j'adhère au cera

Rafik SMATI

Compte rendu écrit

« L’avenir n’est pas ce qui va arriver mais ce que nous allons faire ».
Henri Bergson

99° rencontre du CERA du 22 septembre 2021

(Vidéo et podcast ici)

 

Accueil par Jean Michel Mousset : Rafik Smati est président du Groupe Aventers (qui regroupe les sites internet Dromadaire.com et Ooprint.fr). Il est l’auteur de “Vers un capitalisme féminin”, ouvrage dans lequel il milite pour un modèle de développement plus orienté vers les femmes et les valeurs féminines. En avril 2011, il publie “Éloge de la vitesse : la revanche de la génération texto”, ouvrage dans lequel il défend l’avènement d’un nouveau temps porté par les jeunes générations. Il est engagé dans la vie publique à travers le mouvement Objectif France qu’il fonde en 2015.

 

Rafik Smati

Le CERA est tout ce que j’aime car il est l’incarnation d’une vision positive de l’avenir. Je suis devant vous aujourd’hui parce que je considère qu’il y a un avenir positif pour notre pays et pour nous.

La France n’est pas un pays comme les autres. Je déteste qu’on parle d’hexagone pour qualifier la France, qu’on la résume à une figure géométrique alors que la France est bien plus qu’un hexagone. Elle ne se résume pas à sa métropole de 555 000 , elle est aussi présente sur toutes les mers, sur tous les continents, sur des territoires maritimes de 11 500 000 . Elle est la deuxième puissance maritime du monde et sera bientôt peut-être la première car nous avons la possibilité de prolonger le plateau continental. En additionnant les territoires terrestres et les territoires maritimes, nous obtenant un territoire plus grand que celui de la Chine. La France n’est donc pas un petit mais un immense pays. Elle sera bientôt la première puissance maritime du monde. La France est le pays sur lequel le soleil ne se couche jamais, nous sommes présents sur toutes les mers et sur tous les continents.

La géographie de notre pays à l’histoire deux fois millénaire est bénie des dieux. Peu de pays peuvent s’enorgueillir d’avoir 2000 ans d’histoire avec un enchevêtrement de racines multiples et variées, antiques, chrétiennes, celtes, polynésiennes, réunionnaises. Ces mélanges ont créé une alchimie qui a donné la France. Sa culture est impressionnante, sa puissance historique a irrigué le monde entier notamment avec la Révolution française. La France a toujours été aux avant-postes de l’histoire.

 

La France m’a accueilli alors que j’avais deux ans. Mes parents ont quitté l’Algérie en 1977 pour trois raisons. La première était la montée de l’islamisme qui a amené la décennie noire. La deuxième raison était la sur étatisation de l’économie algérienne sous l’emprise de l’Union Soviétique, et un Etat partout présent. La troisième raison était un recul patent des libertés publiques.

Ces trois raisons se retrouvent dans la France d’aujourd’hui. Elles justifient en partie mon engagement présent.

Arrivant en France, mes parents se sont installés dans le quartier de La Défense près de Paris. Vous connaissez La Défense devenue le premier quartier d’affaires européen. En 1977, la réalité était bien différente, il s’agissait d’une friche avec des champs de carottes. Nous nous sommes installés dans un immeuble en face de ce qui allait devenir le parvis de La Défense. De ma chambre d’enfant, chaque mois, j’ai été témoin d’une nouvelle tour sortant de terre. J’ai vu ce quartier changer, devenir le carrefour mondial de l’informatique dans les années 80. J’ai été témoin de cette France qui innove, qui crée, qui attire à elle le monde entier pour partager son expérience. C’est l’idée de la France que je me suis forgée en tant qu’enfant.

La puissance créative de ce quartier a nourri en moi un désir d’entreprendre. J’étais scolarisé dans une école qui s’appelait « Ecole Défense 2000 ». Dans les années 70-80, l’an 2000 était le symbole de l’avenir. En grande section de maternelle, ma maîtresse m’a proposé de faire un exposé sur le TGV, la grande conquête française des années 80. C’est dans ce milieu que j’ai grandi !

J’ai alors commencé à comprendre le décalage entre la vision de la France que je m’étais forgée et la réalité objective de ce que devenait notre pays. Nous nous sommes dit avec mon épouse « Est-ce que nous faisons comme mes parents, c'est-à-dire partir ? Ou est-ce que nous restons ici pour nous battre de toutes nos forces pour que nos enfants puissent vivre dans une France conquérante et prospère, fidèle à l’image que nous avons d’elle ? »

J’ai choisi la deuxième voie. J’ai commencé par écrire des livres et j’ai été invité par les médias, consulté par les politiques. Mon ego était satisfait mais cela ne faisait bouger aucune ligne. Je ne pouvais pas accepter que ma démarche soit purement virtuelle. Mon tempérament d’entrepreneur m’a conduit à créer « Objectif France » en adoptant la maxime « Nous ne pouvons léguer que deux choses à nos enfants : des racines et des ailes ». Mon engagement politique est régi par cette maxime. Des racines, les racines de la France et ses 2000 ans d’histoire. Et des ailes, qui symbolisent les évolutions de la France.

Bergson a dit : « L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire ». Il y a dans cette phrase l’idée que tout est possible et que l’avenir est entre nos mains.

Prenons Napoléon 1er, un l’exemple typique du volontarisme politique. En l’espace de 15 ans de règne, il a projeté la France dans la modernité en inventant le Code civil, les lycées, les universités, la Bourse de Paris, la Cour des Comptes, le Tribunal des Prudhommes, la rue de Rivoli, l’Arc de Triomphe, l’église de la Madeleine, tout cela en étant loin de Paris, présent sur ses terrains d’opération. Il a donné l’instruction de construire La Roche-sur-Yon où il s’est ensuite déplacé pour dire que cela n’allait pas assez vite. L’expression « Impossible n’est pas français » créée par Napoléon marque l’idée que tout est possible à condition d’en avoir l’envie, la force et le courage.

Nous pouvons aussi parler de Napoléon III, le mal aimé de l’histoire de France. Il n’a pas eu, à mes yeux, la gloire qu’il méritait car il a été l’homme qui a propulsé la France dans la révolution industrielle. Il a notamment été à l’origine de la forêt des Landes. Cette forêt n’est pas une forêt naturelle mais la conséquence d’une décision politique consécutive à l’ensevelissement des terres par des dunes de sable et l’infestation des marécages par des moustiques qui rendaient la vie impossible. Napoléon III, habité par l’idée « Impossible n’est pas français », était convaincu qu’une solution existait. Il confia le projet à un groupe de scientifiques mené par Jules Chambrelent. Celui-ci proposa de planter des pins qui allaient constituer une barrière naturelle contre les dunes tout en asséchant le sol. La mise en œuvre fut confiée aux acteurs de terrain, les propriétaires terriens, les agriculteurs, les maires et, en à peine 20 ans, est sortie de terre ce qui allait devenir la première forêt d’Europe. Elle représente aujourd’hui 14% des emplois industriels de l’Aquitaine, 1 000 000 d’hectares sur une superficie de 230 km par 120 km. Cette forêt est la conséquence d’une volonté politique car les décideurs à l’époque étaient animés par une croyance selon laquelle rien n’était impossible puisque nous étions la France.

Nous devons avoir en tête une chose fondamentale, n’oublions jamais que les civilisations vivent et parfois meurent. Le déclin de notre modèle de civilisation est possible mais rien n’est irréversible. Je suis passionné par l’empire romain. Le fil conducteur de la réussite de Rome était l’esprit de conquête partagé par tous les empereurs. Tous avaient un but ultime, celui de romaniser la Méditerranée, mais tous ont buté contre une barrière infranchissable, la barrière germanique. Cet objectif jamais atteint a toutefois permis de maintenir l’Empire. Quand les Romains ont cessé de vouloir soumettre la Germanie et donc n’ont plus eu de projet supérieur fédérateur, les jeunes Romains ont refusé de s’engager dans l’armée, obligeant les autorités à chercher des soldats à l’est, chez les Barbares. Dès ce moment, le ver était dans le fruit, la corruption s’est développée, à commencer par les sénateurs qui n’étaient plus occupés par la défense de l’empire. Rome n’avait plus de projet collectif, de vision. En fait les invasions barbares n’ont fait qu’achever un processus de déliquescence déjà entamé, elles ne sont pas la cause de l’effondrement de Rome, elles en sont la conséquence.

Dans la crise civilisationnelle que nous traversons, il nous faut absolument nous garder de confondre la cause et la conséquence.

La France a une caractéristique quasi unique dans le monde, l’Etat a précédé et créé durant 2000 ans la Nation française, contrairement par exemple à l’Empire Soviétique, à la Yougoslavie. Mais l’Etat est devenu un boulet, on observe aujourd’hui un certain nombre de faiblesses calamiteuses qui témoignent du délitement de la France de l’intérieur. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation inversée, l’Etat est en train de déconstruire la Nation française.  L’Etat ne prépare pas l’avenir, n’arme plus les générations à venir pour entreprendre de grandes choses. Il sacrifie les jeunes générations en leur léguant une dette écologique et une dette économique qui s’est accrue de 300 milliards d’euros en à peine un an et demi. De plus, le déficit public pléthorique est devenu un aveu de faiblesse du mode de fonctionnement de notre Etat. En 2019, c'est-à-dire avant la crise de la Covid 19, la France enregistrait à elle seule les 2/3 du déficit de la zone euro. Elle était l’un des deux pays européens à engendrer un déficit primaire, c'est-à-dire qu’après avoir retiré la charge de la dette, nous sommes encore en déficit, tandis que la Grèce, en 2019, était en excédent primaire. Depuis 2019, la crise a eu bon dos pour dissimuler les turpitudes des gouvernements qui se sont succédés depuis 40 ans et qui n’ont pas réformé l’appareil d’état.

Un déficit public pourrait se comprendre si nous investissions sur l’avenir, or dans le budget de l’Etat, seuls 4% sont consacrés aux dépenses d’investissement, les 96% restants sont des dépenses de fonctionnement.

Endetter la nation pour construire l’avenir peut se défendre, mais endetter les générations futures pour financer notre train de vie et masquer l’absence de réforme des politiques publiques depuis 40 ans est insupportable. Là manifestement, nous avons un problème qui nous fragilise gravement.

Collectivement nous pourrions décider de nous mettre en déficit pour être parfaitement en sécurité, pour avoir un système d’éducation performant, pour avoir des hôpitaux à la pointe et des fonctionnaires heureux. Cela pourrait être justifiable, comme dans le cas des pays nordiques. Pourquoi pas, discutons-en ! Mais la réalité est beaucoup plus complexe. Nous offrons le pire déficit de la zone euro, nous avons les impôts les plus élevés de l’OCDE, nous endettons les générations futures de manière honteuse. Nous avons des hôpitaux qui s’effondrent, nous ne pouvons pas fournir de masques à nos soignants en période de pandémie, le niveau de l’éducation nationale baisse, l’insécurité croit, les maisons de retraite sont en ruine, les prisons manquent de places, notre domaine maritime est pillé par des puissances étrangères, etc. Se pose alors une question majeure « Où va l’argent ? »

Encore une fois nous pourrions choisir de payer cher pour avoir un service public au top. Mais aujourd’hui nous sommes dans un système où tout le monde est perdant, les fonctionnaires sont mal aimés et mal payés et les contribuables supportent le record des impôts.

Pour illustrer mon propos, prenons le cas d’une entreprise avec un chiffre d’affaires de 32 millions d’euros. La même entreprise avec le même chiffre d’affaires, aux Pays Bas aurait un résultat net de 5.5 millions, en Allemagne le résultat net serait de 4 millions d’euros, en Italie 3 millions et en France, le résultat ne serait que de 1 million. Ne nous étonnons pas qu’en France nous ayons à ce point un problème de compétitivité et aussi peu d’entreprises de taille intermédiaire. Nous avons 3 fois moins d’entreprises de taille intermédiaire que l’Allemagne, 2 fois moins que l’Italie. Nous avons 80 milliards d’euros de déficit commercial en sachant que ce sont les entreprises de taille intermédiaire qui sont les plus exportatrices.

Poursuivons ce raisonnement, si vous achetez un produit 100 € dans le commerce, 20 € en moyenne iront dans la poche des salariés, 15 € serviront à acheter les matières premières, 3 € iront dans la poche des actionnaires et 62 € dans la poche de l’Etat au travers des différents impôts, taxes et charges diverses. Quand j’entends parler de lutte des classes, quand j’entends certains politiques dire que le vrai problème dans notre pays est celui qui oppose les riches et les pauvres. Il y a clairement détournement du vrai problème, celui des 62 € que l’Etat ponctionne en douce. En l’occurrence, pendant que les salariés et le patronat s’opposent, l’Etat encaisse 62 € sans que personne ne regarde dans sa direction.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Au fil du temps s’est installé un enchevêtrement de couches dans notre pays. 1 300 agences dépendent de l’état, certaines sont utiles mais beaucoup sont des OVNI, des comités Théodule dotés de sous-comités Théodule que personne ne sait expliquer. Deux parmi tant d’autres : le Conseil National du bruit et le Comité d’étude de l’histoire de la Sécurité Sociale. A quoi servent-ils ?

Une autre lourdeur, c’est l’inflation normative qui fait que le registre des lois de l’Assemblée nationale a été multiplié par trois depuis quinze ans. Or comme le disait Montesquieu « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » et aujourd’hui, plus personne dans l’appareil de l’état ne sait démêler le plat de spaghettis, tellement le sujet est devenu compliqué.

Si nous avions Napoléon Bonaparte au pouvoir, il nous dirait « Code général des Impôts, poubelle ! Code du travail, poubelle ! Code civil et pénal, poubelle ! On réécrit tout, il faut que tout le monde puisse comprendre, cela doit être lisible ».

Cela ne veut pas dire que nous aurons moins de droits, en revanche nous saurons les comprendre et les utiliser à bon escient. Aujourd’hui, comment les entrepreneurs et les salariés peuvent-ils connaître les 1 500 pages du Code du travail ? Nous devons payer des experts pour essayer d’y comprendre.

L’Etat va même plus loin dans sa perversion. Nous parlons beaucoup des inégalités et il est vrai que la France compte de plus en plus de riches. Certains s’en lamentent, mais j’affirme que l’Etat est à l’origine de la montée de ces inégalités. En effet, parce que la France comme certains pays européens est fortement endettée, la Banque Centrale Européenne a été conduite à pratiquer depuis 2016 une politique de taux à 0%. Un taux « normal » de 1 à 2% aurait conduit la France, pour payer les intérêts de sa dette, dans une situation de quasi-faillite. En conséquence le taux de 0% conduit les organismes investisseurs, toujours à la recherche de possibilités de gains, à se rabattre sur l’immobilier et les marchés financiers. Ceci entraîne une nette augmentation des coûts des logements, d’où une grande difficulté rencontrée par les jeunes qui souhaitent accéder à la propriété. Ce choix provoque aussi une inflation du cours des actions et donc de la richesse des plus riches. Voilà à quoi nous a mené la décision de ne pas réformer notre appareil d’état depuis 40 ans. Je rappelle ainsi que l’Etat français est à l’origine de la montée des inégalités.

En réalité, cela nous fait perdre de vue le vrai problème car, si demain vous pouviez vous faire soigner sans difficulté, si tout le monde pouvait manger à sa faim, vous accepteriez qu’il y ait plus de milliardaires. Le vrai problème n’est pas un problème d’inégalité mais un problème de pauvreté.

Notre modèle social, vendu comme étant le meilleur du monde mais que personne ne copie, nous conduit à endetter les générations futures et à payer beaucoup d’impôts, engendre 10 millions de pauvres, 6 millions de chômeurs, 2 millions de personnes qui vont manger au Resto du cœur et 25% des jeunes qui renoncent à se soigner.

Il y a donc aujourd’hui un vrai devoir de vérité et de décodage de ce qui se passe dans notre pays. Le rôle de l’Etat est-il d’être partout ou d’être là où nous en avons le plus besoin ?

Prenons le sujet de la forêt des Landes. Voilà un sujet qui ne pouvait être appréhendé que par l’Etat, que par le politique qui doit donner l’impulsion pour laisser ensuite les acteurs de terrain faire le job. Prenons le domaine spatial américain. Dans les années 60, l’Etat a lui-même piloté les projets, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Il y a toujours un Etat qui donne l’impulsion stratégique, mais maintenant il signe des accords avec des entreprises privées, notamment Blue Origin et SpaceX. Ce sont ces entreprises-là qui, sur le terrain, innovent et créent en un temps record. Et ça marche, SpaceX a créé des fusées réutilisables donnant d’ailleurs un coup de vieux à Ariane 6 qui n’est pas encore sortie.

Le modèle américain, c’est celui d’un Etat capable de donner une impulsion, voire d’aider financièrement les acteurs privés, puis de laisser ces acteurs privés inventer, déposer des brevets, réaliser les projets et les industrialiser.

Penser que tout peut être géré par un Etat central est une hérésie. Le Google européen voulu par J. Chirac et A. Merkel pour contrecarrer le Google américain fut un exemple malheureux d’un projet d’Etat, un puits sans fond qui a été abandonné. En revanche nous disposons de ressources de génie et d’entreprises performantes reconnues mondialement. La France est le pays du monde où il se crée le plus d’entreprises. Nous avons une capacité extraordinaire à lancer des projets.

Le rôle de l’Etat est de se concentrer sur l’essentiel et de laisser faire les forces productives du pays. Mon souhait est que l’Etat en fasse le moins possible. L’enjeu majeur des prochaines années sera de reconcentrer l’Etat sur ses missions fondamentales telles que protéger ses frontières, faire régner l’ordre et la sécurité. Ces missions constituent la base du contrat social qui fonde toute société. Or depuis 40 ans, ce qui relève du régalien, les forces armées, les forces de sécurité et la justice, a été la variable d’ajustement de toutes les politiques publiques quand il s’agissait de faire des économies. Nous en sommes arrivés à ce que la régalien ne représente plus que 5% du PIB alors que les dépenses sociales dépassent 31%.

L’Etat doit se concentrer sur la sécurité intérieure. Je travaille à cet égard en collaboration avec le Général Bertrand Soubelet, ancien Directeur des Opérations de la Gendarmerie Nationale. Il a travaillé sur le plan de reconquête des zones de non droit dans lesquelles la police ne va pas. Ces territoires dont les accès sont limités par de véritables checks points contrôlés par des voyous qui se réclament de la police du quartier sont une réalité. Toutefois ces jeunes aux activités illicites rêvent d’être - pourquoi pas - des entrepreneurs, ils ont des projets. Un jeune de banlieue n’a pas l’obsession de devenir caïd ou islamiste, il veut simplement réussir sa vie. Quant aux habitants de ces quartiers, ils rêvent de vivre paisiblement, convenablement dans leur quartier. Si nous abandonnons ces quartiers, si nous laissons les mafias s’emparer des zones de non droit, nous prenons le risque de voir les personnes positives et bienveillantes se transformer en écorchées vives capables du pire.

Avec Bertrand, nous avons un plan concernant ces zones de non droit. Il s’agira de mettre en œuvre sur une période très courte un régime juridique spécifique à mi-chemin entre l’état d’urgence et l’état de siège, sous commandement militaire. Un millier d’hommes et de femmes, militaires, policiers, gendarmes, juges d’instruction, éducateurs, élus locaux constitueront la force d’intervention, en non-stop h24 et comparutions immédiates. La remise en ordre se fera quartier après quartier. Ce projet de rétablissement de la sécurité intérieure est prêt à être appliqué.

L’ordre passe aussi par la justice qui est aujourd’hui le maillon faible de notre sécurité intérieure. Le budget du ministère de la justice est inférieur au budget du ministère de la culture dont la moitié est utilisé par l’audiovisuel public. Est-ce cohérent ? La justice, maillon essentiel de notre politique de sécurité, devrait faire le nécessaire pour que nos policiers et gendarmes sur le terrain soient crédibles. En l’occurrence notre justice, aujourd’hui abandonnée, a grand besoin de moyens supplémentaires.

La sécurité est aussi la sécurité extérieure. Au début des années 2000, la guerre froide étant arrivée à son terme, certains ont pensé que toutes les positions étaient stabilisées et que nous allions vivre dans un monde de paix. C’était une gigantesque imposture.

Nous vivons aujourd’hui dans une ère de rétablissement des Etats de puissance. Les Etats s’affirment en tant que puissances, la Chine en est un exemple. Elle s’équipe de l’équivalent d’une marine nationale française tous les quatre ans. Avec son projet pharaonique de routes de la soie, la Chine sera à notre porte par les ports de Trieste et de Gêne en Italie. Par ailleurs, la Chine a une approche clairement néocoloniale en particulier à l’égard de certains pays d’Afrique tandis que nous culpabilisons au sujet de notre histoire coloniale et éprouvons des scrupules à développer des accords de partenariat avec nos partenaires africains.

Parlons de la Turquie qui a le toupet d’envoyer des navires chez nos alliés, en Grèce, parce que le président Turc nous considère comme des faibles. La Turquie, elle aussi, a un projet pharaonique, celui de rétablir l’Empire ottoman à l’horizon 2053, date qui parle à l’inconscient turc car elle correspond aux 600 ans de la chute de Constantinople.

Les Etats-Unis sont aussi dans une ère de développement de leur puissance. Regardez leur attitude dans l’affaire des sous-marins français vendus à l’Australie. Ils ont froidement torpillé un allié. Quel scénario aurait été choisi s’il s’était agi d’ennemis ?

Nous avons absolument besoin d’affirmer notre puissance dans ce monde, être crédibles en possédant une armée adaptée en taille et en moyens. Bien sûr qu’il nous faut un deuxième porte-avions nucléaire pour en avoir toujours un opérationnel, même pendant les périodes de maintenance. Evidemment nous devons nous organiser pour faire face aux coûts de modernisation de nos armées.

Par ailleurs, il est fondé de s’inquiéter de l’état de notre système éducatif et de ce que deviendra notre pays dans 20 ou 30 ans, puisque par définition, l’éducation est par excellence le reflet de la politique publique de long terme. Ce qui se décide aujourd’hui aura des répercussions dans 20 ou 30 ans.

Nous devons investir massivement dans l’école. Mais qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?

C’est d’abord « remettre de l’ordre ». Nous devons restaurer l’autorité du maître et renouer avec un certain nombre de symboles, comme se lever quand le maître entre, remettre une estrade pour souligner l’importance et le rôle du maître, restaurer le respect que nous lui devons.

C’est aussi se donner l’objectif d’une école de l’excellence, c'est-à-dire une école qui apprend à lire, à écrire et à compter. C’est également une école qui renoue avec deux disciplines fondamentales, base de tout le reste, que sont les mathématiques et l’enseignement du grec ancien et du latin qui, ensemble, structurent et développent la pensée, les langues, notre capacité d’abstraction. Ainsi dotés, nos enfants pourront plus facilement s’adapter à un monde en perpétuelle mutation, les connaissances ne seront plus figées. Certes il faut apprendre, mais il faut aussi apprendre à apprendre.

Une autre facette de l’enseignement est le faible salaire des enseignants. Avoir un bac + 5 et recevoir un salaire net de 1300 ou 1400 € est problématique. Qui attire-t-on avec une telle rémunération ? Des personnes déterminées et dévouées à la cause, il y en a ! Mais il y a aussi des médiocres qui n’ont pas le niveau et qui font ce métier par dépit ou par défaut.

Nous devons évidemment augmenter massivement le salaire de nos professeurs, mais pas sans contrepartie. La première contrepartie consistera à travailler plus, la deuxième accompagne l’autonomie des établissements car selon la région, selon le quartier où ils se trouvent, les enseignants doivent s’adapter, répondre à des projets pédagogiques différents. Il faut donc donner plus de liberté aux chefs d’établissement ainsi qu’à l’ensemble du personnel éducatif.

Je souhaite que les élites dans chaque domaine aient envie d’enseigner, de transmettre leurs savoirs et savoir-faire. Je souhaite aussi combattre le système des castes, celles de ceux qui croient savoir. Je souhaite que les meilleurs aient envie de devenir prof dans les lycées, dans les collèges et même dans le primaire pour préparer l’école de l’excellence.

A longueur de journée, nos enfants baignent dans les écrans où tout va très vite. L’addiction destructrice rôde. Rétablir l’équilibre s’impose. L’école de l’excellence doit être un sanctuaire qui résiste à la dictature de la vitesse. L’école doit être un lieu où règne le temps long, le temps lent, pour que nos enfants aient le temps de la réflexion, de l’introspection, de la méditation. Regardez les choix faits par les patrons du web de la Silicon Valley, leurs enfants sont dans des slow school sans écran numérique.

Le rôle de la politique, et singulièrement d’un Président de la République, est précisément de résister à cette accélération. C‘est tellement tentant de penser à court terme, aux 100 jours fatidiques. Curieusement les pays dont je vous ai parlé comme la Chine, la Turquie, les Etats-Unis, pensent à long terme, ils préparent 2050. C’est ainsi qu’ils peuvent entraîner leurs peuples derrière eux.

Raisonner en pensant uniquement à la prochaine élection est une faute. Pensez qu’un enfant qui naît aujourd’hui connaîtra le  siècle. Beaucoup d’entre nous ont été habités par la perspective du  siècle, par le passage de l’an 2000. Mais c’est fini, passé. Dans ce monde en perpétuel mutation, nous avons le devoir d’avoir ce  siècle en horizon de pensée, sinon la France pourrait sortir de l’Histoire.

Concernant l’avenir, la défense de l’environnement est devenue un sujet devenu très important. Toutefois l’écologie a été prise en otage par des dogmes qui, parfois, vont à l’encontre de ce qu’ils sont supposés défendre.

La priorité absolue en ce domaine est la lutte contre les gaz à effet de serre, le réchauffement climatique de la planète. Pour lutter contre les émissions des gaz à effet de serre, il faut choisir une énergie qui n’émet pas de CO2. La Commission Européenne, au travers de la taxe à l’économie verte, a choisi un certain nombre d’énergies dites durables. Elle place le gaz dans les énergies durables et en exclue le nucléaire, or s’il y a une énergie qui n’émet pas de gaz à effet de serre, c’est bien l’énergie nucléaire. Certes le nucléaire pose d’autres questions, notamment en termes de recyclage, mais s’agissant d’émission de gaz à effet de serre, le nucléaire est bien une énergie verte.

En même temps, la Commission a décidé de mettre fin au moteur thermique à l’horizon 2035, et au plastique en 2040. En 2040, nous serons donc sortis du pétrole. C’est une nouvelle fantastique pour l’environnement mais comment allons-nous faire rouler les 30 millions de véhicules électriques qui circulent en France et les centaines de millions en Europe ? Ce ne sera pas avec les éoliennes qui ne fonctionnent que 5% du temps, ni exclusivement avec des énergies solaires. Il faudrait équiper toute la surface de l’Aquitaine de panneaux solaires pour faire rouler 20 ou 30 millions de véhicules électriques.

Nous n’avons pas d’autre solution que d’investir dans la filière nucléaire et notamment dans les réacteurs de troisième génération. Flamanville en est un mauvais exemple. C’est un échec parce qu’en fait, nous avons perdu l’expertise après avoir abandonné ce qui était une filière d’excellence. Nous sommes aujourd’hui en train de reconstituer cette expertise.

Il nous faudra six EPR pour faire rouler 20 ou 30 millions de véhicules électriques. Sinon en 2030, soit dans seulement 13 ans, ce sera le black-out. A moins que selon le modèle allemand et en attendant mieux, nous fassions tourner des centrales au gaz ou à charbon. Cette voie serait évidemment irresponsable.

Nous devons nous projeter dans l’avenir, comprendre que nous sommes dans une période de transition et qu’il y a en germe la perspective extrêmement réjouissante de la fusion nucléaire ou du nucléaire de 4ème génération qui promettent, à l’horizon 2070, une énergie quasi illimitée avec des déchets radioactifs de longue durée profondément réduits. Des expérimentations sont en cours à Cadarache, en Provence. Mais comment ferons-nous entre 2035 et 2070 ? A eux seuls, les panneaux solaires et les éoliennes ne permettront pas de gérer la transition.

Nous avons l’habitude d’opposer les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire. C’est un tort car elles font partie de la même catégorie, les énergies non polluantes. L’ennemi n’est pas le nucléaire mais le pétrole.

Je rencontre beaucoup de climato sceptiques qui disent que la terre a connu bien d’autres changements climatiques, qu’il n’est pas nécessaire de se battre contre le réchauffement climatique. A ceux-là, je propose de faire un pari pascalien, « Nous ne perdons rien à faire du combat contre le réchauffement climatique une priorité cardinale ». En embrassant cette voie, nous allons changer notre société. Nous irons vers une société plus sobre, plus frugale sur certains aspects.  Cette lutte dynamisera les zones rurales, développera de nouvelles technologies et bouleversera nos modes de vie. Quand l’énergie sera quasiment illimitée, selon la loi de l’offre et de la demande, l’énergie deviendra gratuite ou presque. Ce sera une nouvelle révolution, la 3° révolution, avec un nouveau modèle de société et un nouveau modèle de croissance économique.

Certains pourraient objecter qu’une contrainte ne peut pas créer de croissance, en l’occurrence s’imposer la contrainte environnementale ne peut pas créer de croissance. C’est faux et nous avons des contre exemples. En particulier la guerre de Sécession qui s’est déroulée aux -, au XIXème siècle. Les états du nord avaient décidé de s’imposer une contrainte, abolir l’esclavage, avec pour conséquence la fin d’une main d’œuvre gratuite. Il fallait donc payer cette main d’œuvre alors que les états du sud maintenaient l’esclavage. Dans l’obligation de payer leur main d’œuvre, les états du nord se sont modernisés. Ils se sont industrialisés et ont créée de la prospérité alors que les états du sud sont entrés dans la précarité. La contrainte n’est donc pas forcément synonyme de régression.

L’honnêteté intellectuelle nous oblige à aborder le sujet sous un angle sincère et scientifique. Il y a un sujet dont personne ne parle à propos des véhicules électriques. Il s’agit des batteries et en filigrane, des métaux stratégiques. Ces métaux rares sont indispensables à la fabrication des panneaux solaires, des éoliennes, des téléphones portables, des batteries… Ils sont extraits par la Chine, en Afrique, dans des conditions environnementales et humaines déplorables, en faisant travailler des enfants.

Il ne faut évidemment pas troquer notre dépendance à l’OPEP par une dépendance à la Chine et nous poser la question de notre souveraineté minérale, notre capacité à extraire nous-même nos métaux stratégiques, notamment dans nos territoires maritimes. Peut-être faudra-t-il ouvrir des mines en France ? Certes, elles auront des coûts supérieurs à ce qui se pratique en Afrique mais cela a peu d’importance car le prix des métaux rares utilisés dans un téléphone n’excède pas 1 à 2 €. Proportionnellement au prix total du téléphone, l’augmentation du coût des métaux rares restera négligeable.

Nous devons également faire preuve d’honnêteté intellectuelle et de lucidité concernant l’utilisation de l’hydrogène. L’hydrogène n’existe pas à l’état naturel. Pour l’isoler, nous devons procéder à l’électrolyse de l’eau qui, pour se faire, nécessite l’usage de l’électricité. Notre capacité à produire de l’hydrogène dépend donc de notre capacité à produire de l’électricité.

Chaque grande révolution industrielle a été associée à une révolution énergétique. La 1° révolution industrielle a été associée à l’usage de la vapeur, la 2° à celui du pétrole, la 3° à celui du nucléaire et la 4° sera associée à l’énergie durable, notamment celle du nucléaire de la 4°génération.

Cela nécessite de voir loin, d’envisager une politique à long terme qui nécessite de résister à toute démagogie, d’appréhender l’écologie sous l’angle le plus noble, celui de la science et de l’innovation et non pas celui des taxes et de la privation.

« La cause environnementale est trop sérieuse pour être confiée aux écologistes » pour paraphraser Georges Clémenceau qui parlait des militaires. L’écologie qui est l’affaire de tous est l’une des grandes conquêtes que nous pouvons mener pour bâtir un projet de civilisation.

Nous vivons dans un monde où jamais dans l’histoire de l’humanité les conquêtes à mener n’auront été aussi nombreuses, nous vivons la vague d’innovations la plus spectaculaire de tous les temps.  Quelles sont ces conquêtes ? Ce serait absurde de décider de créer un concurrent à Google, il n’y aura jamais de Google français ou européen. Nous avons perdu cette bataille ! En revanche, posons-nous la question des conquêtes de demain dans lesquelles nous aurons un rôle à jouer car nous avons toutes les forces vives pour réussir. Par exemple, l’informatique quantique, l’hydrogène, l’univers parallèle.

Pour cela, il faut que nous acceptions de jouer en attaque, alors qu’aujourd’hui nous jouons en défense. Aujourd’hui quand nous avons peur des GAFA, nous inventons une taxe que les clients, en l’occurrence les entreprises françaises, payent.

Nous allons jouer en attaque, nous allons affirmer notre puissance. Nous allons remettre l’Etat à sa place et laisser le génie français s’exprimer et porter les révolutions qui sont devant nous.

Nous avons de multiples raisons d’être inquiets, le déclin est statistiquement le plus probable mais même si nous n’avons qu’1% de chance de réussir, nous avons le devoir d’essayer. Nous avons le devoir de réformer notre appareil d’Etat, de laisser notre génie créatif s’exprimer car la France est le plus beau pays du monde. Sous réserve que nous réformions notre Etat, supprimions les taxes et règlements surabondants. Les grands patrons étrangers choisissent de vivre en France pour sa culture, sa gastronomie, son histoire, ses qualités de vie. La France, pays deux fois millénaire, est un paradis pour vivre et pour entreprendre. A charge pour nous d’écrire les deux mille ans qui sont devant lui !

 

Temps d’échanges. Les premières questions sont posées par deux étudiants de l’ICES, puis la parole est à la salle :

Merci pour cette magnifique conférence. Vous n’êtes pas sans savoir que la Vendée est un terreau fertile d’entreprenariat. Quel serait votre avis sur la façon de transposer la vision du modèle économique vendéen à l'ensemble de la France ?

C'est une question passionnante que j'ai posée toute la journée aux personnes que j'ai rencontrées. L’esprit d’initiative de cette région qui compte 30 % d’emplois industriels alors que la désindustrialisation en France est un fléau, et qui n’offre que 5 % de chômage est remarquable. Je pense que si nous réussissons à cloner la Vendée, nous réussirons à faire de la France le grand pays dont je vous ai parlé. Je suis aujourd’hui à la recherche du comment.

 

Etudiants en sciences politiques, j’ai cherché des questions à vous poser et je suis allé interroger des personnes « du peuple » comme on dit. J'ai notamment contacté une vieille amie de Marseille qui vit depuis 30 ans dans une cité et je lui ai demandé « quelle serait la question que tu souhaiterais poser une personne de la vie publique et politique ? » Elle m'a parlé justement de cette jeunesse qui évolue difficilement, qui en fait ne va vraiment pas bien du tout. Elle a évoqué un passé durant lequel on enseignait encore la moralité à l'école. J’aimerais savoir quel est votre avis sur une possible réorganisation de l’Education nationale, comment voyez-vous un avenir pour la jeunesse ? Et comment règle-t-on le problème des cités ? Cette violence, cette ultra violence même, n'est-elle que le fruit d'un problème de code social qui n'est pas respecté ou alors la conséquence de la pauvreté, de la misère ? Comment est-ce qu'on peut y répondre ?

Il y a deux manières de répondre. La première, souvent utilisée par les politiques, consiste à proposer un chèque culture de 300€. Ce sont les mêmes qui vont avoir une politique pour les seniors, une politique pour les chasseurs, pour les infirmières, etc. Ces réponses sont profondément démagogiques. La seule façon d’ouvrir l’avenir à la jeunesse est de le préparer. Combattre la double dette économique et écologique en fait partie. Aujourd’hui nous voyons émerger une génération qui vit moins bien que ses parents et grands-parents. Ce phénomène concerne toute la jeunesse, citadine et rurale, ainsi que celle des cités. Nous sommes aujourd’hui en panne d’avenir, nous subissons, passons donc à côté des grandes mutations du monde. La jeunesse devient la variable d’ajustement des politiques publiques. C’est toute cette logique-là qu’il faut réussir à inverser. Nous devons renouer avec la puissance, avec l’esprit de conquête, avec une vision d’avenir entraînante, avec un seul projet collectif et fédérateur qui s’appelle la France. Quand ce projet n’existe plus, on assiste à la confrontation d’idéologies dites concurrentes. C’est comme cela que l’islamisme aujourd’hui progresse dans notre pays. J’ai la conviction que c’est en prenant le problème par le haut qu’on s’en sortira, en remettant nos comptes publics à plat, en remettant l’Etat à sa place, en aidant la jeunesse à réaliser ses rêves, à condition évidemment qu’elle travaille. La seule manière de faire sauter les verrous est d’insuffler une dynamique de civilisation positive, entraînante. Quand on s’appelle la France, qu’on a 1500 ans d’histoire, une telle culture, ce génie créatif et entrepreneurial, on a tous les ingrédients pour y arriver.

 

Vous parliez tout à l’heure de réintégrer le grec et le latin à l’école. Pourriez-vous nous faire part de 2 ou 3 leviers d’action concrets pour la jeunesse de demain, pour créer une sorte d’union entre des groupes beaucoup trop segmentés aujourd'hui pour pouvoir avancer ensemble.

Je ne vous donnerai aucune mesure en faveur de la jeunesse. Je vais peut-être vous décevoir mais ce serait démago. Qu'est-ce que je vais faire en revanche ? Je vais faire en sorte que si vous prenez des responsabilités demain, vous ayez des marges de manœuvre pour agir. C’est je crois le plus grand cadeau qu’on peut faire à notre jeunesse. Si vous êtes au pouvoir ou à la tête d'une entreprise, que vous ayez la capacité de vous épanouir dans ce que vous faites et de réussir. Je vous le dis parce qu’aujourd’hui ce n'est pas le cas, les rigidités sont telles que vous n’y arriverez pas. Certains passent entre les mailles du filet et tant mieux pour eux mais aujourd’hui notre système oppresse notre jeunesse. La seule chose que je peux vous promettre, c'est la liberté. La liberté d’écrire l'histoire, la liberté d'entreprendre, la liberté de choisir votre vie. La liberté est le cadeau le plus précieux que nous pouvons léguer aux générations futures. Et nous allons nous battre pour que vous puissiez aujourd'hui, demain et après-demain, avoir tous les leviers de cette liberté.

 

Une autre question touche le domaine social également. J'ai fait le constat un peu triste et amer durant ma balade en France que dès que j'évoquais le fait que j'étais étudiant en sciences politiques, la réaction était unanime, il y avait toujours une forme de dégoût qui se dessinait sur les visages. La même réaction s’est produite tout à l'heure quand j'ai proposé à un SDF de poser par mon intermédiaire une question à une personnalité politique. Comment expliquez-vous ce manque de confiance, ce délitement du lien entre la classe politique et le peuple, et qu'est-ce que peuvent faire les personnalités politiques pour regarder vers le bas et participer à cet effort de resocialisation ? Vous parliez tout à l’heure de millions de pauvres et du nombre important de chômeurs, je pense aux bancs sur lesquels on a rajouté des accoudoirs pour éviter que des personnes dorment dessus. Comment progresser car finalement la civilisation c'est surtout l'unité ?

Chaque année, un grand sondage est fait par l’institut de sondage de Science Po Paris qui vise à évaluer la cote de confiance de toutes les institutions françaises au sens large. En tête, vous avez les hôpitaux, les entreprises et l’armée, qui recueillent une grande confiance. Tout en bas, vous avez les partis politiques. Seulement 4% des Français leur font confiance. Ils font plus confiance aux syndicats, aux médias et aux banques qu’aux partis politiques. Pourquoi ? Parce qu’il y a en réalité deux sujets distincts quand on parle de politique. Le sujet de la conquête du pouvoir et le sujet de l’exercice du pouvoir. Si vous mettez toutes vos forces dans la bataille uniquement pour la conquête du pouvoir sans vous poser la question de l'après, la question de l'exercice du pouvoir, eh bien vous risquez de vous planter.

Aujourd'hui, nous sommes dans une société où seule la conquête du pouvoir compte. Il faut mettre en avant des réformes séduisantes et impactantes, et personne ne se pose la question du jour d’après. Dans Objectif France, vous avez Patrice Huiban, qui est conseiller à la Cour des comptes. 150 personnes qui travaillent sur un projet dans 20 pôles différents. Le programme est visible sur notre site internet. Mais ils travaillent surtout sur ce que vous ne voyez pas, sur la manière dont nous allons pouvoir dérouler le plan. Je ne cite pas de nom mais quand vous avez un programme électoral de 17 pages composé essentiellement de photos de vous comme ça s’est passé en 2017, et que vous ne vous posez pas la question du comment, vous êtes bien ennuyé quand vous arrivez aux responsabilités. Le pacte de confiance qui liait les politiques et les citoyens n’existe plus. J’arrive en politique, non pas avec une casquette de politicien que je ne suis pas, mais en tant que citoyen engagé.

 

En filigrane, vous posez également la question de la vitalité démocratique de notre pays. Il y a évidemment un certain nombre de réformes démocratiques à mettre en œuvre.  Comment faire pour que le citoyen soit davantage partie prenante du modèle politique de notre pays ? On peut parler notamment de la question de la proportionnelle à l’Assemblée nationale, d’un accès facilité aux référendums d’initiatives citoyennes, de la reconnaissance du vote blanc. Pour que la voix des mécontents et des oubliés de la République soit entendue. La seule façon de rétablir la confiance est de dire ce que l’on fait, jouer cartes sur table, ne pas chercher à être populaire en proposant des réformes séduisantes alors que nous serons en incapacité totale de mettre en œuvre ce plan. C’est ce devoir de vérité qui consiste à mettre sur la table ce que vous souhaitez faire – mesures impopulaires comprises - et être capable de faire ce que vous vous êtes engagé à faire une fois élu.

 

Au cours d’une émission où vous étiez invité par Natacha Poloni, vous parliez de créer une représentation civile à l’Assemblée, est-ce toujours un projet ?

Oui bien sûr, et on est même allés beaucoup plus loin. On a même prévu dans le cadre des conseils régionaux 10% de citoyens qui seraient tirés au sort, car on considère que certaines catégories sont sous-représentées à l’Assemblée, comme les ouvriers par exemple. On peut très bien garder l’âme de la Vème République à laquelle je suis très attaché parce qu’elle permet de gouverner un pays et de traverser des tempêtes, et en même temps s’adapter, être plus participatif, donner la parole aux citoyens, éventuellement sur le modèle des votations suisses. Un peuple souverain peut décider de s’emparer d’un certain nombre de sujets, légiférer, avec bien sûr des garde-fous. Il y a un vrai sujet de vitalité démocratique et de restitution de la parole aux citoyens. Il ne s’agit pas de remplacer le vertical par de l’horizontal, mais d’être à la fois participatif et plus directif quand les circonstances l’exigent.

 

Quel a été votre processus pour créer un parti politique ? Quels conseils donneriez-vous par exemple à des jeunes ou des citoyens pour créer leur parti politique ?

Travaillez votre force de caractère et soyez sûr de vos objectifs car tous ceux qui croiseront votre route ne se gêneront pas pour vous dissuader par tous les moyens de le faire. J’ai découvert en allant sur le terrain politique que les règles qui président à l’engagement public ne sont pas les mêmes que celles qui président à la gestion d’une entreprise. Quand vous gérez une entreprise, les choix et décisions sont très rationnels. En politique, c’est le domaine de l’irrationnel qui prévaut. Les peaux de banane vous arrivent non pas de vos ennemis mais de ceux dont vous êtes supposés être les plus proches. Dans le cadre de l’entreprise, on cherche à s’entourer des meilleurs. Si j’ai besoin d’un directeur financier ou d’un développeur informatique, je vais chercher quelqu’un qui connaît mieux les finances ou l’informatique que moi. En politique, c’est différent, on peut s’entourer de gens moins compétents que soi parce qu’ils ne sont pas des rivaux. C’est donc un nivellement par le bas qui encourage une certaine forme de médiocratie. Pour ma part, je fonctionne en politique comme je le fais dans mon entreprise, je m’entoure de personnes plus compétentes que moi. La sécurité est l’un des principaux enjeux de notre pays, eh bien je considère que le Général Bertrand Soubelet est beaucoup plus qualifié que moi pour résoudre le problème des zones de non droit de notre pays. Les personnes qui connaissent parfaitement l’environnement de la haute fonction publique, de l’appareil d’Etat, sont plus compétentes que moi pour travailler à la réforme du Léviathan administratif qu’est Bercy. C’est l’une des clés de la réussite. C’est de cette façon que Charles de Gaulle a réussi à transformer la France en 1945. Mettons fin au règne de cette médiocratie et faisons travailler les meilleurs non pas au service d’un ego mais d’une cause qui s’appelle la France et son avenir.

 

Le journaliste Serge Raffy vous a qualifié de « politiquement inclassable », à la fois conservateur et progressiste. Quel est votre avis là-dessus ?

Je suis un conservateur progressiste – ou un progressiste conservateur. Je suis très attaché aux racines, à la transmission, à l’idée selon laquelle nous sommes les héritiers de 1500 ans d’Histoire. Être Français, c’est faire corps avec cette Histoire. Et je suis convaincu que la France est un pays en mouvement qui doit embrasser la révolution technologique pour ne pas la subir. Convaincu que la France est un phare qui illumine le monde. C’est peut-être ça mon côté progressiste.

 

Vous avez parlé du climat en disant qu’il fallait en faire une priorité cardinale qui impliquait un nouveau modèle de société. Comment l’expliquer aux Français qui ont par exemple du mal à comprendre que l’augmentation du prix de l’essence soit un objectif écologique à long terme ?

Il y a quelques semaines, invité à participer à un débat sur BFM, j’étais face à une personne qui prône la décroissance. Elle vantait les mérites du vélo en lieu et place de la voiture. Je lui rétorquai que ce discours convenait concernant une population urbaine mais que les populations rurales sont obligées de prendre leur voiture. Il n’y a pas d’autres options aujourd’hui pour la majorité de nos compatriotes.

La vraie écologie par définition ne peut pas être punitive. Si les Français ont besoin de leur voiture pour aller travailler, il faut qu’ils puissent trouver facilement de l’essence. Et ce n’est pas en augmentant le prix du carburant, c’est-à-dire en punissant les automobilistes qui n’ont pas le choix, que nous réussirons cette transition énergétique. La clé de cette transition réside dans le progrès, dans la science.

 

Vous avez créé un parti politique, alors quand vous présentez-vous ? Qui sont vos alliés ? Et si vous ne vous présentez pas, pour qui voter ?

La question des alliés est très intéressante parce que je n’appréhende pas la politique comme une question de clans. Les politiciens de carrière disent souvent « notre électorat » en s’adressant à leur niche politique et en oubliant complètement le reste. Je fais pour ma part de la politique pour parler à la France entière. Aujourd’hui, la troisième voie ne peut être que la conséquence d’un rassemblement très large, bien au-delà d’une question de droite ou de gauche. Au mois d’août dernier, nous avons accueilli le patron du Parti Radical de Gauche, Michel Barnier, ancien Commissaire européen, le président de l’UDI Jean-Christophe Lagarde, Corinne Lepage et Éric Zemmour. Les déclarations fracassantes de ce dernier à la rentrée ont été prononcées chez nous. Avec toutes ces personnes, nous avons débattu. Je ne dis pas qu’ils sont nos alliés, ils sont même très différents, mais certains épisodes de notre Histoire montrent que rassemblés, certains camps adverses ont vaincu. Ça a été le cas pour le Conseil National de la Résistance, des gaullistes et des communistes ont travaillé ensemble, durant une courte période certes, mais à des moments charnières, nous devons être en mesure de travailler ensemble.

 

Votre autre question concerne les élections présidentielles. Nous travaillons sur un programme de redressement national. Notre projet est un projet politique au service de la France.

J’ai deux traits de caractère. Le premier rejoint mon ambition pour notre pays qui est sans limite. Je ferai donc ce qu’il faut pour être en mesure d’appliquer ce que je vous ai présenté ce soir. Le deuxième, c’est que je suis lucide. Si vous faites un mix des deux, vous avez à peu près ma réponse.

 

Concernant le déclin de la France dont vous avez parlé en faisant allusion à l’empire romain, quel serait à votre avis la clef qui permettrait à la France de retrouver son rôle hégémonique et économique et jouer de nouveau dans la cour des grands ?

Si je pouvais résumer en deux mots, ma réponse serait le génie français. Vous connaissez tous les grottes de Lascaux ou celles de Chauvet qui témoignent des premières expressions artistiques du genre humain. Il existe 180 grottes de cette nature en France / 300 dans le monde. Je ne vais pas vous dire que le génie français existait à l’ère paléolithique mais il y a tout de même dans cette analogie quelque chose qui nous dépasse. Le génie français est dans nos gènes et s’exprime dans tous les domaines. Ces sont les chefs d’entreprise mais aussi les salariés qui se donnent à fond pour faire avancer un projet collectif, ce sont les acteurs associatifs, les artistes, etc. Dans cette ère de mutation profonde, de 4ème révolution industrielle où tous les paradigmes vont être bousculés, la France a les moyens d’être le laboratoire d’un nouveau modèle de civilisation, d’un nouveau modèle écologique, démocratique et entrepreneurial.

 

J’aimerais revenir sur le sujet des zones de non droit. Vous avez parlé d’un projet construit et soi-disant prêt, pourquoi dans ce cas n’est-il pas appliqué ? Et que voulez-vous faire d’auteurs d’actes répréhensibles relâchées le lendemain de leur arrestation ?

Pour que le modèle positif que je vous présente fonctionne, il faut que l’ordre social soit respecté. Et l’ordre ne se négocie pas. « Tu es sorti du cadre, tu payes. »

Pourquoi personne ne fait rien pour les zones de non-droit. Quand je me suis rendu dans les quartiers nord de Marseille, j’étais accompagné par une élue de la ville qui me disait qu’elle était heureuse d’y venir avec moi parce qu’aucun homme politique ne veut s’y rendre. Le plan que nous voulons va forcément reposer sur un rapport de force, un rapport qui accepte l’idée que ça puisse mal se passer, sachant que c’est l’Etat qui doit avoir le dernier mot. La peur du débordement nous conduit à ne pas se poser les bonnes questions et on refile la patate chaude au régime suivant. On ne doit pas avoir la main qui tremble, et je peux vous dire que Bertrand Soubelet ne sera pas homme à avoir la main qui tremble s’il est un jour à la tête du ministère de l’intérieur.

 

Vous avez parlé d’envoyer les forces armées dans les cités, accompagnées d’éducateurs certes, mais j’ai tout de même une question de fond sachant que les ¾ des populations qui vivent dans ces quartiers de non-droit ne comprennent pas la situation, ne savent pas expliquer ce qui se passe. Vous risquez d’attaquer des personnes en grande difficulté qui vivent dans des environnements délaissés par les forces de l’ordre depuis plus de 40 ans. Comment allez-vous vous y prendre ?

Vous me dites que nous allons attaquer ces populations, moi je vous réponds que nous allons les libérer. Vous avez raison, ces gens-là sont des victimes, ils sont pris en otages par des voyous. Le contrôle renforcé dont je vous parle ne pas arriver du jour au lendemain. Il s’agira d’un régime juridique qui nécessitera une réforme constitutionnelle qui sera présentée aux Français. Il y aura beaucoup de pédagogie autour de cette mesure. Il ne s’agit pas d’envoyer les soldats du jour au lendemain. Des éducateurs, des juges, des psychologues seront également mandatés.

 

Ma question concerne le long terme. Vous parlez beaucoup d’aspects à refonder comme la justice ou l’éducation, ce sont des mesures qui prendront beaucoup de temps. Avez-vous quelque chose à proposer en lien avec la politique à court terme car un quinquennat ça passe vite et beaucoup de Français souhaitent voir bouger les lignes.

Vous avez raison, j’ai évoqué de nombreux aspects politiques à long terme mais nous avons aussi un assez grand nombre de dispositions très précises, très concrètes, que nous allons prendre concernant des sujets qui nous concernant tous comme la question du pouvoir d’achat. Nous allons réduire les dépenses en réformant le mille-feuille administratif, en supprimant un certain nombre d’agences de l’Etat, en réformant notre système de retraite et notre système de sécurité sociale, ce qui donnera lieu à des économies d’environ 130 milliards pour 2023. Cette somme pourra être répartie selon 3 axes, une partie en réduction de la dette, une partie en investissement dans le domaine du régalien, la police, la défense nationale et la justice, et une partie dédiée au soutien des entreprises et des citoyens sous forme d’augmentation du pouvoir d’achat sur la fiche de paye, la suppression totale des impôts de production, l’augmentation du minimum vieillesse, etc. Ce sont des réformes concrètes, précises et chiffrées que nous sommes tout à fait en mesure de financer.

 

Je vous rejoins complètement sur votre diagnostic, trop d’Etat s’apparente à une pieuvre qui s’infiltre partout. Vous êtes comme moi un chef d’entreprise. Quand j’entreprends une mesure, je cherche à savoir où se trouve le point de bascule de ce que je décide. A quel moment pensez-vous atteindre votre point de bascule en bon chef d’entreprise concernant la réforme de l’Etat ? Faut-il un mandat, en faut-il deux ?

Nous sommes aujourd’hui obligés d’avoir des résultats à court terme, pour deux raisons. D’abord parce que l’état du pays nous y oblige. Et puis parce que le climat de défiance des citoyens vis-à-vis de la classe politique exige des résultats tangibles immédiats. Nous sommes capables de faire en sorte que la dépense publique baisse de 130 milliards en deux ans, sans baisser les services rendus. Je peux vous le dire parce que ça fait quatre ans qu’on travaille dessus. Le point de bascule dont vous parlez doit avoir lieu dans les deux premières années. Le plus important est de jouer cartes sur table lors de l’élection présidentielle. Si vous avez la légitimité démocratique pour agir, si vous avez le mandat du peuple français pour le faire, aucune rigidité ne pourra vous en empêcher. Prenez l’exemple de la réforme des retraites. L’exécutif actuel s’est fait élire en disant dans son programme qu’il ne diminuerait pas les pensions et n’augmenterait pas l’âge de départ à la retraite. Quand vous arrivez devant les Français avec une projet qui n’est pas celui que vous aviez promis, il ne faut pas s’étonner qu’ils descendent dans la rue. Il y a tromperie sur la promesse. Le pari que nous faisons, c’est de dire la réalité aux citoyens. Si vous nous choisissez, voilà ce qu’on fera et comment on le fera. A partir de ce moment-là, vous avez le mandat du peuple français qui est capable de renverser des montagnes et d’abattre toutes les rigidités, notamment à Bercy. À tout moment, vous êtes en mesure de prendre à témoin le peuple français. Aucune place à l’ambiguïté. Comme le disait le Cardinal de Retz « On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens ».

 

L’élection présidentielle, c’est dans 6 mois, ce qui signifie que vous avez environ 3 mois pour émerger, pour devenir un candidat potentiel qui peut accéder et gagner ce deuxième tour. Vous qui êtes lucide, pensez-vous que ce soit possible en 3 mois ?

Aucun scénario linéaire ne permettrait d’y arriver. C’est mon côté lucide qui me permet de le dire. Pour autant, l’Histoire de France est truffée d’événements non linéaires. J’ai une devise « Constance et circonstances ». La constance, c’est ce qui dépend de nous, c’est le travail acharné que nous menons pour mailler le territoire, pour rencontrer et convaincre des élus, pour mener et dérouler un projet, pour cultiver les réseaux d’influence. Les circonstances, c’est le hasard de l’Histoire, c’est l’humilité face aux circonstances. Comme disait Pasteur « Le hasard ne profite qu’aux esprits préparés ».

 

Vous avez parlé tout à l’heure du système de santé publique français, des codes qu’il convient de réformer. Faudrait-il créer un véritable code de santé ? Depuis quelques mois avec cette pandémie on parle beaucoup du port du masque, de ceux qui en portent et ceux qui n’en portent pas, mais n’est-ce pas un détail par rapport aux personnes qui dorment dans les couloirs parce qu’on n’a pas suffisamment de lits ? On parle sans cesse de masques et pratiquement pas des personnes greffées ou atteintes d’AVC qui sont décédées parce qu’il a fallu retarder leur opération. Que se passerait-il si une nouvelle pandémie se produisait ? En resterait-on encore à la question des masques ?

Je ne partage pas complètement votre analyse. Cette pandémie peut être considérée comme imprévisible. J’ai cependant publié un livre en 2010 – « Vers un capitalisme féminin » - dans lequel j’ai décrit exactement ce qui allait se passer. J’ai même prédit que la baisse du taux de notre PIB serait de 10%, on y est presque. J’avais expliqué le mécanisme de confinement, de fermeture de notre économie, etc. L’ayant prévu, en tant que chef d’entreprise, je me suis équipé en conséquence. J’ai mis en place un plan pandémie avec des masques FFP2 et du gel hydroalcoolique, et nous étions prêts à affronter la pandémie lorsqu’elle est apparue. Evidemment on ne peut pas prévoir tous les risques mais la pandémie pulmonaire était prévisible et nos Etats auraient dû être en ordre de bataille. Ça ne veut pas dire que nos hôpitaux fonctionnent bien aujourd’hui. Le drame de notre modèle, c’est que nous avons un budget d’assurance santé de 200 milliards. C’est beaucoup d’argent, mais le budget consacré à la santé publique, c’est-à-dire à la dimension régalienne de la santé, est de l’ordre de 400 millions d’euros. Dans les 200 milliards, nous avons par exemple le remboursement des cures thermales. Nous payons tous l’équivalent de 5 milliards par an de cures thermales. C’est une question qu’on peut légitimement se poser. Notre mouvement porte comme idée forte que les mutuelles pourraient assurer dès le premier euro. C’est-à-dire que chacun pourrait décider d’être assuré par exemple auprès d’une mutuelle uniquement et non de l’assurance maladie et d’une complémentaire, cela permettrait des économies d’échelle énormes puisqu’aujourd’hui on connaît une double voire une triple gestion. Cela permettrait de mettre le modèle un peu en tension comme sur le modèle des cliniques privées, et de pousser ainsi à l’excellence. Cette révolution de l’hôpital permettrait de faire des économies substantielles, les budgets seraient enfin mis au service du patient et du bien-vivre des soignants. Bien sûr il faut plus de respirateurs, plus d’appareils de dialyse, etc. L’objectif est d’augmenter le service rendu au public, et donc de disposer de moyens supplémentaires pour l’hôpital alloués aux bons endroits. C’est-à-dire qu’il faut accepter un big band de notre modèle de santé.

 

On sait qu’en France il y a le pouvoir de la rue. Vous avez parlé de de Gaulle, Napoléon était un petit caporal, on sait que Mandela a fait 30 ans de prison. Ces gens-là ont cru en leur destin. Et vous Monsieur Smati, croyez-vous en votre destin pour la France ?

Je crois en mon amour pour notre pays, je crois en ma volonté d’accompagner sa mutation et son succès. Je suis capable de tout pour accompagner l’avenir de mon pays. Vous en tirez la conclusion que vous voulez.

 

« Les grands embrasements naissent de petites étincelles » disait le cardinal de Richelieu. On vous souhaite que les petites étincelles que vous produisez aujourd’hui conduisent à un grand embrasement en 2022 !

 

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel Taudière

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