L’éloge de la fausse note
Pianiste nomade, compositeur, auteur, conférencier.
Nous commençons par le silence…
J'habitais à Villiers-sur-Morin dans la Brie et je n'avais qu'une hâte, aller dans le Sud-Ouest. J'y ai vécu pendant 25 ans, contraint d'une certaine façon par le Conservatoire de Paris, Radio France, le ministère des Affaires Étrangères pour mes tournées. Je n'avais qu'une hâte, c'était descendre vers le sud. Maintenant j'habite à La Touche, petit village de Charente. Pour un pianiste, La Touche est une destination prédestinée !
"L'éloge de la fausse note", ce titre est lié à mon parcours de vie. Ma naissance était une fausse note. Je n'aurais pas dû naitre, je n'étais pas le bienvenu, fruit d'une union illégitime. On a même tenté de me tuer deux fois, enfin ce n'était pas simple. Alors il a fallu sortir de tout ça, grandir. Toutes les fausses notes nous entraînent vers une sorte de culpabilité qui nous écrase et nous emporte, ou alors nous pouvons utiliser cette culpabilité comme un véritable levier d'Archimède pour se transformer. Je crois que cela a été mon cas. En fait, je remercie toutes ces fausses notes qui m'ont permis de voir clair. Ce n'est pas simple mais on avance.
Cette fausse note est juste indispensable, elle est ce que nous sommes un peu tous. A l'école, nos insuffisances ont été bien pénalisées. Rappelons-nous cette mention sur nos bulletins scolaires "Peut mieux faire !" Elle s'associe souvent à de mauvaises notes, à des appréciations parfois traumatisantes. Ces insuffisances sont pénalisées et donc fatalement perçues comme coupables. "Je suis insuffisant d'être ce que je suis, je ne suis pas assez bien."
C'est le drame de beaucoup d'entre nous ici. Cette insuffisance est vécue à l'école pendant 10, 15 ans "Peut mieux faire ! Doit faire des efforts ! Pas assez bien !" Et ça continue au boulot, à la maison, au lit, à la cuisine. Dans la salle de bain, le matin, avant la douche, je me regarde "Peut mieux faire ! Peut mieux faire !" Et en vieillissant l'affaire de s'arrange pas.
Tout ça est fou, car en fait, de quoi devrions-nous être coupable ? Je suis désolé de vous le dire "Vous êtes insuffisants". Nous sommes tous maladroit et défaillant, c'est notre nature humaine. Si quelqu'un vous traite d'insuffisant, alors avec un grand sourire, remerciez-le de vous rappeler à quel point vous êtes un être humain. Face à la situation anxiogène du monde, posez un acte de résistance, celui de revendiquer votre insuffisance.
Si vous avez honte de ce que vous êtes, allez-vous prendre des comprimés pour être à la hauteur, compétitif, performant ? Ces mots sont en train de nous tuer. Ils nous tuent, mais tuent également notre planète, vous le savez.
Qu'est-ce qui est le plus important ? C'est ta vie ! On s'imagine qu’une vie qui durerait par exemple 100 ans, c'est long. Mais en fait c'est très court, nous sommes déjà mort notre existence dure trois secondes. Notre vie est un claquement de doigts, un battement de cils. Durant ce battement de cils, on veut être à la hauteur, compétitif et performant. On se piétine les uns les autres. C'est quoi, c'est qui l'autre, cet empêcheur de tourner en rond ? L'autre qui nous désenferme, nous agrandit, nous ouvre, nous bouscule. Cet autre, sa vie, elle dure aussi trois secondes. Et dans l'histoire de l'univers, ta vie, c'est une fois. Une fois toi. Une fois ton histoire. Que fais-tu de ces trois secondes ?
Silence...
Comment ne pas s'émerveiller de la fugacité de chaque être que l'on rencontre ? Une fois toi. Comment ne pas être bouleversé devant la rareté d'une personne ? Parce que c'est une fois. Comment puis-je me permettre de la réduire, de la rabaisser, de la déconsidérer... parce que je la trouve insuffisante ? Parce que je n'ai pas compris que c'est sa nature. C'est grâce à cette insuffisance que je te désire, c'est grâce à cette insuffisance que je suis incomplet et que j'ai besoin de toi. C'est grâce à cette insuffisance que le moteur de l'amour s'exprime. Sans ça, il n'y a plus rien. C'est fini.
C'est ce que nous sommes en train de vivre aujourd'hui. Nous sommes là dans ce carrefour étonnant qui nous demande de retourner dans notre intériorité, dans l'immense que nous sommes.
Cet immense nous invite à l'amour. Mais cela nous fait tellement peur car nous avons fait de l'amour un outil de privation. On nous a dit que l'amour était compliqué, une chose difficile et rare. Mais pas du tout ! L'amour est un état d'être, une présence, une conscience. Toi c'est toi, toi, toi... Vous ici, vous êtes à peu près 150. Eh bien je vais être 150 fois amoureux. Quelle abondance ! Si tu n'as pas cette conscience-là, si tu penses que l'amour est un jeu d'emprise sur l'autre que j'enferme avec mes petits besoins, mes petites peurs, mes petits calculs, avec tout un jeu de surveillance, tu t’égards !
Ta vie dure trois secondes ! Qu'est-ce que tu en fais ? Moi-même je me pose cette question. Je ne dis pas que je fais mieux, mais je me pose cette même question.
Je ne sais pas si nous sommes éternels ou pas. Dans mon intuition profonde intérieure, je me dis que nous sommes aussi vieux que l'univers et que si nous naissons dans la vie, nous mourrons dans la vie. Je ne sais ce qui va se passer après, je n'en ai aucune idée, mais ce que je sais, c'est que « ça » n'est qu'une fois.
Ma chance, c'est de ne pas avoir été voulu, désiré, de ne pas avoir eu de chambre, ni de maison, de ne pas avoir eu à manger dans le frigo. Je me suis alors dit "Le monde sera ma maison". La chance a aussi été que j'ai eu un beau-père et une belle-mère qui s'entretuaient, pourtant ils étaient aisés, médecin, architecte, instruits. Je les ai vus se jalouser, se mentir, je les ai vus vieillir, tomber malade et mourir. Quelle vie ils ont eu ! Quelle tristesse !
A vingt ans, j'ai fait l’acquisition de mon piano acheté d'occasion à la Centrale des Particuliers. Dès que j'ai vu ce beau piano brillant, je me suis dit "Je vais partir avec lui à travers le monde". Ma famille a été surprise "Mais Marc, on ne part pas voyager avec un piano !" Avec mon prix de composition, ma mère rêvait de me voir jouer à la salle Pleyel, alors que je voulais jouer en Afrique. Ma mère rajoutait "Tu veux jouer dans des gourbis, dans des villages, tu veux jouer pour des Arabes. Mais tu vas te faire égorger !"
Quand je revenais de mes aventures extraordinaires, que d’étonnements ! Imaginez un piano à queue à travers le monde. J'intéressais les médias, Michel Denisot sur Canal +. Quand je montrais des images du piano dans le désert, on me disait "Vous jouez dans le désert ? Vous en aviez marre de jouer dans des salles vides !" Vous voyez la fausse note ? Comment peut-on vous réduire, vous ridiculisez, tout ça parce que c'est différent, ça ne rentre pas dans les clous. Ne rentrez jamais dans les clous, on se fait toujours crucifier. Il faut faire son histoire. Faites celle qui est dans votre cœur, bousculez les tièdes, les endormis.
C'est quoi la vie ? Si tu passes ta vie à avoir peur, pourquoi es-tu venu ? Quel est le risque à vivre ? Mourir ? C'est prévu ! Alors, qu'est-ce que tu attends ? C'est une vraie question. On se rend compte que l'on doit briser les chaînes, les liens de loyauté inconscients avec nos ancêtres, ceux qui ont renoncé. On doit aussi briser les peurs de nos ancêtres qui ont osé la vie et qui ont été mal traités, torturés, mis au bûcher. Cela nous demande du courage, peut-être insensé mais tellement essentiel de vivre cette histoire qui nous a été donnée et d'inviter chacun à cet envol. Autrement, nous restons dans cette soumission, dans cette peur éternelle, dans la justification de notre impuissance. "Je ne peux pas parce que...le travail, les enfants, le temps... ou c'est trop tard." Justifier nos démissions. Que gagne-t-on à faire ça ? C'est encore une vraie question. Descend dans ton intériorité. Que veux-tu vraiment ?
C'est cet alignement vibratoire, harmonique que tous les musiciens, tous les compositeurs du monde nous ont invités à incarner. Nous voyons bien que la musique est un instrument extrêmement puissant d’alignement. Il nous donne les réponses à la musique de la vie. Voilà à quoi sert la musique. La musique n'est pas juste un divertissement, elle est là pour nous accompagner et nous guider quand nous sommes perdus. Il faut bien comprendre que le synonyme du mot « vie » est le mot « fausse note ».
Je vois bien qu'ici, nous avons tous déjà bien vécu et nous nous demandons "Qu'est-ce que la vie ?" La vie nous envoie des fausses notes, une maladie, une mauvaise chute, une séparation. En ce moment, il y a des personnes qui sont dans ce cas-là, le ventre noué, qui ne montrent pas qu'elles souffrent, mais à l'intérieur tout est dévasté.
Lorsque les fausses notes de la vie arrivent, on se demande "Pourquoi ? Pourquoi la vie nous fait ça ?" Il y a même des gens qui disent "Y a-t-il un Dieu pour permettre tout ça ?" Mais Dieu n'a rien à voir avec ces histoires-là. C'est le rôle de la vie de nous envoyer toutes ces fausses notes. Elles sont là pour abraser le diamant que nous sommes. Elles sont là pour nous agrandir, tout comme une partition de musique. Vous écoutez du Bach, du Beethoven, du Mozart, vous vous rendez compte que ces compositeurs utilisent la dissonance. Cette dissonance va agrandir la partition et dans la musique de notre vie, les fausses notes nous agrandissent. Un accident, sur le moment, nous apparaît terrible, mais avec le temps il peut nous avoir ouvert les yeux et nous avoir amené à changer de vie. Tant de témoignages nous disent à quel point il y a de la préciosité dans la fausse note.
Nous voyons bien que notre société d'aujourd'hui nous a fait croire qu'il fallait éradiquer les fausses notes. Il est là le sophisme sociétal dans lequel nous sommes. Prenons les conservatoires de musique où je fais régulièrement des conférences. Quand un élève se trompe, je dis alors au professeur "Si votre élève se trompe en jouant du Chopin ou du Bach, ce n'est pas grave. Ne le réprimandez pas, mais demandez-lui quand il fait une fausse note, de l'intégrer dans l'esprit de l’œuvre." C'est plus intéressant, cela demande du génie de faire ça. Quand Mozart, Liszt, Chopin se trompaient en public, d'abord ils ne le montraient pas, ils faisaient une petite ornementation, une appogiature et le tour était joué. C'est ça le génie !
On sait bien que beaucoup d'inventions sont nées d'erreur de manipulation, de fausses notes.
Je vous propose un petit exercice. Demain matin devant votre miroir, vous vous admirerez. Peut-être que quelqu'un dira "C'est narcissique" et je lui répondrai "Absolument, c'est narcissique". Voyez les histoires, les mythes. Pour moi, ils ont été racontés d'une manière extrêmement perverse. Narcisse n'a pas tort de s'aimer après tout, mais il n'a pas compris que pour donner du sens il faut donner.
Mais toi, là devant moi, pourquoi t'es-tu incarné ? Pourquoi es-tu là sur terre ? N’est-ce pas pour te donner au monde. Pourquoi les gens souffrent-ils ? Parce qu'ils ne se donnent pas, alors ils se sentent inutiles. Les inutiles, les inessentiels, ceux qui ne sont rien ont l'impression de ne pas compter. On s'étonne qu'il y ait de la colère, de la souffrance. Sommes-nous là pour souffrir ou pour s'offrir ? Entendez comme les mots sont proches. Je crois que nous sommes là pour donner au monde et nous avons compris que les femmes et les hommes qui se sont donnés n'ont pas été forcément reçus. Des artistes comme Camille Claudel, Van Gogh, Toulouse-Lautrec, Éric Satie étaient appelés les artistes maudits. Tant d'autres nous ont laissé un héritage colossal alors que de leur vivant, ils n'ont pas été reconnus. Hector Berlioz, prix de Rome, Bela Bartok sont d’autres tristes exemples.
Ce monde est curieux, nous vivons trois secondes et on est là, on se surveille, on s'empêche, on s'interdit, on se juge au lieu de s'accompagner, au lieu de se donner le meilleur. Qu'est-ce qui te ferait plaisir ?
La relation quand on est deux me paraît tellement évidente. Comment peut-on s'accompagner dans l'amour ? J'ai une compagne qui s'appelle Katie, elle a 45 ans, elle est dans sa féminité, dans sa pleine puissance de femme. Qu'est-ce que je dois faire en tant qu'homme ? Me mettre au service de son déploiement. Qu'est-ce qui te ferait plaisir, ma chérie ? De quoi as-tu envie ? Qu'est-ce que je peux t'offrir pour que tu puisses déployer plus encore tes ailes et te sentir femme davantage ? Et même, comment puis-je m'effacer pour qu'elle ait toute la place, pour qu'elle puisse se sentir être ? Je n'ai que ça à faire.
Silence...
C'est dans ces moments-là qu'elle est la plus belle. Et moi j'en profite, je fais des photos. Le plus important est que j'ai pu lui servir de tremplin. Quel privilège que cette âme venue trois secondes sur terre s'incarne si près de moi. Peut-être un jour entendrai-je une voix venue du ciel qui me dira "Amène-toi. Viens voler avec moi". Et là je serai le roi du monde. S'exaucer, ce mot est magnifique dans la langue des oiseaux.
Silence...
C'est tellement important de regarder la situation souvent dramatique des femmes dans tant de pays. C'est aussi ce qui se passe ici. L'une des fausses notes majeures dans la relation hommes-femmes est la jouissance, n'est-ce pas le péché mortel ?
Je pense que le mot jouissance est la clé de tout. Plus encore, c'est le passe qui ouvre les portes de tout. Je disais qu'être amoureux est magnifique. A chacune de mes conférences, je rencontre beaucoup de gens et je suis amoureux des centaines de fois. Quelle abondance ! Lorsque je te regarde, je suis en jouissance, maintenant, tous les jours. Dans cet état, je me libère du manque et de la privation de jouissance.
Quand on se libère de la prédation de jouissance, cela s'appelle "des vacances". Il n'y a plus rien à chercher, tout est là. Alors on prend conscience que la jouissance est ce que tu es. Tu es peut-être un être insuffisant, maladroit, mais tu es avant tout cet être-là. Tu n'es que pure jouissance et toute ta vie on ne t'a raconté que le contraire.
Eckhart Tollé, dans son livre "Le pouvoir du moment présent" le dit "La nature humaine est jouissance. Nous sommes cela." Toute la perversion est que nous sommes dans cette croyance qui nous amène dans un manque perpétuel, coupable, insuffisant et dans cette culpabilité terrible et sous-jacente "Je ne suis pas à la hauteur, je ne suis pas assez bien, pas assez bon, je ne mérite pas". C'est tout ce rapport à la jouissance qui, pour moi, est le véritable nœud gordien de l'histoire humaine à travers lequel on va prendre un pouvoir sur l'autre. Un pouvoir sur l'autre parce que ta nature profonde est jouissance. Parce que tu es cela et qu'on te l'a interdit, tu es littéralement divisé, coupé en deux. Voilà comment on peut régner sur l'autre. Peut-être pensez-vous que j'exagère ?
On excise des millions de jeunes filles en Afrique. Pourquoi, à votre avis ? Et ici, quand on dit à quelqu'un "Tu es nul, tu ne mérites pas, tu n'y arriveras jamais, c'est trop tard..." Toutes ces phrases ne font que m'exciser en réalité.
Silence...
Je vous dis cela ce soir parce que j'ai le souci des vies humaines qui m'entourent, qui n'osent pas, qui s’éteignent avant de s'allumer. On meurt et on met sur notre tombe "Regrets éternels".
Notre vie, c'est une fois. Une fois ! Tu te rends compte de la violence ? Je ne sais pas si on réalise l’extrême violence de notre vie - et nous l'acceptons. Tout cela est devenu normal.
Non, ce n'est pas normal ! Tu as oublié qui tu étais, l'as-tu su d’ailleurs ?
C'est que l'histoire ne date pas d'aujourd'hui. Que dit l'expression populaire "S'envoyer en l'air" ? Quel est le premier homme dans l'histoire de l'humanité qui s'envoie en l'air ? C'est Icare qui va vers le soleil, se brûle les ailes, tombe et meurt.
Nous sommes le fruit du passé de l'humanité, nous sommes venus sur terre pour harmoniser les fausses notes de nos ancêtres. Pour cela c'est simple, un merci suffit. Peut-être suis-je issu d'un crime, peut-être portons-nous la mémoire de viols, d'incestes, mais aussi de beaux amours. Nous portons des mémoires terribles et si nous sommes là, c'est qu'il a fallu tous ces drames. La seule chose que nous avons à dire, c'est "Merci" et remarquez que l'anagramme du mot crime est le mot merci. En remerciant les ancêtres, ceux-ci s’apaisent, se regardent et se disent "Tiens, voilà quelqu'un qui a tout compris. Nous n'avons pas fait tout bien mais cela n'a pas été pour rien puisque cet être porte enfin de la lumière". Avec le merci, la malédiction s'arrête, elle ne se transmet pas à nos enfants. Nous sommes venus ici pour harmoniser les fausses notes de nos ancêtres.
Tu es également venu sur terre pour harmoniser tes propres fausses notes. En le faisant, tu vas toucher ton soleil pour offrir au monde ton rayonnement. Nous avons bien compris que le monde n'en voudra pas, mais cela est sans importance. Cela fait 40 ans que je fais ce métier et quand je "reçois" de quelqu'un, c'est super. Lâche le besoin de reconnaissance, donne ce que tu es, ne te pose pas de question, offre ce que tu as à offrir ! Au fur et à mesure du chemin, il faudra apprendre la délicatesse. Le plus beau cadeau que la vie peut nous donner. Ce n'est pas d'aller où l'on veut, de coucher avec qui on veut, de s'acheter ce qu'on veut. Ce que l'on gagne en délicatesse, waouh, ça c'est grand. Ce sentiment d'empathie avec les autres, oh combien nous en avons besoin aujourd'hui, en ce monde triste bien loin d'être délicat.
C'est par cette empathie que nous allons avoir conscience de la souffrance de ceux qui nous entourent, de celles et de ceux qui n'osent pas vivre, à qui on a tellement dit qu'ils n'ont pas de valeur. Je pense à ces gilets jaunes qui, depuis quatre ans, occupent jour et nuit un carrefour à Bandol. J'ai rencontré des hommes et des femmes qui sont effectivement bien abimés par cette société.
Tout le défi de notre chemin humain aujourd'hui, est l'ouverture de notre cœur et c'est la fausse note qui va nous aider à le faire. C'est elle qui nous apprend l'amour. On nous a fait croire que ce qui nous apprend l'amour, ce sont les jolies fesses d'une brésilienne ou d'un apollon grec. En fait c'est plutôt quand on attend un enfant atteint d'un handicap et qu’on lui ouvre notre cœur pour l'accueillir. Cela nous demande un abandon total.
La fausse note c'est aussi quand on s'accompagne. On est jeune et beau, et au fur et à mesure, la vie fait que nous ne vieillissons pas tous pareil, il peut y avoir des accidents, des maladies. Puis-je accompagner cette personne, l'aimer encore malgré sa transformation ?
Nous voyons bien que c'est cela la fausse note, elle ouvre ton cœur alors que la société a tellement diabolisé la dissonance humaine. Parce qu'il faut être parfait, infaillible, performant, nous regardons les autres en nous jaugeant, en nous jugeant et en ne nous accueillant pas. Aujourd'hui, nous ne nous supportons plus, près de nous c'est la guerre, on nous parle même d'une troisième guerre mondiale. On nous a habitués à cette réalité en nous montrant des films. Des films à grand spectacle, des films où l'on tue de l'humain... et l'on s'est habitué à l'inacceptable. Quelle triste propagande, sournoise et insidieuse ! On ne réagit même plus. Certains arrivent à manger en regardant le spectacle de personnes se faisant massacrer, comme s'il s'agissait d'un film.
La clé de tout est de redevenir amoureux. S'émerveiller, se regarder, vibrer. Aujourd'hui on nous dit que cela n'est pas bien, ça ne se fait pas, avoir des désirs, ce n'est pas bien. Qu'un homme désire des femmes, qu'une femme désire des hommes, non il faut cacher cela. Alors il y a des sites spécialisés et pour s'aimer, il y a des robots à jarretelles.
Revenons à cet émerveillement de dire, face à face "Madame, vous êtes magnifique ! Ah Monsieur, que vous êtes beau !" Dire toutes ces belles choses, vibrer, exprimer le désir que l'on éprouve pour quelqu'un. Quel est le problème ? On finit par diaboliser ce que nous sommes. Tout le monde désire, vibre et a des fantasmes. Évidement nous avons fabriqué un monde tellement violent en développant la pornographie. Alors on verrouille, et nous avons des êtres humains qui n'osent plus vibrer, ils restent dans un entre-deux fade et sans saveur.
Toute l'histoire vise à reconnecter l'être entier, intégral, cet homme et cette femme qui vibrent, tout en gratitude. Je me rends compte, quand je suis 150 fois amoureux, que je suis inspiré, vous m'inspirez. Vous êtes inspirants pour les grands compositeurs, les écrivains, les peintres, les sculpteurs et tous les autres, les savants et tout cette humanité, ce qui fait l'homme et la femme sur terre. C'est en fait l'amour qui nous inspire.
En même temps nous ne pouvons pas nier le progrès, l'homme est ainsi fait, il invente des choses, c'est dans sa nature. Alors mettons au moins un cadre, une éthique, une intelligence humaine et non pas artificielle. Bien avant l'intelligence artificielle, les hommes avaient déjà tout inventé pour que l'humanité soit en harmonie avec la planète. Aujourd'hui, ce qui vibre en moi, c'est mon téléphone. Ah, les écrans que nous ne lâchons plus…
Revenons au festin qu'offre la vie. Suis-je attentif aux autres et à moi-même ? Ai-je conscience et ne suis-je pas autiste à moi-même ? Allons sur le chemin de la délicatesse. Comment on se côtoie, comment on se rencontre, comment on se dit les choses, tout simplement. Le fait de dire "Madame, vous êtes magnifique et vous éveillez un désir jusqu'à la saveur", c'est extraordinaire ! "Oh comme c'est joliment dit" On se sert un peu dans les bras et c'est fini. On a passé une bonne journée et cela, 150 fois par jour... On a la pêche ! Plus d'anti-dépresseur !
On voit bien que le système qui veut éradiquer les fausses notes que nous sommes, a commencé par l'école. Puis il a installé de plus en plus de caméras et devient de plus en plus anxiogène. Tout est fait pour que nous nous détestions de plus en plus, pour que la réponse à la fausse note que nous sommes soit hystérique. Au contraire nous pourrions avoir conscience que cette insuffisance est de fait et de fête. Alors rions de nos insuffisances, tous ces gens gonflés d'orgueil et d’égo ne sont pas grand-chose. Nous sommes peut-être ce rien qui, en même temps, est immense.
Ce monde avec des radars et des caméras partout veut éradiquer toutes les fausses notes, il est devenu insupportable. Nous recevons des PV pour 56km/h au lieu de 50, 119 au lieu de 110, c'est juste intolérable. Sans parler de l'attestation pour acheter du pain.
Pour vous faire comprendre ce qu'est une vie sans fausse note, je vais jouer au piano un accord parfait majeur do mi sol...
Musique...
Sans fausse note on devient fou, la fausse note, c'est la vie.
J'ai voyagé à travers le monde avec un piano à queue. Je suis parti à l'âge de 23 ans, j'en ai 61. J'ai arrêté quand il y a eu le Covid parce qu'il n'était pas possible de voyager et il était pour moi hors de question que l'on injecte quoique ce soit dans mon corps. Je ne suis pas antivax, j'ai un carnet de vaccination très à jour pour avoir beaucoup voyagé dans le monde, mais pour moi, une injection n'est pas un vaccin. Après 37 ans de voyages à travers 50 pays, j'ai constaté que, quelles que soient les musiques, il y a un intervalle musical omniprésent. Omniprésent parce qu'il est juste fondateur, permettant toutes ces musiques. Cet intervalle est la quinte présente dans toutes les cultures et toutes les traditions. Un intervalle est constitué de deux notes jouées ensemble, on pourrait aussi dire un accord.
La quinte (cinq notes) est un intervalle qui permet de jouer, de créer, de composer. Si vous n'avez jamais fait de musique de votre vie et que votre rêve est de faire de la musique, je vous dis que tout de suite, en quelques minutes, vous jouerez. C'est juste magique, nous allons le faire.
Musique... offrant des quintes de Beethoven, Rachmaninov, Sati.
En fait, cela devient très simple et facile à jouer. On peut ressentir du plaisir sans avoir à faire et refaire des exercices répétés et astreignants. Certains choisissent la difficulté, la rigueur, la lourdeur de la pratique académique et sont très critiques. Mais qu'est-ce qu'on gagne à toujours se massacrer les uns les autres ? Pour trois minutes d'existence.
Je n'ai pas fini mon histoire d'Icare. Icare va vers le soleil, il a raison parce que c'est le sens de la vie. Que se passe-t-il quand tu as trouvé tes ailes, ta nature ? Le sens de ta vie est d'épouser ta nature, alors fais quelque chose de ta nature, fais quelque chose de toi au lieu, tout le temps, de te battre contre toi ! Accueille-toi ! Quand tu seras dans ta quinte, alors tu pourras accéder à ton essence, d’où le mot "quintessence". La quintessence est la manifestation de qui tu es, de ta saveur.
Musique...
Cela donne de la joie. Ces fausses notes vous font du bien alors, que tout petit, on vous interdisait les fausses notes. Le plus terrible, c'est que non seulement on nous a interdit les fausses notes, mais on nous a interdit le sens de ce que les fausses notes impliquent. Toute la joie de la vie, c'est l'harmonisation des fausses notes. Tu comprends que, quand Mozart écrit sur sa partition une fausse note, il en rit et il en écrit une autre et une autre, puis il les harmonise. En fait il ne fait que répondre à la question philosophique "Quel est le sens de la vie ?" Mozart nous dit face à une fausse note "Ne sois pas en colère, ne soit pas accablé, arrête de chercher un coupable, arrête de t'apitoyer sur ton sort !" Mozart nous dit aussi "Quand il y a une fausse note, harmonise !" Il est là le sens de la vie. La fausse note n'est pas grave, vie et fausse note sont synonymes.
On nous dit "Évitez les fausses notes". Tout doit être sous contrôle et on nous fait croire que le système va répondre tous azimuts, sur tous les plans, que l'on va tout résoudre. C'est un mensonge qui est en train de nous tuer. Heureusement Mozart nous dit "C'est la vie, c'est la joie."
Avec Boris Cyrulnik J'ai fait une conférence sur les fausses notes, la résilience. Boris me disait "Finalement, une harmonisation de fausses notes, cela s'appelle la résilience." Ce n'est que ça et c'est génial. Je produits des fausses notes, de la dissonance. Que vais-je en faire ? Ce que je veux ? Ce n'est pas grave et c'est simplement génial. Je suis le maître de la situation, je ne suis pas un être nul, insuffisant, horrible. Qu'est-ce que je vais faire de ça ? C'est un levier formidable qui donne à notre vie, je dirais tout son sens et tout son intérêt.
C'est fascinant de voir comment nous nous transformons, nous-même, tous ici présents. J'imagine que pour certains, l'adolescence n’a pas été simple. Et petit à petit, nous allons vers la conscience. Comment allons-nous nous habiter, nous apaiser, ouvrir les yeux. C'est l'harmonisation des fausses notes, c'est là qu'est le sens de toute la vigilance.
Silence...
Je reviens à l'histoire d'Icare. Finalement, qu'est-ce qu'être un Icare ? C'est quelqu'un qui a trouvé ses ailes, qui a compris l'envol, qui a contacté son soleil et le manifeste, puis redescend sur le sol et invite les autres à en faire autant. C'est tout le sens de l'amour, du désir. Non pas le désir et le manque, mais le désir où je me mets au service de ta jouissance, je me mets au service de ton déploiement, pour que tu sois à ton tour, un Icare.
Tous les thérapeutes qui s'occupent des handicapés, des personnes âgées, des malades, sont dans l'amour, ils sont des Icare.
L'ange dit dans les dialogues "Quand tu invites l'autre à l'envol, quand tu lui offres le ciel, tu deviens un être agissant et un être agissant n'a pas besoin de voler car c'est le ciel qui vole à travers lui." C'est ça un Icare !
Nous racontons l'histoire d'Icare pour nous interdire d'aller dans notre soleil "Ne vole pas, tu vas tomber !" et l'église va reprendre cette histoire en disant "La jouissance c'est le péché mortel !" Toutefois n'oublions pas que nous sommes tous les fruits de ce péché mortel.
Même aujourd'hui la jouissance n'est pas une chose simple. Encore aujourd'hui et depuis des siècles et des siècles, on nous fait bien comprendre qu'il ne faut surtout pas contacter son soleil et déployer ses ailes.
Que raconte l'histoire de la cigale et de la fourmi ? La cigale a chanté tout l'été, elle a donc joui tout l'été et que lui dit la fourmi "Tu vas payer". Maintenant regardez combien de fois on s'est puni pour avoir joui dans la vie. Notre mental produit des injonctions systématiques "Tu jouis, tu payes!" Ce sont des inventions pour répondre à cette croyance.
Quand on est jeune, on fait des fêtes, on s'alcoolise et on a des accidents. Pourquoi doit-on payer la fête ? Tout ça est une injonction "Il faut que tu payes !" Les maladies sont aussi des productions de notre mental pour payer. Tu es un être puissant, magnifique, alors arrête de cracher sur ta réalité, revient dans cette harmonie qui est une danse avec les dissonances. La vie va continuer à envoyer des fausses notes mais l'ange est clair "Je vous envoie des démons d'oiseaux endormis pour que vous vous envoliez" parce que nous sommes des oiseaux endormis. La vie nous demande de déployer nos ailes et de jouir, c'est à dire d'être dans la pleine présence en jouissance, celle qui s'extasie à chaque instant, qui fait que tu es en gratitude. La pleine présence en jouissance s'appelle la conscience. Cela veut dire que tu sais voir et percevoir, voir à travers.
Musique...
Y-a-t-il ici, quelqu'un qui se sent nul en musique, qui n'a jamais fait de musique de sa vie ?
Bienvenue Xavier, détend-toi, installe-toi. Eh bien on t'écoute !
Quelques notes...
Effectivement, il est nul. C'est une catastrophe ! Je pourrais dire "Quelle prétention de monter sur scène ! Vous êtes un cas désespéré !"
Nous allons changer complètement notre paradigme. Nous avons compris que la croyance crée la réalité, alors changeons de croyance. Nous sommes là pour harmoniser les fausses notes. Retrouvons l'unité de ce que nous sommes au travers de cette quinte, ce vortex vibratoire. Je suis donc l'unité de mes nullités.
A partir de ce moment, jeune homme, tu changes ta croyance. La question n’est pas de savoir si tu es nul ou pas, tu as juste oublié une chose, considérer ce qui sort de toi.
Une note seulement avec ce doigt de la main gauche et avec la pédale enfoncée, la note va résonner. Tu vas y mettre de la douceur. Habite ton doigt pour être dans l'instant présent. Être dans le "Ici et maintenant". La clé maintenant est de jouir de ta note, d'avoir cette folle audace de jouir de ce qui sort de toi. Descend ta note dans tes tripes dont l'anagramme est le mot esprit, mais aussi le mot pitre. Esprit et pitre ne s'opposent pas mais s'épousent, là est le génie. Quand il n'y a que l'esprit, on s'ennuie. Quand il n'y que le pitre, cela manque de profondeur. Pétris les deux, une autre anagramme de tripes.
Nous allons ajouter la main droite, tout doucement avec beaucoup de douceur et tu vas savourer tes notes. Deux notes en plus. On a vu que les compositeurs ne jouent pas plus de deux ou trois notes.
Musique... et ça devient génial. On peut l’applaudir !
Encore une fois on voit bien que c'est ton regard qui est déterminant. Tu te considères nul, c'est clair, ce sera ta réalité. Change de regard et tu commences à avoir cette audace de considérer ce qui sort de toi. Offre-le au monde. Le monde n'en voudra pas, cela n'a aucune importance mais en attendant, toi tu es puissant. Regarde sœur Emmanuelle et mère Thérèsa, elles n'avaient pas peur.
Musique sur le thème "Confinement".
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Temps d’échange :
Bonsoir, quand savez-vous si c’est votre âme qui joue la partition du piano ou la partition de votre vie ? Comment savez-vous si c’est votre âme et non votre mental qui vous joue des tours ? Quand je vous vois jouer du piano, je vois que vous êtes habité, alors j’imagine que c’est la même chose dans votre vie !
C’est très difficile de répondre avec certitude à une question aussi profonde. Clairement il y a un appel profond à vivre, sans doute parce que j’ai failli mourir plusieurs fois quand j’étais petit. Dans un environnement hostile, j’ai vraiment connu la peur. Je dormais dans un couloir dans une ferme dans le sud-ouest. Tout ça pour dire que lorsque la porte s’ouvre enfin, que tu commences à vivre, tu prends conscience qu’il faut répondre à cet appel. L’âme nous dit « Tranche ! » Il m’arrive comme à chacun de me trouver englué dans des peurs, des habitudes. Il m’arrive de me morfondre comme tout le monde. Je parlais tout à l’heure d’une posture d’alignement, de bienveillance, d’amour. Je ne veux pas passer pour un donneur de leçons mais ce que je sais, c’est que ce que j’enseigne dans mes stages, ce que j’essaye de transmettre dans mes conférences, je m’efforce de le mettre en pratique dans ma vie et ça marche.
Ce que vous appelez une fausse note est peut-être lié à vos voyages. Quand on voyage on ne fait que rencontrer des fausses notes, des gens qui ne pensent pas comme nous, qui n’agissent pas comme nous. Ma question vise le rapprochement entre fausse note et voyage.
Je pense que les fausses notes sont en nous-même. Je me suis souvent trouvé confronté à mes préjugés face aux autres. La première fois qu’on m’a demandé de jouer dans une MAS (Maison d’Accueil Spécialisée), que je me suis retrouvé avec des personnes handicapées, je n’étais pas à l’aise. J’avais une trentaine d’années et éprouvais une sorte de répulsion pour ces personnes. J’avais peur. Voilà un exemple de fausse note humaine. Petit à petit j’ai appris à les aimer, à les prendre dans mes bras alors que certains d’entre eux bavaient. Il a fallu que j’aille sur ce chemin.
Un autre épisode se situe lors de ma rencontre avec des pygmées. C’était impossible d’aller les rejoindre avec un piano à queue. On s’est retrouvé en plein fief fondamentaliste. Nos guides nous avaient dit de ne surtout pas nous arrêter là mais on n’a pas eu le choix. La route ne nous permettait pas d’aller plus loin. Du coup on a joué dans ce lieu. On est arrivé avec des 4X4. Tous les hommes étaient installés sous un arbre à palabres. Nous n’étions manifestement pas les bienvenus. Je leur ai montré un livre de photos que j’avais avec moi, qui montraient mon piano tout au long de mes voyages. Et je leur ai dit que mon piano était là. Ça les intriguait ! L’iman a dit qu’il voulait un concert dans sa case. Tous les hommes ont donc coopéré pour porter le piano et ça s’est fini de façon incroyable. Ils ont fait une prière de bénédiction et dans la nuit, ils ont tué un agneau.
Je pense que les fausses notes sont surtout liées aux préjugés que nous avons. Je pense à un épisode qui s’est déroulé à Tanger, une ville portuaire Marocaine où se trouvent beaucoup de gens pauvres qui espèrent passer la frontière, des gens perdus. A la tombée de la nuit, je croise un homme en guenilles, très impressionnant, je n'ai qu'une envie, changer de trottoir. Dans la pénombre, va-t-il sortir un couteau ? Il n'y a que lui et moi dans cette rue et là je me dis "Tu as peur, mais salue cet homme, fais ce que tu prônes. En fait l'homme a sursauté car je lui ai fait peur. Il m'a fait un grand sourire et derrière sa barbe hirsute, j'ai vu la beauté de cet homme, j'étais bouleversé. Ces quarante années m'ont appris la beauté humaine. L'homme individuellement peut être extraordinaire mais pris dans des groupes, il peut devenir terrible.
Ces préjugés que nous avons sur nous-même sont issus de notre culture, de notre éducation. Vous qui avez beaucoup voyagé, avez-vous constaté des différences d'une culture à l'autre dans la façon dont on ressent notre fausse note.
Le premier concert que j'ai donné au Pakistan s'est déroulé devant 800 barbus, que des hommes. Pas de chaise, ils étaient allongés sur des tapis, à perte de vue, ce fut un grand étonnement. J'ai commencé à jouer devant des hommes qui, au premier rang faisait ouah, ouah. Mesdames, j'ai fait gémir 800 barbus en une soirée. Incroyable ! Dans beaucoup de pays, Inde, Liban, Syrie, etc.… les gens dansent quand je joue. En Europe, personne ne bouge, pourtant certains me disent après coup qu'ils auraient bien aimé danser "Je n'ai pas osé" me disent-ils. Notre vie n’est que trois secondes, il faut oser, notez qu’oser est l'anagramme d'Eros.
Comment avez-vous choisi les endroits où vous avez joué ?
Je n'ai jamais rien choisi. On m'appelle et je viens. Depuis le début de ma carrière je n'ai jamais donné un coup de téléphone. Je vais maintenant m'arrêter. A partir de janvier 2024, je ferai un enseignement chez moi, à l'école de la fausse note. J'ai fondé onze écoles de la fausse note en France plus une en Suisse et une en Belgique. C’est ainsi que je transmets la philosophie de la fausse note.
Pouvez-vous apporter quelques précisions sur votre rencontre avec Boris Cyrulnik ? Par exemple en quoi les fausses notes et la résilience peuvent-elles se marier ?
En fait la fausse note est merveilleuse à condition de l'harmoniser. Tout le drame de la société aujourd'hui, c'est la validation de la fausse note sans harmonisation. Ce fut le drame du XX° siècle avec la musique contemporaine et son gourou Pierre Boulez qui interdisait l'harmonie. Des compositeurs comme Michel Legrand ont été littéralement détruits.
Fort heureusement aujourd'hui, tous les grands compositeurs reviennent à la musique tonale, la dissonance est terminée. C'est bien les fausses notes, mais il faut les harmoniser, c'est tout le sens de notre humanité.
Avec l'enfance que vous avez eue, savez-vous identifier l'évènement ou l'étape de vie qui vous a mis sur le chemin de la quête de spiritualité ?
A 16 ans je mesurais 1m40, j'avais la taille d'un enfant de 10 ans et je voulais me suicider. On me disait tellement que j'étais laid. Je pensais qu'il n'y avait que les chiens qui pouvaient m'aimer. En partant en colonie de vacances pour asthmatique, car j'étais malade, ma monitrice Annette qui avait 30 ans, a posé un regard d'amour sur moi. Les médias auraient pu dire qu'elle avait commis un crime sur mineur, elle m'a juste fondé. Le lendemain de cette nuit incroyable, je me suis cru beau et j'ai grandi de 43cm. J'étais mauvais à école, on me le disait et ma croyance avait créé ma réalité. Après cet évènement j'ai obtenu la moyenne en tout.
A Arcachon où j'étais pour un séjour climatique pour asthmatique, j'étais souvent seul et un jour, je me suis mis à écrire. Une phrase est sortie de moi. Je l'ai trouvé belle. J'ai eu l'audace de considérer ce qui était sorti de moi. J'ai montré cette phrase à mes copains garçons, à mes camarades filles, à mon père. Tous n'y ont trouvé aucun intérêt. Moi j'ai cru en cette phrase, je me suis pris pour Rimbaud et finalement j'en ai écrit d'autres... Je voudrais vous dire que dans la musique de la vie, la clé est de jouir de soi, c'est un passe salutaire. Je parle à vos âmes et je vous invite à contacter votre soleil, à déployer vos ailes et à jouir de la vie. Il n'y a que ça à faire, ce n'est pas en consommant que se fait la jouissance.
Quel lien peut-on faire avec la nature, ses limites, comment l'utilisons-nous ? Peut-on faire un lien entre ce bien-être recherché et les limites que l'on trouve aujourd'hui ?
Je crois que la nature est le plus grand guérisseur qui soit. Revenir à la nature, c’est ce que j’ai fait, à la Touche, au bord de la Charente. J'ai veillé à avoir de l'eau, de mes mains j'ai construit deux serres pendant le confinement, c’est ma fierté. J'ai fait plus de travaux que de piano dans ma vie. Quelle manipulation de faire croire que les métiers manuels n'étaient bons que pour les pauvres et les immigrés. Les métiers manuels sont la noblesse de l'homme, le mot "manipuler" est un mot magnifique, il fait de nous des hommes. C'est ma fierté d'avoir bâti ce domaine, de l'avoir magnifié. Bien sûr la nature est guérisseuse, étreindre un arbre, c'est retrouver la vitalité. Nous devons apprendre à planter des tomates, des légumes et transmettre ce savoir-faire à nos enfants. Un arbre nous soigne. Un chat qui ronronne sur nos genoux peut nous soigner. Se regarder amoureusement nous soigne. Tout nous soigne. Merci pour ta question, elle était très précieuse.
Je voudrais juste ajouter une chose, j'ai peut-être eu des propos, pour certains, complotistes. Eh bien nous sommes toujours le con de quelqu'un. Je fais allusion aux personnes qui sont dans la permaculture, le bio, le soin du vivant. Pour moi ce sont des peloteurs du vivant et tous sont des êtres d'exception qui s'occupent de nous, du vivant, de la terre dans le respect de ce que nous sommes. Nous les trouvons sur un chemin sacré, un magnifique chemin spirituel. Ce chemin est celui de Compostelle !
Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel Taudière