j'adhère au cera

Colloque « l’Appel du vivant » le 18 novembre 2023

Compte rendu écrit du colloque "l'Appel du vivant" le 18 novembre 2023 à Saint Laurent sur Sèvre

Premier intervenant :

Éric Julien
« Le choix du vivant »

Bonjour à tous,
Pour commencer, je pars volontiers d'une petite phrase de Michel Serre que j'appréciais comme philosophe parce qu'il n'était pas moralisateur et assez facétieux. "Nous sommes le monde, nous sommes la vie, nous sommes le vivant, nous fonctionnons comme le monde mais nous ne le savons plus. Il faudrait remettre le monde et la vie dans nos pensées."
Deux questions. Comment se fait-il que nous les ayons perdus ? Comment fait-on ? Quand on relit l'histoire de la Genèse dans la Bible, il y a deux chapitres. Je ne peux pas citer les termes exacts mais ça dit à peu près "Tu vas aller dans le jardin d’Eden. Tout ce qui vole, tout ce qui marche et qui rampe sera à ta disposition, tu pourras t'en servir et le dominer. » Le second chapitre dit "Tu vas aller dans le jardin d'Eden et tu vas soigner et protéger". Pourquoi a-t-on perdu le second chapitre ? Et n'y aurait-il pas un dialogue à réintroduire entre les deux ?
Qu'est-ce qu'on a oublié ? Quelles sont les conséquences de cet oubli et comment remettre le contenu dans nos pensées ?
On parle souvent de progrès. Il est vrai que nos sociétés modernes ont mis une énergie folle et beaucoup de talent au profit de ce qu'on appelle le progrès de la matière, la transformation de la matière. C'est linéaire. Une transformation permet d'en faire une deuxième. Le processus est cumulatif. En revanche, il y a deux sujets auxquels aucune école, aucune université ne s'intéresse. Le premier, c'est comment apprendre à vivre ensemble sans se taper dessus. Le second, c'est le fait que nous sommes des êtres vivant. On n'en parle jamais ! Cette notion ne nous vient jamais à l'esprit sauf quand on est à l'hôpital ou qu'un de nos proches est malade. On voit bien que ces deux champs constitutifs de notre histoire sont zappés.

Il existe quelques sociétés qu'on peut appeler archaïques, racines, primitives, autochtones, qui ont fait le choix inverse. La technique ne les intéresse pas trop. En revanche les deux autres sujets les préoccupent beaucoup. Vivre ensemble à peu près tranquilles, et puis vivre avec et non sur ou contre. Il ne s'agit pas de dire les bons sauvages et les vilains civilisés. On n'est pas dans ce registre-là mais dans celui de deux mondes qui ont leur chemin. Si seulement on pouvait se parler autour de notre bien commun qui est l'air qu'on respire, l'eau que nous buvons, les aliments que nous mangeons. Nous avons la nature en commun, et posons deux regards différents dessus. Si on se parlait tout simplement ! Je ne vais pas devenir Kogi, c'est trop compliqué et ce n'est pas ma culture. Et jamais ils vont devenir docteurs en biologie, c'est trop compliqué et ce n'est pas leur culture. Mais l'eau, qu'est-ce qu'on peut faire ensemble au sujet de l'eau ? Ça veut dire un changement de regard total entre sous-développés et différents (l'autre!) Ce n'est pas évident. Dans les années 70-80, nous regarder sans nous juger n'était pas gagné.

Il y a 25 ans, j'ai eu un œdème pulmonaire dans leur montagne, au nord de la Colombie. La plus haute montagne du monde en bordure de mer. J'ai eu la chance de rencontrer ces "sauvages", primitifs, archaïques, sous-développés. On leur pourrit la vie depuis 5 siècles ! La violence prend des formes diverses et variées. On le voit aujourd'hui avec le Hamas. Malgré la violence qu'on leur fait endurer, ce jour-là ils me disent "Tu as besoin d'aide ?" Et là je me retrouve dans une drôle de situation parce que dans nos grandes écoles, on n'apprend pas la solidarité de la vulnérabilité. Tout à coup, tu es fragile, tu ne ressembles plus à rien, et quelqu'un te dit "Je peux t’aider ?" A ce moment-là, on découvre quelque chose de la relation fraternelle. Ils me ramassent, me soignent, me descendent en altitude, ce qui est la première chose à faire quand on a un œdème. Je me retrouve dans une hutte. Ça va de mieux en mieux. J'explore un peu le territoire autour de la hutte et j'avise des petites tomates cerises. Comme elles touchent le sol, elles pourrissent. Comme j'ai fait les grandes écoles, je me dis qu'ils ne savent pas cultiver les tomates. Je vais dans la forêt chercher des tuteurs et je redresse les 30 plants de tomates de manière à créer un très joli jardin à la française. Le soir, les Kogis rentrent de leurs champs. J'essaye de leur expliquer sans les vexer que j'ai sauvé leur récolte. Et là l'un d'entre eux me dit "Si on a mis ces plants de tomates là, c'est parce que ça génère un tanin très fort, une sorte d'insecticide naturel qui empêche les insectes de rentrer. Donc si ça ne t'ennuie pas, tu vas tout remettre comme c'était avant, ça nous arrangerait." Je touche du doigt une question essentielle qui est de s'intéresser à l'autre, lui poser des questions. Quand on se rend compte qu'on forme des jeunes dans des grandes écoles qui vont occuper des postes à responsabilités, qui ne savent ni écouter, ni poser des questions !
Je leur demande ce que je peux faire pour les remercier de m'avoir sauvé la vie. Ils me parlent alors de la mafia paramilitaire, la guérilla, le narcotrafic, l’exploitation du bois, les pilleurs de tombes, etc. On leur a pris 80% de leurs terres.

Ils me disent "Si tu veux vraiment nous remercier de t'avoir sauvé la vie, aide-nous à récupérer nos terres ancestrales." J'étais jeune, 25 ans, je leur ai dit "Bien sûr je m'en occupe. C'est simple..." En 1997, on a créé l'association qui aujourd'hui est parvenu à acheter et restituer 2586 hectares de terres. C'est comme un travail de couture. Une couture aussi bien territoriale que relationnelle. Comment, en avançant ensemble sur un sujet qui fait du bien, on va recoudre nos liens, on va recréer de la confiance. La confiance, c'est la mère des valeurs, c'est celle qui est au cœur du vivant. Sans confiance, pas de vie.
Un jour, je leur dis que ce n'est pas simple de trouver des sous pour les aider. Ils me répondent qu'ils vont venir nous aider ! Quelque temps après, ils arrivent à Roissy. Il est 17h. Je ne vous fais pas de dessin sur l'état des lieux de la circulation parisienne... Ils me demandent gentiment, sans jugement "Ça va ? Ça se passe bien de vivre comme ça, sans nature ? "

Très rapidement, ils me demandent s'ils peuvent voir des sages. Question perturbante. Il doit y en avoir parce qu'il y en a dans toute société. Mais ils sont discrets. Nous prenons le train jusqu'à Lyon et puis la voiture jusqu'à Chambéry. Nous empruntons donc des tunnels. Les Kogis sont assis derrière moi. Lorsque nous approchons du premier tunnel, un grand trou noir, je sens que ce moment n'est pas top pour eux. Quand on en ressort, j'entends une petite voix qui me demande "Pourquoi vous faites des trous dans le terre ?"
"C'est pour aller plus vite, pour gagner du temps, ça évite de faire le tour".
"Vous voulez aller jusqu'où plus vite ?"
Et là, le sens apparaît. On dit souvent que le sens guérit parce qu'il permet à la vérité de converger vers quelque chose. Dans le corps humain, il existe un principe, qu'on va appeler l'homéostasie, qui permet aux différents organes de converger pour maintenir un bon état de santé. C'est un principe de vie. Si on ne remet pas ce principe dans le corps social pour lui permettre de ne pas aller trop mal, on favorise l'aggravation. Il faudrait un récit, surtout pour les jeunes, pour leur épargner le désespoir.
En arrivant, nous sommes reçus par des membres du comité d'entreprise d'une entreprise qui avaient gentiment pris en charge une partie des billets d'avion. Nous avons un temps d'échange intéressant. A la fin, en sortant de la salle, un Kogi me tire par la manche et me dit "Comment ils font pour décider, il n'y avait pas de femme ? " Il n'émet pas un jugement moral, il s'étonne. Heureusement que nous ne sommes pas identiques, autrement ce serait très rasoir de faire l'expérience de l'autre. Et l'autre par nature, n'est pas moi. Donc s'il n'y a pas ces deux regards, masculin et féminin, qui abordent une question, on ne peut pas prendre de bonnes décisions.

La différence entre nos deux mondes, c'est la loi. Chez nous, on élit des représentants qui sont censés définir des lois pour le bien commun, lois qui redescendent sur nos territoires. Avec la couleur des engagements politiques, la NUPES plutôt que le RN, plutôt que les socialistes, etc. qui entraînent des choix différents. Il y a peut-être un tout petit peu de lobbying dans tout ça. En fait, les hommes font des lois qui changent quand ça les arrange, en fonction de critères pas clairs du tout. Et on dit qu'on va appliquer ces lois à la nature. Comme attendre 10 ans pour le glyphosate alors qu'on sait que ce n'est pas très cool.

Ça ne marche pas du tout comme ça chez eux. Ils s'interrogent, quelles sont les lois et les principes intangibles qui fondent la vie ? C'est très intéressant comme question et on n'en sait rien. On met des avocats, des juristes, l'armée, des sommes folles pour protéger des lois parfois utiles, parfois bizarres. Et on ignore les lois qui permettent la vie ou l’on n’en tient pas compte. C'est très curieux. Imaginez par exemple un marin qui ne tiendrait pas compte des lois de la mer. Il aurait peu de chance d'arriver à bon port. C'est pourtant ce qu'on fait. Quelles sont ces lois qui fondent la vie. Comment s'incarnent-elles dans un territoire ? Ça devient très difficile de trouver des endroits naturels où ces lois s'expriment. On a beaucoup aménagé, transformé, etc. Et comment peuvent-elles être inspirantes pour rester une société vivante en termes d'organisation.
J'ai un peu travaillé sur 9 principes. Avec cette phrase "Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les hommes. Si tu arrives à trouver en toi ces principes, alors tu comprends comment fonctionne le monde." Un monsieur, qui s’appelait René Guénon, a écrit vers 1924 un livre qui s'appelle La crise du monde moderne. Un siècle plus tard, ça n'a pas bougé. Il disait en substance, si on perd ces principes divins qui ordonnent le monde, on s'égarera dans nos délires pour rester poli.
Je propose donc 9 principes :

En voici quelques-uns :
- la polarité et l'altérité, c'est ce que vous êtes en train de faire depuis que vous êtes sur terre. L'inspire et l'expire. Ça ne s'arrête jamais, même quand vous dormez. Si on poursuit le principe du deux, comme dans le Tao, vous avez bien deux jambes pour marcher. Deux yeux. Cette notion de la complémentarité des mouvements est un principe fondamental. Le masculin et le féminin. Dans le temps de la conception d'un enfant se trouve un espace fécond qui permet à la vie d'émerger. C'est incroyable ! Il faut un espace vide. La terre a dû fonctionner de la même manière. Un espace fécond protégé par 9 couches, face aux météorites, aux UV, à pleins de rayons. Tout à coup une météorite vient féconder la terre.

Je vais prendre un petit exemple. Connaissez-vous l’apoptose ? Il s'agit d'un système naturel qui élimine les cellules qui ne répondent plus aux besoins d'une fonction du corps. Système de suicide cellulaire lorsqu'une cellule ne reçoit plus l'information sur son utilité. Je suis juste en train de vous dire que se regarder, se dire bonjour, se dire je t'aime, ce n'est pas poli, c'est normal. On a tous besoin de cette énergie du regard de l'autre.

J'aime bien aussi parler de l'endosymbiose. Cette petite fleur qui pousse à 3000 mètres d'altitude, ou bien en zone arctique, fait partie de la famille des silènes. Elle pousse dans un coussinet qui peut offrir entre 8 et 10° de température de plus que ce qui se trouve autour de lui. Il existe à l'intérieur de ce coussinet toutes sortes de petites bactéries, une sorte d'univers microscopique qui vit en solidarité, en coopération. Et comme cette fleur a besoin de 2 ans pour se reproduire, tout ce petit monde doit survivre dans le froid et dans la neige. Bien sûr il y a de la compétition, mais il y a aussi beaucoup de coopération qui permet à la vie de poursuivre son chemin de convergence. C'est la vie !
Hannah Arendt disait "Les valeurs sont comme les feuilles mortes, elles ne s'agitent que quand le vent se lève." Combien de temps allons-nous attendre ? Quel degré de tempête faut-il dans nos comportements pour retrouver ce qui fonde la vie ?
Un autre phrase dit "Les temps changent mais les comportements demeurent." Oui, revenir à l'origine de la nature mais dans un contexte différent, ce qui va donner une forme différente.

Il y a des chamans dans cette société, qui passent 18 ans dans le noir. Hommes et femmes. Ils dorment le jour et travaillent la nuit, parce que c'est durant la nuit qu'on peut observer la réalité des formes à la lumière. Pourquoi cette tradition ? Parce qu'ils partent du principe que dans le ventre de la mère, le bébé est nourri notamment par le liquide amniotique. La maman construit son bébé avec tout ce qui la traverse. Les Kogis vont jusqu'au bout du raisonnement en disant au nouveau-né qu'ils envoient vivre dans un ventre / grotte / hutte "Tu vas être maintenant traversé non plus par ce que vit ta mère / maman mais ta mère / terre". Donc quand ces êtres sortent, ils disent "Nous sommes les voix de la terre". Ça peut sembler manquer de modestie mais j'aime mieux vous dire que quand vous sortez de 18 ans dans le noir, l'ego est minuscule! Je pense qu'effectivement ils sont en mesure de nous dire ce que la terre traverse. Vraiment !
Aujourd'hui, nous avons deux choix.

Le premier choix. Les petits frères, ceux qui ne se sentent pas responsables de la vie, c’est nous. Eh bien oui ! Le problème de la transition se résume à un point : l'agenda. Si dans notre agenda, on ne consacre pas un peu de temps à l'autre, à la vie, rien ne bouge.
Nous sommes les petits frères parce que nous appartenons à la grande famille humaine, et petits parce que nous ne nous occupons absolument pas de la nature. On est comme des gamins qui n'ont rien compris. Il faudrait qu'on se réveille ! Eux ce sont les grands frères qui passent du temps à essayer de comprendre la nature pour s'y adapter. On va arriver à la phase finale de la conquête de la planète et puis quand il n'y aura plus de nature, on va mourir. On a d'ailleurs déjà commencé.
Une alternative existe. On se parle. Les deux mondes - celui de la nature qui garde encore des traces - et notre monde et notre science, qui a aussi des qualités - se parlent pour chercher ensemble des réponses. On a l'audace du dialogue. Parce que, comme disait notre chaman Einstein, ce n'est pas en faisant plus ou mieux la même chose qu'on aura des résultats différents. Nous devons trouver autre chose. Et c'est le dialogue qui le permettra. Quand il y a un peu de respect de l'autre, ça ouvre des portes incroyables !

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Temps d’échange :
Que proposes-tu dans cette école de la nature ? Parviens-tu à transposer cette intelligence dans notre vie contemporaine ? Comme celle-ci peut être un moyen de transformation pour nous ?
J'ai choisi de suivre les 9 principes. Dans la Drôme, on a ouvert une école primaire avec 32 enfants. La baseline de l'école, c'est comment donner envie aux enfants de ne pas aller en vacances. Un challenge ! S'ils oublient les vacances, s'ils oublient qu'à 5 heure, l'école est finie, c'est qu'ils sont bien. C'est vrai pour tous les collectifs. Comment réveiller le désir ? Déjà en proposant de réaliser des projets et des actions qui contribuent au collectif - à leur mesure bien sûr. C'est donc une école primaire qui fonctionne par projets. Dès qu'ils rentrent, les élèves bénéficient d'une forme de mentorat. Celui qui est en CP va être accompagné par celui qui est en CM2.
On leur demande "De quoi aurais-tu besoin pour que la journée soit exceptionnelle ?" Imaginez ce que ça donnerait aujourd'hui si on demandait à des collégiens "De quoi aurais-tu besoin pour que le collège soit génial ?"
Bien sûr les enseignants gardent le cadre de la sécurité et les fondamentaux qui doivent être enseignés, mais ça n'empêche pas les enfants de dire ce dont ils ont besoin. Ils progressent donc en autonomie, en coopération, en joie, en capacité de prendre soin les uns des autres. Ce n'est pas parfait, il y a des disputes, mais les résultats sont incroyables.
Donc passer à l'action, redescendre dans le corps. Les Kogis nous disent "Le problème du réchauffement climatique se situe dans notre état de surchauffe. 90% de nos pensées sont de la rumination. Les enfants du CP au CM2 sont capables de passer 20 minutes tout seul dans la forêt, sans être accompagnés par un adulte. Ils sont contents de le faire et contents de recommencer. Ça les pose, ça les calme, ça les ancre.
Et pour les adultes, c'est très simple, travailler sur les 4 dimensions corps / âme / esprit / spiritualité. Dormir dans la forêt sans tente par exemple permet de retrouver la fragilité, la vulnérabilité, notre nature vivante, le froid, la faim. On va chercher ensemble comment passer un bon moment. On va ouvrir des cercles de parole sincère et profonde "Qu'est ce qui se passe pour toi ?" On accède à notre vrai être profond. En 4 jours, il se passe des choses incroyables ! La nature guérit tout. Il s'agit de pratiquer. Nous sommes malades de la tête. Quand vous mettez des enfants en mouvement, ça crée de l'enthousiasme, qui peut être habité par le divin. Comme le divin peut être connoté, on peut dire tout simplement habité par la vie.

Vous avez dit à plusieurs reprises "retrouver nos valeurs". Pourquoi chez nous les choses se désalignent régulièrement ? Pourquoi ça ne se passe pas de cette manière chez eux ?
Les réponses que je vais vous faire m'appartiennent. Je ne sais pas si elles sont bonnes ou pas. Pour survivre dans des zones difficiles, on n'y arrive pas tout seul. Si on regarde l'Histoire, on s'aperçoit que 3 modalités invitent les humains à se rapprocher les uns des autres.
- La guerre et la violence, parce que face à la mort, la fraternité se renoue, parce qu'on peut mourir à tout moment.
- Dans leurs galeries, les mineurs, qui ne savaient ni lire ni écrire, ont inventé quelque chose dont nous sommes tous bénéficiaires aujourd’hui. Ce sont les mutuelles. Ils ont eu le courage de mettre quelques sous pour enterrer dignement le camarade, soutenir la maman, les enfants. Ils n'avaient pas de compétence ni de temps pour créer des structures qui mutualiseraient le risque. La seule issue que je vois, ce sont des individus intelligents qui auraient le courage de créer une mutuelle pour notre futur. Imaginez qu'on soit en Vendée 3000 ou 4000 personnes à accepter de nourrir notre futur en reprenant le pouvoir d'agir. Chacun mettrait 5 ou 10 euros et les jeunes se sentiraient soutenus. On ferait quelque chose ensemble. Attend-t-on la contrainte maximum qui sera peut-être trop tard, ou est-ce qu'on profite d'avoir encore un tout petit peu de temps pour y aller de façon pragmatique et joyeuse ?
Les Kogis sont très pragmatiques. Nous, on fait du développement spirituel, eux font la vaisselle dans la joie.
-La troisième modalité, c'est le territoire. Vivre ensemble en forêt, qui est un espace complexe, demande de la solidarité. Nous ne nous rendons plus compte de cette contrainte. On va faire nos courses dans des supermarchés, indépendamment les uns des autres. On ne consacre plus aucun temps à l'autre. On n'a plus de commun. Enfin, beaucoup moins qu'eux. Si les adultes que nous sommes ne montrent pas aux jeunes l'éducation du commun, on n'y arrivera pas. Sur le fronton des écoles on lit "Liberté, égalité, fraternité", arrêtons de leur raconter des craques et changeons notre façon d'être.

Comment les Kogis vivent leur gouvernance ? Ce qui me semble être un point central de la transition, aussi bien intérieure que collective.
Toute société humaine a les mêmes particularités. Les lois qui vont régir leur système, dont la gouvernance, ne sont pas des lois qu'on élabore et qu'on construit comme on le fait avec nos républiques successives. Elles sont inhérentes au corps humain et à la vie, donc elles ne peuvent pas ne pas être respectées. Les sanctions sont assez lourdes si elles ne sont pas respectées, parce que c'est toute la communauté qui est mise en danger. C'est comme si quelqu'un faisait un trou dans la coque d'un sous-marin. Quand il y a de l'enjeu, on ne peut pas se permettre de faire des bêtises. Chez nous, on a l'illusion de choisir notre chemin de vie. Chez eux, la montagne choisit pour eux. Par exemple, une sorte de gouverneur les représente politiquement auprès du gouvernement. Celui-ci a une petite pierre rose autour du cou, qu'il porte depuis sa naissance. Elle désigne celui qui va exercer un pouvoir de leadership. Un mélange de divination et de constellation va permettre d'identifier celui qui sera choisi. Le gouvernement d'une certaine manière, c'est le territoire où toutes les lois de la nature s’expriment. Les animaux qui n'ont pas de mental réagissent spontanément aux cycles et aux lois du vivant. Les autorités politiques vont donc être celles qui seront capables de dialoguer avec les animaux. Par notre gouvernance, nous imposons nos lois à la nature. Chez eux, c'est le contraire. Ils vont chercher les modalités de gouvernance à la source. Pourquoi un chevreuil vient-il boire ici à telle heure ? Quels sont les espaces vraiment naturels où nous pourrions aller chercher ce que le territoire à nous dire ? Chez les Kogis, le chamane va dire, à travers l'eau, si les décisions humaines collent aux lois de la nature. Ça se fait avec un système de divination qui utilise l'eau et les pierres.

Je revis la rencontre

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel
www.semaphore.fr

Françoise NALLET

« Voyage au cœur du langage de vos cellules »

Il y a 25 ans, j'ai vécu une NDE (une expérience de mort imminente). J'ai quitté mon corps pendant 3 jours suite à une hémorragie placentaire lors de mon accouchement. Hospitalisée, transfusée, j'ai voyagé au-dessus de mon corps et dans les couloirs de l'hôpital. J'ai croisé des consciences à qui j'ai parlé comme je vous parle aujourd'hui, sans aucune philosophie ni religiosité. Je suis née dans une famille extrêmement athée où je n'ai reçu aucune éducation religieuse. Néanmoins je m'entretiens tous les jours avec le divin qui n'est pas sympa avec moi quand je ne me tiens pas à carreau.

Tout cela est très simple. Il s'agit de 100 000 milliards de cellules reliées à la source, au divin, à Dieu, au cosmos, qui collaborent. Reliées à ce qui nous fait du bien et nous semble juste. Mon voyage astral chimérique n'est pas une illusion de cortisol et d'adrénaline mélangés, mais de vrais enseignements. Pour me faire grandir et m'accompagner dans la mission de vie qui m'est demandée. Moi je n'ai rien choisi, rien demandé. Je n'ai jamais eu l'intention de sauver le monde ni les humains. Je viens de karmas où j'étais extrêmement individualiste et oisive, et c'est pour cette raison que je travaille beaucoup dans cette vie.

Ce matin, j'aimerais explorer le karma avec vous et vous donner mon opinion, ni biblique, ni religieuse, ni philosophique, bien qu’avec Hypokhâgne, je connais Socrate, Sénèque et tous les autres, que je trouve brillants. Je ne suis qu'une femme d'expérience et je suis sur terre uniquement pour transmettre cette expérience. 8000 personnes se sont allongées sur ma table depuis 25 ans, qui viennent et reviennent et parlent de moi autour d'eux. Il n'est pas question de dire qui a raison ou qui a tort, mais de comprendre ce qui se passe. D'où venons-nous ? Pourquoi nous vivons ce que nous vivons ? Et surtout comment comprendre le programme. 100 000 milliards de cellules qui savent tout. Ces cellules ont une tête, des bras, des jambes, elles pleurent, rient, écoutent, sont en mesure de raconter exactement qui vous êtes. On va imaginer que c'est l'histoire de Gulliver. A l'intérieur du vivant, ces cellules ont une existence corporelle, chimique, organique. Rien ne meurt.

L'information ne meurt jamais. De lignée en lignée, de siècle en siècle, l'information ne meurt jamais. Comment est-ce possible ? Parce que l'information, c 'est de l'énergie. Ce n'est pas simplement une pensée. Quand on respire et qu'on expire, quand on pense, quand on bouge, même quand on se tait, on émet de l'énergie à 3, 4 ou 5 mètres. L'information provient de ce qui a été dit, de ce qui a été cru, de ce qui a été entendu. C'est ça le vivant qui nous ramène à notre lien à la nature. Animale, végétale et minérale, mais aussi à notre propre nature profonde qui relève de l'ordre divin. Ce qui signifie que si, dans mes 100 000 milliards de cellules il y a de l'information, qu'est ce qui va pouvoir la modifier ? Qu'est-ce qui va changer ce qui se dit en moi ? Il y a un algorithme à l'intérieur du corps physique, un ordinateur central avec des clés USB. Dans ces clés, il y a des informations qui concernent les programmes des lignées mais aussi des programmes karmiques. L'histoire de l'âme. Au fil du temps, j'ai découvert que les choses bougent et évoluent. J'ai appris et reçu des choses à la hauteur de ce que j'étais capable de recevoir. Après 25 ans, le karma est de l'orfèvrerie. Ce sont des ondes qui circulent à l'intérieur de nous et qui coopèrent uniquement parce qu'elles sont sur les mêmes fréquences. Je vous explique. Imaginons qu'on vous a par exemple coupé la tête dans une autre vie, ou que vous avez tout simplement vu cette scène. Ce n'est pas une réalité en tant que telle. Ce n'est pas un traumatisme physique en tant que tel. C'est de l'information qui va circuler à l'intérieur de vos cellules de manière intangible, dans la matrice terrestre et au-delà, en participant au vivant. Et puis un matin, vous allez regarder un film à la télévision. Dans une scène, quelqu'un se fait trancher la gorge. Et là vous ne vous sentez pas bien. A l'intérieur de vous, il se passe quelque chose d'ordre mémoriel et alchimique. Les cartésiens et ceux qui ne croient pas au karma vont dire que c'est normal, on est humain, la vision de cette scène nous fait naturellement réagir. Certes, mais quand je plonge à l'intérieur du corps, je vois que cette alchimie-là, que ce traumatisme, que cette peur, viennent faire circuler de l'information dans nos cellules, et toucher d'autres informations qui leur ressemblent. C'est-à-dire que des programmes limitants inscrits dans nos cellules viennent faire rejaillir la vérité de l'événement du présent. C'est ça le karma. Ce que nous vivons tous les jours est au service de notre évolution. J’éprouve des peurs, des limites, si je me trouve dans des situations récurrentes de répétition, des phénomènes que je vois en permanence avec des pensées limitantes. J'ouvre une parenthèse pour dire que nous avons souvent du mal à identifier une pensée limitante parce que nous sommes habitués à vivre avec celle-ci. On est victime d'un système, les croyances deviennent des pensées, puis les pensées alimentent les croyances, ça ne s'arrête pas. Tout cela crée de la chimie. Les cellules vont se comporter exactement comme la croyance originelle qui parfois provient du programme du karma, ou des lignées familiales. En fait il n'existe pas de différence entre karma, fréquences karmiques, fréquences familiales. Tout cela relève d'un concours de circonstances et de connexions. Le psychisme en est l'architecte. Dans ces 100 000 milliards de cellules circulent de l'information et je vis en synchronicité des événements qui vont me les faire revivre, de manière substantielle, vibratoire et émotionnelle. Le corps émotionnel est le déclic. C'est parce qu'on réagit qu'il y a de l'information. C'est parce qu'on réagit qu'il y a sollicitation de notre âme. Quelque chose se passe. Nous devons grandir et dépasser la chose qui se passe, la sensation qui se passe qui nous met évidemment dans un désordre. En fait, l'âme appelle à une correction, appelle à une retrouvaille avec son espace, son axe pur qui est la compréhension et la connaissance. Ce qu'on appelle la conscience. Avoir la conscience des choses nous élève et nous permet de dire "Ce que je suis en train de vivre m'appartient. Et si ce qui m'appartient se trouve dans mes 100 000 milliards de cellules, alors il y a une possibilité que je puisse transformer. Parce que si quelque chose en moi me trouble ou me rend malade, ça veut dire qu'il y a un dysfonctionnement de la conscience. L'ordre divin établi en moi lorsque je suis dans l'équilibre de la nature m'appelle à une correction. Tous les désordres qui se produisent à l'intérieur de nous appellent à une correction et à une connexion à cette vérité. On ne le fait pas parce que l'on croit que la réalité est à l'extérieur, qu'on peut trouver des solutions en allant les chercher hors de nous. L'idée est de s'inviter à la lecture. Dans mes 100 000 milliards de cellules, on voit mes lignées. Dans les cytoplasmes, on voit les ancêtres qui chahutent, les engueulades, les difficultés matérielles, psychologiques, sociales - sociétales aussi, car les cellules ne font pas la différence entre quelque chose qui est endogène et quelque chose qui est exogène. Les cellules s’imbibent de la conscience, de la réalité, comme une théâtralisation de notre réalité, et en même temps, elles génèrent à l'intérieur d'elles-mêmes toutes ces histoires-là. Des scénarios se juxtaposent à l'intérieur de nous, hors de l'espace-temps. Les cellules ne font pas de différences entre la vérité et le mensonge. Si vous vous racontez une histoire, elles vont traduire que c'est une vérité. Les images sont des fréquences. Si vous êtes en colère, c'est une fréquence. Si vous avez un scénario du passé qui monte, c'est une fréquence, qui va inscrire à l'intérieur de nous un taux vibratoire. Un champ d'énergie. Si ce champ d'énergie est bas, cela va en altérer la qualité, tout simplement parce que vos commandes cérébrales ne peuvent pas corriger puisque vous n'y croyez pas. Vous croyez que l'esprit c'est l'esprit, que le corps est une chose et que les cellules ont besoin de médicaments. Ce n'est pas toujours faux, mais ce n'est pas complètement vrai. L'idée est de revenir à notre propre essence, notre propre capacité, à l'aide de notre conscience, à transformer l'énergie du dedans. L’énergie de notre intériorité est une voie de salut de notre bien-être et de notre puissance. Nous avons la possibilité de retrouver cette puissance qui ne nous a jamais été apprise à l'école, car nous n'avons jamais appris à interroger notre intérieur pour essayer de corriger notre psychisme qui a une conscience lumineuse. N'oublions pas que nous avons le troisième œil, cette fameuse sagesse qui est à l'origine de notre divine partie quand nous ne sommes pas dans le corps physique. On se rappelle toujours cet espace quand l'énergie de notre intériorité est dans cette grandiloquence, dans cette puissance, dans cette énergie et qu'elle choisit simplement de vivre des épisodes marquants ou non réglés. Ces épisodes seront proposés par la matrice terrestre, notre vie quotidienne, simplement dans un continuum d'évolution. Dans le karma, il y a juste des éléments qui nous font grandir, et pour grandir à la compréhension, il faut ouvrir son cœur et son esprit à cette dimension phénoménale qu'est notre vivant intérieur, au sens où nous disposons de toutes les réponses en nous. Nous pouvons être aidés par des forces supérieures. Comment pouvons-nous imaginer une seule seconde que nous sommes tout seul dans l'univers alors que je suis en communication avec des mondes qui sont des instructeurs, qui traduisent, qui nous aident en nous faisant comprendre qu'ils sont extrêmement sincères et authentiques. Je peux vous dire qu'ils ne font pas dans la dentelle durant les séances. Le but est simplement d'être dans la neutralité de notre évolution. Ils nous disent qu'à l'intérieur il y a ces programmes, mais que nous pouvons aussi en être maître pour nous corriger et pour mieux nous comprendre. Et donc mieux comprendre l'humain, mieux comprendre la nature, mieux comprendre notre sens. Nous sommes devenus maître de la spiritualité dans la matière. Nous ne sommes pas des êtres éthérés. C'est bien de prier et il y a des tas de manières de le faire, et d'espérer, mais nous sommes venus emmener l'énergie du cosmos dans la matière, et d'abord dans le corps qui est notre véhicule corporel au service des autres. Ce service aux autres va nous demander un exercice d’observation de la problématique que nous avons sur l'hémisphère gauche, de cet ego, de ce pouvoir, de cette animalité qui évidemment nous anime et qui est une force faible que nous avons en nous et que nous devons apprendre à dépasser. Nous devons apprendre à aller chercher plus loin que ce que nous sommes véritablement. Nous devons donc apprendre à nous corriger, corriger notre esprit, savoir diriger notre conscience, ce qui nous anime, ce qui nous intéresse. Parce que dans nos 100 000 milliards de cellules, il y a aussi des programmes anciens qui n'ont pas cette préoccupation. Ils n'étaient pas idiots mais le taux vibratoire de la planète ne permettait pas cette exploration douce et délicate. Aujourd'hui, dans notre plan, notre civilisation a choisi d'être aimable, bienveillant avec autrui, éloigner des aspects sombres de notre conscience, car nos cellules irradient également nos colères, nos tristesses, tous nos scénarios à basse fréquence, de transmissions familiales, de mimétisation avec le monde qui nous entoure, mais aussi notre éducation. Nous avons le droit d'en changer. Si nous vivons dans le passé archaïque de ce qui se dit en nous parce que nous avons été commandés véritablement, nous devons essayer de drainer et de diriger d'autres formes de pensée, parce qu'en amenant cette pensée d'amour en nous, en amenant ces fréquences vibratoires qui résonnent d'amour et de lumière, nous avons une forte incidence sur notre organisation intérieure. C'est à partir de cette coopération particulière que nous pourrons mieux comprendre les autres, comprendre la nature, parce que nous l'aurons fait pour nous-même. Certains pourraient dire "A quoi ça sert d'émettre de bonnes pensées puisque le monde est moche ?" Oui c'est vrai, le monde est moche parce que nous-mêmes sommes moches dans nos pensées ! Une quantité infinie de pensées nous traversent toute la journée. Celles-ci vibrent à 4 ou 5 mètres de l'aura. Vous imaginez le champ vibratoire de la toxicité psychique de l'humanité à force de pensées négatives - y compris si elles sont silencieuses inscrites à l'intérieur de vous. Le silence n'existe pas. A chaque fois que vous nommez quelque chose, à chaque fois que vous êtes dans des processus de répétition, de limitation, c'est parce que vous vous laissez porter par les programmes. Alors que l'invitation véritable de la guidance, c'est "Apprenons à être nouveau dans nos pensées". Ça passe par une étape fondamentale, l'observation de soi. Une forme de gentille auto-critique qui va nous permettre de nous interroger "Est-ce que ce que je pense ou ressens aujourd'hui dans telle ou telle situation m'appartient vraiment ?" "Est-ce que cela est profondément juste et pas le fruit d'expériences ou d'incitations qui ont construit cette réalité en moi et qui m'amènent à penser toujours pareil ?" Ce "Je pense toujours pareil" va vibrer dans vos cellules. En effet tout votre organisme pense - il y a des cellules dans votre intestin qui pensent. La médecine traditionnelle parle de deuxième cerveau, moi je pense qu'il s'agit du premier cerveau. Toutes les maladies dégénératives que je rencontre chez des patients depuis 25 ans sont liées à la structure de l'information cellulaire de l'intestin. C'est l'intestin qui envoie des signaux aux neurones. Ceux-ci renvoient à leur tour des hormones via le cortisol, système inflammatoire et ainsi de suite. L'organisation chimique du corps physique reçoit l'information psychologique de la conscience. N'est-ce pas la médecine du futur ? En tout cas une disposition potentielle qui nous amène à revoir nos cartes menée par la pensée que ce que je construis à l'intérieur de moi résonne en termes alchimiques dans mes organes. Ce qui signifie qu'il y a un lien entre chimie cellulaire et conscience que nous mettons à l'intérieur du corps physique. Il est là le sens de la mémoire cellulaire. Au-delà de la curiosité suscitée par ce que raconte la grand-mère. Les karmas sont des signaux ambivalents qui ne sont pas structurés de manière temporelle. Il n'y a pas le karma du 17° puis celui du 25°et ainsi de suite. Il y a juste des fréquences qui se connectent comme le feraient des fils électriques, et constituent des champs lexicaux à l'intérieur de nous. Et le vivant, l'événementiel, ce que nous vivons tous les jours, va le faire revivre. L'idée, c'est donc de vous dire, si vous en avez envie, qu'à partir d'aujourd'hui, tout ce que vivez fait partie de votre programme. Si vous prenez conscience de ça, vous allez vous animer d'une certaine forme de conscience supérieure qui vous conduira à vous interroger "Quel est ce langage de la source ? Quel est ce langage de la vie et de la nature qui me fait une démonstration ?" Le karma, c'est tout de suite ! Le vivant cellulaire est là pour vous parler de l'intérieur, de ce qui se passe en vous, de ce que vous pouvez corriger grâce au présent.

 

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Temps d’échange :

Quand vous vous adressez aux êtres de lumière, entrez-vous en relation avec le soi ?

Ce n'est pas moi qui décide. En fait, c'est très simple, tout cela n'a rien de mystique. Nos ondes cérébrales sont tellement éduquées à travailler comme avec une pédale. D'une part les ondes bêta, qui sont les ondes de la vie, qui accompagnent la réactivité, le cogito, etc. et les ondes téta, gamma, alpha, qui sont des potentiels que nous avons tous mais pour toutes sortes de raisons, nous ne les avons pas travaillés. A l'intérieur du système psychique, il y a le neurone divin, l'épiphyse, le chakra 6, etc. qui sont simplement activés ou sous activés ou un peu activés. Il se trouve que la NDE m'a enlevé au maximum la charge électromagnétique des ondes bêta. Ce qui a pour conséquence pour faire simple, que je sens d'abord et je réfléchis après. Je n'ai pas cherché ce fonctionnement, il est venu tout seul. Les ondes téta nous connectent à notre source. C'est comme si vous vous décaliez en conscience. Vous décalez votre conscience de la réalité du cogito et vous vous retrouvez dans un espace dédié, un réceptacle de l'énergie qui descend. Pour accéder à cet état, ça s'apprend, ça s'entraîne. L'idée est de stimuler cette glande-là par un travail sur les pensées, sur les systèmes d'information, sur ce travail d'observation de ce qui se dit en moi en permanence. Un effet de questions/réponses se dessine. C'est comme si nous étions un enfant qui apprend à être le relais de l'âme. Nous ne l'avons jamais appris, il est donc question de d'y entraîner et peu à peu on reçoit des informations de notre intériorité et de la reliance. C'est un état, une homéostasie qu'il faut cultiver.

 

Avez-vous assisté à des guérisons physiques grâce à votre pratique ?

Je n'ai que ça comme expérience. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que ce n'est pas moi qui fais. Ce ne sont pas que des maux physiques, il y a des maux de l'âme également. Les cellules parlent de la vérité. Et ce n'est que de l'information. Je vais essayer de vous expliquer en quelques secondes. Ce n'est pas facile à comprendre pour nous, humains, que le structure de guérison existe à l'intérieur de nous, de manière automatique. Imaginons un foie en colère. Eh oui un foie parle. Parce que je vais m'adresser à lui sur une fréquence qui n'est ni mentale ni psychologique, mais spirituelle. Parce qu'il a enregistré de l'information et que les cellules vont s'animer et me dire ce qu'elles ont. Elles vont traduire la conscience de ce qui est. Au Moyen-âge on m'aurait brûlée ! Ces cellules qui parlent attendent un soulagement. Elles attendent qu'on les écoute. La guidance me traduit. Je me laisse traverser. J'ouvre l'organe et je lui parle. La guidance va donner un leurre d'information. Il s'agit d'un champ d'énergie vibratoire lexical qui va donner autre chose que ce que la réalité de la cellule sait. C'est ce que je vis tous les jours depuis 25 ans avec des centaines et des centaines de personnes. L'organe va entendre une autre vibration, une autre image, une autre fréquence, quelque chose d'autre va lui être dit. Le corps étant énergie, il va saisir l'énergie que l'organe va lui donner. A chaque fois que je termine une séance, je trouve ça fou ! Je ne dis pas que je sais. Le corps est un parcours incroyable de magie, de découverte, et tous les jours j'apprends. Et la spiritualité telle que je la vis est une profonde humilité qu'on ne sait rien et qu'on découvre. J'ai vu des choses incroyables, des guérisons spontanées. Il y a quelques temps, j'ai vu une femme greffée du foie. Elle sort très fatiguée de cette greffe. On fait un travail complémentaire à la médecine traditionnelle et elle me dit un jour qu'elle devient folle en voiture. Paniquée, elle est obligée de se faire conduite par quelqu'un. Elle me demande de la sortir de là. C'est une femme assez cartésienne, pas du tout mystique, je dirais normale. Je le précise car je ne vois pas que des êtres éthérés, des malades, des infirmes ou des idiots. Je vois aussi des scientifiques, des médecins, etc. Que se passe-t-il dans son foie ? Je vois la vie du greffon, pas parce que je suis douée mais parce que je reçois des images, et donc le scénario. Et dans le foie, je vois un accident de voiture, un rond-point, un hélicoptère. Et mon guide me dit "Enlève la voiture", "Enlève le rond-point", "Enlève l'hélicoptère", "Enlève le son" Ça n'a pas de sens ! Parce que la conscience de l'homme qui est en train de mourir dans la voiture, vit. Sa conscience est reliée à moi. Sa conscience voit l'hélicoptère. J'entends des sirènes, je vois les couloirs de l'hôpital. La séance se passe sur Skype. J'enlève peu à peu les images que le guide nomme. Dans les jours qui suivent, ma cliente me dit que sa terreur en voiture est terminée. Cette expérience nous montre que le corps physique, l'organisme, détient de l'information qui va se séquencer à l'infini. Enlever ces informations ne relevait pas de la magie ou de la sorcellerie, c'était simplement de la vibration. Avoir connecté cette réalité par les ondes téta et par la guidance qui m'est offerte a permis de casser la fréquence, de la dissoudre. Cette femme n'éprouve plus aucune peur ! Des cas comme ça, j'en ai plein. Je ne vous dis pas ça pour apporter des preuves car la mémoire cellulaire n'a pas de preuves. Elle s’expérimente. Il n'y a pas que des maladies. Certaines âmes sont enfermées dans des croyances limitantes parce qu'elles ont eu de fréquentes incarnations limitantes dans d'autres vies, parce que la famille a eu des peurs, du manque, etc. La mémoire cellulaire est vaste. Elle va sur le terreau de l'humain. Elle ne dit pas qu'elle guérit ceci ou cela. Parfois ça matche en une séance, parfois il faut y aller au marteau-piqueur. Ça dépend de la charge, de l'ego, du contrôle. Nous les humains, nous craignons ces réalités intangibles parce que nous n'avons pas de preuves. Nous sommes pourtant tous rattachés à cette puissance. On est tous là pour libérer les mémoires et grandir à l'être spirituel que nous sommes. Tout ce qui vit en nous demande à s'exprimer. Le vivant en nous ne demande qu'à être lumineux, dans la grâce, dans l'alignement de qui vous êtes.

 

Je voudrais apporter un témoignage. Je suis chef d'entreprise à Bordeaux et j'ai eu la chance de faire un stage avec Françoise. A cette occasion, j'ai vécu une expérience équivalente à la démonstration à laquelle vous venez d'assister. Je suis un ancien sportif de haut niveau et depuis une dizaine d'années, je me faisais des claquages au muscle du mollet qui s'appelle le soléaire, de façon tout à fait anormale. La clinique du sport que j'ai consultée m'a conseillé de bien boire, bien m'étirer et changer de chaussures... Je rencontre Françoise qui trouve l'origine du problème et me dit d'où ça vient. En quelques minutes, elle me dit que mon problème est réglé. J'étais sceptique mais je me suis rendu compte que c'était vraiment réglé. J'ai couru de nouveau, je me suis mis au paddle et au tennis sans difficulté à 55 ans. Françoise m'a libéré de ce problème que je portais au cœur de mes cellules.

Je revis la rencontre

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel Taudière

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Père Philippe DAUTAIS

« Eco-théologie chrétienne »

Dans le dialogue qui a lieu ici aujourd'hui, nous avons beaucoup de choses en commun. Dont une structuration traditionnelle. Nous avons également des visions différentes, et c'est ça l'intérêt. Nous nous éclairons les uns les autres en raison de nos approches variées. Nous sommes en quelque sorte entre amis.

Pour situer mon propos, je voudrais dire que ce titre "Appel du vivant" dit le sens direct. Le vivant nous appelle. Il vient d'être dit que le vivant est au-dedans de nous. Éric nous a rappelé que les Kogis commencent dans le noir, non pas dans une contamination sociale à l'extérieur mais dans un ressourcement intérieur pour entrer dans un dialogue intime avec le vivant au-dedans. Je crois que c'est là le fondement de toute tradition spirituelle. Fondement au début des grandes traditions, il a malheureusement dérivé. Les premiers chrétiens, les premiers adeptes de Bouddha, les premiers héritiers de Mohammed ont été dans cette expérience. Il s'est produit ensuite une dérive. Le commentaire de l'expérience des autres n'ayant plus un enracinement dans l'expérience intérieure. Dans le vivant. C'est un drame d'avoir perdu l'enracinement dans le vivant, d'avoir perdu la capacité à partir du vivant à l'intérieur de nous-même pour entrer dans une lecture des Révélations ou des Écritures Saintes. On a de ce fait déporté la lecture. Au lieu d'avoir une lecture à partir de l'expérience intérieure et à partir du vivant dans un sentir profond. Tout à l'heure, Éric comme Françoise nous ont ramenés vers l'intériorité, vers le sentir au-dedans. Comment peut-on mettre la sensation à l'écart au profit de la raison qui veut tout contrôler, qui veut exercer un pouvoir sur la vie au lieu d'entrer dans la vie ?

Je crois que l'appel du vivant aujourd'hui, c'est le fait de revenir au vivant en nous. A l'intériorité. A notre relation avec la nature. C'est sentir la respiration du vivant en nous et autour de nous. C'est sur cette expérience fondatrice que l'on peut entrer dans une juste approche des traditions spirituelles véhiculées depuis des millénaires. Comment peut-on balayer tout ça aujourd'hui? C'est dans la respiration de l'expérience intérieure qu'il convient d'approcher les grands textes bibliques. Si on perd cela, on projette un regard extérieur sur l'écriture au lieu de laisser émerger ce qui nous est dit. On projette ce que l'on veut y trouver plutôt que d'accueillir ce qui y est dit. En particulier en ce qui concerne la Bible et ce qu'on a fait dans la lecture extérieure de son contenu au lieu de lire le texte. Je donne des cours sur les textes bibliques à partir de l'hébreu pour expliciter les mots, sans interprétation. Il y a dans l'hébreu une richesse infinie car chaque mot est constitué de lettres et chaque lettre est un mot. Vous voyez l'éclatement du sens. Tout à l'heure, il a été question de lire le dedans, ce qui est en résonance puisque le langage biblique est le même que le langage de l'inconscient. Apprendre à lire les textes bibliques demande qu'on ait un peu écouté et entendu ce qui est dit au-dedans, puisque nous portons tout en nous-même. La connaissance ne viendra pas de l'extérieur, elle sera une révélation. Ce n'est pas pour rien qu'on dit que la Bible est le livre de la Révélation. Révélation signifie dévoilement. Le final de la Bible est le livre de l'Apocalypse, ce qui ne veut pas dire la catastrophe générale mais le dévoilement, la révélation. Depuis le premier mot, nous sommes dans un processus de dévoilement de ce qui est inscrit en nous. A condition de savoir le lire et d'en avoir l'écho dans les textes bibliques. Si l'on y entre, le texte nous éclaire sur notre intériorité. C'était sa vocation. La Bible n'est pas un livre de l'histoire d'un peuple. C'est le livre de mon histoire, qui dit mon intériorité, qui dit tout le processus de dévoilement qui va s'opérer en moi vers un accomplissement spirituel.

Le premier mot de la Bible “beréshit” parle de l'essentiel de ce que nous allons devenir. Ce que nous sommes aujourd'hui est le résultat de ce que nous avons été. Mais comme il vient d'être dit à propos des mémoires cellulaires, il y a ce qui est inscrit en nous et il y a ce que nous allons en faire. Comment nous allons amener à la conscience ce qui est inscrit en nous. Nous pourrions dire que l'être humain est pour le cosmos la possibilité de prendre conscience de lui-même. Nous avons à nommer et intégrer toutes les richesses que nous portons en nous, et nous portons la totalité des richesses, des potentialités. Nous portons même des potentialités divines. Il s'agit d'apprendre à lire. On peut traduire religion par religare dans le sens de ce qui fait du lien, mais on peut l'entendre aussi comme religere, c'est-à-dire lire ce qui est en nous pour devenir pleinement ce que nous sommes potentiellement. Si nous sommes dans ce registre, nous allons traduire “beréshit” non pas par recommencement qui nous met dans une ligne horizontale historique mais dans un rapport à l'origine. L'origine n'étant pas le commencement. J'emprunte une image physique pour l'illustrer. Postez un observateur, placez une plaque trouée devant une lampe. L'observateur va voir une lumière qui jaillit du trou lorsque vous allumez la lampe. Or ce n'est pas l'origine du trou. Donc le big bang n'est pas l'origine. C'est 10-43 ­secondes mais ce n'est pas 0, ce n'est pas l'origine. Si on se met dans ce rapport, nous sommes dans une lecture verticale. On entend donc les choses d'une autre manière. Quand on lit les textes bibliques, on lit autre chose qui vient nous éclairer sur notre intériorité et sur notre vocation profonde à accomplir ce que nous portons en nous. Ce qui nous situe dans une structuration verticale. Les traditions spirituelles amènent une structuration intérieure et une maturité. Dostoïevski disait "Quand chacun deviendra responsable de tous, il y aura la paix sur terre. Mais quand il y a un déni de responsabilité, il y a la guerre". C'est toujours la faute de l'autre.

Quand il est dit dans la Genèse que Dieu crée le vivant, « Au sixième jour, Dieu crée les animaux de terre et l'être humain. », celui-ci fait bien partie des vivants. On a élaboré toute une philosophie de la déconstruction depuis le XVII° siècle, disant que l'être humain était surnature, se trouvait en-dehors de la nature. On voit les conséquences absolument dramatiques aujourd'hui d'avoir séparé l'être humain de la nature. Comme si la nature était un environnement par rapport à nous. C'est monstrueux ! Nous devons vivre une articulation entre écologie intérieure et écologie extérieure. Le drame vient du fait que nous ayons perdu le sens de l'intériorité. Méditation, prière, sont des expériences d'intériorité. Dans la voie spirituelle, nous ne sommes pas déstabilisés par les événements. Quand un événement arrive, on observe ce qui se passe en nous. Qu'est-ce que ça vient susciter, réveiller, révéler de mes mémoires cellulaires ? Puis-je en faire la lecture ? Si un événement vient me percuter, ce n'est pas un hasard. Ça signifie que je suis prêt à entendre ce qu'il vient réveiller en moi. Et à chaque jour suffit sa peine et sa joie de pouvoir intégrer une mémoire qui n'est pas qu'une énergie. L’énergie est comme une onde porteuse et la mémoire est une information. Une information ne peut pas être réduite à de l'énergie. L'énergie porte l'information qui nous dit quelque chose de profond. C'est par une information spécifique que l'organisme se met en mouvement de manière particulière. Si on change l'information, la configuration des molécules va être différente. En réalité, nous avons face à l'événement à entendre ce que l'information vient réveiller et révéler au-dedans.

Nous sommes au sein du vivant et devons être à l'écoute. Ce qui signifie une posture d'intériorité, une posture dans la vie. Pour moi la spiritualité, ce n'est pas adhérer à une religion. C'est un mode d'être, une manière de se placer en disciple, c'est-à-dire celui qui va apprendre de chaque moment, de chaque rencontre, de chaque situation. C'est celui qui va découvrir, à propos de l'événement, de l'observation ou de la parole médisante de l'autre, des choses sur lui-même. On entre dans le cheminement de la connaissance de soi. Observer sans juger pour peu à peu intégrer des énergies à l'état libre. Il est dit au premier chapitre de la Genèse que Dieu crée l'être humain, et la première chose qui est dite, c'est que l'être humain est créé à l'image de Dieu. C'est une formule biblique, religieuse, qui dit de l'être humain qu'il est acosmique, qui n'est pas cosmique. Ce qui signifie qu'il y a un espace non conditionné en nous, qui n'est pas contaminé, colonisé par la réalité cosmique, la réalité du monde et la réalité culturelle. C'est à partir de là que nous pouvons poser un regard libre sur les réalités et que nous pouvons entrer dans une observation sans être emporté par l'influence du monde. Il existe une possibilité de décontamination du monde en nous, une possibilité de pouvoir échapper à l'emprise des conditionnements et des déterminismes cosmiques et culturels. Je n'ai pas dit que l'être humain est libre mais qu'il est en capacité de liberté. En capacité d'ouvrir un espace nouveau qui ne soit pas la reproduction du passé par le biais de la mémoire cellulaire entre autres. Il nous manque de savoir lire. Ce qui relève d'une expérience intérieure. Il ne s'agit pas d'être effrayé par ce qui nous arrive mais d'être interpellé et de faire de chaque situation une occasion d'éveil de conscience, de connaissance intérieure, pour réacquérir un ascendant sur soi-même. Ne plus être manipulé par les mémoires qui sont en nous, par des influences culturelles, par des pressions du monde, mais comment je peux devenir le sujet libre et responsable de mon devenir.

Nous voyons ici une perspective qui nous donne de l'espérance. Nous avons une situation catastrophique au dehors, il suffit de voir toutes les guerres et ce terrible manque de solidarité. Si nous n'entrons pas en résonance avec le vivant en chacun et que nous ne prenons pas au sérieux ce que nous a rappelé la physique quantique en nous disant que toute particule qui a fait partie d'une même fonction d'onde réagit à l'instant même en simultanéité avec l'autre. Nous sommes tous en relation les uns avec les autres. Impossible d'échapper à cette unité au cœur de la diversité. C'est ça le vivant. Dire le vivant, c'est parler de cette interrelation, cette interdépendance. Cela ne peut que nous amener à la solidarité, à la fraternité. La guerre, c'est empêcher qu'un avenir soit possible. C'est donc un désastre.

On a fait la guerre au vivant pour une chose qui est une dérive intellectuelle, la désacralisation du monde. On a considéré avec René Descartes au XVII° siècle que le tout était égal à l'ensemble des parties. Si on connaissait les parties, on connaîtrait le tout. C'est une vision horlogère. Faites la même chose avec un organisme humain, vous allez voir. La physique quantique nous a dit que le tout est beaucoup plus que l'ensemble des parties parce que la vie circule. L'horloge n'a pas besoin de vie, c'est son ressort qui la fait fonctionner. Dans l'organisme, il y a la vie. On l'a oublié. La question philosophique est la questions religieuse depuis des siècles. Où est la vie de la vie ? Qu'est-ce que la vie ? La vie est transversale, elle traverse et transcende tout. Quelque chose n'y est pas cosmique. C'est l'entropie, la dégradation. Et qu'est ce qui fait que ça ne se dégrade pas ? Il y a quelque chose qui procède de la ré insufflation de l'information, une ré insufflation de l'énergie qui s'appelle la vie. Les scientifiques se tirent une balle dans le pied en disant que tout système fermé va vers la mort. Si l'on considère que l'univers est un système fermé, il n'y a pas de transcendance et on va vers la mort. C'est ce qu'on fait. Un système ouvert pointe vers une transcendance. Chacun habitera cette transcendance comme il le souhaite. Je ne suis pas là pour dire ce qu'il faut penser et croire. Il s'agit de le découvrir au-dedans.

Au deuxième chapitre de la Genèse, Dieu place l'être humain dans le jardin d'Eden. Chacun est placé dans l'axe de sa singularité unique et incomparable. Chacun doit découvrir son axe profond, sa vocation profonde. Nous sommes donc renvoyé au plus intime de nous-même. En réalité, il y a la magie de l'unité organique. Chaque cellule y participe sur un mode d'information spécifique. Même si 90% des cellules sont renouvelées, il se produit un grand miracle, une permanence dans l'impermanence. Toutes mes cellules se sont renouvelées plusieurs fois et je suis toujours le même. Mon système d'informations s'appelle Philippe et je suis le seul à l'habiter. Plus nous sommes dans la découverte émerveillée de la vie, plus nous allons vers nous-même, plus nous percevons à quel point nous sommes en lien les uns avec les autres et nous avons à œuvrer pour la paix et le dialogue. Ce n'est jamais l'argent mais le dialogue des uns avec les autres qui nous enrichit. Dans une situation dramatique, il est temps qu'un sursaut de conscient nous amène à voir que nous ne sommes rien par nous-même et ne pouvons vivre qu'en interrelation avec les humains et le vivant. Entrer dans cette grande symphonie et constater que nous sommes participants de la vie. C'est le cœur de la perspective biblique "Tu aimeras ton prochain comme toi-même." Participer au tissu du vivant qu'est l'amour car dans le vivant tout est relation d'amour, c'est-à-dire d'ouverture et d'interconnexion de tous les éléments. Il est devenu urgent d'entrer dans cette conscience, cette spiritualité, ce mouvement du souffle qui n'est pas autre chose que le mouvement de la vie qui nous amènera à être pleinement libre.

Temps d’échange :

Vous nous laissez un peu sur notre faim. Oui il faut passer à autre chose, mais comment ?

Nous pouvons reprendre ce qui a été dit ce matin. Les maîtres Kogis nous disent que nous devons nous réconcilier avec la nature, retrouver cette aptitude d'enfant à nous émerveiller de ce qui est. Nous sommes blasés par des milliers d'informations. Être vivant est un miracle permanent dont nous ne sommes pas assez conscient.

Deuxièmement, nous devons prendre soin de la vie. Le vivant à l'extérieur et le vivant à l'intérieur. La spiritualité n'est pas autre chose que de mettre en respiration l'intérieur et l'extérieur, mais cela signifie un enracinement dans la vie intérieure, sinon on fait une interprétation extérieure. Par exemple, dans le livre de la Genèse, on a dit que Dieu crée l'homme à son image afin qu'il domine. On a entendu "dominer "sur l'extérieur, comme "exploiter", "utiliser". Ce n'est pas du tout le sens initial. Au deuxième chapitre du livre de la Genèse, il est question de nommer les énergies de vie, non pas pour les dominer mais pour les intégrer. De quelle manière Jésus de Nazareth a entendu  "dominer" ? Il n'est pas devenu un tyran, il n'a pas assis son autorité sur les autres, mais sur les vents, les eaux, les maladies, à l'intérieur. Nous sommes invités à ne plus être sous l'emprise des processus inconscients, sous l'emprise des mémoires, sous l'emprise du passé et des conditionnements culturels. Il s'agit de sortir de l'état d'esclavage pour aller vers la liberté. La sortie d’Égypte, c'est l'exil de soi-même, c’est revenir au-dedans pour aller vers la Terre promise, la terre de liberté. A partir de là, enracinement dans l'émerveillement, enracinement dans l'intériorité, enracinement à l'intérieur de soi-même, revenir au-dedans et découvrir que nous avons une vocation à reconnaître toutes les richesses qui sont en nous, à les faire vivre dans l'amour, dans le don de soi. C'est en se donnant que nous allons découvrir toutes les richesses que nous avons en nous. Finalement nous n'avons rien à attendre et tout à donner.

Pouvez-vous donner des éléments de compréhension plus avancés sur l'intériorité ?

L'intériorité, c'est premièrement sentir. Quand on médite, si on ne veut pas être emporté par les pensées, on doit descendre dans la sensation intérieure. Il serait dramatique de traverser l'existence sans avoir éprouvé ce que veut dire "vivre". Ne pas laisser la vie nous traverser, être dans l'intensité de la vie pour faire un avec la vie, dans la sensation intérieure. Toutes les traditions spirituelles sont d'accord avec ça. Quand on fait l'expérience de descendre dans la sensation, il n'y a plus de pensée. Il suffit d'une minute. On peut se focaliser sur la respiration, ça peut aider. Il s'agit d'accueillir ce qu'on perçoit. Sentir en quoi la vie me parle. A ce moment-là, il y a des choses qui émergent. Des choses auxquelles je n'ai jamais pensé. Il peut aussi émerger des mémoires, des blessures, des traumatismes. C'est l'occasion de les accueillir. Quand ça émerge, c'est parce que je suis prêt à traiter les choses. Quand un enfant vit un traumatisme, la mémoire traumatique va être refoulée dans le cerveau limbique pour son équilibre psychique, et c'est une bonne chose. Ça va être là et ça va travailler en nous, de telle manière que ça va déporter notre comportement. Si cette mémoire remonte aujourd'hui, c'est que je suis dans l'aptitude intérieure à intégrer cette mémoire et faire un chemin de conscience. Le chemin d'intériorité est un chemin de libération. Comme disait Épictète au premier siècle "Les êtres humains ne sont pas déconcertés par les événements mais par l'idée qu'ils s'en font". J'appelle "encombrants" les affolements sur les plans mental et émotionnel. Je pratique depuis 25 ans un processus thérapeutique qui vise à se débarrasser de ces encombrants. Nous sommes une équipe constituée de spécialistes de sciences humaines, de médecins psychiatres, de psychothérapeutes, de psychanalystes, etc. et nous articulons ces approches avec la dimension spirituelle. Il s'agit bien de visiter sa propre histoire, sinon on se voue à répéter les mêmes schémas. Une fois cette étape franchie, il reste le plan spirituel. Comment la lecture qu'on a faite de sa propre histoire va construire l'avenir, puisque c'est lui qui nous intéresse. Ce n'est pas ce qu'on a été qui est important mais ce que l'on va devenir par la grâce de Dieu.

Dans cet appel du vivant, quelle place revient aux religions ?

Nous pouvons observer aujourd'hui que les religions ont perdu du crédit. Tant mieux parce qu'il y a la spiritualité inhérente à l'être humain. Chaque être humain a une dimension spirituelle. Et puis il y a ce que les humains en ont fait dans leur lecture des héritages. Regardez dans les Évangiles, dans Matthieu 5, Jésus dit déjà aux pharisiens qu'à partir de l'héritage de Moïse, ils ont fait leur tradition. Ils ont déporté. Jésus remet de l'ordre. Le milieu religieux a déformé beaucoup de choses. Mais attention de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Je ne serais pas ici si je n'étais pas dans l'héritage d'une tradition chrétienne. Je suis allé en Égypte parce que j'ai éprouvé, à 4 et 8 ans, des expériences très fortes de contact avec l'infini et avec la dimension la plus profonde. J'entrais dans une schizophrénie. Il y avait le monde intérieur et d'autre part le monde extérieur qui pour moi était un enfer. Grâce à une personne qui m'a enseigné les pères du désert d’Égypte, je m'y suis rendu et j'y suis resté pendant 25 ans. J'ai découvert des choses très différentes de ce que j'avais appris au catéchisme. Il s'agissait du retour à l'intériorité, reviens-en toi-même, ne te laisse pas distraire par l'extérieur, etc. Au désert, il n'y avait pas de clôture et pas de règles. Dans un monastère aujourd'hui, c'est règles et clôture. Il y avait la vertu du relationnel. Il existe heureusement une tradition mystique, mais ce n'est pas ce qui se voit. Ce qui est montré à l'extérieur, c'est un plan institutionnel. Il faut redécouvrir qu'à l'intérieur de chaque tradition il y a du bon.

J'ai été invité dans la Biovallée® qui se trouve dans la Drôme. Il s'agit d'un milieu écologique très avancé dans l'organisation sociétale, avec une démocratie participative. Ils sont très pionniers. Ils sont dans une expérience de l'avenir. Mais il y avait un problème. Ils n'avaient pas écologisé leurs egos. Il y a des maisons en paille, de la permaculture, du photovoltaïque, etc. mais il va falloir faire quelque chose à l'intérieur. Car dès qu'on commence à faire un débat d'idées, les egos arrivent et se querellent. On a terminé le week-end sur une dimension très religieuse qui est le pardon. Sans le pardon, ils ne vont pas pouvoir continuer ensemble. Car à force d'accumuler des tensions et des conflits, rien de bon ne va pouvoir se faire. Ils vont devoir intégrer la spiritualité. Depuis 40 ans, je resitue l'essentiel de la spiritualité, ce qui fait vivre.

Je reviens à la capacité d'émerveillement. Ce que j'essaye de pratiquer au quotidien. J'y arrive plutôt bien, notamment en prenant ma douche. Mais comment échapper à la culpabilité de me dire que je suis très bien sous ma douche alors qu’il y  a tellement de gens qui ne peuvent pas vivre ça ? Comment échapper à cette culpabilité ?

La culpabilité est un poison car ce n'est pas parce que vous culpabilisez que ça améliore la vie des autres. Soyez heureuse de prendre une douche chaude. Goûtez ce moment de telle manière que vous aurez envie de partager avec d'autres ce qui vous met en joie, ce qui vous met en vie. Offrir à l'humanité le bien-être que je ressens à l'intérieur. Quand je mange, je déguste ce que je mange, et les neurosciences m'ont appris que je produis alors de la dopamine. Un philosophe juif qui s'appelait Martin Buber disait "La vie spirituelle commence par l'intériorité, elle se poursuit dans le don de soi aux autres", sinon, on s'enferme dans de l’égocentrisme. Goûtons la vie, apprécions-là de telle manière que nous allons la respecter. Je crois qu'il s'agit d'une fondement écologique. On n'apprécie pas suffisamment la vie, on ne se rend pas compte qu'il s'agit d'un miracle permanent, partageons-là davantage. Si chacun partage son bonheur au lieu de se sentir dans la culpabilité, ça ira mieux pour tout le monde.

Je revis la rencontre

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel Taudière

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Table ronde animée par Frédéric La Combe Lündrop

 

Réunissant le Père Philippe Dautais, Françoise Nallet et Philippe (Yâ Sîn) Demaison  

Frédéric LA COMBE : Il me semble qu'il y a deux grandes choses, deux grands volets qui apparaissent autour du vivant. Un aspect intérieur, comment peut-on se reconnecter, ressentir le vivant en nous au travers de moyens, de pratiques, et il y a la dimension extérieure, la relation avec le monde, avec ce que nous pouvons faire, ce qui a été évoqué en termes de solidarité, d'engagement pour contribuer à un monde meilleur. Ces deux aspects ont besoin d'être reliés.

Je dis ça aussi parce que hier soir avons été accueillis au château de Boisniard. Nous avons rencontré le jardinier qui nous a accompagnés. Il a eu l'intention de créer un lieu résilient. Nous sommes logés dans une cabane que je dirais royale. Nous voyons que nous pouvons y vivre dans un luxe sobre. C'est ce qu’a fait Jean-Michel en créant ce lieu de résilience, sans oublier la dimension économique et l'organisation. Je pense que c'est aussi ce que fait le Père Philippe dans son lieu et ce que nous tentons de faire dans l'écosite d’Avalon en Savoie.

Nous sommes tous appelés à répondre à ces deux dynamiques, à retrouver en soi ce lien avec le vivant, avec les lois de la nature au sens fort du terme. Éric nous disait tout à l'heure "Qu'est-ce qui nous manque ?" Finalement il nous manque le lien avec notre nature profonde qui nous permet ensuite d’avoir une action juste, non contaminée par les conditionnements répétitifs.

Françoise NALLET : Si nous parlons de chaînes psychiques, de nœuds, l'idée c'est l'espoir, car ces mutations existent dans tout un chacun. Elles ne sont pas nécessaires dans l'intériorité puisque l'objectif que nous sommes venu vivre sur terre est la quête du meilleur de nous-même, c'est-à-dire la quête de l’alignement, le désir de pureté, le désir de ressentir de belles choses qui nous animent. Nous devons être extrêmement exigeant avec nous-même pour pouvoir nous rapprocher au plus près de cet instant qui nous appelle dans nos vies quotidiennes. C’est comme si, à l’intérieur de nous, il y avait un appel à l’alignement, à la correction de nos émois. Il n’y a pas une guerre à mener, ni dans la formation intérieure, ni dans la formation extérieure. Il est question de nous inviter à ce rapprochement intensif qui est une source d’amour, une source de lumière, notre essence première et notre but essentiel.

Traverser les chemins sinueux de l’existence est l’existence même. Je reste dans ma conviction nommée ce matin, que c’est l’extérieur de notre évènementiel, c’est ce que nous vivons tous les jours qui est source d’éclairage de ce que nous portons à l’intérieur. La simple lecture de notre intériorité en nous allongeant dans notre lit est sage, brave et bonne mais elle ne suffira pas à démarrer une exploration cadencée sur l’évènementiel.

L’évènementiel, la vie de tous les jours, est une source d’inspiration formidable sur ce que nous sommes, une source d’appropriation de nos lacunes, de nos limites, mais aussi une source d’exploration pour recevoir cette matière dans les meilleures conditions. Si la matière extérieure s’arrange formidablement dans sa densité pour nous montrer qui nous sommes, dans la manière dont nous nous comportons, nous agissons, nous pensons, alors nous devons lui tirer le chapeau et lui dire merci pour ce que nous traversons.

L’idée ce n’est pas pourquoi nous traversons, mais comment nous pouvons le traverser mieux ? C’est grâce à ce regard sur cette intériorité puissante et lumineuse et à cette conviction que nous avons une grande lumière en nous qui va nous permettre de nous éclairer, d’éclairer les propositions qu’elle nous fait mais aussi d’éclairer de nouvelles formes de pensée qui vont nous permettre de traverser les évènements de l’existence avec beaucoup plus d’indulgence, de légèreté et sans animosité.

Cette notion de mémoire endogène-exogène, c'est-à-dire extérieure-intérieure fait partie évidemment d’un tout. Il ne peut pas y avoir de dimensions séparées.

L’idée que l’information est de l’énergie et que l’énergie est de l’information, j’aimerais croire le contraire. Malheureusement quand une personne s’allonge et que de fâcheuses circonstances, des traumatismes divers et variés n’ont pas été transcendés par la conscience pour plein de raisons, les organes souffrent, on constate des incommodités dans les articulations, une dévalorisation de soi, des ruptures d’envie de vivre. Dans le sens de ma modeste mission de servir ce vivant, il est essentiel de nous dire que tout ce que nous pensons est de la chimie, que tout ce que nous pensons est de l’énergie. Nous pouvons accueillir cette option non pas comme une option didactique, philosophique ou dogmatique, mais simplement comme une conscience peut-être nouvelle, curieuse, non accrochée à des paradigmes, ni culturels, ni idéologiques, ni religieux mais simplement peut-être un nouveau regard que nous devons porter sur qui nous sommes. Réaliser que dans nos souvenirs de cellules non seulement il y a du vivant mais il y a de l’énergie. Vous imaginez qu’on s’endort et que ça marche tout seul, ça vit ! Et c’est le sujet d’une juste et ample curiosité.

Père Philippe DAUTAIS : Je pourrais reprendre dans la résonance le fait que ce n’est pas pour rien que cette rencontre s’appelle l’appel du vivant et je crois que c’est le grand cri. Dans les épitres de Paul dans la Bible, il est dit que dans la nature toute entière, le cosmos tout entier est dans les douleurs de l’enfantement. Le vivant est en souffrance, le cosmos est dans les douleurs de l’enfantement, en attente de la révélation des fils de Dieu que nous sommes. Le cosmos est en souffrance que l’être humain ne se réveille pas. Nous devons rapidement nous réveiller d’un point de vue spirituel, c'est-à-dire entrer dans la conscience que nous ne sommes pas que des êtres matériels. Nous ne sommes pas là que pour ce monde, nous ne sommes pas là pour gagner notre vie, pour en baver, pour être confronté à des épreuves. Cela n’est pas notre vocation et tant mieux parce qu’autrement ça n’en finirait jamais.

Nous sommes là pour être vivant. Ce qui veut déjà dire accueillir la vie, accueillir les informations de la vie et être là en observateur qui peu à peu va accueillir et transformer. Comment peut-on aller vers une élévation intérieure, une élévation grâce à cette capacité que nous avons de conscience. La conscience est faite pour l’élévation, donc si on va vers les bas-fonds, il ne s’agit pas d’y aller les yeux fermés, il s’agit de descendre en conscience dans les bas-fonds. Les bas-fonds ne doivent pas nous faire peur, ou en tout cas les zones obscures ne doivent pas nous faire peur, c’est une invitation à y mettre de la conscience. Donc quand arrive une épreuve, quelque chose de dramatique, au lieu de s’enfermer dans une bulle émotionnelle, il s’agit au contraire d’ouvrir la conscience et de descendre à l’intérieur pour se demander « Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que ça vient me dire ? » Nous sommes là dans une articulation entre trois dimensions. Il y a soi-même, revenir en soi-même, il y a plus grand que soi en soi-même parce que je ne suis pas à l’origine de ma propre vie. Ce n’est pas moi qui ai décidé de vivre, ce n’est pas moi qui suis à l’origine de ma vie, il y a plus grand. Je crois qu’il est important de rappeler la dimension de la transcendance, c’est dire il y a plus grand alors ce plus grand est à découvrir de l’intérieur. Et puis il y a l’autre. Il y a soi, plus grand que soi et il y a l’autre. Là nous sommes dans une respiration et c’est ça que nous avons à faire vivre, et si nous faisons vivre cela correctement la nature ne souffrira plus. La nature souffre de ce qu’elle nous envoie des messages que nous ne recevons pas, elle nous envoie des signaux que nous n’entendons pas. Je crois qu’aujourd’hui c’est l’urgence de se réveiller vraiment. Mon ami Edgar Morin vient, à 102 ans, d’écrire un dernier livre « Réveillez-vous ! » Je suis complètement d’accord, au lieu d’être dans une perspective existentielle, il s’agit maintenant de se mettre dans une perspective verticale, d’être dans une dignité humaine, c'est-à-dire dans une dignité qui soit à hauteur de conscience.

Philippe DEMAISON : Avant de monter sur la scène, j’ai retenu la leçon des Kogis, j’ai demandé à mon épouse ce qu’elle en pensait. Nous avons pris la décision avec le féminin d’abord. Qu’est-ce que j’en pense ? Je pense que nous sommes dans le royaume du roi pêcheur. Vous connaissez le mythe arthurien. Parsifal arrive chez le roi pêcheur. Dans son royaume tout s’écroule, les arbres ne portent plus de fruit, l’eau ne coule plus, la terre est gâtée, c’est un temps de désolation. Ce roi est entouré de médecins, de philosophes, de conseillers et rien ne sort. La terre demeure dans le même état. Les âmes aussi sont affectées.  Arrive un chevalier qui traverse la cour sans s’occuper de personne. Il s’agit de Parsifal qui arrive devant le roi et ne dit qu’une seule phrase « Où est le Graal ? » C'est-à-dire le centre, la seule chose qui intéresse véritablement la transformation. Qui guide la transformation ? L’esprit, mais l’esprit ne nous appartient pas. Mon grand-père spirituel disait « Faites très attention, il y a une grande différence entre être possédé par les choses de l’esprit subtil parce que c’est un monde rempli de mille choses et être habité par l’esprit ». L’esprit c’est lui, c’est le divin. La seule chose qui peut aider le cosmos, qui peut aider le minéral, le végétal, l’animal, à refleurir, c’est le centre parce que nous ne sommes pas nous, nous sommes d’abord lui. Il ne faut pas inverser les rôles, nous voyons les choses à travers la perspective de la création. Nous sommes sur la circonférence, donc nous regardons la situation depuis la circonférence. Il y a Dieu et nous sommes dedans, pas à l’extérieur. Toutes les questions que nous nous posons viennent de notre âme avide d’elle-même. Attention au psychique, attention à notre âme avide d’elle-même. Elle peut aussi créer beaucoup de voiles. Les soufis disent « Il ne peut pas y avoir toi et lui. » C’est radical mais c’est ainsi. J’étais dans un rassemblement la semaine dernière, il y avait une enseignante soufie, turque. On lui a demandé « Comment faire pour s’aimer, pour arriver à aimer les autres », grand discours que nous entretenons tous. Elle a peut-être un peu choqué mais les soufies sont un peu comme ça. Elle a dit « Si tu t’aimes toi-même, tu ne peux pas aimer les autres parce que tu aimes ton ego et tu aimeras toujours les autres à travers ton ego, c'est-à-dire que tu aimeras ce que tu as envie de voir chez eux, ce qui te ressemble, pas ce qu’ils sont. Aimer les autres, c’est trouver le commun qu’il y a entre toi et moi. Le commun entre toi et moi, ce n’est pas moi et ce n’est pas toi, nous sommes différents. Le commun, c’est lui, c’est l’origine. Si nous voulons dialoguer en amour, si nous voulons nous renouveler, passons par lui. C’est en tout cas ce que disent les soufis, mais cet effort de se retourner vers lui « Où est le Graal ? » nous demande d’abandonner notre regard narcissique même s’il veut être bienveillant. Ne parlons pas des malfaisants. Quand Parsifal a dit « Où est le Graal ? » sans attendre la réponse, l’eau a coulé, le végétal s’est remis à fleurir et le roi qui était malade a guéri.

 

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Temps d’échange :

Quand on parle du vivant, on ne peut pas s’empêcher de parler de la mort, et quand on s’intéresse à la mort, on voit qu’en 2023, il y a plein de choses qui se passent sur internet. Des gens du monde entier relatent des témoignages de gens qui ont frôlé la mort. Ce phénomène s’appelle les OMI, les expériences de mort imminente. Il y a des milliers de témoignages qui intéressent la science, en particulier grâce aux preuves qui sont apportées. Des gens qui ont eu une chirurgie très lourde, à cœur ouvert, expliquent, relatent ce qui s’est passé et dit dans la pièce. Je parle de choses factuelles. La science s’y intéresse et j’aimerais savoir quel regard vous portez là-dessus ?

Père Philippe DAUTAIS : Il est salutaire qu’aujourd’hui, dans une société où nous pensions la mort comme la fin de la vie et de la partie, il y ait des preuves scientifiques sur le fait qu’il y a quelque chose qui se passe en dehors de l’être humain en capacité d’avoir un cerveau qui fonctionne. C’est magnifique et nous ne pouvons que saluer le fait qu’il y ait une prise en considération qu’au-delà du corps, la vie continue. On s’était arrêté là. Maintenant il faut aller un peu plus loin. Une fois que l’on a dit ça, il faut prendre soin de ce qui ne va pas mourir. Nous prenons soin du corps en le nourrissant, le chauffant, l’habillant, mais que faisons-nous de ce qui ne meure pas ? Les traditions spirituelles prennent soin de ce qui ne meure pas. Le futur du corps c’est la mort, mais au-delà de ce futur il y a quand même quelque chose qui va se poursuivre, et pour éviter des conséquences fâcheuses par la suite, il vaudrait mieux prendre en considérations ce qui ne va pas mourir. Alors qu’est-ce qui continue et comment prendre soin de ce qui ne va pas mourir ? Nous sommes pleinement dans le registre de la spiritualité avec des révélations qui nous viennent de l’au-delà et nous donnent le mode pédagogique pour prendre soin de soi et nous placer dans une perspective au-delà de la mort. La spiritualité nous invite aujourd’hui à découvrir que nous sommes beaucoup plus que de la matière, plus que de la réalité existentielle, et que nous avons une vocation profonde mais ça passera par tout un chemin d’unité intérieure. Il ne s’agit pas de se perdre en cours de route, il s’agit d’atteindre une cohérence personnelle, une intégrité personnelle. C’est cela que soulignent toutes les spiritualités. Si nous ne faisons pas un avec la vie, nous ne sommes pas un en nous, réconciliés avec nous-même. Nous connaîtrons les conséquences de tout ce que nous n’aurons pas voulu traiter. Vous savez, j’interviens dans les milieux médicaux, dans l’accompagnement en fin de vie, dans l’accompagnement des équipes soignantes et je vois comment, à la fin, la situation se dégrade parce qu’on croit que les blessures, les mémoires ont disparu. En fait, elles n’ont pas du tout disparu, on les retrouve de l’autre côté. J’ai appris qu’il valait mieux traiter ici et maintenant toutes les problématiques, tout ce qui fait tension. Nous avons à assumer notre propre existence pour en faire une unité, une cohérence interne, c’est ça le grand message.

 

Françoise NALLET : Je rejoins tout à fait le Père Philippe, c'est-à-dire que l’expérience du programme, c’est évidemment d’être lucide sur ce point mais je dirais aussi que ce qui est beau derrière ça, c’est l’espoir. Car derrière cette chute du corps physique, cette perte de la matière, il y a l’esprit et le Grand Esprit qui va nous accueillir sur différents canaux selon notre évolution pour transcender des plans qui n’ont pas été véritablement corrigés sur terre. L’astral. En tout cas de par l’expérience que je peux avoir des connexions avec les défunts et avec les plans. L’astral s’intéresse à ce qui est intéressant, c'est-à-dire à ce qui est très haut en vibration.  L’astral ne va pas se préoccuper de savoir si vous n’avez pas été sympa avec votre collègue de travail, il faudra revenir le bosser sur terre une autre fois. L’idée pour nous, en tout cas dans notre grande petitesse, c’est d’avoir conscience que le corps est là mais qu’ensuite quelque chose de plus grand nous attend. Nous allons revenir à la maison, une autre maison, pas celle que nous avons construite physiquement ici mais un autre espace beaucoup plus grand, plus ample que nous connaissons déjà. Il s’agit de notre propre source que nous n’avons pas oubliée. Nous avons en nous cette pureté, que nous côtoyons parfois, que nous recherchons toujours et espérons souvent. C’est aussi ça le développement de la foi, ça continue dans le bon sens des choses, dans le sens de l’évolution. Il n’y a pas de père fouettard qui va nous punir. Par contre, on va apprendre à comprendre les choses qui n’ont pu être atteintes sur le plan spirituel. Pour les petits canaux que nous sommes, des petits médiums, parce que nous n’avons qu’une expérience très humble, seront là pour vous aider sur les chemins divers et variés, dans des échanges, etc. Le but de tout ça est de grandir, on quitte le corps et on grandit. C’est un formidable message d’espoir, de continuité d’œuvre de réparation, donc cela ne s’arrête pas. Le travail commence dès la naissance dans cette vie et ne s’arrête pas y compris dans notre dernier souffle.

 

Par rapport à ce que vous venez de dire sur l’accompagnement des soins palliatifs et le fait de nous soigner tout au long de notre vie, vous venez d’évoquer le « ici et maintenant », la quête existentielle et le fait de se guérir afin de pouvoir mourir conscient. Avez-vous fait l’expérience de voir des gens morts conscients comme William Black, par exemple. Il était dans son lit, il s’est assis et a dit « Enfin je vais savoir ».

Père Philippe DAUTAIS : Effectivement, ce qui est important, c’est de vivre et de partir réconcilié avec soi-même. Ça ne veut pas dire que tout a été réglé, mais au moins être dans une intégrité. J’ai deux exemples connus. Edgar Morin, 102 ans, il n’est pas mort mais il est réconcilié avec lui-même. Et une autre personne avec laquelle j’ai travaillé pendant 40 ans, Annick de Souzenelle. Agée de 101 ans, elle est dans une acceptation totale de ce qui est. Elle est en paix avec elle-même et comme elle est en paix avec elle-même, ça s’ouvre, donc elle reçoit plein d’informations. Il y a quelque chose qui est déjà ouvert. Je suis d’accord pour dire qu’il n’y aura pas de père fouettard, c’est l’amour qui nous attend. L’amour n’empêche pas qu’on soit avec nos résistances, mais soyons en paix avec nous-mêmes.

 

Frédéric LA COMBE : Juste un mot parce que sur cette question, je sais qu’il y a des études comparatives entre des expériences de mort imminentes et la science contemplative bouddhiste, particulièrement dans la tradition tibétaine, qui a beaucoup développé cet aspect à travers la notion des états intermédiaires. Les recherches universitaires ont fait des comparaisons très probantes sachant qu’il y a un élément important pour mieux comprendre les phénomènes qui peuvent apparaître au moment de l’agonie, puis de la mort clinique et des expériences post mortem, c’est qu’il y a toujours deux couches. Une couche avec une dimension universelle dans les expériences en question et une couche qui vient des mémoires culturelles et du rendu de l’expression de ce qui a été vécu. La couche culturelle peut bien sût être très différente. Le Grand Esprit, le Grand Condor, il y a des tas de représentations où Dieu, les anges sont des mots conditionnés par l’imaginaire culturel qui essaie de communiquer ce qui a été vécu. Ce qui a été vécu est du domaine de l’expérience universelle. Au moment de la mort, selon l’enseignement du Bouddha, il n’y a que le dharma, c'est-à-dire la pratique spirituelle, qui est utile. Ce ne sont ni nos amis, ni notre argent, ni notre pouvoir, ni quoi que ce soit qui va nous aider. La seule chose qui va nous aider, ce sera ce que nous aurons fait dans notre vie.

Je revis la table ronde

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel

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Emilie BARRUCAND

« Les clefs du bonheur des peuples autochtones »

 

 

Très heureuse d'être ici parmi vous, en pensant au chef Raoni avec lequel je travaille depuis 22 ans. Je travaille avec plusieurs peuples autochtones, particulièrement avec le peuple Kayapo que je connais le plus. Parlant leur langue, j'ai sauvegardé de nombreuses connaissances menacées que les anciens m'ont transmises. Ce fut un travail sur de longues années pendant lesquelles j'ai vu disparaître de nombreux anciens.

Aujourd'hui, si je fais un parallèle entre ces peuples et notre mode vie, il apparait que beaucoup d’Occidentaux pensent que notre modèle de vie est celui que tous les peuples devraient suivre. Nous continuons malheureusement de le transmettre dans le monde par le biais de l'économie et de programmes de coopération et de développement, par l'application de modèles scolaires. Je vous conseille un film formidable "Schooling the world" sur YouTube. Il montre comment ce modèle scolaire pousse les peuples autochtones, traditionnellement avec un rapport très fort à la nature en la protégeant, à quitter leur terre, à adopter finalement notre mode de vie et à participer à la destruction de la nature.

Ce modèle occidental nous mène pourtant droit dans le mur. De plus, il nous pousse à entraîner tous les peuples du monde. Rappelons que l'Union Européenne est le 2ème destructeur mondial des forêts tropicales.

Alors pourquoi détruisons-nous autant la nature ?

La première raison est que nous avons perdu la conscience de notre responsabilité tout en étant européen. A ce sujet, je vais vous raconter une rencontre que j'ai faite au mois de mai. Mon livre venait de sortir et je devais préparer une conférence. Je n'avais pas d'inspiration et je suis partie de chez moi pour aller faire du sport. Sur le chemin, un homme qui faisait la manche m'a interpellée. Me rapprochant de lui, je vois qu'il est kanak.

"Je viens de Nouvelle-Calédonie" me dit-il.

"Oui, vous êtes kanak. Je suis déjà allée sur la terre de votre peuple"

"Je vous explique. Je suis venu ici pour voir comment vous vivez. Pourquoi avez-vous mis du bitume partout ?"

Je regarde autour de moi cette rue de Marseille. Elle est toute recouverte de bitume et quelques arbres y sont disséminés. J'étais là, interloquée. Avec ses yeux en fait. C'était terrifiant de voir ces arbres comme plantés dans le bitume.

"Que vous est-il arrivé ? Vous avez oublié que vous faites partie de la nature ?"

Et c'est lui qui a utilisé l'expression "droit dans le mur".

"Vous détruisez la nature alors que nous en faisons partie et vous nous entrainez tous à aller droit dans le mur."

Il était allé dans les cités pour observer les jeunes, déscolarisés, avec du bitume partout.

"Mettez des arbres ! Aménagez des jardins ! Chez nous, on a une terre et une compagne. Voilà ! C’est tout et on est heureux. Vous êtes malades."

Depuis, dans mes conférences, j'aime parler de cet échange parce que sa vision était vraiment juste. Nous pouvons, nous devons apprendre à voir la nature et comprendre que nous en faisons partie.

Quels ont les rapports des peuples autochtones avec la nature ?

En fait, au niveau mondial, les peuples autochtones protègent 80% de la biodiversité. Ils gèrent 24% du carbone total stocké en surface dans les forêts. En Amérique Latine, pour laquelle j'ai travaillé le plus, ils protègent la plus grande forêt tropicale au monde. Les Kayapos du chef Raoni, protègent une surface de forêt qui fait trois fois la Suisse.

Nous, Occidentaux, qui pensons être maîtres du monde, nous sommes en fait dépendants de ces peuples. Sans eux, nous ne serions plus là !

Pourquoi protègent-ils la nature ? Parce qu'ils ont gardé la notion qu'ils en font partie. Les peuples autochtones avec lesquels je travaille au Brésil vivent de chasse, de pêche, de cueillette. Ils vivent dans de grandes huttes et mis à part quelques objets manufacturés, ils puisent tout eux-mêmes dans la nature. Ils ont conscience qu'ils font partie d'un tout et pour que les prochaines générations puissent bien vivre, elle aussi, ils doivent respecter les ressources naturelles. Ils prélèvent le minimum avec conscience, sans gâchis. Ils ne consomment que ce dont ils ont besoin. Ils protègent la forêt dans l'idée de protéger l'habitat, mais aussi les animaux et les plantes qui eux-mêmes participent à leur survie. Ils ne sont pas dans l'accumulation.

Le bien n'a pas de valeur en soi, c'est un moyen pour renforcer les relations sociales. Ils considèrent que chaque élément de la nature, tels que les arbres, les animaux, le vent, les roches, ont des enveloppes différentes des nôtres mais disposent d'une intériorité. Ils ont des âmes, ils ressentent des émotions, ils tiennent des raisonnements. De ce fait, leur relation aux animaux, aux arbres, n'est pas la même que la nôtre. Nous considérons les arbres comme des objets tandis que chaque être, chez eux, est à égalité avec l'homme.

A une certaine période de l'année, ils font la fête pour faire un lien entre toutes les vies qu’ils ont prises. Pour eux, il n'y a pas de différence entre tuer un porc et déterrer une pomme de terre pour la manger. Plantée dans le sol, cette pomme de terre a une vie et ils l'en sortent pour qu'elle leur donne de la vie. Ainsi, avant de chasser, les Kayapos chantent pour apaiser les esprits des animaux qu'ils vont tuer, et avant de défricher, ils demandent l'accord des esprits de la nature. Il y a vraiment un grand respect des êtres de la nature.

L'éducation donnée à leurs enfants est focalisée sur la nature. Tous les parents emmènent les enfants dans la nature pour connaître le comportement des animaux, les plantes médicinales, les façons de se nourrir. Les jeunes accompagnent les anciens dans leurs activités. Une fois adultes, ils ont la compréhension de la nature. Ils en font partie et ont acquis de fabuleuses informations. La nature est aussi, pour les enfants, un lieu de jeu et de créativité. Tout cela renforce leur confiance en eux et leur capacité à dompter les dangers.

Dans notre éducation, pour changer les choses et créer des générations plus respectueuses de l'environnement, nous devons emmener les enfants dans la nature et amener la nature à l'école.

Le grand chef Raoni me disait "Vous devez emmener les jeunes dans la nature pour qu'ils comprennent que ce qu'ils mangent provient d'elle. Nous, nous emmenons nos enfants chasser, pêcher. L'enfant va pêcher son poisson, l'ouvrir, le nettoyer, le cuisiner puis le partager avec les autres. Il aura cette conscience que ce qu'il mange provient de la nature et que pour continuer à vivre, il faut qu'il la respecte et qu'il fasse attention à ses ressources.

Dans vos villes, les enfants sont à la cantine et vous leur donnez des poissons carrés. Bien sûr ils ne peuvent pas avoir conscience que ce poisson provient de la nature. Plus tard, ils participeront à la destruction de la nature. Pour changer les choses, emmenez vos enfants cueillir des fruits".

La nature est considérée comme une source de bonheur par ces peuples. J'ai mené de nombreux interviews auprès d'eux. Il en sort que la nature est la première source de bonheur pour eux, particulièrement le chant des oiseaux.

Des études menées par des chercheurs australiens, à l'université de Melbourne, ont observé que le simple fait de regarder des scènes de nature améliore l'attention et la concentration. D'autres ont montré que la nature favorise la relaxation, le sommeil, elle améliore l'estime de soi, la créativité, les sentiments de bonheur, elle diminue le stress. En neuroscience, il apparaît que la nature aurait des effets préventifs contre l'apparition et le développement de troubles neurologiques et psychiatriques. On obtiendrait des résultats positifs sur des maladies telles qu’Alzheimer et Parkinson.

Dernièrement, je participais à une émission de radio sur le sujet des relations humaines en entreprise. On m'a demandé de donner des conseils en RH. J'ai recommandé d'apporter la nature en entreprise par le biais de jardins d'intérieur, d'espaces avec des plantes, des photos de nature, des sons d'oiseaux. Cela amènerait de la détente pour les employés.

Les autres éléments de bonheur identifiés par ces peuples se résument ainsi : être près de ceux que l'on aime, suivre son cœur alors que nous avons plutôt l'habitude de suivre notre mental, ce qui n’entraîne pas les bons choix.

La générosité est un point important pour ces peuples, avec la solidarité. Elles constituent des valeurs fondamentales. Nous pouvons nous en inspirer en entreprise, dans notre voisinage, en famille, pour renforcer les liens sociaux.

Une autre source de bonheur sont le chant et la danse qui fédèrent les membres de la communauté. Pour ma part, j'essaie de suivre leurs conseils et je vais danser au moins un week-end sur deux.

Que pourrions prendre d'autres venant de ces peuples pour créer une société plus heureuse ? Ce pourrait être le respect des anciens en leur donnant la place la plus importante. Chez eux, les anciens sont les plus respectés, les plus écoutés, considérés professionnellement comme les personnes les plus compétentes. Ils ne vont pas voir le jeune chef ou le jeune chaman, ils vont voir l'ancien. C'est l'ancien qui est le plus valorisé et il garde une place active dans la société.

Lors de cette émission de radio, le conseil en RH me demandait comment faire car dans les entreprises, ce sont les jeunes qui sont valorisés. Pourquoi ne pas créer des conseils des anciens, ils seraient considérés comme des mentors prenant en charge 2 ou 3 jeunes. Ceux-ci seraient au service des anciens et non pas le contraire. Ainsi se fera le transfert du savoir-faire. Il faut changer notre regard.

Nous devrions aussi nous inspirer de leur leadership. Il est adaptable à la famille, en politique.

Chez les Kayapos, le chef va être le plus proche possible de l'idéal humain. Il doit être généreux, avoir une parole bienveillante, donner de l'importance à chacun. Il ne doit pas se quereller avec qui que ce soit, parler mal de qui que ce soit, son devoir est de réconcilier les gens, il doit être dans l'humilité, au même niveau que les autres. Il ne va pas imposer ses propres idées, il est le représentant du consensus, il est la voix de la majorité.

Je pense que le patron d'entreprise doit suivre ce modèle-là pour être un bon chef, admiré.

Le chef Raoni reçoit de nombreux cadeaux lors de ses voyages, en Europe par exemple, et à son retour il distribue tout, il ne garde rien.

 

Pour que les enfants débutent bien dans la vie, il convient de les allaiter. Avec notre style de vie, cela n'est pas toujours facile. Toutefois j'ai choisi d'allaiter mon fils jusqu'à deux ans et demi. Quand je dis aux mamans Kayapos que l'allaitement est peu pratiqué, que les enfants dorment seuls dans leur chambre, qu'on les laisse pleurer, elles sont terriblement surprises. Pour elles, c'est impensable et je le pense aussi. Faire en sorte que nos enfants dorment dans la même pièce que la nôtre, voire dans le même lit me paraît évident.  Repensons au bébé venant de naître qui se retrouve tout seul dans une chambre noire. Mettons-nous à sa place. Commencer la vie comme ça ne peut que générer des traumatismes qui auront des répercussions dans sa vie d'adulte.

Là-bas je n'entends jamais un enfant pleurer. Les bébés sont allaités longtemps, portés constamment, ils dorment près de leur maman. Résultat, les enfants sont dégourdis, bien dans leur peau.

Si nous voulons que nos enfants deviennent des adultes heureux, faisons en sorte d'adapter notre éducation en s'inspirant de ce que font les Kayapos.

 

Chez nous les enfants sont invités à jouer avec leurs jeux et à ne pas déranger les adultes. Chez eux, cela se passe tout à fait différemment, on laisse les enfants se confronter au danger tandis que nous sommes ici plutôt dans le "fais pas ci, fais pas ça, c'est dangereux ".

Personnellement, je n'ai pas réussi à ne plus être dans la peur alors que les petits Kayapos habitués à se confronter au danger, dévalent à toute vitesse un torrent impétueux.

 

Il est temps d'effectuer des changements dans nos vies, devenir plus humain, revenir à l'essentiel, apprendre à nous reconnecter à la nature, travailler près de nos enfants, donner à nos enfants les moyens d'être plus heureux, aimer la nature et la respecter, participer à la création d'un monde meilleur.

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Temps d’échange :

Qu'est-ce que les peuples autochtones trouvent de positif dans la vie occidentale ? Et trouvent-t-ils quelques choses de positif ?

Certains peuples, pour protéger leur culture, leur mode vie et pour mieux se défendre, ont adopté l'utilisation de certaines technologies notamment. Avec leur accord, j'ai utilisé des enregistreurs pour sauvegarder les connaissances des anciens. Ils m'ont demandé de filmer des cérémonies, de prendre des photos et des jeunes ont travaillé avec moi. Ils le souhaitaient et je les ai formés pour cela, à leur demande, nous leur avons fourni les matériels nécessaires. Ainsi les jeunes participent à la protection de leur culture. Certains, au début réservés, puis grâce à ces technologies se sont rapprochés. Le lien entre les générations s'est trouvé renforcé. Quelques jeunes ont des téléphones portables qu'ils n'utilisent en ville que pour des usages politiques. Par exemple pour contacter d'autres chefs de tribu pour coordonner leurs décisions et actions.

Nous sommes très nombreux dans nos sociétés, il est facile de s'y cacher et de ne plus avoir de sentiment de honte. Avez-vous observé ce sentiment de honte dans les peuples autochtones ?

En fait non. Ce sont des petits peuples, ils n'ont donc pas d'impact négatif sur la nature. Ceci dit ce n'est pas qu'une question de quantité, c'est aussi leurs valeurs, le mode de vie, la relation à la nature, la relation aux autres qu'ils transmettent avec fierté à leurs enfants.

Comment s'exprime la violence ? Existe-elle ? Y-a-t ‘il une sorte de tribunal ?

C'est assez rare mais quand il y a un conflit, le souci d'une personne devient le souci de tout le monde. Il est important de maintenir cet équilibre, il va y avoir des discussions, les chefs vont essayer de réconcilier les personnes concernées. C'est l'affaire de tous.

Si toutefois l'un des belligérants n'arrive pas à accepter une résolution du conflit, il est expulsé et doit quitter le village. Souvent il va dans un autre village.

J'ai travaillé sur la musique baroque sud-américaine du 13ème - 17ème siècle. Nous avons des œuvres magnifiques venant des peuples autochtones qui ont été préalablement éduqués par les Occidentaux. Clairement nous leur avons apporté des choses considérables. Rappelez-vous le film "Mission" dans lequel nous voyons des autochtones peintres, musiciens, architectes. N'ayons pas une vision binaire, nous leur avons aussi beaucoup apporté.  

Oui mais aujourd’hui ces peuples souhaitent vivre à leur manière et non pas selon ce qui leur a été imposé, souvent par la force.

Je revis la rencontre

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel

  www.semaphore.fr

Bruno GUIDERDONI

« Science et religion, alliés pour le vivant »

Au nom du Dieu unique, du Dieu d'amour et de miséricorde, bonsoir à tous et à toutes.

C'est une histoire que les astrophysiciens, mes collègues, se racontent de temps en temps en fin de journée, pour rire. Je ne sais pas si elle est réelle ou inventée mais elle va illustrer mon propos.

C'est un grand astrophysicien qui fait une conférence sur le big bang, l'expansion de l'univers, l'origine du monde. Il montre des photos, il écrit des équations au tableau et à la fin de la conférence, une dame munie d'une canne vient le voir : "Professeur, j'ai essayé de suivre mais tout cela m'a l'air très compliqué. On sait bien que le cosmos repose sur une tortue."

Le professeur est un peu interloqué : "Cette tortue chère Madame sur quoi repose-t-elle ?"

La dame : "Cette tortue repose sur une autre tortue plus grande."

Le professeur :" Ne continuez pas, je vous vois venir, il y a des tortues jusqu'en bas."

En fait, cette histoire raconte que nous ne savons pas où se situe le fondement du cosmos. Cette dame est peut-être un peu naïve, elle n'a pas compris les équations que l'astrophysicien a montrées, mais elle a l'intuition que le cosmos repose sur quelque chose, sur un socle. Socle qui est justement la réalité ultime dont le monde, avec toute sa diversité, n'est que la surface, l'apparence.

Les voix spirituelles de l'humanité, en particulier le Soufisme qui est la dimension intellectuelle, spirituelle et contemplative de l'Islam, ont pour objectif de faire connaître aux êtres humains quelque chose de ce socle sur lequel tout repose. Cette réalité dont toutes les réalités apparentes dépendent.

Moi-même, très jeune, j'ai emprunté les deux voies, à la fois la voie des études scientifiques mais aussi la voie d'une réflexion spirituelle, d'un cheminement à travers des lectures d'abord, puis d'un séjour au Maroc. Cela m'a conduit à embrasser l'Islam et cette dimension spirituelle qui est le Soufisme. J'ai poursuivi cette quête depuis maintenant plus de 30 ans. Quête dans laquelle il peut y avoir un dialogue entre la raison, la démarche scientifique, et la démarche spirituelle. C'est un dialogue qui doit respecter les méthodes et les objectifs de la science et de la spiritualité. Les choses convergent mais il y a tout de même une différence fondamentale sur laquelle nous reviendrons.

Le soufisme est la dimension intérieure de l'islam. Comme vous le savez, l'islam repose sur un miracle initial, exactement comme le judaïsme, le christianisme ou les autres grandes religions, les autres grandes révélations. Un dévoilement initial qui est pour les musulmans le Coran, un texte en langue humaine, arabe, audible et intelligible, qui est considéré comme étant la parole de Dieu, c'est à dire un dévoilement de la réalité, de ce monde-ci et de l'autre monde.

Pour illustrer la démarche spirituelle du soufisme, ou plutôt la façon dont le soufisme comprend l'islam, je vous renvoie à un passage du Coran, sourate n°7, verset 172, qui fait le récit du pacte primordial. Le texte dit que, avant même l'apparition des êtres humains sur la terre, Dieu a suscité toutes les humanités à venir, la succession des hommes et des femmes qui existeront sur cette terre pour leur poser l'unique question "Ne suis-je pas votre Seigneur ?" Les hommes et les femmes qui étaient présents dans cette éternité pré temporelle, avant même la création du temps, ont répondu à l'unisson "Oui, nous portons témoignage de cela".

Ce tout petit récit entraîne des conséquences très importantes du point de vue de la doctrine spirituelle de l'islam puisqu'il fonde à la fois l'unicité de Dieu, l'unicité du genre humain et l'unicité de la religion. En effet tous les hommes et toutes les femmes ont reconnu, à l'unisson, qu'il n’existait qu'un seul Dieu. On pourrait dire une réalité fondamentale qui a de très nombreux noms. Dans l'islam, le nom est Allah qui veut dire le Dieu unique de toute l'humanité. Le réel dont tout dépend. La vérité est aussi un nom de Dieu. Unicité de Dieu, unicité du genre humain puisque nous avons tous et toutes répondu à cette question unique en témoignant que Dieu est notre Seigneur. Il y a donc dans l'être humain une nature spirituelle qui apparaît du fait de même de notre existence. Naturellement spirituel, l'être humain est créé à partir de l'argile, mais aussi à partir du souffle de Dieu. Souffle que Dieu met en Adam au moment de la création de l'âme unique d'Adam, qui ensuite se polarise en homme et en femme, en masculin et féminin.

L'être humain est naturellement spirituel parce qu'il y a en lui l'esprit que Allah, le Dieu unique de toute l'humanité, a placé pour que l'être humain puisse connaître Dieu.

Dans la mesure où il y a le Dieu unique, il n'y a qu'une seule religion que la tradition islamique appelle "la religion générale" et toutes les religions de l'humanité sont des adaptations providentielles aux circonstances de lieux et de temps. Le Coran dit "Nous n'avons envoyé le prophète qu'avec la langue de son peuple afin qu'il l'éclaire" c'est-à-dire dans des langues et langages tout à fait compréhensibles par les peuples.

Il y a effectivement une diversité des religions et des traditions. C'est une richesse de l'humanité mais c’est aussi une épreuve. Voyez ce verset 48 de la sourate 5 "Si Dieu l'avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté, mais il a voulu vous éprouver par le don qu'il vous a fait, celui de la pluralité des religions. Rivalisez entre vous dans les bonnes actions, votre retour se fera à Dieu et c'est alors qu'il vous informera sur les raisons de vos différences".

Il y a là la fondation d'un dialogue inter religieux qui est bien plus qu'un dialogue. C'est plutôt une entente au sens de tendre ensemble vers le centre qui est Dieu lui-même.

Le dialogue est ainsi intimement lié à notre spiritualité puisque c'est la reconnaissance commune du Dieu unique, de la réalité qui se cache derrière le voile des apparences et qui nous réunit, puisque Dieu seul nous rend humain.

J'ai parlé de la création d'Adam. Dans le Coran, il y a la mémoire de cette création qui reprend des traditions antérieures chrétiennes et même juives. Ce n'est pas un problème pour l'islam puisque l'islam se présente comme le dernier rappel de la tradition, imprégné de toutes les cultures de la Méditerranée. Dieu utilise des symboles anciens pour faire du nouveau, c'est ça le sens d'une révélation, de même que la révélation chrétienne emprunte des éléments de la tradition juive pour faire quelque chose de nouveau, une nouvelle révélation, un nouveau message, ou plutôt un message sous des formes renouvelées.

Il y a donc ce récit de la création d'Adam en plusieurs parties. Dieu dit "Je veux créer un représentant sur la terre, un lieutenant, un régent qui va être l'intendant. Les anges qui sont présents autour du trône de Dieu et n'ont que des louanges pour lui. Mais va-t-il créer quelqu'un qui va semer la corruption et le sang sur Terre ? C'est effectivement la prévision de ce qui va se passer.

Dieu dit aux anges "Je sais ce que vous ne savez pas." Dieu a un projet pour l'humanité et nous, comme les anges, nous ne le connaissons pas.

Dieu a donc créé Adam et demande aux anges de se prosterner devant lui. Tous le feront sauf un, qui est persuadé que l'humain est mauvais. Il demande à Dieu de lui donner le temps de prouver que l'être humain est mauvais. Cet ange reçoit l'autorisation de Dieu parce que Dieu a confiance en l'être humain, il a foi en l'être humain qu'il a créé et dans le plan qu'il a mis en l'être humain.

Nous sommes investis en tant que régent de Dieu sur terre et nous avons la responsabilité de l'intendance, du service de la création.

Nous avons perdu cette responsabilité avec la crise environnementale. Il y a plusieurs modèles de relation avec la nature, le domaine de la domination que nous avons imposée depuis longtemps, le modèle de la fusion que certains peuples ont pu avoir, c'est à dire de se considérer comme un animal parmi d'autres et cette tendance de l'écologie contemporaine de considérer que l'être humain est un animal possiblement nuisible. Et puis il y a le modèle de l'intendance dans lequel nous avons la responsabilité de la création comme un jardinier a la responsabilité du jardin. Il peut utiliser les fruits mais il n'a pas le droit de couper les arbres parce qu'il n'en est pas propriétaire. C'est le modèle proposé par le Coran.

La tradition coranique a rencontré la tradition grecque au moment des traductions, aux environs de l’an 750 de l'ère chrétienne. Ce fut une période extrêmement importante pour l'histoire de l'humanité puisque l'ensemble du patrimoine en langue grecque et en langue sanscrite a été traduit en langue arabe, commenté et développé pendant plusieurs siècles. Ce ne fut pas un court épisode de la pensée humaine, il a duré durant des siècles et des siècles. On pense maintenant que le début de la science moderne n'est pas Copernic et Galilée au 15-16-17ème siècle, mais qu’il se situe plutôt au tournant du 1er millénaire.

Il y a un moment important de l'histoire de la pensée qui mène à un débat sur la possibilité de réconcilier science et religion ou raison et révélation. Ce débat a eu lieu entre deux grandes figures qui ne se sont pas rencontrées. L'une, Al-Ghazali, vivait en Orient à la fin du 11ème siècle - début du 12ème et l'autre, Averroès, vivait à Cordoue en Andalousie au 12éme siècle. L'un et l'autre étaient d'accord pour dire que la raison est un don de Dieu et que si cette raison est bien menée, elle permet d'arriver à la vérité ou pour le moins à la vérité partielle. Mais l'un et l'autre étaient en désaccord sur la façon de régler les différends entre la révélation et les résultats de la raison.

Pour Al-Ghazali, si la raison arrive à des conclusions contraires à la foi, c'est de la faute des philosophes ou des scientifiques. Ils doivent revoir leur copie, ils ont probablement fait une erreur dans leurs raisonnements à un moment donné.

Pour Averroès en revanche, quand la raison et la révélation sont en contradiction, les religieux doivent retourner à leur interprétation des textes sacrés de façon à émettre une interprétation compatible avec la science. Il ne s’agit pas de servir à Dieu des choses manifestement fausses, par exemple l'idée que la terre pourrait être plate à la lecture de textes, soit de la Bible, soit du Coran.

Cette démarche de pensée nous amène finalement à penser que l'un et l'autre ont raison. C'est vrai qu'il y a des savants qui, parfois, sortent du domaine de validité de leur science et sont amenés à dire des choses définitives sur le monde, sur la raison, sur Dieu et la théologie, etc. Et parfois, il y a des religieux incapables de comprendre la science en donnant des interprétations à des textes sacrés incompatibles avec des faits scientifiques. Cela amène à un divorce entre science et religion, que nous avons connu dans le monde occidental avec l'affaire Galilée, mais qui n'a pas existé au sein du monde musulman.

La science moderne offre un panorama extraordinaire de ce qui est considéré par les croyants comme des créations, c'est à dire comme étant l’œuvre de Dieu. Voyez le panorama de l'astronomie, constituée de 100 milliards de galaxies dans l'univers observable, c'est-à-dire dans l'univers accessible à nos instruments d'observation. Chaque galaxie est un ensemble d'environ 100 milliards d'étoiles. La voie lactée est une galaxie dont nous voyons la tranche comme celle d'une espèce de galette, le soleil étant l'une des étoiles constituant cette galaxie.

Maintenant nous savons qu'il y a autour de toutes les étoiles probablement des planètes comme celles qui gravitent autour du soleil. 5000 planètes ont été identifiées et nous pensons qu'il y a des exoplanètes autour de toutes les étoiles, statiquement une dizaine, soit beaucoup de planètes, des milliards de milliards. Naturellement, nous nous posons la question de la vie sur certaines d’entre elles. Il n’y a là rien d’impossible, la vie repose sur des phénomènes physico chimiques qui sont mal compris. Nous disposons d'un certain nombre d'expériences pour essayer de détecter ce que nous appelons des bio signatures, c'est à dire des traces de vie dans l'atmosphère des exoplanètes comme le sulfure de diméthyle, molécule qui donne l'odeur caractéristique du chou lors de sa cuisson. Cette molécule a été détectée dans l'atmosphère d'une exoplanète. Si la vie existait sur une planète, une vie même élémentaire au niveau des microbes et bactéries, nous pourrions dire que la vie existe partout dans l'univers. Peut-être à des niveaux développés tels que des animaux, des plantes, voire à des niveaux intelligents. Quant aux niveaux technologiquement développés, il faut se rappeler que le niveau technologiquement développé semblable au nôtre produit des ondes radio en quantité. A certaines fréquences, la terre est beaucoup plus brillante que le soleil et que toutes les planètes qui l'entourent. S'il y avait des extraterrestres, avec la technologie dont nous disposons, dans une sphère de 100 années-lumière de rayon comprenant alors des milliers et des milliers d'autres planètes, nous détecterions l'existence de quelque chose d'artificiel, d’une autre vie.

Mais nous n'avons encore rien détecté. Nous appelons cela le silence de l'univers. Toutefois il faut tenir compte qu'une période technologiquement développée est extrêmement courte, elle ne dure que quelques centaines d'années et disparaît par manque de ressources ou par autodestruction.

L'étendue du cosmos nous ramène à notre vie ici-bas. Pourquoi y-a-t-il le silence de l'univers, pourquoi ne détectons-nous aucun signal venant de l'univers ? Peut-être que la vie développée est très rare et de plus, la technologie ne peut pas se développer durablement. Elle s'achève toujours par le manque de ressources et la destruction de l'humanité. Notre responsabilité en tant que régent de Dieu sur terre est énorme. Nous vivons une crise qui, évidemment est une crise spirituelle. C'est notre rapport à la réalité qui est en cause. Les gens qui construisent des autoroutes, qui consomment des produits inutiles, prétendent être dans la réalité alors qu'ils en sont totalement déconnectés. Ils sont dans un rêve, dans le phantasme d'une croissance illimitée alors que l'évidence rationnelle nous montre qu'un tel modèle ne peut pas être durable. Nous voyons des signes de plus en plus préoccupants de la crise environnementale et nous sommes catastrophés que la société ne prenne pas la mesure des alertes que nous lançons en tant que scientifiques. Il y a un déni total de la situation.

Comment faire pour affronter cette crise environnementale ? Il faut d'abord se rendre aux évidences scientifiques, il est remarquable de constater la simultanéité du recul des religions dans tous les pays développés et la baisse de la confiance dans les scientifiques. Néanmoins les prévisions qu'ils ont faites il y a 20 ou 30 ans, se confirment. Le réchauffement, les incendies, les inondations, les évènements extrêmes. La montée du climato scepticisme est indéniable. Les scientifiques sont jugés irréalistes et dans les faits, la vraie réalité est l'économie et non pas la nature.

Pour résoudre le problème il faut un grand changement des mentalités, un retournement complet des perspectives. Il me semble que nous pouvons puiser dans les traditions de l'humanité pour trouver les valeurs qui nous permettront d'assurer un futur souhaitable à nos enfants. Sans cela, la température moyenne en France va monter de 4°et l'Espagne sera totalement désertifiée. Que vont devenir les centaines de millions d'êtres humains vivant dans des régions qui deviendront invivables ?

Pour changer les choses, il y a trois vertus qu'il va falloir réactiver : la confiance de l'homme en l'homme, la confiance en l'humanité, la sobriété heureuse qui remplace la consommation quantitative, émettre 2 tonnes de CO2 / personne pour 10 tonnes aujourd'hui, changer radicalement de mode de vie, le sens de la discussion, du partage, de la prière.

Cela nous permettra de différer la fin du monde. Dès maintenant, l'aventure humaine change complètement de sens. Sont terminés les lendemains qui chantent, le progrès indéfini. Nous devons préserver la nature et prendre conscience enfin de notre responsabilité de l'intendance de la terre et assurer un devenir souhaitable.

 

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Temps d’échange :

Vous avez parlé des trois rapports de l'homme avec la nature et de l'homme garant des équilibres de la nature. Le pape François a produit, il y a deux ou trois ans, une encyclique où il reprend ce que disait Saint François d'Assise. Ce n'est pas loin de ce qui est dit dans le Coran, dites-vous. Actuellement, nous nous rendons compte que l'environnement et l'écologie ont été accaparés par des laïcards purs et durs, de véritables ayatollahs de l'environnement. N'y-a-t-il pas quelque chose à faire entre les religions pour se réaccaparer ce qui finalement appartient à la spiritualité, qui ne peut pas être mieux porté que par la religion ?

Oui bien sûr. Nous avons beaucoup apprécié l'encyclique du pape François. La référence à François d'Assise est une voie tout à fait particulière de la reconnaissance de la beauté, de la sacralité de la création mais aussi du dialogue inter religieux. Il y a ce fameux dialogue avec le sultan lors de la croisade en 1218, durant 2-3 jours, dans le respect réciproque.

Notre responsabilité sur terre est importante et le grand danger est que nous avons d'un côté, des gens qui sont dans la cupidité, dans un certain matérialisme pratique, ils veulent exploiter la nature jusqu'au bout, et de l'autre, nous pouvons avoir l'écologie fanatique dans laquelle l'être humain est considéré comme un être nuisible, alors on s'arrête de faire des enfants et on promeut l'extinction du genre humain.

Nous ne sommes pas dans cette perspective-là. Les religions doivent nous aider à avoir une vision positive de la présence de l'être humain dans la nature. Les religieux doivent être les fers de lance de cette conversion à laquelle le pape François nous appelle, pour changer véritablement notre comportement. Chacun d'entre nous doit fournir des efforts, de grands efforts.

 

Avez-vous entendu parler d'un rapport, au Danemark, parlant du réchauffement, mais aussi du refroidissement de la planète ?

Pas précisément mais quand nous parlons du réchauffement climatique, nous sommes face à un phénomène complexe qui met en jeu la terre, l'atmosphère, l'océan, les pôles. Tout cela est en interaction, des zones vont se réchauffer, d'autres vont se refroidir en raison de la circulation des masses d'air, des masses d'eau, etc.

Les prévisions pour la France est un réchauffement significatif, +3 à +4°. A l'observatoire de Lyon où je travaille, la température moyenne depuis 1852 a augmenté de 3,5°. Les arbres plantés au 19ème siècle sont en train de mourir, ils ne sont plus adaptés, nous devrions planter des eucalyptus, voire des palmiers.

Le phénomène est maintenant bien cerné dans des modèles climatiques qui actualisent avec précision les prévisions de température. Combien de gaz carbonique va-t-on encore devoir rejeter dans l'atmosphère avant de prendre conscience qu'il faut arrêter. Selon les quantités rejetées, la situation restera encore contrôlable ou dérivera et dépassera le point de non-retour, celui d'une situation non réversible. Des régions deviendront inhabitables du fait de températures trop élevées, causant d'énormes conflits d'immigration.

La solidarité du genre humain sera alors fondamentale, c'est la raison pour laquelle le pape François a dit que la justice sociale et l'écologie sont intimement liées.

 Je revis la rencontre

 

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel

  www.semaphore.fr

Yoan SVEJCAR

« Ecopsychologie : une société au service de la vie »


Pour parler d'écopsychologie, il ne pas faut rester dans sa tête, alors je vais vous inviter à vous lever et simplement, à vous étirer de la manière dont votre corps a envie... sentir que le corps se délie... prendre une bonne respiration, venir réveiller le corps.

Maintenant nous allons pouvoir parler du vivant. Vous savez que l'eau est à l'origine de la vie, mais ce que nous savons moins, c'est que l'eau n'est pas de l'eau statique, c'est de l'eau en mouvement. Nous pourrions être considérés comme de l'eau plate, alors que nous pouvons tous ensemble devenir de l'eau pétillante.

Commencez à sentir ces petites bulles au niveau des pieds. Les pieds s'agitent un peu et ça monte un peu plus dans le corps, puis dans les jambes et ça repart. Vous sentez que les bulles montent et que l'eau commence à s'agiter. 

Avant de vous rassoir, j'aimerais finir avec une petite méditation pour revenir dans le corps. Fermez les yeux… sentez ce corps... ce corps qui baille... depuis la tête... on descend... les épaules... on sent les bras...on sent le corps... le bassin...les genoux... les jambes... les talons... vous pouvez même sentir toute la surface de vos pieds... dans vos chaussures... vous sentez tout ce poids... ressentir ce poids... on peut sentir que le souffle est le trait d'union entre le monde extérieur et notre monde intérieur... de la même matière, cette perception de poids, on peut la ressentir comme le trait d'union entre son corps et le corps plus vaste de la terre... ce qui nous relie au monde de la terre... ce poids... la gravité... nous sommes des pierres...nous appartenons au monde... ce poids est unique à cette planète que nous ressentons... 

Tous les jours, appréciez cette connexion au monde, à la terre. Dans votre couple, si votre compagnon ou compagne vous dit "Chéri.e je trouve que tu as pris un peu de poids", vous pouvez simplement lui dire "Non je renforce mon lien à la terre". 

Je vous présente ici la planète Terre.

Concernant l'écospychologie, je ne vais pas vous dire ce que c'est. Nous allons le ressentir ensemble et peut-être donnerai-je une définition à la fin.

Ce qu'il faut sentir, c'est que nous parlons beaucoup, beaucoup... mais nous parlons avec des mots et les mots sont des concepts. Il est très difficile de sentir le monde à travers des concepts. Un exemple : il y a une énorme différence entre voir, parler d’une mandarine et gouter une mandarine. Le fait de goûter une mandarine change complètement la perception et l'expérience.

Je vais vous proposer des petites anecdotes, des petites comparaisons pour que nous puissions ressentir dans le corps notre place dans le monde. 

Admettons que le diamètre de la terre fasse 1,80m, alors la lune se tiendrait à une distance de 5,40m, le soleil serait à une distance de 2,10km, et Proxima du Centaure, l'étoile la plus proche de la terre se trouverait à 560km - entre, il y a le vide. 

Dans les mêmes rapports de grandeur, la taille de l'être humain serait 240nanomètres, grosso modo c'est la taille de la plus petite bactérie que nous connaissons. 1nm est égal à 1 milliardième de mètre ou 1 millième de micron.

La zone d'habitabilité de la terre, celle qui nous permet de respirer, serait haute de 5mm. Toute la vie, la nôtre comprise, que nous voyons autour de nous serait dans cette zone, haute de 5mm. 

Pour continuer dans les ordres de grandeur, nous pouvons aller voir l'histoire de la terre. Nous savons que la terre est âgée de 4 à 4,6 milliards d'années. 

En fait quand nous parlons de milliards, nous ne savons pas ce que cela représente, si ce n’est que « c'est beaucoup ». Une manière de le sentir serait de le convertir. 

Si je commençais à compter jusqu'à 1 million de secondes, sans m'arrêter, grosso modo je mettrais 11 jours et si je comptais jusqu'à 1 milliard, je mettrais grosso modo 32 ans. Là, nous pouvons sentir la différence entre 1 million et 1 milliard. Sentir que la terre est âgée de 4 à 4,6 milliards d'années est maintenant possible. 

Maintenant convertissons 4,6 milliards d'années en 24h. Nous nous apercevons que le début de la vie commence à 3h30 du matin. La vie commence à produire de l'oxygène à 10h30 du matin et les premiers organismes multicellulaires apparaissent à 18h30. L'apparition des plantes terrestres se fait à partir de 21h30, celle des mammifères 23h45 et celle des premiers singes à 23h58. Homo sapiens apparait à 23h59mn et 55s. C'est-à-dire que l'histoire d’Homo Sapiens ne dure que depuis 5 secondes.

A l'égard de l'échelle cosmique, nous sommes insignifiants et pourtant, dans notre expérience existentielle, nous sommes tout tant notre vie nous importe.

Il est important de se rappeler de ces chiffres pour se rappeler que derrière nous il y a une histoire énorme et que dans cette histoire nous ne jouons quasiment rien.  

Qu'avons-nous fait en 5 secondes ? Nous avons pu faire que 69% des populations animales sauvages ont disparu en 48 ans environ. En 40 ans, 88% des grands spécimens d'eau douce ont été éliminés. 83% des mammifères sauvages sont morts en 250 ans. Depuis 1900, nous savons que les végétaux disparaissent environ 500 fois plus vite quand il y a action des humains. Nous savons aussi que la calotte de la terre du Groenland est dorénavant considérée comme irrémédiablement perdue. Nous savons aussi que l'eau de pluie est devenue impropre à la consommation partout dans le monde, que la pollution tue 9 millions d'humains par an et que le continent de plastique dans le pacifique nord mesure désormais 3 fois la superficie de la France. Ce ne sont pas des prédictions, c'est déjà là !

D'où la question que nous nous posons en écopsychologie "Sommes devenus des fous ? Avons-nous perdu la tête ?" D'un point de vue psychologique, nos sociétés modernes ont des comportements qui s'apparentent à des comportements de type autistique, couplés à des comportements suicidaires. En psychologie, nous savons que tout comportement suicidaire est pathologique. Quelque chose ne va pas, c'est le signe d’une souffrance grave et profonde. Nous savons aussi que nous ne pouvons pas être en bonne santé si la planète ne l'est pas.

De quoi souffrons-nous alors ? Comment se fait-il, sachant tout cela, que nous ayons des comportements auto destructeurs. Dans nos sociétés modernes, nous souffrons notamment d'un déracinement ontologique au monde vivant et à la terre. Nous sommes déracinés du monde vivant et ceci ne nous touche presque plus, hormis quelques fois où nous ressentons de la colère, de l'impuissance ou de la culpabilité, de la honte.

J'ai bien aimé ce que nous disait Emilie sur les peuples autochtones. J'ai récemment assisté à une conférence d'Aurélien Barrau, un astrophysicien français qui s'engage sur les questions d'écologie, qui nous rapportait qu'un peuple autochtone de Colombie nous voyait comme des enfants "dénombrilés", c'est-à-dire des enfants qui ne sont plus rattachés à la terre mère. Cela explique pourquoi, quand nous sommes "dénombrilés", c'est à dire quand nous coupons les liens, nous sommes capables d'avoir ce genre de puissance sur le vivant. 

En rejetant notre condition terrestre, en oubliant notre appartenance à la toile de la vie, notre interdépendance, nous nous permettons de tuer 1000 à 1500 milliards d'animaux pour la seule consommation humaine. Je suis surpris que si peu d’aliments végétariens soient proposés. Il faut comprendre que nous sommes en train de contraindre le vivant et que nous devons changer nos modes d'être et nos modes de vie. Alors que seulement 20% des humains consomment des animaux. 1000 à 1500 milliards d'animaux, cela veut dire grosso modo 180 fois l'humanité entière. Tous les ans, nous éradiquons l’équivalent de180 fois l'humanité ! C'est ce qu'il faut comprendre dans les chiffres. C'est plus qu'un génocide.  

Un fois que nous avons dit ça, que nous ressentons des émotions douloureuses car nous ne pouvons pas rester indifférent face à ça, la question demeure "Que faire pour se soigner et guérir la terre ?" L'écopsychologie propose des pistes, pas de solutions mais des pistes, des voies possibles. L'une des voies est de sortir de notre mental, cela a été dit à maintes reprises dans la journée, s'ouvrir à la dimension du corps et du cœur. Une des bases que nous transmettons en écopsychologie, c’est que nous avons besoin de nous "rénombriliser" avec la terre mère. 

Pour le faire, c'est très simple. La première des choses c'est Thích Nhất Hạnh qui nous a mis sur la voie "Ce dont nous avons le plus besoin c'est d'écouter en nous les échos de la terre qui pleure". Nous avons la sensation que s'ouvrir à la souffrance va nous amener à plus de souffrance et nous la rejetons. Alors que c’est lorsque nous nous ouvrons à la souffrance que nous trouvons les graines de la résilience, de la régénération qui arrivent. Nous voulons aller vers des sociétés sérieusement écologiques et durables mais cela nécessite d'abord de sentir et de s'ouvrir à notre souffrance. 

L'étymologie du mot "émotion" vient de ex movere, se mettre en mouvement vers l'extérieur. Les émotions sont donc essentielles pour comprendre, pour se mettre en mouvement. Il n'y a pas d'autre chemin que de sentir ses émotions. Généralement, nous n'avons pas appris à le faire contrairement aux peuples autochtones qui ont conservé cette transmission. C'est parce que nous nous ouvrons à la souffrance du monde que nous pouvons agir en son nom. Souffrir avec le vivant, c'est étymologiquement faire preuve de "compassion", c'est-à-dire "souffrir avec". Nous relier à ça est extrêmement pur, extrêmement puissant. C'est ce que nous proposons en écopsychologie. La compassion se développe. Plusieurs voies spirituelles sont fondées sur la compassion.

Agir avec le vivant, c'est répondre à son appel, s'ouvrir à d'autres manières d'être au monde, voir avec un nouveau regard notre place dans le monde en se rappelant que nous ne sommes que cinq secondes dans l'histoire de la terre. Voir avec des yeux neufs, voir différemment. 

Notre cosmologie aussi doit changer. S'autoriser à avoir des relations avec les autres êtres sensibles. Sentir qu'en présence d'un arbre, si je ne suis pas un chaman, je ne communique pas avec celui-ci, ce n'est pas grave. Cela ne va m’empêcher d'aller vers une société écologiquement viable et harmonieuse. Cependant, j'ai besoin de sentir que l'arbre est, tout comme moi, un être vivant dans un respect mutuel et que nous partageons un point commun, l'oxygène. 

Notre corps est une cascade en mouvement perpétuel. Oublier cela, c'est se couper des racines de la vie. 

Et maintenant que j'ai dit tout ça...

Nous savons que, quand nous commençons à décentrer notre regard, que nous prenons de la hauteur, que nous nous ouvrons à la nature, à la vie, à nos émotions, nous nous apercevons que beaucoup de choses changent. Nous disposons de nombreuses études en psychologie qui nous montrent toute une panoplie de conséquences quand nous commençons à nous ouvrir au monde vivant, à la nature. En particulier, quand nous entrons en contact avec la forêt, la pression artérielle est réduite, la respiration est régulée, les états de manque sont réduits comme les temps post opératoires. Cette connexion booste le système immunitaire, diminue la fatigue, améliore la régulation émotionnelle, renforce l'estime de soi, contribue à la dimension spirituelle, augmente le sens de la vie, etc. Cela n'est pas anodin ! Nous sommes des terrestres, l'enfant intérieur revit, je me sens mieux, je suis là, je respire... Cela entraîne des conséquences sur mes comportements et sur la manière dont je perçois le monde.

Comment pouvons-nous faire pour aller vers une société qui favorise le vivant ? 

Dans un esprit d’écopsychologie, une amie a regardé les paradigmes qui composent notre société, qui font que nous sommes dans une situation catastrophique. Elle a fait ressortir cinq paradigmes et s'est dit "Comment pouvons-nous transformer ces paradigmes pour soutenir le vivant ?"  

Elle a identifié que le paradigme destructeur est l'idée d'avoir un temps linéaire et productif. L'invitation est de sentir "Qu'est-ce que cela vous fait dans votre vie ? Est-ce que ce sont des choses qui vous ont porté ou plutôt qui vous ont emmené à du stress ou à d'autres pathologies ?"

Paradigme de réification. C'est l'idée que nous transformons le vivant en objets que nous pouvons utiliser à notre guise. Nous l'avons fait ou le faisons avec les animaux, il en est de même avec la femme, utilisée comme un objet permettant de faire plein de choses.

Les « ressources illimitées et inépuisables » est un paradigme - un paradigme constant dans notre société où nous croyons que la croissance peut être infinie. C'est un paradigme destructeur car ce n'est pas possible.

Le clivage, c'est dire que d'un côté il y a la nature et de l'autre côté la culture. Ce sont deux choses différentes.
En fait, nous nous apercevons que ce ne sont que des mots, que des concepts. Le terme "nature", prend la connotation connue aujourd'hui depuis seulement trois siècles, c'est-à-dire " La nature constitue grosso modo tout ce qui n'est pas humain". Cela ne fait que trois siècles que nous avons cette idée de cliver, les hommes d'un côté, les femmes de l'autre, les pauvres d'un côté, les riches de l'autre, les animaux d'un côté, les humains de l'autre, etc.

Lama Rinpoché aime bien dire "Les concepts divisent et l'expérience rassemble".

Je crois aujourd'hui que nous avons besoin d'aller dans l'expérience pour sentir que nous sommes unis. C'est ce nous voyons en écopsychologie. A partir du moment où nous partageons notre expérience de la douleur du monde, nous nous rassemblons car nous comprenons l'autre dans la douleur - l'autre qui est un autre soi-même. C'est extrêmement puissant.

La dissociation est la séparation. D'un côté la tête et de l'autre, le corps. Alors qu'à chaque instant, le corps capte tous les signaux. Tous les sens corporels sont en éveil et viennent nourrir notre réflexion. 

Les paradigmes régénérateurs sont les opposés des paradigmes destructeurs. Face au temps linéaire et productiviste, le paradigme régénérateur sera le temps cyclique et naturel. Vie, mort, renaissance… Quand nous voyons notre potager, il vit, meurt, renait... tout est cyclique. 

Comment ce temps cyclique s'incarne-t-il dans notre vie ? Je suis un homme et je n'ai pas eu la chance d'avoir des cycles menstruels, je ne vis pas dans le même temps cyclique qu'une femme. La vie d’une femme est ponctuée par des cycles. Nous avons oublié que tout est cyclique.

Pour la réification, la régénération est le prendre soin, la compassion.
Dans les ressources illimitées et inutilisables, c'est la sobriété heureuse, joyeuse.

 

Le clivage, c'est l'interdépendance qui donnera du soin. Et dans la dissociation, nous avons l'unification.

Il s’agit de clés de lecture que vous pouvez utiliser dans votre vie personnelle. Comment vivez-vous ? Êtes-vous dans un cadre contraint ? Que faites-vous pour aller encore plus dans une sorte de paradigme régénérateur. Ce dernier va vous permettre en tant qu'individu mais aussi en tant que société, d'aller vers autre chose.

Pour conclure, je vous propose cette photo hyper parlante. Par nos choix aujourd'hui, nous pouvons répondre à l'appel du vivant qui ne s'exprime nulle part ailleurs que dans nos tripes. Chacun d'entre nous peut le ressentir. Accompagnés par la douceur de notre cœur et la lucidité de notre raison, nous pouvons prendre part au changement de cap pour faire émerger des sociétés au service des lois de la nature.

Temps d’échange :

 

Une heure de vos émoluments, c'est combien de baguettes de pain ?

Je pense que l'agriculteur est plus utile à l'humanité, trois fois par jour, que vous pouvez l'être. Je voudrais savoir combien vous gagnez.

J'entends de la colère et pour être honnête, je ne sais pas quoi faire, je me sens un peu déstabilisé. Je viens avec un message et il est intéressant de voir que ça me touche, cela me met même en difficulté devant vous. J'ai choisi de vivre de manière sobre, j'ai moins de 10 000€ sur mon compte en banque. Je travaille en participation libre, je ne donne pas de tarif et les gens qui viennent me voir me donnent ce qu'ils veulent, en fonction de ce qu'ils ressentent et avec leurs moyens. Et c'est le cas aussi ici. Il m'est arrivé de recevoir quelques euros et c'était super. Il m'est arrivé de recevoir 3000 euros et c'était super. C'est une manière de voir les choses différemment. Je ne dis pas que tout le monde doit faire ainsi, ma manière de vivre n'est pas la même que celles des autres. Je ne dis pas que j'ai raison, je dis simplement quel choix de société nous voulons, ma femme et moi.

La question de choisir ce que nous voulons faire pour le monde peut-elle être posée ? Quelle société    voulons-nous réellement ? C'est la vraie question. 

 

Nous avons été agriculteurs. A un moment donné, on nous a demandé de produire mais nous sommes arrivés à des excès complètement débiles. Je veux dire qu'aujourd'hui la grande majorité des agriculteurs se sont beaucoup améliorés, nous avons des contraintes drastiques. L'agriculteur est montré du doigt, la présentation de la situation est très dévalorisante, très accusatrice à notre égard. Je pense que beaucoup d'agriculteurs travaillent dans le bon sens, mais du jour au lendemain, tout ne peut pas être transformé. C'est une question de civilisation car il faut continuer à donner à manger aux gens.

Dans votre propos, c'est intéressant de considérer que nous avons peut-être fait fausse route et de nous rendre compte que nous avons une responsabilité sur le choix de modèle de société que nous avons fait. Déjà de s'en rendre compte, c'est finalement se donner la possibilité de guérir et de faire autrement. L'idée n'est pas ici de pointer du doigt des personnes ou des métiers. Notre approche est systémique, transdisciplinaire, c'est-à-dire holistique. Si nous touchons à un endroit, tout est impacté de manière directe ou indirecte. C'est en fait très complexe car "tissé ensemble" comme le dit Edgar Morin. Et cela est très positif, car nous pouvons changer radicalement les choses, radical signifiant "aller à la racine". Il faut déraciner, c'est à dire aller au cœur des choses, c'est ce qui nous motive dans l'écopsychologie. 

 

J'ai beaucoup aimé votre tableau des paradigmes destructeurs et régénérateurs. De toutes façons nous devons travailler avec les agriculteurs, nous sommes interdépendants et nous devons prendre soin de tout le monde avec tout le monde.

Juste une réflexion à propos de l'élevage bovin que je connais bien. Il ne faut pas s'inquiéter du fait qu'il y a en aura moins chez nous, il faudra trouver le bon équilibre et se rappeler que la meilleure filtration de l'eau est la prairie.

Je voudrais ajouter qu'il ne s'agit pas de monter des gens contre d'autres gens. Je me suis moi-même formée à l'écopsychologie. Il ne s'agit pas de diviser mais de relier. Je pourrais faire l'analogie avec un ado qui fait plein de reproches à ses parents parce qu'il a souffert de ci, de ça. Sa souffrance est tout à fait légitime et ne peut être remise en question. Pour autant, les parents n'ont pas fait que des erreurs, ils ont été pris dans un système. Il faut juste le reconnaître et avancer ensemble, cheminer ensemble, réparer ensemble et se relier.

Je revis la rencontre

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel

  www.semaphore.fr

Table ronde animée par Philippe (Yâ Sîn) Demaison  

Réunissant Emilie Barrucand, Bruno Guiderdoni et Yoan Svejcar

 

Philippe DEMAISON : Nous allons faire une transition mais avant, il faut bien reconnaître que la sagesse nous invite à ouvrir les yeux sur le réel, là où nous en sommes véritablement. Nous ne pouvons pas nous masquer les choses dans la situation où nous nous trouvons. Guérir commence par prendre conscience de là où nous en sommes. Cela ne sert à rien de le masquer. Le constat est violent. Ce qui se passe pour le minéral, pour le végétal, pour l'animal, est violent et nous devons essayer de trouver en nous la force de l'accueillir et de le transformer en retissant ce lien qui nous réunit à la terre, à l'ensemble du vivant.

Il y a une espérance que nous portons "Si Dieu croit en nous, s'il a confiance en nous, c'est que nous le méritons". Nous sommes à la hauteur de la situation et c'est une bonne nouvelle.

 

Pour revenir à cette table ronde, "L'appel du vivant", j'ai pensé qu'il était intéressant de demander à nos invités quel a été chez eux, dans leur vie, dans leur expérience, ce moment particulier où ils ont entendu cet appel du vivant et qu'est-ce qui l'a provoqué ?

 

Emilie BARRUCAND : Enfant, j'étais fascinée par les peuples autochtones, leur lien à la nature, et plus particulièrement par ceux d'Amazonie. Des films, des photos m'ont très jeune connectée à ces peuples. Mon rêve était d'agir pour leur défense et pour la protection des forêts. Un jour, étudiante, j'ai mené un projet de terrain pour me rendre en Amazonie, je voulais voir les Kayapo. Certains me disaient "Tu ne tiendras pas trois semaines et tu reviendras, les Kayapo sont un peuple guerrier." En fait, j'y passe trois à six mois par an et j'adore y être. Mon souhait était d'agir pour eux. Je n'ai pas écouté toutes ces voix, j'ai écouté mon cœur et ma détermination. J'ai monté ce projet et dix jours avant mon départ pour le Brésil, le chef Raoni est venu en Europe pour donner des conférences afin de sensibiliser les Européens à la protection de l'Amazonie. J'ai fait sa rencontre, il m'a emmenée dans son village et cela fait 22 ans que je vis auprès d'eux.

 

Yoan SVEJCA : J'ai d'abord fait des études en physique fondamentale, une licence que je n'ai pas validée car juste avant, j'avais cours avec Aurélien Barrau qui m'a montré que la physique n'était pas faite pour moi. Au fond, j'ai toujours eu envie de comprendre l'univers. Sans la physique, comment vais-je pouvoir comprendre l'univers ? Grosse déception ! J'aimais bien aussi la psychologie, j’ai donc décidé d’aller vers quelque chose de plus facile, comprendre l'être humain. Je me suis alors rendu compte que ce n'était pas facile du tout ! J'ai tout de même continué jusqu'au master.

A ce moment-là, j'ai commencé à me rendre compte de la situation. J'ai commencé à lire des livres, à me documenter, à militer, à entreprendre des actions en faveur de la justice sociale et écologique. J'ai sombré dans une sorte de boulimie informationnelle pour comprendre ce qui se passait. A aucun moment de mes études et de ma vie, on ne m'avait parlé de ça. Comment se fait-il que j’aie un master de psycho et que je ne comprenne rien à l'état actuel du monde ? En avançant dans cette voie, j'ai reçu une grosse claque en comprenant la catastrophe dans laquelle nous sommes. Cela m'a fait peur, j'étais en colère et je ne savais pas quoi faire. Je me sentais complètement impuissant !

Que puis-je fait pour l'état du monde ? Je suis trop petit, je ne suis rien. Avec ma compagne, nous avons décidé d’entreprendre un tour du monde pour voir des éco lieux et comprendre les gens qui choisissent de changer radicalement leur mode de vie. Nous sommes partis avec cette idée de faire un documentaire "La voie des écolieux". Nous sommes partis neuf mois sans argent, en stop, juste avec un sac à dos pour expérimenter des manières d'être au monde. Cela nous a amenés à l'écopsychologie. Nous avons compris que d'autres manières d'être au monde sont possibles et que notre vision était très restreinte. De ce voyage je suis revenu transformé. Mon engagement, quel que soit le résultat, a été clair. Qu'est-ce que je peux faire là, tout de suite ? Donner ce que je suis, le transmettre et travailler à vivre différemment, donc m'ouvrir à la spiritualité et notamment au bouddhisme.

 

Bruno GUIDERDONI : L'appel du vivant m'est apparu dans ma petite enfance. Je suis né à Paris mais j'ai passé mes six premières années à la campagne en Normandie, plus précisément dans le Perche. Souvenirs de promenades, de la contemplation du ciel étoilé où est née mon appétence pour l'astronomie. Je constate que plusieurs dizaines d'années après, cet endroit a changé. Ce qui me frappe beaucoup, c'est l'inaccessibilité du ciel étoilé à cause des aérosols, de la pollution lumineuse. Il est maintenant très difficile de voir la voie lactée. De plus, nous avons maintenant des satellites artificiels, les trains de satellites Starlink que j'ai vus la première fois dans le ciel de Lyon. Il y en aura peut-être 100 000 à terme si nous laissons Elon Musk et ses collègues libres de leurs mouvements. Pourrons-nous continuer à faire de l'astronomie ? Un changement que je ne souhaite pas.

Un autre changement que j'ai vu, c'est la disparition des insectes. Gamin, je voyais toutes sortes de coléoptères et de papillons dans le jardin de mes parents. Il y avait des salamandres, des crapauds, des hérissons, des serpents, tout cela a disparu. Nous voyons sur le pas de notre porte des changements qui se produisent dans la biodiversité. Nous pourrions aussi parler des changements de température éprouvés durant ces derniers étés. Quand nous constatons de tels changements autour nous, nous nous posons la question "Mais que faire ?" Notre pouvoir d'action est limité, mais chacun peut agir pour soi en changeant ses comportements.

Les scientifiques sont sensibles aux faits. Ils anticipent les évènements qui vont se produire dans les années à venir, certains ayant déjà commencé. Mais la société offre une grande inertie. C'est difficile d'accepter un tel changement sur la nature, sur les ressources.

Depuis la Renaissance se déroule une course sans fin vers le progrès en pensant que la technologie allait apporter à tous le bonheur. Elle a sans doute apporté du bien-être mais sûrement pas le bonheur. Maintenant, nous savons que la technologie, telle que nous la pensons aujourd'hui, ne pourra pas apporter le bien-être aux 8 milliards d'humains. Il va falloir penser les choses autrement, redéfinir le bien-être, redéfinir le bonheur. C'est un grand enjeu qui, évidemment, a une dimension spirituelle profonde. C'est l'appel du vivant qui, pour nous, porte le nom de Dieu, c'est l'appel de la vie spirituelle qui nous anime toutes et tous, qui donne du sens à notre vie et qui fait que, comme le dit la tradition prophétique "Nous devons travailler pour l'autre vie à venir comme si nous devions mourir demain et nous devons travailler pour cette vie-ici comme si nous devions vivre mille ans".

 

Philippe DEMAISON : Emilie, j'aimerais que tu demandes à ces êtres merveilleux que tu as rencontrés "Que pensez-vous de l'intelligence artificielle ?" Et je voudrais revenir sur cette relation à l'ancien, au sens des hommes et des femmes. Toi qui es allée jeune les rencontrer, qu'est-ce qui t'a le plus profondément marquée ?

Emilie BARRUCAND : Je pense en particulier à mes rencontres avec le chef Raoni et avec Agostine, Ces anciens qui ont la connaissance sont de grands sages. J’éprouve du plaisir à être aux côtés de ces personnes qui comprennent. Être là, se mettre en position d'enfant, ouvert à leur parole.

Ma première rencontre avec les Kayapo. J'étais dans un petit avion mono moteur, avec le chef Raoni. Je vous rappelle que la terre des Kayapo fait trois fois la Suisse. Nous survolions la déforestation, les immenses champs de soja et tout d'un coup, la jungle à perte de vue. J'avais l'impression d'être dans un film, survoler l'Amazone puis me rapprocher de leur village, grand comme un trou dans un green de golf. L'avion a atterri. Les visages peints. Les enfants, les adultes pour nous accueillir, c'était fabuleux. Le cortège nous a suivis jusqu'à la grande hutte de Raoni. Je ne parlais pas leur langue, je me laissais guider, en toute confiance. J'ai rencontré la sœur de Raoni, une vieille dame toute bossue, avec des peintures impressionnantes. Elle m'a touché les cheveux.

Un peu plus tard Raoni est parti, me laissant à sa fille Kokona. « Elle va t'apprendre notre culture » mais elle a disparu. Restant seule, je demandais à ceux qui partaient dans la jungle si je pouvais les accompagner. « Oui mais il y a des jaguars ». Ce sont les enfants qui restaient auprès de moi, puis sont venues les femmes. J'en ai aidé une qui transportait des fruits, elle est devenue ma première copine, Lekoki. Elle m'a ensuite invitée chez elle, les femmes m'ont accueillie, se sont ouvertes à moi, puis ce furent les hommes. La rencontre avec ce peuple s'est faite progressivement. Puis ce fut la forêt et le vivant. Grandiose !

Ils ont le minimum au niveau matériel, mais ils ont l'essentiel, ils sont heureux ! La nature est magnifique. Si nous voulons trouver le bonheur, dépêchons-nous de faire le chemin vers la nature et détachons-nous des technologies qui nous en éloignent.

 

Philippe DEMAISON : Merci de nous avoir amené à la simplicité de ces peuples. Simplicité ne veut pas dire absence de profondeur. Leur humanité est si riche qu'à leur contact nous embellissons.

 

Emilie BARRUCAND : Au niveau de l'organisation sociale, politique, spirituelle, ils sont d'une grande complexité. Idem au niveau du savoir. Les tout-petits vont dans la forêt et apprennent auprès des anciens le comportement des animaux, les plantes médicinales, ce sont de vrais savants. Concernant le matériel, ils n'ont pas besoin d'avoir tout ce que nous avons. Même ceux qui vont en ville, ils ont de l'argent mais n'ont aucune envie de "notre matériel". Par contre leurs immenses connaissances immatérielles sont d'une fabuleuse richesse.

 

Philippe DEMAISON : Cela nous donne envie de découvrir ces peuples et leur simplicité de vie. Yoan, toi aussi tu nous as mis l'eau à la bouche en nous parlant des écosites. Que pourrais-tu nous dire de tes rencontres ? Tu dis que cela t'a beaucoup changé. Y-aurait-il un dénominateur commun malgré la diversité des gens que tu as rencontrés ? Aurais-tu ressenti un fil conducteur de toutes ces personnes ou sont-ils vraiment tous radicalement différents ? Quelle est l'expérience qui t'a marqué ?

 

Yoan SVEJCA : Avant de partir avec Fanny, ma compagne, nous nous étions projetés dans des écolieux pour récupérer sur une feuille les meilleures alternatives et les répertorier. De retour en France, nous irions à l’Élysée en leur disant "Voilà, vous avez-là toutes les alternatives. Vous faites ça et c'est gagné !" Je caricature un peu mais j'avais une vision un peu naïve.

Nous pourrions avoir la meilleure alternative qui révolutionnerait notre vie mais si nous n'arrivons pas, vous et moi, à être en contact, l'alternative ne sert strictement à rien. Si nous n'arrivons pas à communiquer, à voir le monde différemment, l'alternative n'a aucun avenir. Finalement ce que nous mettons en place à l'extérieur en pensant que c'est bien, n'a aucun intérêt, car le chemin ne se fait pas à l'extérieur mais à l'intérieur.

J'ai l'impression de faire de la redite. Nous voyons tous qu'il faut changer, mais l'essentiel est de savoir si nous sommes prêts à changer. Sommes-nous capables de changer car pour se changer il faut aller s'ouvrir, se donner cette possibilité et c'est ce que nous faisons dans les écolieux. L'intérieur et l'extérieur ne sont pas deux choses distinctes, il n'y a pas de frontière, cela forme un continuum.

Notre situation catastrophique provient des agissements de l'être humain et, c'est donc en nous qu'il faut chercher pour changer.

 

Philippe DEMAISON : Bruno, tu nous as parlé du cosmos. Nous sommes partis très loin, dans une dimension incroyable du cosmos, je souhaiterais t'inviter à revenir sur la terre et nous dire quelle serait pour toi la chose la plus essentielle, la plus capitale. Imaginons que tu doives partir et laisser un message court, essentiel, quel serait-il ?

 

Bruno GUIDERDONI : Je me suis dit qu'un jour je partirai pour un voyage sans retour. Qu'est-ce que je laisserai ? Je repense à mes parents et me demande ce qu'ils m'ont laissé. Mon père m'a laissé le goût de la connaissance et ma mère, le sens de l'amour inconditionnel, celui qu'une mère peut avoir pour ses enfants. Ce sont évidemment deux messages extraordinaires car nous avons besoin de connaître la réalité. La sagesse est la connaissance de la réalité et pour agir, agir avec amour, nous nous basons sur cette connaissance. Ces deux messages ont guidé ma vie.

Nous avons beaucoup d'informations avec internet, les publications scientifiques, le nombre de livres mais nous n'avons jamais eu aussi peu de connaissances finalement car dans toutes ces informations nous ne savons pas où est le vrai, où est le faux. En fait les algorithmes de Facebook, de YouTube, concourent à cette confusion parce qu'ils sélectionnent systématiquement ce qui nous plaît et avons tendance à regarder. Un point de vue contradictoire pour nous élargir l'esprit ne nous est jamais donné. Finalement, l'humanité n'a jamais eu autant l'occasion de se connaître et de s'engager dans une fraternité. Pourtant nous constatons un repli sur soi et de l'incompréhension réciproque. J’espère que je laisserai ce message à mes fils au moment de partir.

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Temps d’échange :

A votre avis, l'augmentation de la population mondiale posera-t-elle un problème par rapport à la nécessité de transformation liée à l'appel du vivant ? J'observe que dans les exemples donnés, nous sommes sur des petites communautés. Je suppose que dans des régions surpeuplées comme l'Inde, il est plus compliqué d'aller se promener en forêt.

 

Bruno GUIDERDONI : Les projections de l'ONU laissent penser que nous pourrions atteindre une dizaine de milliards d'habitants dans le courant du XXIème siècle. Le problème n'est pas tant le nombre de personnes qui vivent sur terre que les aspirations qu'elles ont à la consommation. Un Indien consomme, en équivalent CO2, 150 fois moins qu'un Qatari. Si nous consommons tous comme un Indien, tout va bien. Si nous consommons comme un Qatari ou un Américain, cela ne va plus.

Que peut-il se passer dans le futur si nous n'entendons pas l'appel du vivant ? Nous irons vers des catastrophes de plus en plus grandes. Un espoir fallacieux se profile à l'horizon, nous l'appelons la singularité technologique, c'est à dire que les techno-solutionnistes disent que la technologie résoudra les problèmes causés par la technologie. Mais force est de constater que l'accroissement de la technologie a créé des problèmes qui sont de plus en plus difficiles à résoudre. Il y a de gros problèmes et nous attendons de grosses solutions. L'Intelligence Artificielle se présente comme une solution qui résoudra les problèmes que notre bêtise naturelle n'a pas résolu. Permettez-moi d'en douter car l'IA ne fait que reproduire ce que nous lui enseignons. Idem pour les robots révolutionnaires proposés par Elon Musk. Où est le génie, s'il n'y a pas de singularité technologique. J'appelle « décrochage » ce que l'on nous prépare. La locomotive décroche les wagons. C'est-à-dire que les pays riches décrochent par rapport aux pays pauvres et les gens riches par rapport aux gens pauvres. Pour continuer à consommer massivement, il ne faut pas être 10 milliards mais 1 milliard. Nous allons donc tout faire pour que la population diminue dans un facteur 10. Pour cela, il suffit de mettre des barrières entre le nord et le sud. C'est ce qui se prépare. Donald Trump est un exemple en disant "Je veux acheter le Groenland". Ne resteront que les hommes utiles à l'entretien des ultra riches, les autres seront les victimes du réchauffement climatique. Ce sera la fin de l'humanité au sens où l'humanité est une fraternité spirituelle. Face à un défi considérable, l'humanité gardera-t-elle son âme ? Garder son âme veut dire respecter la nature, respecter le vivant, partager les ressources, se contenter du peu pour que toutes et tous puissent poursuivre l’aventure de l'humanité. Dans le cas contraire, les survivants au Groenland auront conservé leur vie mais ils auront perdu leur âme.

 

En contre point, quelles tendances positives, quels espoirs nous donnez-vous ?

 

Emilie BARRUCAND : Agissons, faisons tous le mieux que nous pouvons en restant positif et avec amour. C'est comme ça que nous pourrons changer les choses. Je ne dis pas que ce que Bruno a présenté ne peut pas arriver, mais il faut que nous restions dans le positif pour garder notre pouvoir d'action. Si j'étais restée focalisée sur la politique de Bolsonaro, sur la déforestation, j'aurais été désespérée et je n'aurais plus rien fait. La situation n'est pas facile, la déforestation qui augmente dans le monde, le changement climatique, etc. Il faut cultiver en soi l'optimisme, l'action, l'engagement, faire tout notre possible, ce que tout le monde peut faire. Il ne s'agit de monter des projets de grande ampleur, mais nous pouvons semer des graines. Faisons notre part et aidons les autres à faire la leur. Profitons d'être ensemble, profitons de la nature, soyons dans le partage et l’énergie positive.

 

Yoan SVEJCA : Je pense sincèrement que la question de l'optimisme ou du pessimisme n'a plus de sens à l'heure actuelle. En fait nous risquons de rester bloqués car l'optimisme fait appel à une projection dans l'avenir qui va nous apporter du bien. Ce qui ne nous met pas en mouvement car nous espérons que... Le pessimisme est pareil, je ne peux plus agir, donc je n'ai rien à faire.

 

Emilie BARRUCAND : Pour garder cette énergie positive, pour agir il faut être heureux au quotidien. Étaler le négatif ne fait que couper l'action, le moral et l'optimisme, ce n'est pas la méthode Coué.

 

Yoan SVEJCA : Quand j'assume mes douleurs et mes souffrances, la vision que j'aie de la réalité me donne paradoxalement une énorme puissance d'agir. Je pense que nous avons tendance à vouloir chasser le négatif pour aller vers du positif. En fait nous avons peur de souffrir. Nous ne nous rendons pas compte de la puissance de se reconnecter à ce qui est là en fait. Ce qui est là fait écho à la souffrance mais aussi à beaucoup de joie.

Au Chili, une dame me disait qu'elle ne s'occupait pas des conséquences de ce qu'elle faisait. Elle se préoccupait de se reconnecter à la terre, de ressentir le vivant et à partir de ce moment, elle n'avait plus qu'à agir, ici et maintenant. J'en ai retenu, "Être en contact avec la terre et arrêter de trop penser."

 

Philippe DEMAISON :  Je voudrais apporter un contre-point. Être en contact avec la terre, comme tu l'as dit, est fondamental. Le contact avec le ciel et la question de la force. La situation est terrible et elle peut nous embarquer avec elle. L'effondrement extérieur peut susciter un effondrement intérieur. Je pense que pour beaucoup gens aujourd'hui, c'est ce qui va se produire. Dans cette situation, il devient difficile de se reconnecter à la terre. Pouvons-nous, au-delà du bavardage mental dont tu parles, nous reconnecter avec le ciel pour avoir la force de garder cette capacité d'action et de volonté afin de pouvoir porter la parole, le message, ce que chacun de nous peut faire à son niveau. Cette force-là, il faut que nous la préservions. "Habitez la forteresse de l'amour". Forteresse et amour, deux mots apparemment contradictoires. C'est à dire "Protégez-vous aussi de tout ce qui se passe par l'amour de façon à ce que vous puissiez être des porteurs de lumière, de sagesse, en tout cas de bienveillance et d'actions positives. Je pense que se connecter à la terre, se connecter aussi avec le ciel intérieur, c'est là que nous pouvons nous régénérer. Cela devient dur aussi pour nous, de nous régénérer à l'extérieur quand nous voyons tout ce qui se passe. Trouvons en nous cette présence qui va nous permettre de garder la force pour aller jusqu'au bout de cette aventure, de ce que nous voyons.

 

Emilie BARRUCAND : Je voudrais rebondir sur ce que tu viens de dire. Les peuples autochtones sont harcelés, on essaie de leur voler leurs terres. Beaucoup disent que ces peuples vont disparaître. Pourtant ils ne disent pas que c'est fini. "Nous étions là quand les Européens sont arrivés et nous sommes toujours là." Ils sont résistants, ils se battent et une fois qu'ils sont dans leur vie quotidienne, ils sont dans l'instant présent, reliés à la terre, dans le partage avec leur famille. Ils célèbrent la vie et je pense que nous pouvons prendre exemple sur eux.

Je revis la table ronde

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel

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