Mauléon le 15 octobre 2024
Il vous a tout dit. Je suis très émue, je suis en effet née à Chatillon. Et aujourd’hui, le 15 octobre, c’est
la date d’anniversaire de mon cher papa, de sa naissance, à qui je veux rendre hommage, ainsi qu’à
ma chère maman.
Elle s’est assise en face de moi, et elle m’a dit « J’avais 9 ans quand il a fait irruption dans ma vie. il
en avait 60. Il était photographe. Il m’a fait subir des attouchements et il s’est servi de moi comme
appât. J’étais rabatteur pour amener à mon bourreau mes copines qu’il violait. Il m’emmenait
chercher mes copines, disait vouloir prendre des photos, je confirmais. En fait, je les emmenais à
l’abattoir. Il violait les petites filles et je ne le savais pas. Jusqu’au jour où je suis entrée dans la
chambre et j’ai vu ma copine en train de se faire violer par ce gros dégueulasse. Je revois son regard
qui me hante. Tous les soirs, je dis bien tous les soirs, je m’endors avec ces visions d’horreur dans la
tête. Quand on m’a fait ma première coelioscopie, et qu’on m’a dit qu’avec l’endométriose, je
n’aurais pas d’enfant, ça m’arrangeait bien parce que je ne me sentais pas femme et je ne voulais
surtout pas être une femme. Et pourtant, j’ai aimé être enceinte cela m’a redonné ma féminité. J’ai
pu le dire et crever l’abcès à 44 ans, soit 35 ans après les faits. Peut -être, si on m’avait proposé une
écoute, j’aurais pu le dire avant, mais personne ne m’a jamais posé la question. »
Je viens de vous raconter l’histoire d’une patiente que j’ai appelée Charlie. Depuis 40 ans, je fais de la
gynécologie et j’ai été, comme vous sûrement, éblouie par cette médecine qui transplante des
coeurs, qui grève des mains, qui réussit même à faire des enfants sans avoir de rapport sexuel. Et en
même temps, tellement dépitée par tous les problèmes posés qui restent sans solution. Dans ma
spécialité, nombre d’infécondités irrésolues, malgré les outils spectaculaires à notre disposition.
Cette incompréhension et cette impuissance ont été tellement difficiles pour moi qu’à un moment de
mon parcours, j’étais démotivée, et l’idée m’a même traversé l’esprit d’arrêter de faire de la gynéco.
Et à ce moment -là, mon mari m’a proposé d’aller à un festival d’astronomie dans le GERS à
FLEURANCE. Et pendant une semaine, nous avons eu des conférences par des astrophysiciens, des
géologues, des climatologues, des anthropologues… Et j’ai pris conscience cette semaine là que,
pendant mes dix ans d’études et mes décennies d’exercice, j’avais fait de la médecine, encore de la
médecine, rien que de la médecine. Et j’ai compris combien cette transversalité pouvait être
intéressante pour moi, médecin. Je suis rentrée chez moi et je me suis inscrite à un master d’histoire
des sciences. Bonne pioche. J’ai compris que l’avancée de la connaissance n’était pas linéaire, mais
souvent faite d’essais ,d’erreurs et que la plupart de ceux qui avaient fait avancer la connaissance
étaient sortis du sentier principal, du « mainstream ». Et ce chemin passait, dans la majorité des cas,
par plusieurs étapes. La première, c’est ridicule. La seconde, c’est dangereux. Et la troisième, c’est
évident. Quand Galilée a déménagé la Terre, donc l’homme du centre de l’univers, ça a été tellement
dangereux pour le pouvoir en place, en l’occurrence le pouvoir religieux, que l’inquisition l’a mis aux
arrêts jusqu’à la fin de ses jours.
Et puis lui il a eu de la chance puisque son copain Giordano Bruno, pour des raisons un petit peu
différentes, a été mis sur le bûcher après qu’on lui a coupé la langue. Quand Einstein a élaboré sa
théorie de la relativité, c’était tellement » ridicule », que lui -même a dit que ça pouvait le faire
enfermer dans un asile psychiatrique. Quand Röntgen a découvert les rayons X, c’était tellement
invraisemblable que quelque chose puisse traverser la matière que la petite histoire raconte qu’étant
très croyant il s’est dit mais c’est le diable qui donne un phénomène comme ça. Il a refait ses
expériences un dimanche en disant qu’il allait se mettre à l’abri d’une telle influence Et il est évident
pour chacun d’entre nous que, oui, les rayons X traversent la matière. J’ai retenu aussi une petite
phrase d’Albert Einstein qui disait un bon chercheur est celui qui se pose les bonnes questions. Alors
est -ce que moi je me posais les bonnes questions ?
Et d’ailleurs, Charlie m’en a posé une question en me demandant si l’endométriose avait quelque
chose à voir avec son histoire. Et ce jour là a été un vrai basculement dans mon exercice de médecin.
J’avais suivi cette patiente pendant dix ans avant de savoir ce que je viens de vous raconter. Moi, son
médecin, dont le métier est de soigner, guérir parfois, mais de soulager la souffrance humaine
toujours, est -ce que je m’étais posé les bonnes questions ? Et ce jour -là, j’ai décidé de faire une
thèse en philosophie de la médecine pour poser d’autres questions, thèse que j’ai appelée « Notre
santé au risque de notre histoire »(Faculté des LETTRES .NANTES). Et j’ai vu 300 patientes pour un
entretien de deux à trois heures, et ça a duré cinq ans.
Alors, je vous propose de faire cet exposé en deux parties : les HISTOIRES des patientes que j’ai
écoutées et vous avez compris combien la notion d’histoire me paraît importante puisque ma thèse
est intitulée»Notre Santé au risque de notre Histoire » et mon livre »Mon corps raconte mon
Histoire » donc je vais vous raconter des histoires et puis dans la deuxième partie je vous raconterai
mon CHEMINEMENT intellectuel pour peut -être essayer de répondre à la question de Charlie.J’ai
donné à toutes mes patientes un nom d’anonymat elles étaient toutes d’accord pour participer à
cette thèse .
On va commencer par l’ENDOMÉTRIOSE puisque Charlie avait de l’endométriose. L’endométriose
c’est une maladie très étrange qui n’impacte que les femmes puisqu’elle se fait aux dépens de
l’endomètre. L’endomètre est un tissu qui tapisse l’intérieur de l’utérus et qui desquame chaque
mois pour donner les règles et qui est le « terreau » nécessaire à l’implantation et au développement
de l’embryon . Et dans l’endométriose, ce tissu s’égare. Ce tissu migre dans le tube digestif ou
l’appareil urinaire ou tout autre organe. En symbolique, cette endométriose c’est quelque chose de
fort du féminin. Ce sont les règles et c’est une cheville très importante de la reproduction. Et donc,
ce symbole du féminin s’est égaré. Comme l’a dit mon cher frère, ma thèse terminée en 2017, je
continue à faire cette même recherche dans un centre dédié d’endométriose et j’ai 250 dossiers
propres à l’endométriose. Dans tous ces dossiers , j’ai trouvé une grande souffrance par rapport à la
représentation de ce qu’est le féminin. Dans la majorité des cas, c’est dû à une violence sexuelle.
Dans à peu près 75% des cas, j’ai repéré cette violence sexuelle qui peut être physique, soit un viol,
des attouchements, des rapports en état d’ivresse ou bien psychique. Cette patiente qui a eu son
premier rapport à 16 ans, qui s’est très bien passé sauf que le partenaire a filmé le rapport à son insu
et le lendemain il l’a balancé sur les réseaux sociaux .Bienvenue dans le monde de la sexualité. Si ce
n’est pas un traumatisme d’ordre sexuel c’est quand même une souffrance par rapport à la
représentation du féminin qui peut être en rapport avec leur propre vie ou la vie de la famille .Une
patiente raconte : « quand j’étais petite, tout ce qui était féminin était la honte ». Il est écrit dans les
Saintes Écritures, qu’au moment du jugement dernier, les femmes enceintes prendront plus cher
que les autres. Quand ma mère a été enceinte de moi, mon frère qui avait huit ans ,ne l’a pas su
parce que tout ce qui était féminin était la honte. Voilà comment cette femme a vécu sa féminité .
Histoire d’ISEU, qui a aussi fait une endométriose dont elle a guéri. Alors qu’elle était en vacances
avec sa mère , celle-ci a appelé son mari en lui disant qu’elle était enceinte. Le père est arrivé ventre
à terre en disant « cet enfant, je n’en veux pas, si tu ne te fais pas avorter, je m’en vais ». Cela a
violenté ma féminité au moment de mon adolescence. Aujourd’hui, je suis heureuse, j’ai un mari ,un
enfant adorable, et je n’ai plus de signes d’endométriose. J’ai compris que c’était leur histoire. J’ai
pardonné à mon père. Et puis je me suis dit que peut-être ma mère aurait pu refuser ce que mon
père lui imposait. Et que ce n’était pas à moi d’en payer les pots cassés.
Je vais vous parler maintenant d’INFÉCONDITÉ. Et d’infécondité inexpliquée. Il y a des infécondités
qu’on explique avec nos examens. Une femme qui a les trompes bouchées, on sait pourquoi il y a
une infécondité. Mais dans nombre d’infécondités, on ne sait pas pourquoi ça ne marche pas, on ne
sait pas pourquoi nos techniques ne marchent pas. Dans les bilans que nous sommes formatés à
faire, on s’occupe de l’appareil génital, donc des trompes, des oeufs pas de leur propriétaire. Je vais
vous raconter l’histoire d’Athénaïs. Une infécondité inexpliquée ."Je ne connais pas l’amour maternel
« peut -être il n’y en a pas eu » ou « je ne l’ai pas senti ». En fait, je n’ai jamais été prête à avoir un
enfant. Je n’ai jamais ressenti ce désir -là. Mais mon mari voulait un enfant. Ses parents, que j’aimais
beaucoup, voulaient aussi un enfant. Et donc, j’ai fait la PMA. Mais en fait, je savais que ça n’allait pas
marcher. J’ai eu tellement peur de reproduire ce qu’a été ma mère, et tellement peur de ne pas
aimer l’enfant. A la fin de l’entretien, elle m’a dit: « moi j’ai eu du bol, les FIV n’ont pas marché ».
Vous imaginez la remise en question du médecin qui l’a entraînée dans cette PMA.
Une autre patiente en infécondité , son histoire : depuis trois générations, ce ne sont pas les femmes
qui ont élevé les enfants à cause de l’alcoolisme. Très tôt, j’ai su que je n’aurais pas d’enfant. La peur
de reproduire ce qui s’est passé et de ne pas être capable d’être mère. Elle m’a dit: « je me suis
interdit une grossesse car il faut qu’elle s’arrête, cette lignée de femmes qui n’assument pas leurs
enfants. Je me suis fait un devoir de stopper cette chaîne de femmes incapables d’élever leurs
petits. »
Ce n’est quand même pas fréquent que les femmes soient en protocole de PMA et qu’elles ne
veuillent pas d’enfant. La plupart du temps, c’est je veux un enfant, je veux très très fort un enfant,
mais, il y a un mais, et le mais, c’est la peur. Et souvent, c’est une peur qui est grosse comme ça:soit
j’ai peur de la grossesse, soit j’ai peur de l’accouchement, soit j’ai peur de ce qui se passera après.
Moi, je pose trois questions. La première, imaginez -vous avec un gros bidon de 8 mois, comment
vous sentez -vous ? Et l’une d’entre elles m’a dit, mais je me dégoûte. Quand je vois une femme
enceinte, ça me lève le coeur. Quand j’étais enfant, j’étais un peu bouboule et j’ai été harcelée à
l’école à cause de ça. Et il n’est pas question que ça recommence. Je veux un enfant, mais je ne veux
pas être enceinte. Ce n’est pas facile, vouloir un enfant sans être enceinte! . Mais d’ailleurs,
monsieur, si je vous disais, vous allez prendre 15 kilos, vous ne pourrez plus lacer vos chaussures,
vous allez prendre ça en quelques mois, Comment vous vous sentiriez ? Mal !
Autre question que je pose: Imaginez -vous dans la salle d’accouchement , comment vous sentezvous?
l’une d’entre elles m’a dit : « C’est ridicule, mais je suis terrorisée » Quand j’avais une dizaine
d’années j’ai entendu le récit de ma mère sur sa propre venue au monde où sa mère avait été
attachée sur la table de la cuisine. Une notion est capitale:UNE ÉMOTION N’EST JAMAIS RIDICULE! Si
on lui dit vous n’avez aucune RAISON d’avoir peur , nous avons fait des milliers d’accouchements
sans problème.. sa peur n’a pas bougé d’un caramel. Si vous accueillez cette émotion, que vous lui
dites « Madame, vous avez vos raisons d’avoir peur » et on va tenir compte de cette peur. Donc je
vais l’écrire en rouge sur le dossier et quand vous accoucherez, toute l’équipe sera au courant et on
va vous entourer au mieux pour que cette peur, on puisse la gérer. On peut être sûr que l’émotion
peur a déjà diminué de moitié.
Troisième question, imaginez -vous avec votre bébé dans les bras, madame, et votre mari à côté,
comment vous sentez -vous ? J’ai peur, parce que ma maman n’a pas été une bonne maman. Alors
peut -être que moi, je ne serais pas non plus capable d’être une bonne maman. J’ai peur parce que je
ne voudrais pas reproduire la violence. J’ai peur parce que j’ai peur que mon mari ne soit pas un bon
papa. J’ai peur.
Je vais vous raconter l’histoire d’une patiente qui a eu elle aussi une infécondité de pas mal d’années.
Et pour cette infécondité où elle a eu des inséminations etc .., la PMA n’a pas marché. Et puis elle a
tout arrêté. Et à 38 ans, hop, une grossesse qui survient spontanément. 39 ans, une autre grossesse.
40 ans, une troisième grossesse. Elle était l’aînée d’une fratrie de neuf enfants et elle s’est beaucoup
occupée de son petit frère qui à neuf ans a fait une tentative de suicide en se pendant.Il n’est pas
mort. Il a passé neuf mois en réanimation, elle a arrêté de travailler et elle a accompagné son petit
frère qui est mort au bout de ces neuf mois. Elle m’a dit, écoutez bien ce qu’elle m’a dit, « C’était
inconcevable pour moi de mettre au monde un enfant dans un univers tellement violent ». En plus
son oncle l’avait violée quand elle avait 15 ans. C’était inconcevable pour elle d’exposer un enfant à
de telles souffrances. La vie c’est trop difficile. Je lui dis mais qu’est -ce qui s’est passé pour ces trois
enfants qui sont venus spontanément ? elle dit : les hasards de la vie ont fait que mon mari et moi
avons gardé un enfant de la DASS pendant un an et d’ailleurs il avait 11 ans cet enfant et c’est
comme si à travers cet enfant mon frère m’avait donné la permission de me reproduire et moi je me
suis autorisée à être enceinte; je n’ avais plus peur, donc ce qui était impossible à un moment de la
vie est devenu possible à un autre moment .
Autre pathologie, les TOXÉMIES. Messieurs, vous ne risquez rien parce que c’est une maladie qui est
strictement féminine. C’est une augmentation de la tension artérielle pendant la grossesse. Avec
cette augmentation , la tension artérielle peut devenir incontrôlable et mettre la vie du bébé et de la
maman en danger par une complication qui s’appelle l’éclampsie, et qui peut faire mourir la maman
et le bébé. Parfois, on n’arrive pas à contrôler, même avec les traitements médicaux, cette
augmentation de la tension artérielle, et on est obligé d’extraire l’enfant au risque d’une prématurité
qui peut mettre la vie de l’enfant en danger. Cette pathologie n’existe que chez les mammifères
humains, que chez les mammifères qui ont une conscience supérieure. Et donc, là encore, au lieu de
m’intéresser localement au placenta, j’ai considéré sa vie : « j’ai vécu dans une caravane où il y avait
de la drogue, de l’alcool, de la prostitution. J’avais peur. J’avais lu que souvent, les adultes
reproduisaient leur enfance. Et chaque mois, j’étais déchirée entre mon profond désir d’être
maman , de prouver que je pourrais le faire et ma terreur d’être enceinte et de ne pas être une
bonne maman, de reproduire la maltraitance. Ma grossesse n’a pas calmé mes peurs, bien au
contraire, elle s’est mal passée. J’ai beaucoup vomi, j’ai eu mal à l’estomac, au dos, je ne dormais pas,
j’avais peur. Le jour de l’accouchement a été le jour où j’ai eu le plus peur de toute ma vie. Dans ce
parcours, personne ne m’a posé aucune question sur ma vie ». Je peux le dire parce que c’est moi qui
ai suivi la grossesse. Et à la fin de l’entretien, elle m’a dit « j’aurais juste aimé qu’on me dise que ce
n’était pas obligatoire de reproduire le schéma de l’enfance. » Vous imaginez la remise en question,
là encore . Est -ce que vous connaissez l’effet blouse blanche ? C’est -à -dire, quand vous allez
chez le médecin et que vous êtes un peu stressé, le médecin prend la tension, elle peut être un peu
élevée, il vous dit, on va se mettre au repos et la reprendre 10 minutes plus tard. Est -ce qu’une peur
viscérale, une peur à 20 sur 10, pendant 9 mois, qui réveille plusieurs fois dans la nuit, peut faire
augmenter la tension d’une façon inconsidérée ? La question mérite d’être posée, je vous la pose.
Histoire d’ISILIS : cette femme a été césarisée en urgence pour menace d'éclampsie. Sa terreur,
c’était la mort. parce qu’elle avait perdu son petit frère, sa mère était morte quand elle avait dix ans,
elle avait une nièce qui était morte noyée à trois ou quatre ans, donc elle était terrorisée par la
mort. SAPIENS sait qu’il est mortel. Elle dit : « ma grossesse a été très très difficile. Je pensais sans
cesse à l’éventualité de perdre l’enfant. J’ai eu cela dans la tête constamment toute la grossesse. Cela
me réveillait quatre, cinq, six fois par nuit. Je dormais très, très mal. J’avais une telle frayeur de le
perdre, j’étais tellement terrifiée. Et plus la grossesse avançait, et plus j’avais peur ». Et j’ai revu cette
femme un an après l’entretien pour ma thèse, pour un truc gynéco, et elle me dit: » l’entretien m’a
fait énormément de bien. Je n’avais jamais parlé de tout cela à personne. Je me suis sentie tellement
légère et le bienfait a été pérenne. Je pense que la grossesse se serait mieux passée si cet entretien
avait eu lieu avant . J’aurais eu moins peur. » Prendre en considération les émotions, les aurait fait
diminuer.
Autre pathologie, les infections urinaires. Je veux parler des infections urinaires des femmes et des
infections urinaires à RÉPÉTITION. On pense qu’une femme sur deux fera une infection urinaire au
cours de sa vie et à ce moment-là on les soigne voilà . Mais là je vais vous parler des infections
urinaires qui tout d’un coup dans la vie d’une femme sont à répétition et peuvent gêner la vie
quotidienne et la vie sexuelle parce que dans la majorité des cas elles sont post coïtales .Je vais vous
raconter l’histoire d’une patiente que je suivais régulièrement. Puis un jour, elle est venue et elle me
dit « ça fait plusieurs mois que j’ai des infections non -stop. À chaque fois que j’ai un rapport, j’ai une
infection urinaire. Et d’ailleurs, je n’ai plus de rapports depuis quelques semaines. » Et donc, je lui ai
demandé de me raconter sa vie. À l’époque, j’étais en cours de thèse et j’avais déjà compris certaines
choses. Elle m’a raconté. qu’elle avait eu une première relation entre 17 et 21 ans avec un homme
qui avait dix ans de plus qu’elle et elle dit qu’il avait une sexualité un peu brutale , je n’étais pas très à
l’aise avec cette sexualité.Un jour il a même ramené des filles à la maison mais j’étais tellement
amoureuse que j’étais prête à tout pour le garder et puis la relation s’est arrêtée. Elle n’a jamais fait
d’infection urinaire pendant qu’elle était avec lui .Puis elle a rencontré un nouveau compagnon, avec
qui elle s’entend bien, et elle dit « Depuis que j’ai cette nouvelle relation, je sais ce que sont les
rapports normaux, enfin que moi je trouve normaux et qui me conviennent, et je fais des
cauchemars qui me réveillent la nuit, je revois mes rapports avec mon précédent partenaire. J’ai de la
haine, de la colère contre moi, de la culpabilité, j’ai l’impression de m’être faite manipuler. Je ressens
qu’il transportait une image dégradante de la femme, qu’il me traitait comme une pute. Et cette
prise de conscience récente me culpabilise, me donne la honte. J’y pense lors de mes rapports
actuels, et je ne supporte plus qu’on me touche. Le corps avait trouvé la solution. On ne la touchait
pas, parce qu’elle avait une infection urinaire à chaque fois. Je vous raconterai la fin de l’histoire tout
à l’heure.
Une dernière pathologie qui là, messieurs, vous concerne aussi, ce sont les maladies AUTOIMMUNES.
Ce sont des maladies vraiment étranges, de drôles de maladies. L’évolution nous a
concocté un système immunitaire extrêmement performant qui est là pour nous défendre. Et dans
ces maladies auto -immunes, le système immunitaire se retourne contre nous. Ces maladies n’ont
aucune logique, c’est complètement délirant. Ce système immunitaire se retourne contre nous et
c’est un morceau énorme de la médecine. On estime qu’il y a à peu près 80 maladies auto -immunes.
Le système immunitaire peut se retourner contre un organe en particulier, par exemple dans la
sclérose en plaques, ce sera contre la myéline des neurones, contre les articulations ce sera une
polyarthrite, contre le tube digestif ce sera une maladie de CROHN, contre la peau, ça peut être un
psoriasis, etc. Et là encore, notre formation nous conduit à nous intéresser à l’organe pathologique.
Je me suis intéressée à la propriétaire des organe intéressés par la pathologie, puisque ce sont des
femmes que j’ai vues, je suis gynéco.
Histoire de ROMY : Elle a eu une polyarthrite qui a été assez évolutive. Son histoire de vie: elle s’est
mariée, elle a eu un enfant, une petite fille, et un jour sa petite fille a échappé à sa surveillance, elle a
traversé la rue, elle est morte, écrasée sous ses yeux. "La culpabilité énorme qui m’a envahie m’a
rongée,( comme la polyarthrite le fait au niveau des articulations), pendant des années, et aussi la
colère contre le voisin qui était au volant et colère qui a été tue. Dans un premier temps de ma
maladie, les médicaments ont marché. J’ai pu ne rien changer à ma vie. Seulement quand j’ai refait
des crises, j’ai compris que j’étais actrice de ma maladie. Elle m’a obligée à regarder la souffrance au
fond de moi, car je voulais continuer à fonctionner sans la prendre en compte, cette souffrance. J’ai
vu un psychologue qui m’a aidée à diminuer ma colère et ma culpabilité. J’ai mis du temps à
comprendre, mais si j’avais compris dès le début que je devais regarder ma souffrance en face, ne
pas la nier, je pense que je n’aurais pas déclenché la polyarthrite. Pendant ce long parcours médical,
aucune question n’a été posée sur ma vie. Aucun médecin n’a su la mort de ma petite fille,
notamment le rhumatologue qui m’a suivie pendant 15 ans. Parce qu’on n’est pas formé à ça, pas du
tout. Après cette psychothérapie les crises ont diminué, ce n’est pas de la magie, mais c’est parce que
ont diminué sa colère et sa culpabilité, Elle a arrêté de retourner son système immunitaire contre
elle -même et je crois qu’on avait 10 ans de recul où elle n’avait pratiquement pas fait de crise de
polyarthrite. Alors peut -être êtes -vous en train de vous dire, oui, elle nous a raconté 10 histoires qui
peuvent être des hasards. Je vous invite à aller voir dans ma thèse, j’en ai 300, du même acabit.
Maintenant, on va voir ma réflexion et le chemin qui m’a amenée à proposer ma réponse à Charlie.
Si on envisage un lien entre la pathologie de Charlie et son histoire, on est obligé de repenser la
médecine. La médecine est une science humaine. Du fait qu’elle soit une science, elle est soumise
aux lois de la science qui sont UNIVERSELLES mais que l’on doit appliquer à un être humain
SINGULIER. Vous voyez la difficulté, ça s’appelle l’art médical. Les progrès dans la rubrique
scientifique ont été tellement phénoménaux ces dernières décennies, que les médecins ont
beaucoup tiré le curseur vers ce côté scientifique, technique. Vous savez bien, on met les patients
dans les machines. Alors, comme pour s’excuser de tirer trop le curseur de ce côté -là, les médecins
disent volontiers « ah ben moi je suis cartésien ». Et comme si ça les protégeait de l’obscurantisme,
Ils attribuent à tort à Descartes l’idée qu’on ne peut retenir comme vrai que ce qui est validé par la
science, ce qu’il n’a jamais dit. On a retenu aussi de Descartes que quand on avait quelque chose de
difficile à comprendre, le séparer en éléments plus petits, cela facilitait les choses. Donc nous, on a
séparé le corps en tous ses organes et on a séparé le corps de l’esprit pour la raison qu’ils étaient de
nature différente. Par ailleurs, la médecine qui se revendique une science veut souscrire aux
principes de la logique, hérités d’Aristote. Le premier principe, c’est le principe de non -contradiction.
Pour un même système, on exclut les contraires. C’est -à -dire qu’en médecine, soit c’est normal, soit
c’est pathologique, il n’y a pas de place pour le hors -norme. Soit c’est organique, soit c’est
fonctionnel, soit on est mort, soit on est vivant. Cette façon de réfléchir a remarquablement bien
marché pour les systèmes qu’on appelle les systèmes COMPLIQUÉS. Un système compliqué, c’est un
système dans lequel on peut avoir de nombreux éléments, mais ils sont tous indépendants les uns
des autres: une voiture, un ordinateur sont des systèmes compliqués. En cas de panne on change la
pièce défectueuse et tout repart comme avant.
Par contre l’humain est un système COMPLEXE dans lequel tous les éléments sont
interactifs ,agissent sur le tout qui rétroagit sur chacun d’entre eux. Nous sommes l’histoire de la
lente progression de la complexité qui a transformé la matière inerte en matière vivante et
pensante . Nous sommes la très longue histoire de toutes les particules élémentaires qui sont
apparues il y a 13 ,7 milliards d’années, qui ont dû s’assembler, s’organiser, se complexifier, pour
donner dans un premier temps les éléments légers comme l’hydrogène et l’hélium , puis au sein des
étoiles, qui sont de véritables chaudrons thermonucléaires, les éléments plus lourds comme l’azote,
l’oxygène, le soufre, le phosphore. Nous sommes des poussières d’étoiles dit Hubert Reeves. Et ce
n’est pas une métaphore. Les atomes qui nous constituent ont été fabriqués dans les étoiles. C’est
extrêmement touchant de savoir ça. Et puis, les éléments plus lourds que le fer ont été fabriqués
dans les explosions d’étoiles parce qu’il a fallu tellement, tellement d’énergie. Au bout de quelques
milliards d’années, l’univers avait à sa disposition les 92 éléments chimiques de la table de
Mendeleïev qui constituent tout ce qui existe de toute la matière connue de l’univers. Et puis, au
bout de trois ou quatre milliards d’années, un phénomène extraordinaire est arrivé. Une poignée de
ces éléments chimiques banals se sont assemblés, organisés, pour donner la matière vivante. Dans
un premier temps, les petites bactéries, puis les poissons, les reptiles, les oiseaux, les mammifères,
les préhumains et les humains, HOMO SAPIENS , qui est devenu de la matière pensante. Nous
sommes constitués exactement des mêmes éléments chimiques que la matière inerte. Donc, vous,
moi sommes constitués de la même matière que le sol , c’est l’organisation qui est différente.
Mon schéma (diapo) n’est pas du tout à l’échelle. Si on ramène ces 13 milliards d’années à un an, la
vie apparaît sur Terre le 31 octobre et Homo sapiens le 31 décembre à 22h30.
Je me suis dit : et si notre petite histoire personnelle, qui est dérisoire à l’échelle du cosmos, mais
pour nous, la grande histoire de notre vie, apportait une lumière sur notre santé? Puisque si nous
sommes les enfants d’une maman qui nous a donné vie après une grossesse de neuf mois, nous
sommes aussi les enfants d’un cosmos qui a accouché de nous après 13 ,7 milliards d’années.On
peut dire qu’on a trois niveaux de complexité. Il a fallu cette matière inerte d’abord pour qu’elle
devienne matière vivante et ensuite matière pensante. On peut dire que la physique a commencé
avec Sir Isaac Newton qui nous a laissé un monde compliqué. Vous vous souvenez, compliqué ? Donc
tous les éléments sont indépendants les uns des autres. Donc l’espace, le temps, la matière sont
indépendants. C’est -à -dire que si vous voulez étudier un objet, vous prenez l’objet, vous l’étudiez,
vous le remettez, rien n’a bougé, c’est un monde qui nous est complètement intuitif. Et puis après, il
y a eu Mr Albert Einstein qui a commencé à nous faire entrer dans la complexité avec son monde
relativiste, dans lequel l’espace, le temps et la matière sont interconnectés, interdépendants.
Le temps ne s’écoule pas à la même vitesse si vous êtes ici au repos ou si vous voyagez dans l’espace
dans une fusée supersonique. Le temps ne s’écoule pas à la même vitesse au niveau de vos pieds et
au niveau de votre tête parce que la gravité de la Terre y est différente. Si vous videz l’univers de la
matière, l’espace et le temps vont disparaître. Avec mon petit corps de 45 kilos, je déforme l’espace
-temps qui se moule sur moi tel un mollusque. C’est un monde dans lequel on vit, et c’est un monde
que peut -être vous avez expérimenté en venant ici, en mettant votre GPS en marche, qui prend en
compte que le temps ne s’écoule pas à la même vitesse ici, et au niveau des satellites. C’est un
monde qui nous est complètement contre intuitif. Et puis après, la physique de Albert Einstein, il y a
eu la physique quantique, c’est la physique de l’infiniment petit. Alors là, c’est une bombe atomique
intellectuelle qui nous fait plonger dans la complexité parce que dans ce monde, la matière n’est pas
du tout celle que l’on croyait.On pensait que quand on allait descendre au creux de la matière, on
allait trouver des petites billes dures, solides, bien homogènes, bien limitées. Et en fait, les physiciens
définissent cette particule élémentaire comme un champ d’interaction. C’est -à -dire que la matière
devient insaisissable dans l’infiniment petit. Elle se dématérialise. Les physiciens nous proposent un
modèle d’atomes dans lequel il y a un noyau qui représente 99 ,9 % de la matière telle qu’on la
conçoit, et puis autour, il y a un nuage d’électrons. Et si on change d’échelle, le noyau est dans
l’atome comme une mouche dans une cathédrale.
Donc NOUS SOMMES FAITS DE VIDE.
Alors en fait, le vide n’est pas vide. Le vide, c’est de l’énergie et de l’information. Nous sommes de
l’information. Dans des conditions très particulières , cette information, en raison d’un principe de la
physique quantique qui s’appelle le principe de NON SÉPARABILITÉ , est diffusée instantanément
entre deux particules « intriquées » qui restent en lien quelle que soit la distance qui les
séparent . C’est -à -dire que si l’une est ici et l’autre à l’autre bout de l’univers, si vous faites quelque
chose à l’une, l’autre le sait. Einstein a appelé cette action l’ACTION FANTÔME . Peut -être que vous
êtes en train de penser que c’est presque comme Internet. Non, parce qu’avec Internet, il y a un
support physique, c’est l’électron. Et puis, l’information ne peut pas aller plus vite que la vitesse de la
lumière. Alors que là, l’information est instantanée. C’est à l’échelle d’une petite particule. Ce n’est
pas à notre échelle, à nous. Puis il y a une autre propriété de la physique qui s’appelle le principe de
SUPERPOSITION qui autorise une particule à être dans deux états opposés à la fois, à avoir les deux
propriétés opposées, antinomiques de la particule, un corps qui est bien localisable et solide, et une
onde, qui est un processus qui n’a pas de limites. Mais être dans deux propriétés antinomiques en
même temps, c’est interdit par la logique. Alors peut -être êtes vous en train de vous dire, mais
qu’est -ce qu’elle est en train de nous raconter ? On est venu pour écouter une thèse en philosophie
de la médecine, ce n’est ni de la philosophie ni de la médecine, mais peut -être que si quand même.
Alors je vous dis ça parce que nous sommes des êtres de matière et nous sommes soumis à ces lois
qui sont universelles. Il ne vous viendrait pas à l’idée d’ailleurs de sauter du cinquième étage en vous
disant « moi je suis de la matière vivante alors je ne suis pas soumis aux lois de la gravitation ». Et
puis moi ça m’a interpellée par rapport à ma réflexion sur la logique. Nous sommes biberonnés à la
logique. Pour les scientifiques c’est un pilier très fort de la connaissance . Et pas que pour les
scientifiques, mais aussi pour nous -mêmes. Imaginez -vous quand vous discutez avec un
interlocuteur et que vous avancez un argument en disant « c’est logique », ça y est, la discussion est
terminée. Si un argument est logique, il est irréfragable. Eh bien, dans l’infiniment petit, il y a des
phénomènes qui transgressent la logique. C’est -à -dire que la logique ne peut pas embrasser toute
la réalité. Et peut -être est- ce intéressant pour nous médecins de savoir ça, parce qu’en médecine on
différencie deux sortes de maladies. Il y a d’un côté les maladies organiques et de l’autre côté les
maladies fonctionnelles. C’est soit organique, soit fonctionnel. Les maladies organiques, ce sont les
maladies qu’on peut appréhender par nos appareils de mesure. Par exemple le cancer,
l’endométriose, les maladies auto -immunes. Et les médecins pensent qu’il n’y a pas de lien entre le
mental et ces maladies organiques, contrairement aux maladies fonctionnelles (vertiges, céphalées,
douleurs sans support repérable )… pour lesquelles ils envisagent un lien probable.
Alors que nous dit la biologie ? La biologie nous parle aussi de liens, d’informations, de processus. Et
je vais vous en donner deux exemples. Le premier, c’est la notion de neuroplasticité. On a pensé
qu’on avait un cerveau qui est un cadre bien défini à la naissance et qu’on naissait plus ou moins
intelligent. En fait, on s’est rendu compte qu’on avait un nombre phénomènal de neurones
surnuméraires et que seuls ceux qui vont servir, vont perdurer, les autres vont disparaître. Si on met
un petit chat dans le noir à la naissance, le petit chat sera aveugle parce que tous les circuits qui
servent à la vision vont disparaître. Le neurone a la capacité de se suicider. Et pas que le neurone.
Chaque jour, des milliards de cellules s’auto -détruisent dans notre corps pour que d’autres se
reconstruisent. Le biologiste Alain Prochian évalue à 80 kg par individu et par an ce turnover. Vous
vous rendez compte que vous êtes capable de fabriquer 80 kg, vous êtes capable de remplacer 80
kilos de vous -même par an. C’est fantastique. En fait, nous sommes des phénix, de véritables phénix
qui pouvons chaque jour renaître de nos cendres. Et donc le cerveau et le corps deviennent des
porte -parole de notre histoire et de notre environnement. Le petit chat dans le noir à la naissance.
Alors quand je vous parle du cerveau, peut -être pensez-vous à l’organe qui nous donne la
conscience de nous, la mémoire, et surtout l’organe qui est bien localisé dans la boîte crânienne.
Maintenant, on nous propose un cerveau entérique, vous savez, un cerveau digestif. Le neurologue
Lionel Naccache dit que ce cerveau entérique participe à la conscience de nous. Et puis, il y a un
biologiste de Harvard, qui s’appelle Michael Levin, qui a fait des expériences sur des petits vers qu’on
appelle les planaires . Et ce petit vers a la capacité, après qu’on lui a coupé la tête, de la refabriquer.
Et il a gardé la capacité de trouver l’endroit où on avait caché la nourriture. Donc ce qui veut dire que
la mémoire, n’ est peut -être pas que dans le cerveau.
Si on veut étudier un organe, on peut étudier l’organe, mais si on veut une étude plus exhaustive, on
est obligé de prendre en compte l’individu auquel il appartient et l’environnement dans lequel
évolue l’individu. Un cerveau n’existe jamais seul.
Deuxième exemple de la biologie, l’ÉPIGÉNÉTIQUE . L’épigénétique, c’est l’impact de l’environnement
sur le génome. Quand on a découvert la structure de l’ADN, au milieu du siècle dernier, découverte
sensationnelle, on s’est dit qu’on possédait la clé du vivant, qu’on allait avoir le gène des yeux bleus,
le gène des cheveux raides, celui -là je l’ai bien eu, le gène de la peau claire, etc. Et on s’est rendu
compte que c’était beaucoup plus complexe que ça, qu’un gène pouvait impacter plusieurs
caractères et qu’un caractère pouvait être impacté par plusieurs gènes, et surtout que seulement 3
% de nos gènes s’expriment. C’est -à -dire que vos parents vous ont donné des gènes, mais
seulement 3 % vont s’exprimer.
Et c’est l’épigénétique, c’est -à -dire l’impact de l’environnement, qui va autoriser ou qui va pousser
les gènes à s’exprimer ou au contraire les retenir de s’exprimer. Ce qui veut dire que le gène, comme
le neurone, ne sont que des potentialités qui n’existeront que passées par le filtre de l’individu et de
l’environnement.
Je vous parle de l’environnement et donc c’est quoi l’environnement ? Du fait que nous sommes des
êtres physiques, nous avons un environnement physique qui nous est vital, mais nous sommes aussi
des êtres de conscience supérieure et nous avons également un environnement de cette conscience
supérieure qui nous est vitale. Notre corps ne peut pas vivre sans l’aide de notre conscience
supérieure. Nous sommes une espèce très fragile. Nous naissons nus comme des vers. Nous n’avons
pas de poils, pas de plumes, pas de carapace pour nous protéger, pas de crocs, pas de dents, de
serres pour attaquer, mais nous avons les prérogatives de cette conscience supérieure. Par exemple,
l’empathie, qui nous est vitale d’après l’anthropologue Marie-Hélène Patou-Mathis, qui dit que sans
cette empathie, nous aurions disparu, parce qu’elle nous donne la capacité de nous entraider et de
nous défendre dans un monde dangereux. Cette empathie est assistée par le langage, et le langage
est vraisemblablement lui aussi vital à notre espèce. Certains anthropologues pensent que
Neandertal a disparu parce qu’il n’avait pas la capacité d’un langage élaboré comme nous l’avons eu.
On a longtemps pensé que Homo Sapiens était devenu un Sapiens avec une grosse tête et qu’il
s’était mis à parler. Le prix Nobel de médecine Gérald Edelman propose plutôt une émergence
conjointe, c’est -à -dire que le cerveau a commencé à grossir, on a commencé à balbutier ce qui a
stimulé notre cerveau, ce qui a stimulé notre langage, et ainsi de suite. Pour le dire autrement, notre
langage c’est le lien à l’autre. En général, on ne parle pas quand on est tout seul. C’est -à -dire que le
lien à l’autre a eu la capacité de sculpter anatomiquement, physiquement, notre cerveau ainsi que
tous les muscles orofaciaux , la langue, les lèvres… Et puis aussi l’appareil phonatoire qui nous sert à
parler. Est -ce que vous savez que vous n’avez pas tout à fait le même palais que les Anglais ? Les
petits Anglais qui apprennent à parler prononcent sans arrêt leur « th », ce qui explique que nous,
quand adultes nous apprenons à parler anglais , nous n’avons pas le palais adéquat pour prononcer
ce phonème. Et ce qui explique aussi que nous, Français qui parlons ce très beau langage, nous
sommes très beaux et beaucoup plus beaux que les Anglais en tout cas.
Un autre outil de notre conscience supérieure, c’est la cognition. La cognition, c’est notre radar de
détection de l’environnement. La cognition, elle nous est vitale. Elle est faite de nos cinq sens et de
nos émotions. De toutes nos émotions, qui sont un pont entre la conscience et la matière. Elles ont
toutes un impact physique, physiologique. On rougit de honte, on pleure de tristesse, on tremble de
colère, on pâlit de peur. La peur, on n’aime pas avoir peur. Et pourtant la peur, c’est notre amie. La
peur nous prévient du danger. L’émotion peur met en branle une petite structure cérébrale qui
s’appelle l’amygdale, qui elle -même induit la sécrétion des hormones de stress, que sont l’adrénaline
et le cortisol, qui sont là pour mettre à disposition de notre corps le maximum d’oxygène et de
glucose pour qu’on puisse s’enfuir ou se battre. L’émotion peur sert à ça. Une fois l’épisode aigu
passé, ces hormones reviennent à un taux de base et c’est tant mieux parce que si elles restent trop
élevées, elles sont toxiques pour le cerveau, pour le coeur et pour le système immunitaire.
Dans ma thèse, je me suis attachée au début aux événements de vie. Et j’ai très vite compris que nos
événements de vie nous impactent par l’intermédiaire des émotions qui sont singulières pour
chacun. Ces émotions peuvent devenir délétères et toxiques si elles perdurent avec intensité. En fait,
nos émotions nous donnent l’idée de nous, la conscience de nous. Et l’existence, c’est la capacité de
nous auto -produire sans cesse, puisqu’on s’auto -détruit sans cesse. Et pour s’auto -produire sans
cesse, l’être conscient de vivre doit avoir cette envie de vivre pour que la vie puisse rester chevillée
au corps. Et c’est notre cognition qui nous donne cette adéquation à nous -mêmes et à notre
environnement. En fait, nous sommes des funambules de la vie qui devons à chaque pas avoir cette
envie de vivre pour chercher un équilibre constamment précaire et chaque jour à réinventer. Nos
émotions sont tellement importantes que ma conviction est qu’elles déterminent notre zone
d’habitabilité. Nous avons, du fait que nous sommes des êtres de matière, une zone d’habitabilité
physique qui est bornée par la qualité de l’air, de l’eau, la température, les toxiques, l’amiante, les
perturbateurs endocriniens… Cette zone d’habitabilité est limitée, très limitée. Quand il y a eu la
canicule, quelques degrés de plus et il y a eu des milliers de morts. Ma conviction est que nous avons
également, du fait que nous sommes des êtres de conscience supérieure, une zone d’HABITABILITÉ
MENTALE, émotionnelle, qui est bornée par nos émotions, qui doivent rester supportables. Nous
avons un seuil de tolérance au -delà duquel on ne peut pas vivre en bonne santé ou pas vivre du
tout. C’est pour ça que c’est très important de connaître cette zone d’habitabilité mentale,
émotionnelle, ce qui n’est pas toujours facile, parce que nos émotions sont livrées en vrac, parce que
nos émotions peuvent être antagonistes, on peut bien aimer et haïr en même temps, et puis parce
qu’on ne nous apprend pas à les reconnaître, Et quand elles sont reconnues, elles ne sont pas
toujours les bienvenues. Qui d’entre nous n’a pas entendu un jour où il avait du chagrin ? « Allez, ne
sois pas triste, viens, on va se promener. » Ou un jour où il avait peur : Mais n’aie pas peur, il n’y a
aucune raison d’avoir peur. Je pense que vous messieurs, vous avez été plus malmenés que nous.
Parce qu’un homme, enfin un vrai, ne pleure pas et il n’a jamais peur !. Nos émotions sont affamées
de reconnaissance. Elles doivent être accueillies, reconnues, exprimées, prises en compte. Alors pour
les exprimer, on a le langage, mais pas que. On peut les exprimer avec la sculpture, l’écriture, la
peinture, le sport, ce que vous voulez. Si nos émotions ne sont pas reconnues et prises en compte, ce
précieux message qu’elles nous donnent sur notre contact à l’environnement devra trouver un autre
canal pour être entendu, puisque ce message nous est vital. Il faut bien qu’on sache si on peut
dormir tranquille ou si on doit veiller. C’est le corps qui prendra la relève. Parce que le corps, il sait
tout de nous, il vit avec nous depuis le début de notre vie. Et puis le corps, il est d’une intelligence
inouïe. Il manifestera en fonction de sa singularité, de la lignée , du vécu, de l’environnement par des
signes fonctionnels banals( qui d’entre nous n’a pas eu lors d’un moment difficile, des petites
coliques dans le ventre, des aigreurs d’estomac..) ou par une maladie bénigne, ou une maladie plus
grave, ou une maladie mortelle, parce que la vie n’est pas à n’importe quel prix. Mon hypothèse est
que nos symptômes, nos maladies, sont la sortie de notre zone d’habitabilité soit physique, on l’a vu,
les toxiques, le tabac… soit mentale, émotionnelle, ou celle de notre lignée. Si le médecin entraîne le
patient sur ce chemin du sens, s’il rend le symptôme signifiant, le patient a plus de chances de guérir
que s’il considère sa maladie comme une malédiction sur laquelle il n’a aucune prise, parce qu’avec
cette prise de conscience et sa capacité d’action, il peut changer son environnement ou juste son
rapport à lui pour faire diminuer ses émotions toxiques et délétères. C’est pourquoi je voudrais
terminer par un message d’espoir, parce que je pense que notre santé n’est pas complètement jouée
d’avance. On nous promet un homme augmenté qui aura des puces partout, bonjour les
démangeaisons, alors il verra plus loin, il entendra mieux, il courra plus vite, ce qui est à saluer. Mais
cet homme ne survivra à sa surpuissance que s’il s’augmente de la connaissance de lui -même, qui
est la connaissance première. Alors cette connaissance de lui -même lui permettra dans un premier
temps de savoir ce qui ne lui appartient pas, pour que personne n’ait envie de dire, ne puisse dire:
mais alors, si je suis malade, c’est de ma faute ?
Non, non, non, ce n’est pas de notre faute. Imaginez -vous, vous êtes un petit bâtonnet dans un jeu
de mikado, donc vous n’avez pas la maîtrise sur tous les autres bâtonnets. Non, ce n’est pas de votre
faute si vous avez été en contact avec l’amiante, si vous avez respiré des toxines, des pesticides.Non,
ce n’est pas de votre faute si votre père alcoolique a mis de la violence dans toute la maison, qui
s’est imprimée sur votre petit coeur d’enfant, de la colère et de la peur qui vous étreignent depuis
des décennies. Non, ce n’est pas de votre faute si votre mère vous a mal aimé, vous a martyrisé, vous
a abandonné. Non, ce n’est pas de votre faute si un prédateur vous a abusé. Non, ce n’est pas de
votre faute s’il y a un lourd secret qui pèse sur votre famille. Non, ce n’est pas de votre faute si vous
avez du mal à vivre votre féminin et qu’on nous rabâche depuis des siècles, via les religions
monothéistes, que la femme est impure quand elle a ses règles, qu’elle est impure quand elle
accouche d’une fille. Elle est impure pendant quelques semaines quand elle accouche d’un garçon, et
quelques semaines supplémentaires quand elle accouche d’une fille. Il n’est pas très loin le temps où
les femmes devaient passer les relevailles, ça s’appelait comme ça je crois, pour de nouveau être
admises dans les églises. Mais comment peut-on sortir de cet obscurantisme si ce n’est par la
connaissance ? J’ai envie d’aller dans les écoles, je rêve d’aller dans les écoles pour apprendre aux
petites filles et peut -être encore plus aux petits garçons combien cet endomètre qui donne le sang
des femmes est un tissu prodigieux. Imaginez un tissu qui, chaque mois, se prépare à recevoir
quelques cellules embryonnaires pour les emmener, neuf mois plus tard, à donner un être humain
qui est capable de danser, de chanter et d’aimer. PRO-DI-GIEUX. Et sans cet endomètre, aucun
d’entre nous ne serait là pour en discuter. Je pense que de savoir ce qui ne nous appartient pas peut
nous permettre de nous libérer de certaines entraves, par exemple en ayant la connaissance de ce
qu’ont vécu nos aïeux, notre lignée, ce qui , peut -être , peut nous expliquer certaines attitudes,
certaines émotions qu’ils ont eues pour que nous, on puisse se libérer de ce qu’on a vécu
difficilement par rapport à eux. Et puis, cette connaissance de nous -mêmes nous permettra de
décoder le stress. Parce que parfois, on vous dit, c’est le stress. D’accord, c’est le stress. Mais il est où
le stress ? Comment je le gère ? Comment je fais pour m’en débarrasser, du stress ? Sous le stress, on
étiquette l’émotion qui est là et qui est à traiter . Je vous rappelle que nos émotions sont nos amies,
mais elles peuvent devenir toxiques si elles perdurent avec intensité. Ma conviction est qu’on ne
peut pas vivre en bonne santé avec une culpabilité, une peur, une colère, à vingt sur dix pendant des
décennies. Donc, étiqueter cette émotion, la reconnaître, la verbaliser, la prendre en compte, je vous
rappelle, c’est déjà l’apaiser de moitié. Et puis, la psycho traumatologie nous aide à comprendre
qu’une émotion reste fixée, figée, comme elle était au moment du traumatisme qui l’a provoquée. Je
m’explique. Je vais vous donner un exemple pour illustrer mon propos. Une patiente a perdu son
grand -père quand elle avait 11 ans. Le grand -père meurt, c’est normal. Sauf qu’elle n’a pas eu le
droit de le voir pendant l’année qui a précédé sa mort. Elle n’a eu aucune explication, ses parents
n’ont pas voulu qu’elle le voie et il paraît que le grand -père ne voulait pas non plus. Et tout a été tu,
on n’a pas expliqué à cette enfant. Et petit à petit, elle a compris par bribes qu’elle a attrapées
comme ça de ci de là, qu’en fait son grand -père avait refusé de se soigner. Il avait été malade
pendant un an, il avait un cancer. Et à ce moment -là, elle a été envahie par la rage. Elle aimait
beaucoup son grand -père et elle s’est dit, mais en fait, il m’a abandonnée. C’est qu’il ne m’aimait pas
puisqu’il n’a pas voulu se soigner. Et puis mes parents m’ont empêchée de le voir, de lui dire au
revoir. Elle a été couverte de rage et de culpabilité aussi, en se disant que si elle avait ruée dans les
brancards elle aurait pu voir son grand -père. Cette femme était depuis dix ans avec une émotion de
colère qui était beaucoup trop élevée. C’est -à -dire qu’elle était toujours en colère contre tout et
contre rien. Donc, aller chercher cette émotion primaire qui a provoqué la colère, la légitimer. Dire :
oui, à onze ans, quand on perd son grand -père et qu’on ne comprend pas ce qui se passe, on a le
droit d’être en colère. Bon, maintenant, qu’est -ce qu’on fait de cette colère ? Est -ce qu’elle va toute
notre vie nous ennuyer et nous faire tort. Elle a eu une maladie auto -immune, cette femme. Au
bout de six ans de colère contre le monde entier. Donc, allez lui expliquer que peut -être maintenant,
on peut se débarrasser de cette colère. On peut aller dire à la petite fille que c’était le choix de son
grand -père. Ce n’est pas parce qu’il n’aimait pas sa petite -fille, c’est parce qu’il voulait la protéger. Il
ne voulait pas qu’elle le voit dans un état cachectique. A la fin de sa vie, il était maigre, très maigre.
Que ses parents n’ont peut -être pas fait le bon choix, mais c’était avec une belle intention de vouloir
la protéger. Et qu’elle, à 11 ans, elle ne pouvait pas aller ruer dans les brancards parce que les grands,
ont raison encore quand on a cet âge -là. Donc reconnaître d’abord l’émotion et puis ensuite essayer
de faire comprendre qu’on peut maintenant se libérer de cette émotion et peut -être diminuer aussi
cette maladie auto -immune. Et puis la psycho traumatologie et la neurobiologie nous ont aidé aussi
à comprendre les processus neurobiologiques qui se passent en cas d’agression, notamment en cas
d’agression sexuelle.
Les victimes, quand elles racontent leur histoire disent j’ai eu très peur, j’ai eu tellement peur que
j’étais paralysée, je n’ai pas pu crier, je n’ai pas pu griffer, je n’ai pas pu me sauver et d’ailleurs à cause
de ça j’ai une culpabilité et une honte à 20 sur 10 depuis dix ans parce que, et souvent c’est tu, c’est
comme si j’avais cautionné ce qui s’était passé et donc expliquer ce qui se passe en biologie. On a vu
tout à l’heure que la peur active les hormones de stress pour nous aider à nous défendre ou à nous
battre. Mais ces hormones, quand elles sont trop élevées, sont toxiques pour le cerveau et pour le
coeur. Si le stress, le traumatisme est très aigu, la peur monte. Ces hormones, elles vont continuer à
monter. Le cortisol, est toxique pour le cerveau, donc la victime va peut -être perdre connaissance.
L’adrénaline est toxique pour le coeur. Le coeur va s’emballer et à partir d’un certain seuil, il ne pourra
plus continuer à augmenter ses pulsations. Donc le coeur va s’arrêter, on va mourir de peur. Il y a un
verrou de sécurité qui fait qu’à partir d’un certain seuil, le cerveau est disjoncté. C’est exactement
comme un circuit électrique. Le cerveau disjoncte, ça veut dire que le cortex ne reçoit plus les
informations sur l’état psychique et physique de la victime. Ça sert aussi à arrêter l’emballement des
sécrétions des hormones de stress, donc la survie immédiate est assurée, mais il y a un prix à payer.
Cette disjonction entraîne un isolement du cortex qui met la victime dans un état où elle est
dissociée, où elle est en état d’anesthésie émotionnelle, qui est là pour la protéger, pour la faire vivre
dans un monde fictif qui est moins insupportable que le monde réel. Les victimes le décrivent très
bien, d’ailleurs. Elles disent « Mais c’était complètement irréel, ce qui m’est arrivé.
Et c’était comme si je voyais la scène du dessus, mais je n’y participais pas. » Et cette anesthésie
émotionnelle se double d’une anesthésie physique. Vous êtes vraiment paralysé, votre cerveau a
choisi de vous paralyser. Ce n’est pas du tout que vous avez cautionné ce qui s’est passé. Parfois,
juste avec ces explications de physiologie, on voit la honte et la culpabilité qui diminuent, voire qui
disparaissent. Et ceci explique aussi que souvent, les victimes portent plainte des années après. C’est
parce que si les victimes se sentent coupables, elles ne peuvent pas porter plainte. Seulement quand
elles auront fait ce chemin, y compris ce que je viens de vous expliquer, à ce moment -là, elles
pourront peut -être endosser leur statut de victime et porter plainte et puis après se débarrasser de
leur statut de victime. Ces explications peuvent parfois suffire, mais on peut aussi se faire aider avec
les psychothérapies, l’hypnose, l’EMDR. Et je vais vous raconter une dernière histoire d’une patiente
qui a eu un cancer du sein. Bien sur, un cancer du sein se traite par de la chirurgie, de la
radiothérapie, de la chimiothérapie, de l’hormonothérapie. Sans aucun doute. Mais ce traitement du
corps peut très bien être soutenu par la prise en compte de notre conscience supérieure et de notre
état mental. Cette femme a eu une enfance terrible. Elle dit: j’ai vécu une enfance de peur dans la
folie. Son père était alcoolique et très violent. Dans cette adversité, elle a conçu avec sa maman une
relation extrêmement forte et un jour, sa maman qui avait 44 ans, elle en avait 16, lui a proposé
d’aller au cinéma et elle a dit non, moi je ne peux pas y aller, j’ai autre chose à faire. La maman est
allée au cinéma, elle est morte renversée par une voiture.La mort de ma mère a été l’évènement le
plus difficile de ma vie.Après sa mort pendant des années j’au eu l’intuition que je mourrais à 44 ans
comme elle puisque j’étais responsable de sa mort et tous les jours je me disais : tu seras punie tu
mourras à 44 ans puisque tu as tué ta mère.Ma psychothérapie a fait disparaître cette culpabilité , je
ne rêve plus de cette punition de mort.Je n’ai plus honte de raconter mon enfance , j’ai abandonné la
haine pour mon père.J’ai réussi à me libérer de mon secret, j’ai réussi à dire à mon mari ma difficulté,
je suis guérie, on a un recul de 15 ans.
Toutes ces émotions, la culpabilité, la honte, la haine, ces émotions avec lesquelles un corps ne peut
pas vivre au long cours, ont disparu avec la psychothérapie. Il y a l’hypnose aussi, qui marche bien.
L’hypnose, l’EMDR, la psychothérapie, ce sont des outils. Et pour utiliser des outils, il faut savoir s’en
servir, que les gens qui font ça sachent s’en servir, que le problème soit bien déterminé et que le
patient soit prêt à entamer ces démarches.Est -ce que vous vous souvenez de SÉMÉLÉ qui avaient ces
infections urinaires à répétition ? Elle dit: « quand je suis venue vous voir, je pensais que c’était
« médical » mon problème de cystite . L’urologue m’avait proposé une petite intervention que je n’ai
pas faite. Vous m’avez ouverte à une compréhension différente du problème. Cette prise de
conscience m’a aidée. J’ai fait six séances d’hypnose. Ma culpabilité, ma colère ont disparu. C’est
complètement digéré. Je vais bien. J’ai repris les rapports sexuels et des rapports qui me conviennent
et je n’ai pas fait de cystite depuis deux ans. J’ai compris ce qui m’était arrivé. Cela me semble même
évident, complètement logique. J’ai commencé les cystites pos coïtales seulement quand j’ai pris
conscience que ma sexualité avec le partenaire précédent ne m’appartenait pas, ne me convenait
pas. Alors que quand j’étais avec lui, je ne m’en rendais pas compte. »
On va finir par Charlie. Charlie, après avoir révélé son secret, elle a fait des séances d’EMDR. Alors, si
vous voulez, je vous expliquerai ce que c’est l’EMDR. L’EMDR, dit-elle, c’est à peine croyable, ou plus
précisément, c’est incroyable. J’ai senti qu’il s’était passé quelque chose dans ma tête, comme si on
avait remis les cases en place. Moi qui me disais souvent, je voudrais une bonne petite lobotomie
pour enlever tous les trucs pourris de mon enfance, eh bien l’EMDR, c’est comme si on m’avait
lobotomisé le cerveau. Je n’en reviens pas. Je me rends compte que je suis plus forte que je le croyais
et je n’ai plus mal au ventre.
CONCLUSION
Je le redis au cas où certains auraient été distraits, parce que c’est important pour moi, il n’est pas
question une seconde d’abandonner la médecine classique, technique, qui est dans certaines
rubriques merveilleuse, mais au contraire de la soutenir par la prise en compte de notre conscience
supérieure qui est autant notre réalité que notre corps physique.
Je vous rappelle que, initialement, ma démarche était pour peut -être répondre à la question de
Charlie : est -ce que mon endométriose a quelque chose à voir avec mon histoire ? Alors, chacun a sa
propre réponse, je vous laisse y réfléchir, et pendant ce temps -là, je vais vous donner ma réflexion à
moi, enfin que peut -être vous avez devinée d’ailleurs. Oui, je pense que l’endométriose de Charlie a
quelque chose à voir avec sa vie. Je pense que les émotions de honte, de colère et de culpabilité
qu’ils l’ont étreinte pendant des décennies ont sûrement été un des cofacteurs qui l’ont empêchée
de vivre son féminin d’une façon harmonieuse. Et peut -être même que cette endométriose aurait
pu être prévenue par la gestion précoce de ces émotions. Je pense que nos péripéties de santé nous
parlent de nous, de notre histoire, de notre lignée, de notre environnement. Les maladies n’ont
aucune existence propre, elles sont un cri du corps ou bien de l’esprit ,pour les maladies psychiques,
secondaire à une rencontre problématique avec l’environnement que l’individu n’a pas réussi à gérer
d’une autre façon que corporelle ou mentale. Elles sont une demande bouleversante de notre corps
à mieux nous écouter, à mieux nous comprendre, à mieux nous connaître et peut -être
paradoxalement, elles pourraient être là pour nous prévenir qu’un danger pèse sur nous ou sur notre
lignée, qu’un seuil de tolérance est atteint ou dépassé . Leur finalité serait qu’elles sont là pour nous
aider, avec cette prise de conscience et notre capacité d’action, à utiliser ce champ du possible que,
je crois, nous avons pour nous faire réinvestir notre zone d’habitabilité, physique et mentale pour
diminuer ces émotions délétères et continuer sur le chemin de la vie pour espérer mourir de notre
belle mort due aux contraintes de notre longévité.
Je vous remercie beaucoup de votre attention, je vous remercie et le CERA en particulier de m’avoir
permis de vous partager mon travail qui a enrichi ma vie d’une valeur fondamentale pour l’être
humain, celle du sens, et si notre santé a du sens, comme je le crois, peut -être notre vie en a un
aussi. Je vous remercie.
QUESTIONS :
Merci beaucoup, Anne, de nous avoir permis de comprendre, de réfléchir. Autour de ce que vous
nous avez dit, on va maintenant échanger. Moi j’ai bien aimé l’idée de poussière d’étoiles. Ce que je
vous propose c’est que maintenant les poussières d’étoiles que vous êtes vont poser les questions
qu’elles ont envie de poser. Avec Emile on a deux micros. Vous levez la main, on va vous voir et puis
n’hésitez pas. Alors à qui la première question ?
Q : Bonsoir, juste l’explication de l’EMDR. Effectivement, juste dire exactement ce que
c’est. Maintenant je vois mon endomètre un peu différemment. Il y a des petits mots comme ça qui
m’ont percutée.
R : l’EMDR c’est Eye Movement Desensitivation Reprocessing. dans la journée, il se passe beaucoup
de choses qui ne peuvent pas être toutes à la conscience immédiate comme souvenirs.Pendant la
nuit , dans un moment de notre sommeil, où il y a un petit mouvement clonique des yeux, ces
souvenirs se rangent dans des cases. C’est la mémoire normale, autobiographique, rationnelle, qui
porte du sens. Et quand on a besoin de ces souvenirs, on va les chercher, on s’en sert : il faut s’arrêter
au feu rouge, on le remet dans la case, c’est la mémoire porteuse de sens. En cas de traumatisme et
de disjonction, cette dernière empêche ce processus normal. Ce souvenir devient une mémoire
erratique, non maîtrisable, imprévisible et qui reste plutôt dans l’inconscient et qui représente un
grave trouble de la mémoire consciente. Ce qui explique que parfois des pans entiers de vie peuvent
disparaître ou peuvent être occultés momentanément, mais cette mémoire n’a pas disparu pour
autant et elle peut revenir en boomerang, faire revivre à la victime les mêmes épisodes douloureux
qu’elle a vécus au moment du traumatisme. L’EMDR, c’est remettre la victime dans cette situation
douloureuse qu’elle a vécue et l’aider à faire ce que le cerveau fait chaque nuit pour les souvenirs
« normaux « et avec des mouvements des yeux ou des mouvements alternatifs de chaque côté du
corps, lui permettre de ranger ses souvenirs dans les cases normales pour que ça devienne une
mémoire autobiographique. Est -ce que c’est clair ce que je viens d’expliquer ? Oui ? Non ? Oui ? Ça
vous va ? Et ça marche remarquablement bien quand c’est fait par des gens qui savent ce qu’ils font .
Q : Comment on peut faire avant d’en arriver là justement, à être malade à cause de ses émotions ?
R : Alors, si j’ai bien compris la question, comment on peut faire pour ne pas être malade ? Oui,
comment on peut l’intégrer avant de tomber gravement malade ? Oui, je pense que c’est mieux se
connaître, mieux connaître sa zone d’habitabilité. On fait attention à ne pas avoir de toxiques, à ne
pas fumer peut -être , à ne pas prendre de poids, toutes ces choses -là, mais je crois qu’on ne
s’occupe pas assez de notre mental et on ne s’occupe pas assez de cette zone d’habitabilité mentale.
Qui de nous n’a pas entendu un jour de grande tristesse , mais allez, ne sois pas triste. On n’a pas le
droit d’être triste. Ben si, si, on a le droit d’être triste. Et puis un homme, il a le droit d’avoir peur. Et je
crois que nos émotions nous disent des choses de nous. Elles nous informent de ce contact qu’on a
avec l’environnement. Et on ne peut pas vivre sans, et donc peut -être prendre en compte tous les
petits signes. Je vous ai raconté l’histoire de cette femme qui m’a dit « j’aurais juste voulu qu’on me
dise que ce n’était pas obligatoire de reproduire la violence de son enfance ». Cette femme, pendant
sa grossesse, n’allait pas bien, et je n’ai pas été formée à ça. Elle a vomi pendant tout le début de sa
grossesse. Bon, il y a plein de femmes qui vomissent, mais elle a vomi beaucoup. Après, elle a eu mal
à l’estomac, on lui donne un petit pansement gastrique. Et après, elle a eu mal au dos. Et puis, elle
ne dormait pas. Et on n’est pas assez bien formé à rechercher pourquoi cette femme ne va pas bien.
Elle ne dort pas. Peut -être, aurais-je sûrement dû poser d’autres questions : à quoi pensez-vous
quand vous vous réveillez la nuit ? Est -ce que ce sont les insomnies normales de la grossesse, parce
que quand on a un gros bidon comme ça, on n’est pas très à l’aise pour dormir ? Ou est -ce qu’on est
dans un état déjà un peu pathologique ? Je peux vous raconter l’histoire d’une femme qui a eu une
péritonite secondaire par perforation d’ulcère à 27 ans deux mois après un accouchement. Ce n’est
pas fréquent . Et voilà ce qu’elle raconte. Je vais vous raconter ça parce que c’est moi qui l’ai suivie.
Pendant sa grossesse, elle n’allait pas bien, cette femme. Elle dit : je suis croate et suis venue en
France au moment où j’étais enceinte et j’ai laissé mon mari et mon père sur le front et elle dit :
pour moi c’est clair, je pense que cette péritonite aurait pu être évitée, c’est elle qui le dit. J’ai été
très angoissée pendant ma grossesse, j’avais tellement peur de mettre un enfant au monde à cause
de mon contexte historique. J’attendais qu’on me pose des questions au sujet de mes douleurs
d’estomac, mes insomnies, mais elles ne sont pas venues. Souvent, je pense qu’il ne fallait pas grand
-chose pour éviter cette perforation. J’avais seulement besoin de parler de mes angoisses, d’être
rassurée, encadrée. Mais aucune question n’a été posée, ni pendant ma grossesse, ni après la
perforation non plus d’ailleurs. Donc peut -être j’aurais pu empêcher ça, si j’avais pris en compte tous
ces petits signes que parfois les médecins ne prennent pas assez en compte, en soin, en recul.
Donc voilà, je n’ai pas été bonne sur cette affaire. Mais j’étais petite, je ne savais pas tout ce que je
sais maintenant.
Q : Bonsoir, je voudrais savoir comment est perçue dans la communauté médicale votre façon de
penser ?
R : Alors, est -ce que quelqu’un a mon livre ici ? Oui ? Merci.
C’est difficile de se remettre en question, donc les médecins qui ont toujours travaillé d’une certaine
façon, leur dire que peut -être qu’ils pourraient faire autrement, ce n’est pas toujours facile. Mais
dans le service où je travaille, il y a la docteure Juliette Cariou qui écrit « Ma rencontre avec le
docteur Gabard a été un bouleversement dans ma vie de gynécologue obstétricienne. J’évoluais,
comme la plupart de nos confrères, dans une obscurité médicale dont je n’avais même pas
conscience. On ne m’avait pas donné toutes les clés pour exercer mon métier. Le docteur Gabard m’a
réappris la médecine et je lui en suis infiniment reconnaissante." Elle est obstétricienne. Et par
exemple, quand elle voit des patientes qui pendant la grossesse ne dorment pas, qui sont très
angoissées, elle va chercher l’origine de cette angoisse. Pour éviter l’éclampsie dont on a parlé, la
toxémie, un jour elle m’a dit « c’est dingue ce truc , mais on gagne à tous les coups. Donc, je pense
qu’il y a des choses à faire, mais on est vraiment formés à ne pas s’occuper du propriétaire. Enfin, pas
assez, en tout cas.
Et... Comment ? Oui, c’est une femme. Oui, oui, mais si vous achetez mon livre, il y a le docteur
Martigny aussi qui... Ah ben... Enfin, vous pouvez l’acheter parce que les bénéfices seront versés à la
Fondation des Femmes. Je pense qu’il y a des choses à faire. Je rêve. Moi , j’ai fait ma thèse pour
mieux comprendre et je veux transmettre ce que j’ai compris.
Q : Bonsoir, moi, je voudrais vous remercier aussi. J’ai bu vos paroles parce que je suis persuadée que
tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime. Voilà. Et en fait, je voulais vous poser la question de quand
c’est allé trop loin au niveau de la maladie. Clairement, je parle de ma maman, qui est atteinte d’une
polyarthrite rhumatoïde pour laquelle moi je me suis toujours dit que c’était son enfance. J’ai
beaucoup d’émotions, pardon. Non, non, non, pas pardon, allez -y, allez -y, on a le droit aux
émotions. Au contraire, je ne vous pardonne pas de me demander pardon. Donc, ça fait 30 ans
qu’elle est atteinte de cette maladie, elle a 77 ans et ça se dégrade beaucoup, elle souffre
énormément.
R : Il est toujours temps de récupérer une harmonie, en vous mettant à son écoute, et si elle y est
invitée, si elle est désireuse de ça, parce que je crois qu’on ne sauvera pas tout le monde, mais à
partir du moment où peut -être vous pouvez l’inviter à essayer d’emprunter un autre chemin que les
médicaments .Pourquoi pas, il n’y a que la mort qui est irréversible !
Q : Effectivement, vous recevoir pendant une heure, voire plus, mais à partir du moment où on
libère la parole, automatiquement, vous sortez du cabinet, vous êtes nettement mieux. J’ai lu un
livre, il y a un certain nombre d’années, « Aïe mes aïeux « de Anne Ancelin, qui est extraordinaire et
à partir du moment où vous avez lu ce livre, vous comprenez effectivement le sens de votre vie, alors
moi j’ai lu il y a peut -être 15 ans ou quelque chose comme ça, je ne sais pas si cette dame est encore
de ce monde, je crois qu’elle est décédée parce qu’elle était très âgée, et en fin de compte elle
expliquait bien que dès l’instant où on ne dit pas ce qu’est notre histoire, on la transmet d’une façon
très mauvaise et effectivement on déclenche sur les générations futures des problèmes majeurs.
Lorsque vous parlez des maladies auto -immunes, quand une personne déclenche une maladie auto
-immune, ok, mais quand c’est un enfant à sa naissance qui a déjà une maladie auto -immune, elle
est effectivement déjà transmise . Enfin, je pense que c’est un sujet qui , à mon avis, n’est jamais
évoqué dans la transmission des maladies auto -immunes. Merci beaucoup pour cette conférence.
R : Merci. Vous posez une question qui est très intéressante par rapport aux enfants malades. Les
enfants malades, c’est insupportable, inacceptable si on réfléchit à l’échelle de l’individu. Mais
l’individu doit être replacé dans sa lignée. Et peut -être que si on réfléchit à la lignée, avec ce qui a
été vécu dans la lignée, ce qui n’a pas été dit, ce qui a été des souffrances tues ou tout un tas de
choses, peut -être ça peut être moins insupportable. On a pensé que l’évolution était un chemin
droit et en avant et on sait maintenant qu’on ne peut pas se la représenter comme ça, on est obligé
de se la représenter comme un arbre touffu, et il y a des lignées qui ne peuvent pas aller plus loin, et
peut -être ça peut... En fait, ce que je crois, c’est qu’on ne peut pas réfléchir la biologie sans la
recadrer dans l’évolution et dans la lignée, parce que si on a une certaine d’autonomie, on est très
dépendant de notre lignée, mais il y a plein de choses à comprendre et qui n’ont pas été comprises,
c’est sûr.
Q : Oui, bonsoir madame. Je voulais aborder, comme monsieur, l’histoire du quart d’heure de
présence chez le médecin, mais j’aimerais aller plus loin. On est dans un désert médical, pour trouver
un médecin, il faut un délai insupportable pour avoir une consultation. Et quelle est la pensée des
politiques, comment les politiques qu’on a aujourd’hui influent sur la santé, parce que je suis
complètement d’accord avec ce que vous avez expliqué, mais le problème c’est qui trouver pour se
faire soigner ainsi, et puis est -ce que les politiques ont envie de ça ?
R : Je ne suis pas politique, donc je ne peux pas répondre à votre question. Ce que je peux dire quand
même, c’est: qu’est -ce qu’on fait avec ce qu’on a ?
Les physiciens disent que le temps n’existe pas, que c’est nous qui le faisons passer et que c’est nous
qui lui attribuons une valeur quelque part et que même un quart d’heure de consultation médicale
avec un médecin qui est à 100 % avec vous, bienveillant, non jugeant, n’a rien à voir avec un quart
d’heure de consultation avec un médecin qui pianote sur son ordinateur et puis qui est dérangé
deux fois par le téléphone. Je le pense pour ma part, parce que ce que je vous ai donné, c’est mon
témoignage. Je n’ai que ça à vous apporter, mais je ne détiens pas la vérité, mais je pense qu’on peut
apprendre à poser des questions pertinentes et avec un quart d’heure bien mené, on peut avoir déjà
beaucoup, beaucoup d’informations et ça s’apprend. Et donc les étudiants m’ont demandé, la
semaine dernière il y avait la semaine de la santé mentale, et c’est un régal d’aller leur dire: il y a telle
question qui peut vous aider à cerner relativement rapidement le patient. Mais ce n’est pas facile,
l’art médical, ça s’appelle l’art médical, d’être efficace avec un individu qui est singulier, qui ne
ressemble pas au voisin.
Q : Bonsoir, merci. Je suis là. Vous avez beaucoup parlé de la culpabilité que le patient reproduit et
qui occasionne donc un certain nombre de pathologies. Alors une petite question stupide. Celui qui
reproduit ce qu’il a vécu, à savoir un violeur. Il arrive que les violeurs ont eux -mêmes subi ce genre
de traumatisme et on pourrait multiplier les personnes qui se mettent dans des situations,
pratiquement volontairement, des situations avilissantes qu’ils ont connues.
R : L’explication! Oui. Alors la psycho traumatologie nous aide à comprendre ça.
Nous sommes une drôle d’espèce. Nous sommes donc, je vous l’ai dit, une espèce très fragile et un
de nos atouts, c’est notre capacité d’adaptation. Nous avons réussi, malgré notre corps si fragile, à
nous adapter à presque tous les climats de la Terre. Quelqu’un qui va vivre dans la violence, qui va
continuer à vivre dans la violence, comment va -t -il s’adapter ? Il va essayer de rechercher cette
anesthésie émotionnelle qui le fait vivre dans un monde fictif qui est moins difficile que le monde
réel. Et pour retrouver cette anesthésie émotionnelle, il va essayer de se faire auto disjoncter. Et pour
se faire auto disjoncter, il va lui -même avoir une vie de risque, drogue, alcool, prostitution, violences
sur autrui, conduite en état d’ivresse, rapports sexuels non protégés en état d’ivresse…. Il va essayer
de reproduire ça pour se faire auto disjoncter. Soit contre les autres, soit contre soi -même. Contre
soi -même : scarifications , automutilation, tentative de suicide, anorexie mentale, qui peut vous
emmener aux portes de la mort, ou, ça c’est ma conviction, par voie biologique inconsciente,
maladie auto -immune : vous retournez votre violence contre vous -même.
Q : Merci. Je vous remercie beaucoup, effectivement, pour votre conférence et j’avais une question à
vous poser. Est -ce que lorsque vous avez fait vos différentes recherches, vous avez des cas parmi vos
malades qui avaient des croyances religieuses , est -ce que vous avez constaté, effectivement, une
influence sur leur santé ? Est -ce que c’était le cas ? Je reprends ma question. À partir du moment où
un malade a une croyance très forte, en particulier spirituelle, est -ce qu’il y a eu une influence sur sa
santé ?
R : Ouh là ! Question minée !
Alors moi, je pense que... Bon, je vous livre ma pensée. On a le droit de ne pas être d’accord. Moi, je
pense que le catholicisme, il nous a gravement entravés et nous, les femmes, les premières, parce
que la femme, c’est elle qui a donné la pomme à Adam. Mais, enfin, je suis révoltée contre eux, mais
révoltée.
J’ai moi -même des convictions spirituelles fortes. Mais ce qu’on nous a enseigné par rapport à ça, je
trouve que c’est grave . Moi j’ai été élevée chez les soeurs, j’y ai passé 7 années, et le matin on faisait
notre prière, et c’était, mea culpa, mea maxima culpa, moi j’avais 10 ans, 11 ans, je ne sais pas, mea
maxima culpa, c’était quoi ma faute, ma très grande faute, je n’en sais rien, je ne sais pas ce que
j’avais fait, mais on était coupable . Je trouve que c’est pas de la religion ça, ce sont des croyances
qu’on nous a inculquées et que, enfin, ah oui, mais je ne sais pas, oui, c’est peut -être...
Q : C’est une partie de ma question, c’est -à -dire qu’à partir du moment où vous avez un être qui
déjà, au niveau du cerveau, a des convictions, ça peut être du spirituel, ça peut être d’autres choses,
une très forte conviction, la question était de savoir : Est -ce que dans les expériences que vous avez
eues, vous avez vu une différence par rapport à un autre malade ?
R : On peut prendre la question un peu différemment. Je ne sais pas si vous allez me dire si c’est ça.
Je pense que la spiritualité peut nous aider à trouver une paix. Et ça c’est complètement bénéfique
pour la santé. La paix, le pardon, ça sans aucun doute c’est bénéfique pour la santé, oui, alors quelle
que soit la façon de le faire , oui la spiritualité normalement vous invite à ça.
Q : Bonsoir, on s’est vu tout à l’heure, je voulais vous remercier particulièrement parce que grâce à
vous je vais pouvoir avancer énormément, je sais que ma culpabilité ce n’est pas ma faute. J’ai déjà
fait pas mal d’efforts il y a d’autres alternatives pour aider. Moi, je vois une kinésiologue , je fais
beaucoup de massages, tout ça pour m’aider, en Ayurveda, tout ça. Et ça aide énormément. Ça peut
être une solution. et je voulais surtout vous remercier énormément pour tout ce que vous faites.
Q : Merci aussi de cette conférence. Il y a un petit côté technique qui était un petit peu plus
complexe, mais ce que je voulais dire c’est que ce cheminement par rapport à la découverte de nos
émotions, de les accepter, il ne faut pas forcément attendre de la société qu’elle nous rembourse des
consultations. C’est un cheminement personnel qui certes peut avoir un coût, mais comme dans
toute vie on fait des choix et si on veut faire un choix de santé avec des conséquences favorables
énormes, ça vaut le coup . On a un retour sur investissement qui est impressionnant, donc
n’attendons pas tout, parce qu’on peut aussi avoir beaucoup de réponses avec des liens sociaux, qui
ne sont pas forcément des professionnels, mais il faut aussi accepter de se découvrir, et on est
surpris que quand on se découvre soi -même, l’autre peut aussi se découvrir, et ça ne vous coûte pas
70 euros ou 100 euros de consultation d’aller prendre un café avec un ami. Après ça n’empêche pas
la consultation d’un professionnel parce que vraiment un professionnel peut vous aider, quand vous
parlez de ces notions d’intensité, on ne peut pas ouvrir son coeur et remettre à nu une émotion qui
vous a fait souffrir au plus haut point sans être accompagné . Stress énorme si vous rouvrez la plaie,
c’est comme si vous évacuiez un abcès mais ça ne se fait pas dans les mains de n’importe qui .
R : Tout à fait. Ça peut être des techniques de méditation, de sophrologie, de respiration… Certes,
toutes les choses ont un coût, mais quand on achète un vêtement, ça a un coût.
Q : Bonsoir, alors moi, c’est plutôt que j’ai été la collègue d’une compagne d’une des 300 patientes
que vous avez étudiées. C’est comme ça qu’en fait, j’ai fait votre connaissance parce qu’ elle a
raconté justement le chemin qu’elle a eu avec vous en entretien. Et du coup, ça m’a aussi apporté de
me poser la question: Peut être que je ne vois pas les choses du bon angle ?. Suite à ça, j’ai fait de
l’EMDR pour la colère envers ma mère. Et aussi, j’en ai parlé beaucoup avec mes amis, avec ma
cousine, et ça a ouvert justement une discussion entre nous. Et je sais que ça aide aussi, donc je
voulais vous remercier parce que vous êtes une femme inspirante.
Q : Merci, c’est une question assez courte. Est -ce qu’au cours de la formation actuelle de nos
étudiants en médecine, il y a des modules qui sont consacrés à votre approche ?
R : Il y a quand même un D .U., c’est un diplôme universitaire de psycho traumatologie, qui n’est pas
obligatoire du tout. Je n’ose pas dire non. Y a-t-il des étudiants en médecine qui peuvent me
confirmer? je ne suis plus étudiante, mais vu le retour que j’ai des étudiants en médecine qui ont des
yeux grands comme ça quand je leur parle. C’est pour ça que, je vous ai parlé de ce festival
d’astronomie où je suis allée à Fleurance(GERS), qui m’a ouvert un champ du possible parce que
nous pendant nos études, nos dix années d’études, on ne fait que de la médecine, de la médecine et
de la médecine. Et là je vous ai parlé d’histoire, je vous ai parlé de physique, je vous ai parlé de
biologie, je vous ai parlé de philosophie, c’est une richesse et c’est peut -être ça le message qu’on
devrait apporter, au lieu de rester cantonné dans sa barque.
Une dernière question.
Q : Merci Anne pour cette magnifique présentation, superbe. Je ne suis pas étudiante en médecine,
mais un vieux médecin proche de la retraite. Et en fait, pour donner d’autres éléments à différentes
questions qui ont été posées, bravo d’être sortie des sentiers battus, parce que pour exercer la
médecine comme l’a fait Anne, il faut sortir des sentiers battus. Parce qu’effectivement, la faculté de
médecine ne nous apprend pas ça. Elle nous apprend des choses très intéressantes. Dix ans d’études,
ce n’est pas pour rien non plus. Et merci aussi de ne opposé la médecine allopathique et cette vision
autre des choses, mais de les rendre complémentaires. Moi-même, je me suis formée pour
comprendre la relation médecin malade, mais pas à la faculté, avec certaines personnes de la faculté,
mais on cherchait avec d’autres collègues, d’autres consoeurs, confrères, pour ouvrir notre champ à
autre chose que les réponses par examen complémentaire, par la sémiologie, c’est -à -dire l’étude
des signes. Ça, c’est très intéressant , mais ça ne suffisait pas, en effet. Et tout ce qu’on apprend en
dehors nous grandit. Et pour répondre aussi, alors moi, mes consultations sont plus longues que la
moyenne et comme je suis au tarif de la sécurité sociale, je ne gagne presque rien. Mais je suis
contente de faire ce que je fais. Et c’est vrai que quand on va arrêter, on se dit mais moi je n’ai jamais
eu autant de patients que maintenant parce que les gens recherchent effectivement une écoute. Et
ce qui est intéressant, ce que tu disais tout à l’heure Anne, c’est que finalement ça n’est pas qu’une
question de temps. Et quand on s’est ouvert à cette manière de voir les choses, et bien j’ai même
l’impression que l’information arrive toute seule parce que les gens sentent qu’on est à l’écoute et
qu’on va les accepter dans leurs failles, dans leurs difficultés. Et j’imagine aussi que pour toi, des gens
ont dit mais je n’ai jamais raconté ça à personne et ça vient tout seul.
R : Mais oui. Apprendre à poser des bonnes questions, oui. C’est ça. Et en effet, il ne faut pas tout
attendre de la sécurité sociale, mais grandir avec les patients, avec les confrères, les consoeurs.
Merci. Merci, Françoise.
Merci Anne. Merci. D’avoir été là, sous vos applaudissements.
Un dernier petit mot pour remercier mes patientes, parce que je ne serais pas là à vous raconter tout
ça sans elles. Ce sont mes patientes qui m’ont permis de vous raconter ça. Je les remercie infiniment
de la confiance qu’elles m’ont accordée.
Merci à Jean-Yves pour la correction de cette transcription