tout le monde.
Mais il y a aussi eu des succès.
Personne n'avait inventé ça.
Il n'y a pas un pays au monde où autant de gens ont été pris en charge. aussi rapidement,
dans une telle proportion, par la collectivité.
Et alors même que le bilan n'est pas pire des zones d'ombre, des zones de lumière.
C'est en France que le rejet de l'exécutif est systématiquement le plus véhément.
Sentez.
Même chose par rapport au chômage qui avait explosé partout, sauf ici.
Rejet.
Même chose par rapport à l'inflation, qui a été mieux contrôlée qu'ailleurs.
Rejet.
D'où ça vient ?
Que dans un pays où les dirigeants ont été notoirement nuls, ils soient rejetés, je
comprends.
Que dans un pays, si on m'en trouve un, où ils auraient été brillants, ils sont encensés,
je comprendrais aussi.
Mais qu'à bilan pas pire, rejet plus véhément, je comprends pas.
Mon hypothèse, c'est que les Français revisitent une page de leur histoire qu'on connaît
bien en Vendée.
Ça s'appelle la Révolution.

La Révolution, je rappelle d'abord que c'est un truc qui ramène au point de départ.
En quoi a-t-elle consisté la Révolution française ?
Je ne suis pas historien, je vais me faire lyncher, mais tant pis, j'assume. en gros, à
remplacer une monarchie héréditaire par une monarchie élective.
Ben si, le problème de la monarchie héréditaire, c'est que le fils d'un monarque éclairé
peut être éteint et son petit-fils peut être complètement allumé.
Donc on a inventé le coupe-circuit.
Attendez, on n'a pas touché au système monarchique.
D'ailleurs, j'observe que le lieu du pouvoir législatif actuellement, paralysé en France,
se tient encore dans un palais qui s'appelle le Palais Bourbon, il faut le faire.
Dans le prolongement de la rue Royale, non mais ça ne s'invente pas, ça.
Et que persiste, chez les Français, hérités de l'Histoire, l'envie permanente.
Bah tiens.
D'autant plus que les monarques français avaient une caractéristique bien particulière,
ils accomplissaient des miracles.
En grec, thaumaturge. « Je te touche, je te guéris. » « Je te touche, c'est Dieu qui te
guérit. » Bonaparte avait repris le truc.
Eh bien moi, je maintiens que persistent et signent en France des réflexes régicides visà-
vis de monarques dont on continue à attendre qu'ils soient thaumaturges.
Il aurait fallu que le ministère de la Santé soit du domaine régalien.
Plus grandes sont les attentes, plus grande sera la déception.
Je prends le risque, pour les chefs d'entreprise qui sont dans la salle, de leur dire
comme ça : "C'est peut-être pas mal que vous sachiez que chez tous vos collaborateurs, il
y a des régicides qui sommeillent.
Je dis ça et je ne dis rien, mais je le dis quand même.
Et on a vu la marqueterie ressortir en France, vous savez aussi pareil.
Comme aux États-Unis, il y a des gens qui ont traîné des pieds pour respecter les
injonctions de Paris, d'autres qui les ont acceptées plus facilement.
Exemple.
Ça, c'est les endroits où on s'est fait vacciner plus que la moyenne.
Moins que la moyenne.
C'est bizarre, hein ?
C'est normal que mon truc se barre ou pas.
De toute façon, ce sera embêtant parce que ce ne sera plus transmis au FSB et à la CIA,
donc ils vont intervenir.

C'est quoi ça ?
C'est le climat ?
C'est la Loire ?
Ça m'a d'autant plus interloqué que j'ai retrouvé, d'une certaine manière, une autre
fracture, une autre marqueterie.
Vous voulez mon intuition ?
D'où ça vient ?
Le Temps Long.
L'édit de Villers-Cotterêts. quand François 1er a imposé l'usage de la langue d'oïl au
pays de Languedoc.
Et depuis, tout ce qui vient de Paris est vécu comme une émasculation, ce qui se
manifeste a minima par la persistance d'un accent.
Ça vient de loin, n'est-ce pas ?
C'est pour que vous suiviez le plan, c'est clair ?

Ça va ?
Encore ?
On continue ?
Encore une heure.
J'ai encore une heure.
Je précise que ceux qui sont des adeptes de la règle de trois « 2 poussins, 1h10, » «
Restent 4 poussins », ils ne rigolaient peut-être pas quand ils parlaient de 22h30.
Je lis dans vos regards.
En fait, non, la situation est encore sous contrôle parce que le temps qu'on a consacré à
la première étape n'est pas proportionnel à celui que l'on va consacrer aux autres.
Tant pis.
Parce que tout ce qu'on a fait jusqu'à maintenant, ce n'est pas du temps dépensé, c'est
du temps investi. et on va en toucher les dividendes.

Les guerres.
Tentative pour résumer la première étape, vu que ça va être utile.
Nous vivons une période singulière où pour comprendre le présent, il est indispensable de
flashbackiser.
Vu que le passé ne passe pas.
Vu qu'on continue à voir au présent, persister et signer des frontières d'empire qu'on
croyait disparues.
Des espèces de frontières zombies, n'est-ce pas, le mur d'Hadrien.
Comme il y a des gens qui ont encore mal à des membres amputés.
Et tout ça, pour une raison bien simple, c'est qu'on est en train d'assister à une
revanche de l'Histoire sur la mémoire.
Et l'autre truc que j'ai dit en première partie, que je résume maintenant, c'est qu'on
est également en train d'assister à une revanche des territoires sur les cartes.
Mais c'est une période incroyable quand même !
Revanche de l'Histoire sur la mémoire, des territoires sur les cartes, mais ce n'est pas
une géopolitique fabuleuse.
Et d'ailleurs, on est en train de voir un type qui s'imagine qu'en changeant la carte, il
changera le territoire.
Ah ah !
C'est comme ceux qui, en entreprise, s'imaginent qu'en changeant l'organigramme, on va
changer l'organisation.
Ah ah ah !
Les pauvres.
C'est fou, les confusions.
Il y a même en ce moment des gens, j'observe ça, qui, non contents de confondre la carte
et le territoire, confondent le droit et la justice.
C'est fou, hein ?
Au motif que ce serait injuste, ils trouvent que ce n'est pas légal.
C'est drôle.
Ils sont marrants, les gens.
Ainsi donc, la géographie et l'Histoire, les mythes, de chaque pays explique les
comportements ?
Peux-tu, Vladimir Vladimirovitch, nous raconter ta vision du monde ? » Eh bien, regardez
la Russie, tiens.
Immense !
Immense, hein ?
À la fois mitoyenne de la Pologne, pour son plus grand malheur, et de la Corée du Nord,
pour le plaisir de l'alliance entre les voisins.
Onze fuseaux horaires.
Il n'y a que la France qui en a plus, treize.
Mais ils ne sont pas jointifs.
Mais il n'y a rien dans ce pays immense qui soit susceptible d'empêcher les invasions
dans le catalogue des mythes protecteurs que j'avais élaborés en première partie.
Comment veux-tu croire en une muraille ?
Qu'il soit possible de s'insulariser.
Il n'y a même quasiment pas d'accès à la mer, et souvent en plus, la mer, elle gèle.
Et il n'y a pas de frontière naturelle pour arrêter les envahisseurs.
Le catalogue de ma première partie est sans objet pour la Russie.
Et ce qui, dans l'histoire russe, est un substitut à ces mythes qui ne marchent pas.
C'est l'existence, autour de la Russie, d'une bande protectrice de plusieurs centaines de
kilomètres d'épaisseur.
Une immense doudoune.
Ils ne sauront rien, les Russes.
Constituée d'États, de vassaux. et dont fait partie l'Ukraine.
Ça change tout, vous savez.

La Russie, faute de pouvoir recourir au mythe précédemment évoqué, ne conçoit sa
protection qu'en inventant un système pare-chocs, une cuirasse de plusieurs centaines de
kilomètres, constitué par l'Ukraine, la Bélarus, la Géorgie, que sais-je encore.
Je rappelle que c'est là qu'ils ont réussi à repousser les envahisseurs. dans une logique
qui est toujours la même, on recule, on recule, on recule, et quand arrive la neige,
c'est là qu'ils ont repoussé aussi les invasions nazies.
Mettez-moi la place, à l'instant, de Poutine à l'idée d'être privé d'une partie de son
gilet pare-balles.
Je ne lui donne pas raison.
J'essaye de comprendre dans quelle logique historique s'inscrit, et géographique,
s'inscrit Je suis autonome, mais plus besoin, Vladimir Vladimirovitch.
Je me débrouille.
Je ne me sens pas en confiance du tout.
Soyons clairs, ce n'est pas qu'aujourd'hui, ils craignent une invasion nazie ou
napoléonienne.
Ce qu'ils craignent, c'est une invasion démocratique.

Il faut le savoir, pour comprendre Poutine, Je ne dis pas pour l'approuver.
Il faut se souvenir de ce que disait la grande Catherine : « La seule manière que j'ai de
protéger mes frontières, c'est de les repousser. » Si vous comprenez ça, vous comprenez
que ce n'est pas en lui donnant le Donbass qu'on va le rassurer.
L'angoisse dont est l'expression, ne se comprend que dans l'histoire et la géographie de
la Russie.
On n'a pas suffisamment traité sérieusement la portée sémio de ces tables.
Mais c'est une manière de bien dire, faire passer le message.
Seul tenir à distance nous protège.
Encore une fois, de même que tout à l'heure, je vous disais que d'une certaine manière,
la folie de Trump est issu de la folie collective américaine, je suis en train de montrer
que Poutine est l'incarnation de la névrose historico-géographique russe.
Parce que dans les périodes de crise, les gens retrouvent des réflexes névrotiques, tout
le monde sait ça.
Dites-moi, c'était bien avec vous qu'on avait dit : « Les empires sont pas éternels, mais
les frontières continuent à se voir ? » C'est bien ici, hein ?
Je vérifie sur la boîte noire où il y a l'enregistrement du vol.
Notamment l'Empire romain, on avait dit ça.
J'avais même montré que ça existait encore.
Tiens, par exemple, tout là-haut, il y a la station Adrien, terminus, tout le monde
descend.
Alors ça va nous servir de nouveau.
Les empires sont pas éternels, tant pis.
Un se divise en deux, tôt ou tard, puis se subdivise.
Dans le cas de l'Empire romain, la division a eu lieu en quatre après J.C.
Vous vous rappelez ?
Enfin, tu as une mémoire qui précède la naissance, quand même.
Depuis le temps qu'on se connaît.
Ben oui, partage entre l'Empire d'Orient et l'Empire d'Occident.
Je crois vous avoir dit Et je vais m'en servir que c'est toujours aux mêmes endroits
qu'on se refracturationnise.
Oui ?
Même que sur un mur, des fois, quand il y a une fissure, on met un repère pour voir si ça
ne se prolonge pas.
Ai-je besoin de vous rappeler que c'est dans le prolongement de cette fracture du IVe
siècle qu'en est apparue une autre, six siècles après, prolongeant la précédente,
fracturant cette fois-ci la chrétienté.
Une fracture dans la chrétienté, ça s'appelle un schisme, en 1054, entre la partie de la
chrétienté qu'on va qualifier d'orthodoxe et la partie de la chrétienté qu'on va
qualifier d'hétérodoxe.
Or, figurez-vous que cette fracture passe par l'Ukraine, qui est une faille de San
Andreas technologico-religieuse, fragile.

D'ailleurs, Ukraine en russe.
Ça veut dire bordure.
C'est la bordurie de Tintin.
Cette frontière, on ne la voyait plus.
Cette fracture, pourtant, elle existait encore.
La preuve, ils ne s'étaient pas rencontrés depuis 1054.
Le pape de certains hétérodoxes et Kirill, le patriarche de certains orthodoxes, ils sont
reconnus grâce au costume.
Or, ce qui se passe, c'est que si les orthodoxes récusent, ont récusé l'autorité papale,
ils récusent toute autorité suprême.
Ah oui.
Ils font allégeance à qui bon leur semble.
Aucun pape, pas le moindre soupape.
Qui le patriarche de Moscou, Kirill ?
Qui le patriarche de Constantinople ?
Qui personne ? n'en font qu'à leur tête, en grec « autocéphale ».

Or, ce qui est en train de se passer, c'est qu'une partie des orthodoxes d'Ukraine a
décidé de ne cesser de faire allégeance au patriarche Kirill de Moscou.
Et que nous sommes en train d'assister à un schisme dans l'orthodoxie. qui, d'une
certaine manière, ressemble, finalement, à ce qui s'était passé chez les hétérodoxes,
quand certains d'entre eux ont refusé de continuer à faire allégeance au pape, je veux
dire la réforme protestante.
C'est aussi ça.
Parce que mettez-vous à sa place, Kyrill, qui se voulait patriarche de toutes les
Russies.
Il va être un peu chafouin s'il envoie une d'entre elles qui se tire.
Et puis il y a aussi le patrimoine immobilier qui garde les monastères et le denier du
culte.
Nous sommes en train d'assister à une alliance entre un sabre et un goupillon.
Je veux dire quelqu'un qui veut reconstituer le système protecteur traditionnel impérial
russe et quelqu'un qui veut en reconstituer la doublure culturello-religieuse.
C'est avec vous que j'ai parlé de. ça, c'est un truc intéressant.
Vous avez vu ce qui s'est passé il y a deux ans ?
C'est énorme ça, comme symbolique.

Les orthodoxes d'Ukraine, qui en bons orthodoxes ont récusés tout ce qui venait du pape, y
compris le calendrier papal grégorien. continuer à célébrer Noël selon le calendrier
impérial du César, du Tsar, le calendrier julien.
Fêter Noël le 7 janvier.
Eh bien, certains Ukrainiens ont dit : « Y en a marre, on va fêter Noël le 25 décembre. »
Considérant qu'il était moins dangereux de passer dans l'orbite calendaire papale que de
rester dans l'orbite calendaire moscovite.
Vous mesurez la portée symbolique du truc ?
Pièce de puzzle, mosaïque, marqueterie.
En la matière, l'Ukraine, c'est quelque chose.

Il n'échappe à personne, parmi ceux d'entre vous qui auraient encore les yeux ouverts,
j'en cherche, que l'Ukraine, c'est un sacré patchwork. avec des morceaux de Pologne.
Ben oui, la Pologne a été translatée de 300 bornes vers l'ouest entre 40 et 45.
Des morceaux d'empire russe, c'est indiscutable.
Des morceaux d'empire austro-hongrois.
Et que c'est seulement en 1954 que la Crimée a été rattachée à l'Ukraine, Par qui ?
Rouchtchev, qui était le premier secrétaire du Parti communiste soviétique à l'époque, et
ukrainien, qui voulait se faire pardonner de ce que Staline a fait subir comme malheur à
certains Criméens, les Tatars, déportations, persécutions, et qui a alors confié la
Crimée en gérence à l'Ukraine.
Ce qui ne coûtait rien.
Tout le monde était république soviétique socialiste.
C'est comme si la main droite avait prêté à la poche gauche, vous comprenez ?
Ah ouais.
Mais lorsqu'en 1991, l'URSS ayant perdu la guerre froide est démantelée.
Pardon.
Lorsqu'en 1991, l'Empire russe qui s'était appelé pendant 74 ans, l'URSS, a perdu la
guerre froide et a été démantelé.
L'Ukraine devient indépendante.
Et la Russie perd alors le contrôle qu'elle exerçait directement à l'époque tsariste sur
la Crimée, indirectement à l'époque soviétique.
Et pour lui, dont la référence est le temps long, quand il regardait la carte, c'était
évidemment insupportable.
Pourquoi ?
Parce que la Crimée, c'était le seul accès des marines de guerre russes puis soviétiques
à des mers qui gèlent pas.
La Crimée, c'est l'Italie de la mer Noire, la péninsule.
C'est pour ça qu'il a voulu la reconquérir.

Évidemment, l'obsession ancestrale russe : l'accès aux mers chaudes.
Et d'ailleurs, les Ukrainiens, qui ne sont pas en train que de subir des défaites,
contrairement à ce qu'on nous raconte, ont bien compris l'enjeu, qui ont fait porter tous
leurs efforts pour chasser les marines de guerre, la marine de guerre russe de Sébastopol
et de la Crimée.
Incroyable victoire même qu'ils sont en train de remporter.
Un pays qui n'a pas de marine de guerre, elle a été confisquée par les Russes, qui est en
train d'infliger une défaite majeure à un pays doté d'une marine de guerre.
Et c'est ce qui leur a permis, d'ailleurs, de réouvrir le canal qui leur permet
d'exporter les céréales.
En fait, ce qu'il se passe, c'est que Poutine n'accepte pas que l'histoire soit écrite
par les vainqueurs. et que la géographie soit décidée par eux, vu qu'il n'accepte pas que
l'URSS soit considérée comme battue dans la guerre froide, vu que la défaite de l'URSS
n'est pas le résultat d'une défaite militaire, mais d'une reddition, d'un jet de l'éponge
par Gorbatchev.
Donc il considère qu'il n'a pas à supporter les conséquences d'une défaite qu'il ne
reconnaît pas.
Et c'est bien la raison pour laquelle, pour qu'il accepte, il faudra qu'il connaisse une
défaite.
En plus, être privé de la Crimée, du Donbass, ça réactive des souvenirs épouvantables
dans sa mémoire.
Dans sa mémoire qui est l'incarnation de la mémoire historique de la Russie.
Parce que ça leur était arrivé, aux Russes, de perdre une guerre.
La guerre de 14-18, ils l'ont perdue dès 1917.
Quand ils sont devenus soviétiques, ils ont jeté l'éponge.
Eh bien, au traité de Brest-Litovsk, ils ont déjà été privés de cette partie-là.
C'est comme s'ils perdaient une deuxième fois leur Alsace-Moselle, vous comprenez ?
Je ne suis pas en train de donner raison.
Je montre juste qu'on ne comprend ce que nous jugeons comme étant cinglerie, que je juge
comme cinglerie, qu'à la lumière de l'histoire-géographie dont c'est une sorte de
précipité, de condensat.
L'obsession des frontières et de l'accès aux mers chaudes.
Ou d'ailleurs, tiens, regardez la carte de la région.

Il n'y a pas que là que les Russes avaient obtenu un accès aux mers chaudes.
Mais si, il y a là aussi, en Syrie, dans le petit réduit des Alaouites, la base de
Tartous, qui avait été concédée à l'URSS, dont le bail a été prorogé pour la Russie, où
ils avaient mis leurs bateaux de guerre. attendez-vous vous souvenez de ce qui s'est
passé en décembre ?
Ça va tellement vite, on oublie.
Exit !
Poussés par les Turcs et les milices HTC, de l'armée d'Al-Chaab, vous avez vu ?
Eh ben, du coup, APU !
C'est dingue.
En l'espace de quelques mois, Poutine vient de perdre les deux accès aux mers chaudes qui
s'inscrivent dans l'angoisse archaïque de la Russie, met à vie que ça doit sérieusement
ronfler dans les sphères dirigeantes russes.
C'est des défaites.
Et puis vous avez remarqué, quand on regarde la carte, le rôle très important de la
Turquie.
Parce que non seulement ça, c'est son ancien empire, et c'est elle qui a poussé les
milices à chasser les Assad.
Mais, je reprends. « C'est la clé de l'Empire. » Non, la Crimée permet de faire des ronds
dans l'eau ici.
Oui ?
Parce que pour accéder aux mers chaudes, les mers chaudes, c'est là, il faut passer par
ici.
Deux des trois, le Bosphore, les Dardanelles.
Le premier qui me demande qui c'est le troisième, là, je m'énerve, parce que ça m'est
arrivé l'autre jour.
Two straits, qui sont turcs.
Et que si la Crimée, c'est la clé, la mer Noire, c'est le porte-clés, mais la serrure,
elle est turque.
Or, la Turquie et la Russie, autour de cette problématique de l'accès des marines russes,
soviétiques, russes aux mers chaudes via la Turquie, n'ont cessé de s'affronter depuis la
nuit des temps.
Et nous qui confondons la durée de notre vie et la durée de l'Histoire, les trêves et les
pets.
On a cru que c'était fini ?
Et si ça recommençait ?
Ça n'arrête pas.

Et les Ukrainiens, qui ne sont pas que des noeuds, ont bien compris la symbolique et
l'importance du rôle de la Turquie.
Parce que, avant d'être russe, la Crimée était un protectorat ottoman. peuplée de
musulmans turcophones, les Tatars, dont je parlais tout à l'heure.
Eh ben, ils ont nommé un Tatar ministre de la Défense.
C'est fort, ça aussi.
Bref, il me semblait que la Turquie avait un rôle absolument central, parce qu'elle a le
droit, en raison des traités, notamment ceux qui sont signés à Montreux, d'empêcher les
navires non immatriculés en mer Noire de remonter.
Elle tient la Russie.
Et les deux pays ont failli à plusieurs reprises.
La seule fois où un avion militaire soviétique ou russe a été abattu, c'est les Turcs,
par un pays de l'OTAN, je veux dire.
La seule fois où un ambassadeur de Turquie a été abattu.
Sans arrêt, le rôle était essentiel de la Turquie.
En plus, c'est le seul pays qui a des contacts avec tout le monde, mais dont la position
n'est pas durable.
Fournissant des drones Bayraktar à l'Ukraine pour descendre les colonnes blindées russes,
et prenant un système de défense anti-missiles S-400 à la Russie, alors que son nombre de
l'OTAN, c'est pas possible.
Au coeur du problème, il y avait la Turquie.

On a évoqué tout à l'heure l'invraisemblable dégradation des relations entre la Turquie
et l'Europe qui nous a amenés à renoncer à aller en Turquie, il y a quelques années de
ça.
Je le disais déjà.
Les Turcs, il aurait mieux valu les avoir dedans, qui pissent dehors, que dehors, qui
pissent dedans.
Quelle erreur on a fait !
Je viens de citer Churchill.
Mais alors attendez, à quelque chose, Trump est bon.
Vous avez vu ?
On avait récusé la Turquie de l'Europe.
Eh bien, on l'a invitée à la conférence des pays prêts à soutenir l'Ukraine.
Bah tiens, c'est extraordinaire.
Comme si les raisons idéologiques, électorales et futiles qui avaient conduit à
l'ostracisme de la Turquie venaient d'être balayées Par des raisons historiques
essentielles, on a bien besoin des armes turques.
Et lui a bien compris qu'il était indispensable, il avance son pion sur le régime
dictatorial.

Mais je suis sidéré de voir que finalement, en l'espace de deux mois, Trump vient de
redessiner l'Europe en classant dans les poubelles de l'histoire anecdotique le Brexit,
et l'ostracisme vis-à-vis de la Turquie.
Le grand manipulateur de cartes.
Là, il faut quand même qu'on regarde aussi de nouveau la carte.
Je rappelle que seule notre vision eurocentrée nous laisse croire qu'ils sont aux opposés
du planisphère, la Russie et les États-Unis.
Ce sont des voisins quasi-mitoyens.
Si la guerre froide avait dû virer au chaud, on ne les aurait jamais vus se croiser audessus
de nos têtes, les missiles.
N'est-ce pas ?
De l'intérêt, d'ailleurs, vous le constatez, du Groenland.
Cette bonne blague.

Non seulement, ce que nous vivons entre la Russie et les États-Unis, c'est des relations
de voisinage complexes, mais c'est également probablement des relations de proximité.
Lisez l'article des Échos aujourd'hui même.
Les Échos ne sont pas suspects de tomber systématiquement dans le complotisme.
Tout donne à penser qu'il y a des liens d'une toute autre nature entre Trump et Poutine,
qu'on finira par découvrir.
Et les voilà, ces voisins, qui, après une période de froid, renouent la relation.
Mais ça veut dire qu'ils l'avaient déjà nouée avant.
C'est que ce n'est jamais qu'un retour à une situation antérieure.
Mais oui, regardez l'histoire tumultueuse des relations entre les voisins.
Juste depuis le début du 20e, quand la Russie est devenue URSS, États-Unis, URSS
éloignés, lorsque les nazis ont envahi en 41 l'URSS.
Une première alliance s'est constituée entre les États-Unis et l'URSS.
Il ne faut pas l'oublier, ils ont déjà été alliés.
Trump ne fait que retrouver une tradition.
Les États-Unis avaient fourni du matériel militaire à l'URSS.
L'alliance a été couronnée par cet accord là.
Et puis, cette alliance, qui reprend aujourd'hui, a été rompue, ou interrompue, lorsqu'en
45, les Co vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ont décidé de jouer la finale.
Ça s'est appelé la Guerre froide.
Vous vous rappelez ?
Interruption de l'alliance.

Et là, Il y a une crapule géniale, on verra bien, qui l'Histoire considérera la plus
grande crapule.
Un président américain, dans le contexte de la guerre froide, qui a compris, ou eu
l'intuition, il est vrai qu'ils s'étaient fait souffler ça à l'oreille par Kissinger, que
pour gagner la guerre froide, il fallait absolument briser l'alliance entre l'URSS et la
Chine.
Oui.
Eh bien, imaginons un instant, Que la nouvelle alliance que tente Trump avec Poutine soit
dans le même esprit destinée à briser l'alliance russo-chinoise dans la perspective d'un
affrontement ultérieur, ça s'inscrirait dans l'histoire.
Le problème, c'est que l'Europe est au spectacle.
Des États-Unis qui décident avec la Russie de l'avenir du monde, sans consulter l'Europe.
Et que nous sommes témoins d'événements qui ressemblent salement à des événements qu'on a
déjà connus.
L'extension d'un empire.
Des négociations à tout prix en baissant la culotte.
Vous savez, les gens qui pensaient qu'ils avaient le choix entre la guerre et le
déshonneur, qui ont choisi le déshonneur, et Churchill a dit : « Vous aurez la guerre. »
Ben oui.
Et c'est à Munich, d'ailleurs, incroyable, la ville de toutes les abdications des
démocraties, qu'on fait le choix d'organiser des conférences sur la sécurité européenne.
Mais vous vous rendez compte du caractère immonde de ça ?
Et d'ailleurs, la dernière fois où il est apparu en civil, Zelensky.
Depuis, il est en battle dress, ce que ne comprend pas Donald Trump.
Le 20 février 22, lui aussi rappelait l'entrée en résonance de Munich dans l'Histoire.
Et c'est à Munich que Jade Evans, considèrent que le principal danger pour les Européens,
ce n'est pas la Chine, ce n'est pas la Russie, c'est de laisser le pouvoir aux nondémocrates
en Europe, de ne pas refuser de le laisser plus tôt.

Attendez, incroyable !
On est en train d'assister en ce moment à une alliance entre un impérialiste et un
traître.
Et qui débouche d'ailleurs comme quelque chose qu'on avait connu aussi.
Sur une reconstitution d'alliance apparemment contre nature, c'est le pacte germanosoviétique.
On s'attendait à tout sauf à ça : une alliance contre nature.
Franchement, ça nous a pris au débotté autant que le pacte Trump-poutinien.
Vous avez vu les conséquences ?
Huit jours plus tard, l'Allemagne s'empare de l'ouest de la Pologne.
Quinze jours après, ce sont les Soviétiques.
Un dépeçage de la Pologne.
Mais attendez, le premier dépeçage, parce que le deuxième, il a lieu sous nos yeux.
« À toi le sous-sol, à moi la surface. »
Et ce qui est encore plus extraordinaire, c'est qu'une partie du territoire ukrainien
actuellement dépecé par les Russes et les Américains, c'est l'ancien territoire polonais.
C'est fou.
Maintenant, j'essaie d'expliquer.
Ça ne veut pas dire que j'approuve.
Comprenez moi.

Le propre des périodes de tension, c'est qu'on ne peut pas dire : « Les conflits opposent
des gens qui ont tous raison. »
Non, les conflits opposent des gens qui ont tous leurs raisons.
C'est pas pareil.
Et je vous le dis tout net, je choisis mon camp.
Je n'oblige personne à le faire, mais pour moi, les choses sont claires.
Tu veux encore un poisson ?
Je t'en prie.
30 minutes.
De toute façon, il sera 21h quelque part quand je m'arrêterai.
De l'intérêt de vivre sur un globe.

On ne peut quand même pas ne pas parler de ça, quand même, non ?
Je ne vais pas remonter aux calendes.
Parce qu'il faudrait remonter très loin, je rappelle qu'au 9ème, avant JC déjà.
Non, on va raccourcir, tant pis, ce sera de la faute de Jean-Michel.
En période de Pâques, c'est le gigot qui raccourcit, moi ne compte pas sur moi.
Une remarque qui est en fait au passage, il y a un autre pays qui ne peut pas piocher
dans le catalogue des mythes protecteurs, les frontières, l'insularité, les murs, et qui
ne peut pas non plus utiliser la méthode russe.
On recule, on recule, on recule, et quand arrive la neige : "Mais c'est Israël !"
Tu travailles aussi pour le Mossad ?
C'est dingue, ça !
Je connaissais les agents doubles, mais alors les agents triples.
C'est fou quand même.
Eh bien, ce qui, pour Israël, est un remplaçant de tout ce que j'avais évoqué qui ne
marche pas pour eux.
Le substitut mythique, c'est d'avoir un leadership technologique dissuasif.
Et c'est pour ça qu'ils ont si mal vécu le démenti qu'a représenté le 7 octobre dans le
leadership technologique que constituait le mur.
Et c'est pour ça qu'ils n'ont pas eu de cesse que de le rétablir.
Évidemment, on peut frapper où on veut, quand on veut.
Ce conflit me pose plein de problèmes.
Il a revêtu des tas de formes successives.
Il y a eu des conflits entre des pays arabes et Israël, entre des Palestiniens privés
d'État et Israël.
Il y a eu des conflits entre Israël et un État dans l'État au Liban, le Hezbollah.
Il y a actuellement un conflit entre Israël et l'islam radical installé chez les
Palestiniens.
Parce que le Hamas et le Hezbollah, leur problème, c'est pas du tout les Palestiniens.
Le Hamas et le Hezbollah, c'est l'islam radical qui, à une époque, était installé en
Afghanistan, un autre temps, il était installé en Irak et en Syrie.
Là, il est installé, je dirais, à l'abri des otages qu'il prend chez les Palestiniens.
Il pourrait même y avoir aussi un conflit un de ces jours entre, pour la première fois,
Israël et un pays musulman non-arabe.
L'Iran.
Mais, quelles que soient les variantes de ces conflits, j'ai l'impression que rien n'y
fait.
Il y a eu des tentatives de paix, mais ça n'a pas marché.
Et alors que depuis le début de cette prise de parole, j'évoque des moments charnières,
pendant la guerre froide, depuis qu'elle est finie, quand les Américains sont
isolationnistes, quand ils sont intervenants.
Là, rien n'y fait.
Comment ça se fait ?
Moi, ça m'insupporte.
J'ai envie de comprendre.

Et puis, je vous dis sincèrement, je ne crois pas du tout à ça.
Bien sûr que non, mais je me rends compte que, n'ayant pas été capable de qualifier le
conflit avec précision, je l'ai nommé par les lieux où il se déroule : Proche-Orient.
Il y a peut-être une clé, là.
Parce qu'attendez, Proche-Orient, pour désigner cette région, mais c'est très eurocentré,
comme approche, pour quelqu'un qui l'habite en Floride.
Proche-Orient !
C'est les Bermudes.
À la limite Cuba.

Attendez, pour des gens qui habitent en Californie, l'Orient Express, c'est le train qui
va de San Francisco à Los Angeles à Chicago.
Il n'a pas du tout la même vision du monde que moi.
Pour lui, ce que moi j'appelle Proche-Orient, c'est l'inverse, c'est-à-dire l'Extrême
Occident.
Traduction simultanée.
Il ne m'étonne pas que lui vienne à l'esprit, vis-à-vis de cette région que j'appelle
Proche-Orient, la méthode qui s'appelle la conquête de l'Ouest, à savoir, on chasse les
Indiens et on construit Los Angeles à la place.
Peut-être que sa folie s'inscrit dans cette vision du monde, là aussi.
Bon.
En tout cas, quoi qu'il en soit, le conflit me pose problème.
Je ne suis pas le seul, problèmes au pluriel.
Comment ça se fait que rien n'y fasse ?
L'eau lui glisse sur les plumes d'un canard.
Ça n'est jamais tout à fait le même ni tout à fait un autre, mais il a un côté phénix.
Mon hypothèse, c'est que les problèmes les plus durs à résoudre, ou qui sont même
insolubles, sont, à part ceux qui n'existent pas, ceux qui sont mal posés.
Et, quelle forfanterie !
Je prétends que le problème est insoluble d'être mal posé.
Je vais vous expliquer ce que je ressens.
Pour ce faire, un rappel.
La première fois que j'ai vu ça, je me suis dit : « Tiens !
Publicité pour un prothésiste dentaire design de la place Vendôme.
Jusqu'à ce qu'un plus lucide que moi, mon fils avait sept ans, un âge sans pitié à
l'époque, me dise : « Papa, t'as rien vu, t'as les yeux obnubilés par le clinquant.
Ça ne m'étonne pas de toi.
T'as pas vu ce qui a du sens, ce qui est un signe, la chauve-souris de Batman. »
Ben oui, en creux, au pochoir, comme il y a des silences éloquents, des gens qui brillent
par leur absence.
C'est important, on ne voit pas.
Comme il y a des gens qui croient que ça, c'est des flèches bleues et des flèches rouges.
Ils ne voient pas le C de Carrefour.
Attendez, il faut changer de point de vue quand même, non ?
Eh bien, je me demande si ce n'est pas là la clé de compréhension de l'insolubilité.
Je m'explique.

Rappelez-vous.
Ce sont des amis libanais qui m'ont mis sur la piste.
Ils savent très bien, les Libanais, ô combien, que certaines guerres civiles apparentes,
réelles, envahissantes d'entiers, quoi, dissimulent en fait des guerres étrangères
importées au Liban.
Et que ça ne sert à rien d'essayer de résoudre la guerre d'entiers, puisque ce n'est pas
le sujet.
Vous me suivez toujours ?

J'imagine que nous ayons une affaire un peu symétrique s'agissant du conflit apparemment
israélien-palestinien, qui serait un conflit d'entiers.
C'est qu'en fait, aucune des deux sociétés, israélienne-palestinienne, celle qui est
constituée comme État, celle qui ne l'est pas encore, n'est homogène.
Elles sont toutes deux, les sociétés, traversées de contradictions, de tensions
absolument majeures.
En Israël, il n'y a aucun point commun entre les gens qui étaient là avant 1948 et ceux
qui sont arrivés après, leurs descendants, je veux dire.
Il n'y a aucun point commun entre les Ashkénazes et les Sépharades, qui ont connu
l'Holocauste, les Séfarades, pas.
Il n'y a pas de point commun non plus entre les gens des villes et les colons des champs.
Entre les religieux et les laïcs, rien.
Entre les faucons et les colombes.
Une société mosaïque.
Étrangement, chez les Palestiniens, c'est quasiment la même chose.
Il n'y a pas de point commun entre ceux qui étaient là en 1948 et qui ont été chassés,
réfugiés depuis, et ceux qui étaient dans des territoires qui n'ont pas été chassés :
Cisjordanie, Gaza, etc.
Il n'y a pas de point commun non plus entre les régions, parce que c'est les sociétés
claniques.
Il n'y a pas de point commun entre les religieux et les laïcs, chez les Palestiniens,
parce qu'il y a des Palestiniens laïcs.
Arafat était laïque.
Il n'y a pas de point commun non plus entre les va-t-en-guerre et les aimerais aller en
paix.
Il y en a aussi.
Or, mon hypothèse, c'est que la mise en oeuvre d'un accord de paix entre Israéliens et
Palestiniens, je veux dire sur le conflit en entier, exposerait chacune des deux sociétés
à des tensions telles que ça pourrait les conduire à la guerre civile.
Et que plutôt que d'encourir le risque de cette guerre civile qui les tétanise toutes les
deux, elles préfèrent encore se réconcilier grâce à l'adversité.
Et que si le conflit semble insoluble, c'est parce qu'on s'en prend au conflit israélo-palestinien
en entier, et que pour tous les protagonistes, le risque de la paix est
encore plus grand que le risque de la guerre.
Le risque de la paix, entre eux, déboucherait sur des guerres civiles.
Tant qu'on s'en prend au conflit en entier, je ne vois pas comment on peut s'en sortir.
Il va donc falloir que dans l'abomination que nous sommes en train de vivre, s'élève de
part et d'autre, des voix, je ne sais pas, en Israël, un officier supérieur, « Ça fait 18
mois que je me la tape, la bande de Gaza. »
Je peux vous le dire, moi, qui suis légitime comme chef de guerre, il faut faire la paix.
Parce que seul un militaire est crédible quand il dit qu'il faut faire la paix, ce n'est
pas un intellectuel, aussi sympathique soit-il.
Il n'y a pas d'autre solution, il faut faire la paix.

Eh bien, Netanyahou au trou.
Les colons, s'ils le font, par la force, au risque de la guerre civile.
Il faudra que chez les Palestiniens, quelqu'un, de même tonneau, se lève pour tenir un
discours très proche.
"Il n'y a pas le choix.
Tiens, j'ai un nom à suggérer."
Marwan Barghouti, qui était le chef du bras armé du Fatah de Yasser Arafat à l'époque,
qui est à l'origine de la deuxième intifada en Cisjordanie, qui a du sang sur les mains,
que les Israéliens ont condamnée à trois ou quatre peines à perpète, ce qui laisse le
temps de réfléchir, qui est légitime en tant que chef de guerre.
Que les Israéliens sont en train de "mandeliser", volontairement ou pas, transformés en
mythe, quoi.
Qui est politique, et qui est laïque, et qui, lui, serait crédible pour dire : « Il n'y a
pas d'autre solution », du bas de ma prison, je vous le dis, il faut reconnaître Israël,
il faut faire la paix.
Et ceux qui prennent les Palestiniens en otage, je veux dire l'islam radical, au risque
de la guerre civile.
Mon hypothèse, c'est qu'on ne sortira de l'insoluble conflit en entier qu'au prix de deux
guerres civiles.
Je me débrouille très bien.
Non mais tu es très utile, je te remercie.
J'ai l'impression d'ailleurs que ça commence à frémir.
Et qu'on voit même des débuts de manifestations contre le Hamas et les Palestiniens,
merci.
C'est important de changer de point de vue, tu ne crois pas ?

Je vais mettre à profit la dernière heure qui me reste.
Ben oui !
On avance quand même, non ?
Il ne me reste que deux hypothèses.
On en voit le bout.
Toujours ma posture.

Comment que les historiens pourraient raconter ça qu'on est en train de vivre ?
J'aime bien, parce que ça évite le piège de la quotidienneté.
Ils constateront, les historiens, ça j'en suis sûr, qu'à deux reprises, en cinq ans,
l'économie a pris cher.
Une première fois en 2020, vous vous souvenez, l'économie réelle, l'économie virtuelle.
Il paraît que c'était la pire depuis les années 30.
Et une deuxième fois, rebelote, en 2022, lorsque, conséquence de l'invasion de l'Ukraine
et des mesures de rétorsion sur le gaz, on a provoqué, patatrac.
Mais ils constateront, met à dit, les historiens, que c'est la première fois dans
l'histoire des crises économiques, qu'elles ont été délibérément déclenchées par des
décisions politiques.
Les autres crises économiques du passé avaient des raisons internes d'éclater.
Dysfonctionnements.
Là, non !
Mais à deux reprises, les décideurs du monde entier ont provoqué une crise.
La première fois en confinant, en provoquant une crise corollaire, la deuxième fois en
sanctionnant.
Mais pourquoi ?
Mais attendez, il suffit de se rappeler ce qui se serait passé s'ils n'avaient pas pris
ces décisions.
Si en 2020, on n'avait pas décidé de confiner le nombre de morts de la pandémie.
Il n'y avait aucun système de santé au monde qui aurait été capable de faire face à
l'accroissement exponentiel, doublement tous les trois jours, du nombre de contaminés.
En admettant même que le nombre de morts aurait été le même, à mon avis, il aurait été
plus élevé, mais admettons même, mais ce n'est pas sur trois ans qu'on les aurait eus,
mais sur trois mois.
Vous imaginez le retour de la médecine de guerre ?
Celui-là, on le prend, celui-là, on ne le prend pas.
Vous vous souvenez de ce qu'ont provoqué 2003, 8000 morts pendant la sécheresse au mois
d'août ?
Vous vous souvenez ?

Comme émeute, comme...
J'aurais d'ailleurs aimé qu'on fasse un tout petit peu de pédagogie en septembre,
octobre, novembre, décembre 2003 et qu'on dise 2 000 morts de moins chaque mois.
Apprenant ainsi que ce n'est pas parce que les feuilles tombent plus tôt qu'il y a plus
de feuilles qui tombent.
Mais l'objectif en fait, en 2020, était de lisser le nombre de morts sur un laps de temps
suffisant pour le rendre tolérable, et en croisant les doigts pour qu'entre-temps, on
trouve une solution alternative.

Attendez, ce n'est pas une crise économique, c'est un choix, finalement, politique, de
sacrifier l'économie sur l'autel de la santé.
C'est un processus d'immolation.
Et en 2022, quand on a décidé de sanctionner la Russie, au risque d'une crise de nouveau.
Mais là encore, le but, c'était d'essayer de gagner la guerre sans la faire.
C'est-à-dire qu'à deux reprises, nous avons été témoins de processus sacrificiels -
sacrifier l'économie - pour que nous n'ayons pas à payer le prix habituel des pages
d'histoire.
C'était déjà arrivé dans le passé qu'on sacrifie des poules certaines nuits sans lune,
des ovins, des bovins.

Là, c'est l'économie, deux fois, qui a été sacrifiée pour que nous ne payions pas le prix
qu'habituellement, les générations précédentes ont payé pour des pandémies, pour des
invasions de pays démocratiques par d'autres qui ne le sont pas, et ainsi de suite.
Et si les dirigeants du monde ont fait ce choix, c'est aussi parce qu'ils ont recouru à
un subterfuge pour le mettre en oeuvre, ce choix sacrificiel.
Emprunter, emprunter, emprunter.
Et je parie que les historiens, le jour venu, diront : « Il a été décidé d'écrire
l'Histoire à crédit. »
Dans la fuite dans la vente financière.

Et j'aimerais dédier le passage qui vient, s'il y en a dans la salle, à ceux qui ont le
sentiment d'avoir été une génération sacrifiée, parce que pendant quelque temps, on leur
a interdit de sécher la fac, parce qu'ils n'ont pas eu le droit de boire des mojitos avec
des copains, parce qu'ils ont dû payer le gasoil un peu plus cher et baisser le
thermostat.
Je rappelle ce que ça coûte lorsque l'histoire s'écrit au comptant.
C'est la génération des parents qui enterre la génération des enfants.
Regardez l'âge sur les monuments aux morts.
Je trouve que c'est un progrès que la génération des parents ait endetté la génération
des enfants.
Un peu de décence tout de même.
Je ne méconnais pas la sincérité des gens qui se sont plaints de l'histoire à crédit.
Mais je la relativise, la réalité m'importe plus que le ressenti.
Il n'empêche que de tout ça résulte une colossale dette.
Et que ce n'est pas fini, et que tout le monde me dit : « On va dans le mur, on va dans
le mur. »
C'est un fait.

Et que j'ai même des gens pour me dire : « Mes enfants, tu es sympa, mais tu nous as
refilé la patate chaude. »
Ils m'ont dit, pendant le Covid, « Finalement, papa, tu nous as endettés pour sauver
papi. »
Je ne méconnais pas ce ressenti, mais j'aimerais relativiser les choses.
Cette dette, c'est un problème, mais elle ne m'inquiète pas outre mesure.
Il y a plusieurs solutions qui permettront d'y faire face.
La première, c'est que je souhaite rassurer ceux qui redoutent de voir les huissiers
débarquer chez les mômes.
Ce n'est pas demain, l'avant-veille du jour, que ça se produira.
Parce qu'il sera toujours possible à nos enfants d'emprunter, la veille d'une échéance,
la somme dont ils sont redevables le lendemain.
Le nouveau prêt servant à rembourser l'ancien, tant qu'il n'est pas échu, on va faire
semblant de croire qu'il sera payé.
Non ?
Dans la vie privée, ça s'appelle faire de la cavalerie, c'est un délit.
Dans les financières internationales, ça s'appelle le rééchelonnement, la
restructuration, la consolidation.
C'est ce que fait la France tous les jours.
Bien sûr.

Et que de ce fait, ce n'est pas sur une génération qu'on refile le prix de l'Histoire,
mais sur une généalogie.
On peut même envisager des obligations perpétuelles.
De toute façon, les saignées dans les pyramides des âges, ça se fait aussi sentir sur
plusieurs générations.
Ça va être une mutualisation.
On peut même envisager des gens qui deviennent créanciers perpétuels, comme pour les
entreprises, des gens qui ont des créances à court terme, moyen terme, long terme, et qui
deviennent actionnaires.
C'est comme ça.

C'est un peu ce qui est en train de se passer sur les PGE, d'ailleurs, où on octroie des
durées de remboursement et ensuite l'État devient actionnaire.
Et puis après, il y a une deuxième solution pour éviter le poids sur les enfants.
C'est d'introduire dans les rouages de l'histoire à crédit, un enzyme glouton, qui
viendra, ni vu ni connu, je t'embrouille, dissoudre la dette, petit à petit, que vous
connaissez.
Ben si.
Attendez, l'inflation, ce n'est plus une question, c'est une évidence.
L'inflation qui roule pour les gens endettés, et qui roule dans la farine ceux qui ont
des créances.
Une espèce de vaseline financière qui rend indolore l'Histoire à crédit.
C'était sûr.
En point de fuite de l'Histoire à crédit, il allait y avoir, inévitable, la
réhabilitation de l'inflation comme lubrifiant.
Ce qui, soit dit en passant, nous inscrit dans le temps long.
Je ne sais pas si je suis inspiré par le lieu, l'Ancien Testament, vous connaissez ?
Dans le Deutéronome, il y a marqué : on repousse, on repousse, et tous les 7 ans, et
vlan, passe-moi l'éponge.
L'ardoise magique.
Y'a pas mort d'homme !
Franchement, c'est Afflelou qui t'a signé ce truc-là ?
Tu ne vas pas dire que c'est mon oreille qui est difforme, peut-être.
Alors, l'Histoire à crédit, c'est un problème, mais je compare les dommages de l'Histoire
à crédit aux ravages de l'Histoire au comptant.
En revanche, non.
Comme il est, je lui donne un poisson, il voudrait un poussin.
Non mais, franchement, quelle déception, Jean-Michel.
Il ne m'a pas échappé qu'un certain nombre de nuages sont en train de s'amonceler sur le
choix, dont je me félicite, d'écrire l'histoire à crédit.

Premier nuage, il faut quand même le rappeler, c'est le risque de l'échec.
Parce qu'attendez, la décision d'écrire l'histoire à crédit dans la pandémie, ça a
marché.
On a trouvé une solution alternative : les vaccins.
Alors que là, j'observe que s'agissant de l'Ukraine, on a beau multiplier, on en est au
16e plan.
Et ça a l'air de ne pas marcher.
Auquel cas, il faut quand même se le rappeler, en cas d'échec de l'histoire à crédit, ce
qui se profile, c'est le retour de l'histoire au comptant.
Il faut quand même s'en souvenir.
Ce qui, comme vous le savez, a été mis à l'ordre du jour et l'est en ce moment, à
Londres, la conférence des volontaires.
On a envie de ça ?
Il y a un autre risque, nuage sur l'histoire à crédit, c'est que ça réactive des
fractures de la marqueterie européenne.
« Abracadabra frustra, le lapin disparaît du jabot » ne vous a posé aucun problème, je
n'ai pas vu d'émeute dans la salle.
À vrai dire, à cette heure-ci, je m'y attendais un peu.
Mais il y a d'autres cénacles où des gens se seraient levés, insurgés, sur le thème : «
Va dans le métro, Satanas !
Honte à toi ! »
Pourquoi ?
Je ne suis pas tellement étonné.
C'est que le schéma que je vous ai décrit est parfaitement compatible avec un référentiel
culturel que nous partageons, qui est le référentiel catholique.
Comment ça ?

Ben oui, je viens de vous décrire un schéma qui est de même inspiration que l'absolution
de la tradition catholique.
L'effacement de la faute.
3 pater, 4 avés, 5 % d'inflation, on remet les compteurs à zéro.
Pas étonné qu'à l'ICES, personne ne se soit révolté, mais je peux vous dire qu'il y a des
endroits où ça ne se serait pas passé comme ça.
Ben oui, des gens chez qui l'absolution n'existe pas.
D'autres hétérodoxes, qui ont même rompu avec le catholicisme autour des dérives de
l'absolution, les indulgences.
Ben si.

Je me suis amusé, par exemple, à regarder, grâce à Google Trad, comment le mot « dette
français » se dit en allemand, Schuld.
Ensuite, j'ai regardé par acquis de conscience comment le Schuld allemand.
Du substantif « Schuld » découle un qualificatif.
Si vous n'intégrez pas que la langue allemande a été initiée par Luther, à partir des
langues vernaculaires, pour la traduction de la Bible, et qu'elle regorge de cette
rupture matérialisée autour des dérives de l'absolution, vous ne pouvez pas comprendre
pourquoi les Allemands ne supportent pas, enfin les gens de culture protestante plutôt,
ne supportent pas le schéma que j'ai décrit.
Le mea culpa français.
Et même dans la Constitution allemande, il y avait un mot avec la même inspiration
Schuldenbremse, interdisant à l'Allemagne de s'endetter, d'avoir un déficit budgétaire de
plus de 0,35 % de son PNB.
Réactivation de la fracture.

Il faut dire que ce n'est pas seulement l'histoire longue de l'Allemagne, la culture, que
je viens de décrire, qui est réactivée, mais c'est une mémoire plus récente.
C'est que ça leur était arrivé aux Allemands de traverser en dehors de leur clou culturel
et de s'endetter.
Mais si !
Au lendemain du traité de Versailles, quand on a dit « l'Allemagne paiera », le deuxième
Reich a donné instruction à la Reichsbank : emprunte, à tour de bras.
Il en est résulté en Allemagne, vous vous souvenez, mais si !
Les brouettes remplies de Reichsmark, tout ça.
Vous savez quand est-ce qu'elle s'est arrêtée l'inflation en Allemagne ?
C'est important de savoir.
C'est quand les Allemands ont constaté que pour acheter un rouleau de PQ, il fallait plus
de billets qu'il y avait de feuilles dans le rouleau.
Là, la masse monétaire diminue.
Le résultat.
Mais attendez, il y avait une exposition en Allemagne il y a deux ans, qui montrait le
cortège de conséquences et que ça a ruiné les classes moyennes allemandes.
Ça n'a pas été pour rien dans la putréfaction du tissu social allemand sur lequel a pu
faisander le nazisme.
Il faut les comprendre, les Allemands, dès qu'ils entendent parler d'inflation, c'est
plus fort qu'eux, ils ont envie d'envahir la Pologne.
Je résume.
Ben oui.

Et c'est ça qui a failli être réactivé, quand on a envisagé les Corona Bonds, vous savez,
de répondre de manière mutualisée européenne, parce que les Allemands ont dit : "Mais
attendez, c'est sympa, mais on va s'endetter avec des taux d'intérêt de pays qui ont
l'habitude de rembourser pour que les pays du Club Med ne paient pas leurs dettes."
La réactivation de la fracture, culture catholique, culture protestante.
C'est le réveil qui sonne à cette heure-ci, 21h, 5 minutes.
De toute façon, on n'a pas vraiment commencé à l'heure.

Attendez, on a eu de la chance, vous savez, d'avoir une fille de pasteur, et cultivée, et
une femme d'État, c'est-à-dire quelqu'un qui pense à la génération d'après, pas aux
prochaines échéances électorales.
Tu as compris que si l'Allemagne restait bloquée sur son histoire et sa mémoire, elle
allait provoquer l'explosion de l'Europe, c'est-à-dire tout ce qu'elle craignait.
Et elle a décidé open bar.
Elle a mouillé la chemise pour convaincre les gardiens de la Constitution allemande, la
cour de Karlsruhe.
Elle a mouillé la chemise pour convaincre les pays qu'on appelle frugaux, qui sont en
fait les pays de culture protestante.
Et c'est parti.
On n'est pas passé loin.
Mais alors, du coup, je suis en train de vous montrer que pour que l'Histoire s'écrive,
il faut la rencontre entre un substrat géopolitique, et un individu qui s'en saisit ou
pas.
Il faut qu'il y ait le grattoir et l'allumette.
Mais ça veut dire alors que ce qu'une femme d'État a fait, un autre peut le défaire.
Vous comprenez comme j'étais inquiet quand j'ai vu, jusqu'à l'année dernière, la relation
qui se dégradait, quand j'ai vu que l'Allemagne redevenait psychorigide.
Et vous soupçonnez mon soulagement lorsque le 23 février, il y a six semaines, a été élu,
enfin, il va devenir chancelier, qui rétablit une relation de confiance, semble même prêt
à envisager l'idée d'un emprunt mutualisé pour réagir à Trump.
Ouf !

Et qui même a obtenu que la Constitution allemande évacue le Schuldenbremse, permettant à
l'Allemagne de lancer le plan de 1500 milliards de deutschemarks, qui pourrait relancer
la construction européenne, le système de défense et la croissance en Europe.
On l'a échappé belle, vous savez.
Je ne peux pas ne pas donner un petit rôle, tu m'avais demandé d'en parler, à un autre
pays qui n'avait pas attendu 2020 pour écrire l'Histoire à crédit.
C'est depuis 45 qu'ils écrivent l'histoire à crédit.
Et alors là, mention spéciale, chapeau bas, le garçon.
Parce que vous avez remarqué qu'il est prêt à tout, droits de douane et tout ça.
Même The Wall Street Journal considère que c'est le plus stupide des conflits commerciaux
de l'Histoire.
Pourquoi ?
Parce qu'en fait, il veut réduire le déficit commercial des États-Unis.
Mais attendez, sauf erreur de raisonnement, le déficit commercial des États-Unis, ce
n'est pas autre chose que l'excédent commercial des États désunis.
C'est le processus par lequel, depuis 1944, Bretton Woods, les Américains achètent dans
le reste du monde et, en échange, ont le droit de payer avec la monnaie qu'ils impriment.
Ils envoient du papier.
Et ensuite, les pays qui ont exporté vers les États-Unis, qui ont reçu les dollars,
souscrivent des bons du Trésor américains qui permettent aux États-Unis de vivre à
crédit.
Mais en supprimant le déficit commercial américain, ils scient la branche sur laquelle
repose le leadership américain.
Crime contre les États-Unis, ô trahison, Trump !
Et même pire encore, c'est que pour qu'il y ait histoire à crédit, pour qu'il y ait des
gens qui réussissent à convaincre d'autres de devenir leurs créanciers, je rappelle qu'il
faut faire naître quelque chose qui se situe en amont des créances, mais qui en est une
condition sine qua non.
Un mot très proche des croyances, dont la confiance fait partie.
Or, par les processus qu'il met en oeuvre, il est en train de discréditer la machine
américaine à produire des croyances.
Mais vous vous rendez compte ?
Les États-Unis qui produisaient du rêve sont en train de produire de l'abomination.
Mais c'est un énorme nuage sur l'histoire à crédit.
Alors, il ne m'a pas échappé, cher Jean-Michel, que, certes, mais voici venu le temps où,
faute d'être capable de conclure, il va falloir terminer.

Et puisqu'il était prévu un jeu de questions-réponses, ah, un petit poussin.
Le compte est bon, il y en a six.
Merci.
Votre service.

J'ai envie que ce soit moi qui pose les premières questions.
J'attends de vous des réponses.
« Partagez-vous mon sentiment que l'histoire et la géographie, alias la géopolitique,
offrent des clés de lecture de notre actualité.
En procurant une profondeur de champ, historique, géographique.
Ça aide à mieux comprendre.
Ouais ?

Deuxièmement, partagez-vous mon sentiment que ce n'est pas parce que les choses sont
explicables qu'elles deviennent prévisibles ?
Et que nous en sommes dans une période où il faut accepter que l'avenir soit
imprévisible.
Oui ?

Partagez-vous mon sentiment que le changement de point de vue ouvre de nouvelles
perspectives ?
Ce mec est un génie.

Quatrièmement, êtes-vous d'accord avec moi que nous avons une chance inouïe, nous et nos
enfants, d'être pour le moment témoins d'une page d'histoire qui s'écrit à crédit, pourvu
que ça dure ?

Cinquième interrogation.
J'espère, je pose la question.
Vous n'avez rien entendu dans ce que j'ai dit, qui soit du ressort, ni de l'optimisme, ni
du pessimisme.
Surtout pas du pessimisme.
Je vous ai exprimé les réflexions d'un inquiet combatif, ça n'a rien à voir avec du
pessimisme.
Si néanmoins vous tombez dans la déprime, dans le spleen, je ne saurais trop vous
conseiller un médoc, enfin, c'est un mou lisse, mais ça marche quand même, prenez soin de
vous, allez en paix, et mesurez la pertinence de la pluralité des distances focales.
Alors, franchement, je m'améliore.
Oui, oui, il nous reste 20 minutes, 20 minutes pour des questions.
Ou des réponses, parce que je préférerais les réponses.
Moi, je me suis contenté de poser les questions.
On va faire l'inverse.

QUESTIONS :
Je vous amène le micro.
Là-bas.
Allez.
Même si je sais d'expérience qu'il est recommandé d'attendre quelques instants avant
d'ouvrir les tambours des machines à laver après les phases d'essorage, mais enfin, on va
quand même essayer.
En tout cas, merci beaucoup pour ce brillant et sympathique exposé, le seul point que je
ne partage pas à titre personnel, mais ce n'est que mon avis, c'est l'histoire de
l'histoire à crédit.
Parce qu'il me semble qu'aujourd'hui, l'Europe n'est que spectateur, parce qu'elle est
complètement dans cette logique d'histoire à crédit, et qu'à un moment, peut-être que ça
va se faire.
Mon passé d'ancien militaire me fait croire qu'une armée européenne est aujourd'hui
totalement illusoire, parce qu'on ne va pas se faire trouer la peau pour Mme Merkel.
Même Merkel à l'époque, d'ailleurs, pour Ursula von der Leyen.
Peut-être que son mari irait, mais je pense que c'est à peu près le seul.
Donc, quelque part, je pense.
Vous n'êtes pas qu'ancien militaire, vous êtes marié aussi.
Ah oui, aussi.
Votre femme vient d'entendre un témoignage d'amour extraordinaire.
N'est-ce pas ?
Va, je ne te hais plus !
Mais voilà, à un moment, je pense que le fait de pousser la boule devant soi, pour
reprendre cette image, fait qu'on est condamné à subir.
Il me semble que c'est un petit peu ça.

Je m'adresse à l'ancien militaire et au mari de sa femme.
Ce n'est pas parce que l'Europe vit à crédit, a vécu à crédit, qu'elle est dans la
situation où elle est.
D'autant plus que ce n'était pas le cas.
Les pays de culture catholique vivaient à crédit, la France en tête, mais la culture
protestante, pas du tout.
Et ce qui est étrange, c'est que d'ailleurs, ce soient justement les pays de culture
protestante qui désormais fassent le choix de vivre à crédit.
Non, ce n'est pas l'histoire à crédit qu'il faut imputer.
Je suis prêt à vous concéder qu'elle présente de nombreux inconvénients.
Je n'ai pas parlé de tous.
Il y a un autre nuage qui me soucie, c'est l'auto-alimentation.
Notamment par l'augmentation des taux d'intérêt.
Ce n'est pas de là que je vois venir le danger.
Le danger, c'est bien davantage, et là, c'est l'ancien militaire, que je regarde avec
l'humilité du civil, ben si, qu'on avait sous-traité, sauf en France, la sécurité.
Et que les Européens, les démocraties, dans la grande tradition churchillienne, préparent
les guerres quand elles sont déclarées.
C'est ça le vrai problème.
Le vrai problème, c'est aussi qu'en France, chez les Hexagons, pour quelle cause est-on
prêt à prendre le risque de mourir, à part pour téléphoner au volant ?
Ça fait deux ans, trois bientôt, que la seule cause qui mobiliserait une majorité, 62-64.
Attendez, on a oublié le débat, la retraite.
Ce que ce mot veut dire pour des militaires : « retraite ».
Il y a une dérive incroyable, quand même.
« Retraite », c'est la défaite.
D'ailleurs, les militaires ne veulent pas par exemple des retraites, ils touchent une
pension.
Comment voulez-vous que dans un pays où on ait perdu de vue le sens du mot « retraite »,
le risque de la guerre, où le mot « mobilisation » veut dire le nombre de gens qui
défilent dans la rue pour arrêter de travailler plus tôt, on a oublié que « mobilisation
» veut dire le clairon qui sonne.
C'est ça, le vrai problème.
Le vrai problème, ce n'est pas l'histoire à crédit, c'est que je suis en train d'assister
en France à des espèces de querelles d'ivrognes somnambules au bar du Titanic, où on a
complètement oublié l'histoire.
C'est ça, le vrai sujet.
Qu'elle soit à crédit ou au comptant, non.
Non, non, non, non.
L'histoire à crédit, je comprends qu'elle vous heurte, mais dans un plateau de balance,
je mets cette turpitude, dans l'autre, je mets les risques de l'histoire au comptant.
Et tout vient peser.
Que votre femme ne soit jamais veuve.
Alain, je te propose un mot pour remplacer « retraite », c'est la traduction espagnole de
retraite, jubilation.
Oui, enfin, en même temps, vous avez compris qu'il y a très longtemps que j'ai dépassé la
problématique des 62-64, et ça me gonfle profondément, tout comme, par exemple, tiens, je
continue, puisque je suis tombé sur un ancien militaire, quel bonheur, je ne laisse plus
passer quand les gens me disent : « Tu travailles encore ?
Tu n'as pas pris ta retraite ?»
« Bon courage ! »
Alors ça !

Je ne laisse plus passer quand on me dit « bon courage » pour aller travailler.
Il faut rappeler, le courage, c'est pour autre chose, pour affronter une maladie, pour
faire la guerre.
Mais qu'est-ce que ça veut dire, courage ?
Quelle dérive dans le sens des mots, ça ne m'étonne pas après que d'autres mots aient
perdu leur sens, comme le mot « génocide ».
On a tout oublié ce que ça veut dire.
Ben oui, Périclès.

Q : Merci, c'est un bonheur de vous écouter, pour l'ensemble.
Il y a un élément, je pense, que vous n'avez pas abordé, alors peut-être qu'il est hors
sujet, c'est celui du climat et de l'environnement.
Sa prise en compte ou sa non-prise en compte, d'ailleurs.
Est-ce que c'est un élément nouveau, un phénomène nouveau, ou est-ce que déjà dans
l'histoire, on a eu des repères par rapport à ça également ?

R : C'est vrai, dont acte.
Il y a même, pour généraliser, beaucoup plus de choses dont je n'ai pas parlé que de
choses dont j'ai parlé.
Je me couvre la tête de cendres.
Non, mais c'est vrai.
Dont le climat.
Parce que d'abord, je ne suis pas sûr d'avoir grand-chose à dire que tout le monde ne
partage, c'est un sujet presque consensuel.
Et d'autre part, parce que si j'avais dû le traiter, ce sujet, le climat, qui avait
commencé avant 2020, déjà, qui se poursuit après, ça aurait été uniquement pour me
demander en quoi l'époque modifie-t-elle la problématique ?
Prenons un seul exemple.
J'entends bien la responsabilité des énergies fossiles.
Mais que les Polonais préfèrent utiliser du charbon, plutôt que de se mettre dans une
relation de dépendance avec qui que ce soit, je ne leur en veux pas tellement, de leur
bilan carbone.
J'espère que la hantise pour le bilan carbone, qui prévalait jusqu'en 2020, qui continue
chez certains à prévaloir, ait aujourd'hui modulé le bilan dépendance.
Et je préfère une énergie mauvaise pour le climat à une énergie qui serait meilleure,
mais qui nous mettrait en situation de dépendance.
Donc c'est aussi pour ça.
Mais je sais que j'ai eu tort.
Peut-être ai-je tenu compte aussi du fait que j'ai cru comprendre, en regardant
l'auditoire, qu'il n'y avait pas disons qu'il y a beaucoup d'encore jeunes, il y a pas
mal de toujours jeunes, mais il n'y a pas les tout jeunes qui sont monomaniaquement
obsédés par le climat.

Parce que ceux-là, je me rends compte comme c'est difficile.
J'ai l'impression que pour les sensibiliser à autre chose, le climat, le climat.
Je prends un exemple, j'ai un copain que Jean-Michel connaît, il s'appelle Philippe
Moreau, vous le connaissez.
42 marathons pour sauver la planète.
C'est l'obsession absolue.
Il est adorable, je l'aime beaucoup, il est fou furieux.
« Mais tu ne veux pas en faire sur les 42, deux ou trois pour les femmes iraniennes,
quelques-uns pour les Ukrainiens, les Palestiniens et autres, enfin, monomaniaque.
J'ai l'impression qu'avec une génération, peu représentée, si vous, là, les jeunes
filles, dans la salle, pour les sensibiliser, il faudrait que je leur dise qu'Auschwitz
avait un mauvais bilan carbone.
Là, ils commencent à m'écouter.
« Ah bon, tu penses qu'il faudrait mettre des panneaux solaires sur les fours ? »
Là, je commence à les attirer.
Rien de tout ceci n'est enregistré, n'est-ce pas ?
Non, j'ai demandé un droit de suppression.

Q : Est-ce que vous pensez que le nucléaire, c'est-à-dire que le risque de détruire
l'humanité, modifie la problématique de l'époque d'une façon inédite ?

R : Je crois que ce n'est pas la première fois que l'humanité est confrontée au risque de sa
destruction.
Les épidémies y ont contribué.
Oui, mais là, c'est la vitrification générale, c'est vrai.
C'est quelqu'un qui le déclenche, je ne sais pas.
Bon, admettons que ce soit une différence au niveau du déclencheur, mais on peut aussi
considérer que, d'abord cette problématique date de 45.
Elle semble, elle me semble, aggravée en ce moment, pour la raison suivante : le
nucléaire et son risque, ont contribué à la paix par la dissuasion.
Donc, ce n'est pas si simple.
Mais ça fonctionnait dans un contexte où les principaux protagonistes partageaient la
même crainte de mourir.
La guerre froide était une guerre entre des conceptions de la vie opposant des gens qui
partageaient la même crainte de la mort.
Là où il y a un problème, me semble-t-il, c'est qu'on est passé d'une guerre entre les
conceptions de la vie à une guerre entre les conceptions de la mort.
Entre des gens qui n'en ont pas envie et des gens qui y aspirent.
Et que du coup, la dissuasion ne marche pas.
Comment veux-tu dissuader quelqu'un qui aspire à mourir ?
Non, mais c'est vrai, ce n'est pas le nucléaire en soi, c'est la conception de la vie et
de la mort des protagonistes qui pose problème.
Parce que, à la limite, quelqu'un qui se fait sauter la gueule, nucléaire ou pas, c'est
le mythe des 72 vierges qui est une calamité.

Q : Quel est notre avenir dans cette cette immersion européenne venue du Sud ?

R : D'abord, je ne la ressens pas comme une submersion.
Géographiquement, je me suis d'ailleurs toujours rendu compte qu'on est toujours au sud
de quelqu'un.
C'est assez difficile d'expliquer, par exemple, à des Français qu'il faille quitter Paris
par la gare du Nord et qu'on se retrouve à Bruxelles gare du Midi.
Donc, on est toujours le sud de quelqu'un.
C'est pas une submersion, mais comment voulez-vous qu'on fasse face aux responsabilités,
notamment vis-à-vis des générations qui viennent, qui se cramponnent, je veux dire, dont
c'est parti, avec des gens qui ne veulent pas travailler.
Comment voulez-vous ?
Prenons ce seul exemple, que l'on finance la retraite par répartition, qui est également
une forme d'histoire à crédit quand on y réfléchit bien, avec des gens qui ne veulent pas
faire d'enfants.
Il n'y a pas 50 solutions.
Il faut faire venir des gens d'ailleurs.
Donc je ne comprends pas la contradiction qu'il y a entre ceux qui s'insurgent de
l'immigration et qui ne veulent pas faire de môme.
Et qui veulent arrêter de travailler.
C'est pas une submersion, mon seul espoir, quand je serai.
"Immersion".
Bon.
J'ai entendu, c'est sans doute mon inconscient qui s'est réactivé à ce truc-là.
Non mais, les Français sont singuliers.
Notre organisation, on ne fait pas de mômes, on ne veut pas travailler, ou en tout cas
pas longtemps, fait de nous les seuls esclavagistes qui ne supportent pas l'arrivée des
esclaves.
Ça ne tient pas debout !
On a le droit de ne pas vouloir travailler, de ne pas vouloir faire d'enfants, mais à ce
moment-là, il faut accepter.
En plus d'ailleurs, soit dit en passant, je rappelle que l'esclavage présente un
excellent bilan carbone.
Eh bien si !
Mais oui, mais de ce point de vue-là, je partage son analyse.
Je rappelle quand même que le bilan carbone de l'esclavage et de la galère, c'était
génial !
Et qu'il faut, au moment du réquisitoire contre les énergies fossiles, rappeler que ce
sont les énergies fossiles qui ont rendu possible l'abolition de l'esclavage.
Contradiction que ne veulent pas entendre les gentils écolos qui se font livrer du tofu
par des esclaves librement consentis, à vélo.
Ils ne se rendent pas compte qu'ils rétablissent l'esclavage.

Donc j'espère qu'on a compris l'imprévisibilité des choses, explicable sans aucun doute,
prévisible ?
Certainement pas.
Remplacer les prévisions par des scénarios et des hypothèses.
Je pense même, peut-être que je suis fatigué, que je me lâche, je n'en sais rien, après
les 5 ans qu'on vient de vivre, que l'humanité se portera mieux si on pendait le dernier
prévisionniste avec les tripes du dernier futurologue.
Maintenant, je comprends votre frustration.
C'est normal, moi aussi, j'aimerais.
Et il y a des tas de gens qui surfent sur cette frustration et qui en font leurs fonds de
commerce.
Si vous avez envie de les croire, je sais que j'ignore de quoi l'avenir sera fait.
Maintenant, le marché de l'inquiétude et de la frustration est extrêmement solvable, se
renouvelle en permanence, et il y a plein de gens qui en font leur fortune.
Non, je préfère cette frustration plutôt que de vous avoir raconté des bobards.
Une dernière question.
Je ne suis pas à peu près sûr que les événements.
Prenons l'exemple de la guerre en Ukraine.
Je ne sais pas comment elle se terminera, mais je suis à peu près sûr que quand ce sera
passé, j'arriverai à comprendre pourquoi ça s'est passé comme ça.
Mais je ne peux pas en dire plus.
Attendez, si je vous dis par exemple : « Dimanche, à Longchamp, dans la cinquième, c'est
lui qui va gagner.
Il est possible que parfois, j'aie raison.
Mais ça ne veut pas dire que je l'avais prévu.

Bravo pour votre disponibilité pour le stretching intellectuel, je vous ai pas ménagé,
mais reconnaissez quand même qu'il y a du grain à moudre en ce moment, et qu'il fallait
tout de même proposer de jalonner pour pas que ça parte dans tous les sens.
Je trouve que, dans l'ensemble, vous avez bien tenu.
Bravo.
Merci Alain Simon.

 

Je revis la rencontre

PS : Propos retranscris directement depuis la vidéo YouTube via une intelligence artificielle :
il peut subsister quelques phrases approximatives, quelques bugs, fautes d’orthographe et/ou de syntaxe.
Veuillez nous en excuser.