Accueil par Jean-Michel Mousset :
Vous allez assister à une discussion passionnante animée par l'un des fondateurs du CERA, également membre du bureau. J'invite Louis de Froissard à me rejoindre.
Louis de Froissard :
Nous allons vous emmener dans la jungle au sens propre et aussi un peu au sens figuré. Commençons par un peu d'économie. Le Bitcoin est issu d'une réflexion ayant pour base la monnaie et sa situation en 2008. Les choses ne se sont pas particulièrement arrangées depuis.
Les slides que je vous présente datent d’il y a environ 6 mois, les taux d'intérêt étaient alors à zéro.
Je rappelle ici des déséquilibres et vous invitent à regarder les courbes qui montrent ce qui s'est passé ces dernières années dans le bilan des banques centrales. Nous sommes dans le monde occidental et dès que l'on parle de finance, cela commence toujours en bas à gauche et ça se termine en haut à droite.
Quand le bilan d'une banque centrale augmente, cela veut dire que la banque centrale achète des actifs, elle fait de la création monétaire. Nous pouvons le voir en cumul. En 2007 nous sommes passés de 5 000 milliards de dettes à 31 000 milliards.
Cela donne un peu le vertige en termes d'encours. Je termine avec les slides qui concernent l'économie aujourd'hui. Le stock de dettes est près de 4 fois le PIB annuel et cette dette est constituée pour une petite part par le gouvernement, puis par des organisations non financières - c’est-à-dire les dettes des sociétés privées, puis par l'immobilier en gris et enfin les banques sur la partie du haut. Nous avons du mal à réguler la partie marron correspondant aux sociétés non financières, pas aussi bien régulées que les banques.
Nous sommes dans un monde instable sur un plan financier, nous pourrions dire que ce monde financier est exsangue. Ce qui nous renvoie à la situation dans laquelle se trouve le créateur du Bitcoin, Satoshi Nakamoto que personne ne connaît. Il s’agit d’une personne ou d’un groupe de personnes qui a eu l'idée assez extraordinaire de baser le système Bitcoins sur le nombre 21, correspondant à l'édition limitée de 21 millions de jetons et pas un de plus.
La genèse du Bitcoin est le premier block appelé Génésis. Dans ce block, il y a une donnée très importante qui est la faillite des banques en 2008. Le souci monétaire, le courant qui crée le Bitcoin est celui d'une nouvelle autonomie financière.
Je vous propose deux mots clé, le « proof of work » ou la « preuve de travail » qui est la preuve qu'un certain nombre de millions de machines sont en compétition pour trouver une équation à une inconnue, c'est de la force brute qui permet de valider un block. Cela signifie qu'il est inscrit dans le marbre de manière éternel, le marbre de la blockchain Bitcoin. Le « lightning » est un réseau de paiement révolutionnaire basé sur Bitcoin capable de traiter 1 million de transactions par seconde.
Bitcoin est la seule monnaie commune, tout le reste correspond à des projets entrepreneuriaux, dont Ethereum. A eux deux ils représentent 80% du marché. Les 20% restants sont tenus par 16 000 systèmes crypto. Bitcoin détient 45% de la capitalisation.
Nous avons souvent quatre objections quand nous parlons de Bitcoin :
En fait, retenez que Bitcoin est un système sans égal, nous parlerons beaucoup de communauté comme le Commonwealth des anglo-saxons qui partagent un patrimoine commun.
Bitcoin est une architecture centrale qui n'a jamais connu de faille. Il y a eu des vols de Bitcoins, mais parce qu’ils n’étaient pas suffisamment sécurisés.
Bitcoin est une promesse de transférer la valeur, qui est l'information la plus importante par internet. Je la transfère d'une personne à une autre personne - en anglais "peer to peer" - sans permission et sans perte de confiance. Jusque-là il fallait une banque, PayPal ou un organisme qui dit "J'autorise A à transférer de l'argent à B". Avec Bitcoin, je n'ai besoin ni de permission, ni de tiers de confiance.
Une transparence unique. Si vous avez des activités criminelles, le billet de 100$ est beaucoup plus efficace, beaucoup plus anonyme. Dans le Bitcoin, tout est tracé. Non seulement les informations sont disponibles, mais elles sont tracées. Jamais nous n'avons vu Bitcoin dans les Pandora Papers, dans les Panama Papers ou dans les affaires du Crédit Suisse.
En fait nous laissons des traces avec Bitcoin puisque nos pseudonymes indiquent nos adresses. Ce n'est vraiment pas le bon outil pour financer le crime.
Nous allons beaucoup parler de transition énergétique, et pour cela j’évoque les trois éléments forcément concernés, l'eau, le feu et la terre.
Bitcoin est-il volatile ? Oui parce que Bitcoin est jeune, c'est une monnaie vieille de 12 ans.
La courbe est ici logarithmique, son ordonnée est terriblement écrasée.
Nous avons une succession de "Bitcoin est une bulle", "Bitcoin est mort". En ce moment nous sommes dans "Bitcoin est mort", il y a un an nous étions "Bitcoin est une bulle". Dans 2.5 ans nous devrions être "Bitcoin est une bulle". C'est l’un des fondamentaux de Bitcoin.
Je vous propose ici un peu de documentation passionnante, sous la forme de livres ou de vidéos :
Et maintenant je vous propose d'accueillir Sébastien Gouspillou qui va répondre à nos questions.
Sébastien a depuis 2016 une activité de minage dans plusieurs pays étrangers, il conseille un certain nombre de chefs d'Etat. Il revient d'ailleurs de Centre Afrique où il a proposé une innovation pour utiliser Bitcoin par téléphone et non par internet. Il va chercher de l'énergie perdue, non utilisée, renouvelable pour apporter de la richesse au pays concernés.
Louis de Froissard :
Tout à l'heure, nous avons tous dit que Bitcoin pollue et toi, Sébastien, tu dis que Bitcoin aiderait la transition énergétique. En face de toi, il y a pas mal de sceptiques, il va te falloir être convaincant !
Sébastien Gouspillou :
Actuellement nous estimons que Bitcoin absorbe 120 TWh (Térawattheures ou milliards de kilowattheures) d'électricité. C'est énorme, je ne peux pas le nier. Un argument consiste à dire que le progrès du Bitcoin pour l'humanité est tel que cela justifie cette consommation électrique. Je vais aller plus loin en disant que Bitcoin ne sert à rien, et malgré cela il demeure intéressant pour la transition énergétique.
L de F : Mais si cela ne sert à rien, autant l’interdire. La dépense d'énergie est phénoménale, 0,12% de la consommation mondiale. Pourquoi ne pas l'interdire ?
S G : Je me demande bien pourquoi ce n'est pas déjà interdit. Qu'est-ce qui fait que les mineurs, c'est à dire mes collègues, conseillent les gouvernements qui, eux-mêmes n'interdisent pas le Bitcoin.
Des projets d'interdiction, il y en a eu partout et finalement cela ne s'est pas concrétisé, en Russie, Allemagne, Chine, Kazakhstan, Suède, etc. Donc qui s'y oppose ? En fait ce sont les électriciens pour lesquels Bitcoin est un sacré client avec un mining de 8 milliards de dollars d'électricité consommée par an. Il faut savoir que 5 milliards - soit 60% - sont fournis par l'hydroélectricité - donc renouvelable - et 40 % par les énergies carbonées. Les hydro électriciens viennent donc vers nous alors qu'ils ne représentent que 7% de la production électrique mondiale, tandis que les 3 milliards issus de la production carbonée ne représentent qu'une goutte d'eau pour les producteurs dits carbonés. Ainsi le mining n'est pas interdit.
L de F : Du coup je te pose la question inverse "Pourquoi interdire le mining ?" Et je devine une évolution vers une utilisation de l'électricité entièrement renouvelable.
S G : Oui, c'est le propos. La proportion 60/40 n'est pas satisfaisante et elle est en train de disparaître par un effet de ciseaux. Du fait de la compétition mondiale, le nombre de machines a considérablement grossi, les prix montent, de nouveaux mineurs apparaissent. Aujourd'hui le parc de machines augmente et le Bitcoin vaut beaucoup moins cher qu'il y a 18 mois. La rentabilité des mineurs alors décroît. A ce premier effet s'ajoute l'augmentation du coût des hydrocarbures. Cela provoque une capitulation d'une partie du mining mondial, obligé de vendre beaucoup de Bitcoins pour payer l'électricité.
L de F : Je voudrais reprendre quelques éléments de traduction. Par exemple, la fonction du mineur. Il ne prend pas sa pioche pour aller chercher de l'électricité. Le boulot du mineur est d'être un indicateur, il assure la sécurité du réseau. Je m'explique. Imaginons que nous faisions une transaction tous les deux avec Sébastien. Je lui envoie 1 bitcoin et je souhaite que cette transaction soit inscrite dans la petite ligne de code qui correspond à notre transaction, dans un block informatique qui contient en moyenne 3000 à 3400 transactions en moyenne. Il va falloir que quelqu'un verrouille le block en trouvant une combinaison, le H rate ou le taux de H, c'est à dire le nombre de machines en compétition pour trouver la solution à une inconnue. Cette solution est un chiffre, une combinaison alpha numérique. Les machines en compétition recherche le plus petit H commençant alors par le nombre de zéro le plus important. Celle qui trouve la plus petite combinaison remporte le match, valide la transaction et gagne 6,25 Bitcoins plus tous les pourboires.
Pourquoi je vous dis qu'il s'agit d'une chaîne de blocks ? Parce que dans le block que je viens de valider il y a l'adresse du précédent block qui permet de "chaîner" les blocks. Il faut comprendre que plus j'ai de machines en compétition, plus le taux de H sera important et si le Bitcoin baisse et que la compétition augmente, alors la marge diminue.
S G : C’est la raison pour laquelle il est important d'avoir un courant électrique quasi gratuit. Les premiers à se débrancher sont ceux qui achètent le courant le plus cher, c'est-à-dire carboné. Si nous considérons que le Bitcoin va devenir neutre en termes d'émission de carbone, pourquoi continuer à vouloir l'interdire, car cette velléité existe toujours.
Nous sommes en France dans un pays extrêmement bien maillé, ce qui n'est pas le cas dans beaucoup d'autres. Il y a encore de nombreuses personnes dans le monde qui n'ont pas d'électricité, les réseaux sont en train de se constituer. Dans ces pays, nous n'allons pas faire avec de grosses centrales et des réseaux maillés. Nous allons faire avec des petites centrales locales de 10 à 50 MW et non pas de 800-900 MW comme pour une centrale nucléaire, permettant de déployer plus facilement l'électricité. Il va falloir mettre en œuvre des petites centrales toutefois supérieures à la demande à l'instant t, afin de tenir des délais de fabrication et d'installation. Et cela sans savoir quand se produira l'explosion démographique en correspondance avec la taille de la dite centrale, d'où le risque d'une sous-production ou d'une surcapacité impossible à rentabiliser. La solution est que nous leur rachetions leur extra capacité qu'ils ne savent pas vendre ailleurs. Cette extra électricité peut-elle leur servir à autre chose ? La réponse est non. Mais nous, nous savons quoi en faire. Notre prix d'achat est de 2-3 centimes de $ par kWh alors quand France nous sommes plutôt à 17-18 centimes d’€.
L de F : Tu vas donc chercher des extra-capacités et en conséquence tu vas amener de la richesse là où il n'y en a pas.
Peux-tu me donner l’exemple d'un ministre de l'énergie que tu vas voir en lui disant "J'ai trouvé chez vous des extra-capacités et je vous les achète" ? Tu es un vrai père Noël !
S G : En effet, ça se passe de cette manière, d'autant plus que les autres solutions qui pourraient s'offrir à eux nécessiteraient d'énormes investissements. Si vous avez une centrale hydroélectrique de 20 MW et qu'une seule des deux turbines tournent parce que vous n'avez qu'une demande de 10 MW, vous pouvez envisager de faire une centrale de production d'hydrogène. Il vous faudra alors faire un investissement égal à celui de la centrale de 20 MW. Nous, nous leur apportons la solution. Sans investissement. Seulement un bout de câble sur lequel nous branchons nos transformateurs et nos containers. Nous consommons leur électricité et devenons un client régulier et captif sur leur site, 24h sur 24, toute l'année. De plus nous sommes très tolérants à la panne - une véritable aubaine pour eux, ils se bagarrent pour pouvoir travailler avec nous.
L de F : Un avantage que tu n'as pas cité, c'est le peu de place dont vous avez besoin pour vous installer. Vous pouvez vous installer à proximité de la production d'électricité et de ce fait supprimer les pertes en ligne.
Peux-tu nous citer quelques pays disposant d'extra capacité ?
S G : Récemment nous avons identifié des extras capacités au Tadjikistan et au Gabon où le ministre avec lequel nous sommes en contact, convaincu, nous demande si nous pouvons prendre en charge la réparation des turbines en panne car il n'a plus le budget. La Russie en 2021 a mis en place un énorme contrat avec la Communauté Européenne pour entretenir ses centrales hydroélectriques. Certaines de ses centrales ne servent à rien aujourd'hui car les usines métallurgiques consommatrices d'électricité sont maintenant fermées. Le mining que nous installons permet de rentabiliser ces centrales électriques vertes.
L de F : Nous avons beaucoup parlé d'hydroélectricité. Nous pouvons aussi citer comme énergie stable la géothermie, peux-tu nous en parler ?
S G : Ce sont deux sujets très différents. L'hydroélectricité est la source la plus importante pour le mining, mais nous nous intéressons aussi à la géothermie. Par exemple, le Kenya dispose de volcans et de chaleur dans le sol. Les centrales qui ont été installées sont d'une capacité supérieure à la demande, essentiellement parce que le réseau de distribution n'est pas fini. L'argent manque et à ce jour, le surplus de production est de l'ordre de 120 MW. Notre proposition est de leur acheter 100 MW pour 22 millions de $ par an. En 5 ans, nous leur rapporterions 110 millions de $ qui leur permettraient de tirer leur réseau et d'arriver à une bonne adéquation offre et demande en électricité.
Après l'hydroélectricité et la géothermie, nous pourrons nous occuper du solaire, de l'éolien, de la bio thermie, en fait de toutes les filières de l'énergie renouvelable.
L de F : Et des torchères ...
S G : Là, c'est totalement différent. Aujourd'hui les torchères constituent la plus grosse source de pollution au monde et elles continuent de fonctionner partout, malgré les lois et les efforts faits par les pays et les organisations internationales. Les pétroliers brûlent du gaz dans les torchères et continuent d'en brûler à défaut d'avoir d'autres solutions. Nous estimons qu'une torchère bien réglée brûle 98 à 99% de méthane. Après combustion, il y a un dégagement de CO² tout à fait acceptable par rapport au dégagement de méthane.
Nous leur apportons une solution en transformant ce gaz en électricité. La torchère bien réglée va brûler le méthane à 98, 99% dans une pièce fermée, mais à l'extérieur, avec du vent, la performance de la torchère baisse à 50%. 50% du méthane finit dans l'atmosphère. C'est une pollution énorme pour l'atmosphère mais aussi pour les gens, la faune et la flore à l'entourent.
Le plus souvent les pétroliers brûlent le gaz et le transforment en électricité qui fait tourner leurs installations. Et c'est tout. Ils ne savent pas la vendre car les champs pétroliers sont extrêmement isolés sans réseau électrique. Nous leur proposons d'utiliser leur gaz pour faire du mining comme nous le faisons dans un gros projet à Oman. Toutefois, il ne faut pas non plus que nous devenions un prétexte pour les pétroliers en leur apportant une rentabilité qu'ils n'auraient pas sans nous.
Au Kenya, nous avons un projet avec un pétrolier qui paye 2,5 millions de $ par jour d'amendes pour des torchères qui brûlent continuellement. Il y a quelque chose à faire avec le mining sur ce dossier et nous avons l'espoir de faire du bien à la planète quand ces projets se concrétiseront.
L de F : Nous voyons que vous êtes à la base d'une industrie intensive en énergie, en position d'extra capacité, qui identifie de la richesse comme au Salvador. Tu veux bien en parler ?
S G : Le Salvador est un peu comme la France, en plus petit. La carte électrique est très bien maillée, 85% de la population a l'électricité. Pour un pays en voie de développement, c'est extrêmement rare. Le gouvernement envisage d’arrêter d'importer de l'électricité, 15% de leur électricité viennent de l'étranger et 15 autres % sont carbonés. Pour le développement de leur nouvelle centrale, ils pensent tout de suite intégrer le mining comme une nouvelle béquille économique très importante. Les électriciens sont en train de découvrir de nouveaux paradigmes qui auraient, 20 ou 30 ans auparavant, conduit à des cartes électriques totalement différentes.
L de F : Donc en fait, en prenant un peu de hauteur, Bitcoin fait l'objet de spéculations pour financer des populations moins favorisées.
S G : En 2017, le Bitcoin valait 20 000 $ incluant 12 000 $ d'électricité qui sont donnés aux compagnies pour apporter l'électricité aux populations. Dans certains pays, comme en Centre Afrique, seule 5% de la population disposent de l'électricité. N'oublions pas que des spéculateurs peuvent acheter le bitcoin à 20 000 $, sachant que 12 000 $ iront dans la poche des électriciens alors qu'en Europe, il n'y a pas de mining.
L de F : Il y a plusieurs aspects dans la révolution monétaire. Des gens détiennent sur le long terme des Bitcoins qui profitent des zones d'achat ou moments favorables d'achat, nous étions à 68 000 $ et nous sommes à 20 000, c'est peut-être à prendre en considération.
Le Bitcoin est socialement révolutionnaire. Si je veux échanger de la valeur avec Sébastien, de l'un à l'autre sans demander la permission à qui que ce soit et sans tiers de confiance, c’est possible. Si Sébastien était une personne avec qui je voulais faire des affaires en République Démocratique du Congo et que je devais lui faire un virement de 10 millions de $, j’irais voir ma banque qui me demanderait des tonnes de papiers, pendant des semaines. Je devrais payer plusieurs milliers de $ de taxes et commissions, 3 à 5% voire plus. A la place, je pourrais acheter des Bitcoins et les envoyer à Sébastien en quelques secondes, ce qui me coûterait une transaction sur la blockchain, soit 50 $. Et Sébastien recevrait ses fonds sans avoir demandé une quelconque autorisation.
SG : Il faut savoir que 40% des gens n'ont pas de banque, nous les appelons "des dé bancarisés". Imaginez vivre sans banque ! Imaginez votre environnement professionnel et entrepreneurial sans possibilité d'envoyer de l'argent à l'étranger ou d'encaisser de l'argent. Tout devrait être en liquide. Vous ne pourriez pas envisager de faire de l'épargne. Vous ne pourriez rien faire, et cela touche 40% de la population mondiale ! Ce n'est pas normal et Bitcoin propose quelque chose à cet égard. Voyez le Salvador, il n'y avait pas de monnaie du tout depuis les années 90. Les Salvadoriens avaient adopté le dollar américain comme monnaie. Ils ont mis le Bitcoin à côté du dollar. Dans ce pays, 70% des gens n'avaient pas de banque. Maintenant ils peuvent échanger de l'argent et en recevoir de l'étranger sans avoir à payer une commission à la compagnie qui fait la transaction. Par exemple, une commission de 15 $ à déduire d'un transfert de 100 $. Il est clair que nous, occidentaux gâtés, nous ne nous rendons pas compte des problèmes rencontrés quotidiennement par certaines populations, Bitcoin promet de les régler avec un peu de temps. C'est ce qui m'a intéressé quand j'ai découvert Bitcoin, le côté social ainsi que l'énorme béquille en faveur de la transition énergétique.
L de F : Dans une manifestation FinTech à Bordeaux en 2019, un intervenant Californien, spécialiste d'inclusions financières avait sorti une statistique extraordinaire : entre 2014 et 2019, le secteur FinTech, c’est-à-dire tout ce qui n'est pas banques traditionnelles, avait bancarisé 500 millions de personnes dans le monde. Il ajoutait "C'est la vague FinTech, le tsunami qui arrive, c'est Bitcoin !" Il voyait arriver cette inclusion financière, parlait du Lightning et je ne savais pas ce que cela voulait dire à l'époque.
Le Lightning Network est un réseau décentralisé bâti en surcouche du réseau Bitcoin permettant des paiements instantanés et quasi-gratuits. Supposons que Sébastien soit mon boulanger. En début de mois, nous décidons d'ouvrir un canal ensemble et en fin de mois, nous décidons de le fermer. Tous les jours je vais acheter ma baguette, mes gâteaux, etc. Je vais faire des transactions, de lui à moi, gratuites et quand je veux que ces transactions soient comptabilisées, inscrites dans la blockchain, je ferme mon canal. Globalement j'aurais payé quelques dizaines de centimes en fin de mois. Je vous donne la comparaison avec la carte bleue tous les jours. Que le cours du Bitcoin monte ou baisse, l'adoption du Bitcoin progresse, le nombre de canaux augmentent. C'est un outil révolutionnaire. Nous avons vu que c'est un outil qui permet d'aller prendre dans la poche des spéculateurs pour aider des pays qui ont besoin de ressources, nous avons vu que c'est une béquille pour la production d'énergie, mais ce que nous ne voyons pas arriver, c'est une révolution financière et sociale, notamment parce que c'est une réserve de valeur à long terme. Bien sûr, quand le Bitcoin passe de 68 000 $ à 20 000, nous perdons de la valeur, mais si nous regardons depuis sa création sur le long terme, le Bitcoin s'est révélé être une réserve de valeur. Quand je suis dans un pays où je suis payé en liquide et qu'il me faut 1 milliard pour acheter ma plaquette de beurre le matin, et 1,4 milliard pour acheter la même plaquette de beurre le soir, c'est le cas du Zimbabwe. Le bitcoin s'avère beaucoup plus stable.
S G : Un autre point à considérer est l'argent qui se trouve sur votre compte en banque. Dans une période de récession, ne laissez pas trop d'argent sur votre compte car l’État peut se servir. C'est la loi Sapin 2 qui permet à l’État de saisir tout dépôt supérieur à 100 000 € et 70 000 € sur les assurances vie. Lors des évènements à Chypre, l'Union Européenne a décidé de fermer les banques chypriotes. A leur réouverture, les Chypriotes ont découvert qu'ils avaient moins d'argent sur leurs comptes. En revanche personne ne peut saisir vos Bitcoins. Dans une démocratie comme la nôtre, le risque est faible, mais la situation n'est pas la même dans un pays dirigé par un dictateur qui peut refuser tel ou tel mouvement d'argent. Il faut savoir que 30% de la population mondiale vit sous la coupe d'un dictateur.
Nous n'avons pas conscience que 40% de la population mondiale n'a pas d'électricité et que 30% vit sous le joug d'un dictateur. Nous n'avons pas les mêmes besoins en France, mais ce n'est pas le cas du Zimbabwe, de l'Argentine, de la Turquie, du Liban, du Venezuela, etc.
L de F : Des Ukrainiens sont partis de chez eux avec des Bitcoins, en fait avec un petite clé USB, c'est beaucoup plus simple à emporter que quelques kilos d'or.
Je voudrais revenir sur la question très importante de détenir ses propres Bitcoins. Si un jour vous décidez d'acquérir des Bitcoins, il faut le faire d'une certaine manière. Certains disent "Mon argent à la banque ne m'appartient pas". Avec des Bitcoins achetés sur une plateforme, ils auront exactement le même problème. Bitcoin vous propose une adresse appelée Clé publique, un concept génial qui a deux fonctions. Je peux envoyer des Bitcoins sur la clé publique de Sébastien, elle est la preuve visible de quelque chose d’invisible qui est ma Clé privée. Celle-ci permet de savoir que mes Bitcoins sont à moi et personne ne peut me les prendre tant qu'ils sont derrière ce verrou constitué par ma Clé privée grâce à la cryptographie. Ma clé publique est la preuve de ma clé privée sans communiquer cette dernière. Mes Bitcoins sont véritablement à moi quand j'ai recours à ma clé privée pour y accéder. Le leader mondial du stockage privé de Bitcoins est français et fabrique ses clés à Vierzon. Nous n'imaginons pas qu'existe à Vierzon l'une des plus belles boites de l'univers des cryptos.
Il est donc très important, si vous décider d'acquérir des fractions de Bitcoins, de les mettre sur une clé et, préalablement de vous former à ce nouveau monde et ses outils. Un certain nombre de spécialistes pourront vous aider.
Je vous propose de passer maintenant aux questions publiques.
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Au début vous avez parlé de 21 millions de Bitcoins, combien en a-t-on produit à ce jour ?
S G : Un peu plus de 19 millions. C'est une production programmée. Au début les mineurs touchaient 50 Bitcoins tous les blocks, c’est-à-dire toutes les 10 minutes. Quatre ans après, c'est passé à 25 Bitcoins et depuis deux ans, nous sommes passés à 6,25 Bitcoins. Dans deux ans nous passerons à 3,125. Il y en a de moins en moins.
L de F : C'est une création monétaire qui est en baisse. La courbe est une asymptote et sa fin est programmée en 2142.
S G : Il ne restera alors que des poussières de Bitcoin. Sachez que dans un Bitcoin, il y a 100 millions d'unités appelées Satoshi, et il en restera pour tout le monde car avec 100 millions x 21 millions, il y en a assez pour tout le monde.
L de F : Et si ce n'était pas le cas 100 millions de Satoshi pourraient devenir 1000 millions d’unités à créer, etc.
Pourrait-on savoir, sans langue de bois, comment se passe l'aventure Bitcoin au Salvador ? Il semblerait que c'est un échec complet auprès de la population, vu le nombre de transaction.
Combien de milliards sont dépensés pour l'achat d'électricité et de matériels pour miner le Bitcoin ?
S G : Je commence par la 2° question. L'électricité, après un rapide calcul, atteint 8 milliards de $ par an. Pour le matériel, je n'en ai aucune idée.
Concernant le Salvador, ce n'est pas un échec. Je lis dans la presse les pires commentaires, en particulier la baisse du Bitcoin, la destruction de l'économie du pays, etc. Les habitants sont partis de rien, ils n'avaient pas de banque. C'est en fait un énorme succès d'avoir réussi en si peu de temps - moins d'un an - à impliquer 10% de la population du Salvador, ce que la micro finance n'avait pas réussi à faire. Je connais bien le pays maintenant, avant et après le Bitcoin. Il y a 10% de croissance, 30% d'augmentation du tourisme, la sécurité est revenue, le président Nayib Bukele est apprécié. Un sondage fait par le principal journal d'opposition lui attribue 85% de popularité. Pour moi, ce n'est pas un échec mais un franc succès.
Comment peut-on bloquer le minage utilisant le charbon ?
S G : C'est une proposition de Pierre Person, député de Paris qui propose d’interdire le minage professionnel de cryptoactifs à partir d’énergies carbonées. Pour moi cela n'a pas de sens parce que c'est discriminatoire. Pourquoi cette activité industrielle subirait-elle cette interdiction alors qu'il y a plein d'industries qui ne servent à rien ? Cela ne sert à rien d'interdire, le marché est en train de le faire. Le marché disqualifie l'industrie carbonée parce qu'elle devient trop chère. Actuellement tous ceux qui sont au-dessus de 6 centimes d'euro ne peuvent plus miner. C'est aussi simple que ça ! Le système charbon est déjà mort.
Votre propos s'inscrit essentiellement sur la scène internationale. Mais quel est le regard de Bercy sur le Bitcoin ?
S G : Il y a deux sujets par rapport au Bitcoin et par rapport au Mining. Dès 2018 Bruno Lemaire nous a dit que le bitcoin, la blockchain, c'était génial. Et peu à peu, il a fait en sorte de nous mettre des bâtons dans les roues. Le mining n’a pas été abordé car dès 2018, le mining Français avec le kW égal à 10-12 centimes a été disqualifié. Il n'y a pas de mining en France. Bercy a dans un premier temps montré beaucoup d'enthousiasme sur le papier avant de bloquer le développement en France, alors que près de chez nous en Suisse, nous avons été accueillis avec le tapis rouge.
Vous avez parlé de l'aspect "Sécurité" des transactions en Bitcoins mais le bémol également important est la volatilité du cours du Bitcoin - extrêmement importante - n'est-ce pas une problématique à régler ? Comment se constitue la valorisation du cours du Bitcoin et est-il envisageable de réguler les variations du cours du bitcoin ?
SG : Le prix du Bitcoin est fait par le marché, il n'y a donc rien à réguler. La volatilité du Bitcoin a tendance à se réduire. Plus il y aura de gens à avoir du Bitcoin, plus le prix va monter et plus la volatilité va se réduire. En gros quand le Bitcoin vaudra 1 million de dollar, il n'y aura pratiquement plus de volatilité.
Etes-vous quand même d'accord pour dire que cette volatilité est un obstacle à la sécurisation ?
L de F : En fait, vous avez raison à court terme. Si nous faisions une comparaison au niveau temporel avec Internet, l'industrie du Bitcoin rejoint globalement l’activité d’Internet dans les années 97-98. A ce moment-là, nous n'avions pas Facebook, mais si ces sociétés avaient été cotées en bourse, nous aurions eu la même volatilité parce que chaque bonne nouvelle aurait donné des immenses espoirs et chaque mauvaise nouvelle aurait donné des immenses déceptions. Donc oui, à court terme et nous ne pouvons rien contre ça, Bitcoin est volatile. Cependant, si nous prenons un peu de recul et regardons un cycle Bitcoin de quatre ans ou deux cycles de huit ans, nous nous trouvons avec une volatilité qui baisse énormément car la courbe est très pentue en ordonnée. Donc si nous voulons nous positionner pour acquérir, il faut acquérir de manière régulière. Votre réserve de valeur aujourd'hui, quand vous regardez entre 68 000 et 20 000 $, est énorme. Il convient de compter sur la rentabilité du long terme.
SG : Dans tous les cas, en tant que réserve de valeur, la volatilité ne pose pas de problème. En revanche, comme outil de paiement, c'est beaucoup plus gênant. Cette monnaie est encore peu utilisée pour faire du commerce car nous sommes tous convaincus que le Bitcoin va prendre beaucoup de valeur et qu'il faut le garder.
La volatilité, est-elle basée sur la demande ou y-a-t-il de la manipulation ? La promesse du bitcoin, est-elle tenue sur le plan de l'équité ?
SG : L'offre et la demande peuvent être manipulées, les gros acteurs peuvent manipuler le cours. Aujourd'hui, il y a des facteurs qui permettent de manipuler encore plus. Vous pariez sur le cours du mois prochain, à la baisse ou à la hausse. Ainsi vous pouvez aussi influencer le cours. Celui-ci peut s'envoler comme s'effondrer. Evidemment ceux qui ont acheté à 67 000 $ peuvent se mordre les doigts suite à la descente à 20 000, mais quand nous regardons notre début Bitcoin en 2015-2016, il valait alors 600 $. Aujourd'hui, il vaut 20 000 $.
L de F : J'aimerais donner un élément de comparaison. Pensez-vous que les prix du gaz et du pétrole ne sont pas manipulés ? Nous avons vu des mouvements financiers énormes alors que les stocks n'avaient pas baissé en France. Les prix ont littéralement explosé. Le Bitcoin peut être manipulé comme les autres valeurs. En fait, il convient de choisir son risque. Il n'y a pas de bons et de mauvais risques, je choisis mon risque. Avec Sébastien, c'est avec les données dont nous disposons que nous choisissons puis que nous assumons. Chacun dans cette salle a une notion du risque qui lui est personnelle. A chacun de voir et de choisir.
Mais le risque à la banque est réglementé !
S G : Le risque est différent. Vous comparez un risque de vous faire prendre votre argent à la banque au risque que votre Bitcoin perde de la valeur. Cela n'a rien à voir. Savez-vous que l'Euro a perdu 16% par rapport au Dollar en trois mois ? Nous disons qu'une monnaie doit être stable mais vous voyez bien que ce n'est pas le cas !
Je n'ai pas de conseil à vous donner, ce n'est pas mon métier mais je vous recommande tout de même de ne pas mettre toutes vos économies dans le Bitcoin. N’y mettez que ce que vous êtes prêt à perdre !
Je reviens sur un aspect technique. Toutes les 10 minutes, un mineur gagne. Combien y-a-t-il de mineurs et comment pouvons-nous être sûr de gagner ? Et si vous avez un concurrent plus fort que vous, avec une capacité de calcul énorme, vous pouvez vous faire laminer du jour au lendemain ou laminer votre concurrent !
S G : C'est une excellente question. Toutes les 10 minutes, il n'y a qu'une machine sur les 5 ou 10 millions de machines qui tournent dans le monde aujourd'hui, qui gagnera. Si ce n'est pas la vôtre, quand gagnerez-vous ? Pour rendre le système plus juste, nous travaillons en pool de mining. C'est une sorte de coopérative où l'on s'inscrit et se désinscrit dans l'instant. On choisit la pool où l'on veut aller à tout moment, il n'y a pas de contrat. On sait à peu près combien on produit de Bitcoins. C'est donc assez prévisible. Il y a aussi le mining en solo où l'on est seul. On peut attendre plus longtemps avant de gagner quelque chose, mais on gagne plus.
La question de la rentabilité m'interpelle. Vous avez parlé de "ferme". Si j'ai bien compris, les machines sont dans des containers que vous pouvez déplacer à la demande ? Il existe tout de même une responsabilité sociale par rapport au pays dans lequel vous êtes installé, il y a aussi les risques politiques, des investissements importants, voire gigantesques. Je m'interroge sur ces aspects-là.
S G : Nous ne livrons pas toujours sous forme de container. Il existe aussi des unités en dur. L'intérêt du container est qu’il est déplaçable. Comme je vous l'ai dit, nous nous déplaçons pour absorber les surplus, en espérant qu’à terme nos fournisseurs n’auront plus de surplus, qu’ils auront réussi à distribuer leur électricité. Nous devons dégager nos équipements aussi vite qu'ils n'ont plus besoin de nous et comme ils nous vendent leur électricité très peu chère, ils nous le feront savoir très rapidement.
Pour ce qui est de la responsabilité sociale, le parc des containers ne nous appartient pas, quel que soit le pays. Il appartient à des investisseurs. On leur dit dès le départ que 1% de leur production reste dans le pays sous forme de financement d'actions sociales et éducatives. De plus nous formons des gens qui travaillent dans ces fermes, ils deviennent des techniciens experts, par exemple au Congo. Ils sont très recherchés dans des pays tels que le Canada, les Etats-Unis, la Russie. Nous leur apportons un métier en or.
Qu'est-ce que je peux acheter avec des bitcoins ?
S G : Absolument tout ce que vous voulez. Par exemple votre baguette.
Je voudrais payer ma cotisation au CERA en bitcoins !
L de F : C'est très facile, je peux l'organiser. Par exemple, sur mon site vous payer mes prestations en bitcoins.
S G : En fait il y a deux sujets. Il faut que le commerçant accepte les Bitcoins. Il se peut qu'il n'accepte que la carte bleue. J'ai deux cartes Visa cryto monnaie avec lesquelles je peux payer dans n'importe quel commerce du monde. Le change est automatique par Visa de la même façon que cela se fait automatiquement quand j'achète aux Etats-Unis un produit en Dollars.
Il y a aussi la question du cours du Bitcoin et le fait que nous ne savons plus à quel coût nous achetons.
S G : De la même manière que si vous vivez aux Etats-Unis aujourd'hui, que votre compte est en Euro et que votre banque est la Société Générale, à chaque fois que vous payez aux US, vous ne savez pas trop combien vous payez réellement. Les variations entre monnaies peuvent être brutalement importantes, 5-10 voire 15-20%. Et ne parlons pas du rouble d’aujourd’hui. Nous pouvons aussi choisir le Stable Coin dont la valeur est stable.
Votre comptable doit être formé au Bitcoin ?
S G : Quand nous avons démarré nous n'avions pas de comptable. Mais je vous ai parlé de deux contrôles fiscaux que nous avons subis. Le premier était supposé être un contrôle amical, les contrôleurs venaient pour apprendre et nous leur avons tout montré. La comptabilité en Bitcoin est extrêmement simple, c'est comme quelqu'un qui a une compta avec deux monnaies, par exemple le dollar et l'euro.
L de F : Je voudrais revenir sur la valeur de la monnaie. Celle-ci est basée sur l'or et depuis 1971, le dollar n'est plus basé sur l'or. Donc depuis 1971 quand vous aviez un billet de 20 dollars, vous pouviez acheter une pièce de 20 dollars or. Aujourd'hui cette pièce vaut 1 800 dollars, cela vous donne une idée de la perte de la valeur du dollar par rapport à quelque chose qui est stable comme l'or. Dire que la monnaie que nous utilisons tous les jours est stable est peut-être une vue de l'esprit.
Le minage sert à construire la blockchain ou à fabriquer de la monnaie de Bitcoin ?
S G : Le mining est un dérivé de la transaction, c'est le mur de sécurité de la blockchain. Moins il y a de mineurs, plus le mur devient fragile, mais le travail du mining est vraiment de sécuriser la blockchain, il y a donc des mineurs qui valident les transactions puis les inscrivent dans la blockchain. Les mineurs sont récompensés par les nouveaux Bitcoins créés. On les récompense pour sécuriser le réseau. Leur mission est bien de sécuriser le réseau et non pas de créer du nouveau business.
L'émission de nouveaux bitcoins se fait juste par la participation au minage, en fait ? De nouveaux Bitcoins arrivent parce que toutes les 10 minutes, des participants gagnent des portions de bitcoin, c'est ça ?
S G : En fait, de nouveaux bitcoins sont dans le protocole, dans le programme informatique d'origine. Nous savons qu'à chaque block vous alliez avoir 50 Bitcoins, aujourd'hui 6,25 bitcoins.
Quel est le bilan de l'installation des fermes en Salvador avec les volcans ? Est-ce que ça fonctionne déjà ?
S G : Au Salvador, nous avons visité le centre de mining qui appartient à la compagnie d'électricité AGO. Leur projet, c'est Bitcoin City, une ville construite sur l'énergie. Donc nous y construisons des centrales géothermiques financées par la mining. A court terme, l'objectif est de doubler la capacité de AGO. AGO possède plusieurs centrales géothermiques. Celle où se trouve le container de mining a une puissance de 100 MW et elle sera prochainement portée à 200 MW. Les réseaux de distribution devront être doublés.
D’ici deux ans, le mining, servira à la réalisation de ce projet. Ils ont déjà testé le mining, ils ont fait des erreurs comme souvent les mineurs débutants, le container était mal conçu, ils ont amélioré leur process et ils continuent le développement de leurs unités de production.
Lorsque le dernier Bitcoin sera miné, comment les mineurs seront-ils récompensés ?
S G : Uniquement par les pourboires, les frais de transaction et si le Bitcoin devenait une monnaie universelle, mondiale, très utilisée, avec des centaines de milliers de transactions par seconde, ce pôle de richesse remplacerait le pôle de la création monétaire. Pour vous donner un ordre de grandeur, il y a 10 ans, la rémunération globale du mineur était inférieure aux frais de transaction d'aujourd'hui. La taille des pourboires grossit avec le temps et ils compenseront largement la perte de rémunération de la création monétaire.
Souhaitez-vous voir arriver de nouveaux acteurs pour consommer l'électricité ? Par exemple j'ai entendu que Porsche développait une usine de méthanol à partir d'hydrogène issu des éoliennes au Chili. Cela pourrait-il se développer ailleurs où il y a des surplus d'électricité ?
S G : Nous le souhaitons. Le projet d’hydrogène consiste à exploiter les extras capacités dont on nie l’existence. C'est curieux, Bruno Lemaire nous a parlé de 700 MW d'hydrogène green en France faits sur le nucléaire. Cela veut bien dire que nous avons des extras capacités que nous retrouverons dès que la totalité du parc nucléaire fonctionnera à plein régime, la moitié du parc étant à l'arrêt. Rappelons que nous, nous pouvons rentabiliser les extras capacités, encore faut-il les reconnaître ! C'est ce que fait Porsche en produisant du méthanol.
L de F : En France nous avons un relief extraordinaire avec de l'eau. Nous ne produisons pas plus d'hydroélectricité uniquement à cause de la loi. Certains pourraient produire plus avec leur centrale hydroélectrique, mais par contrat ça leur est interdit. Il y a des verrous qui seraient faciles à lever. L'hydro fournit 18% de la production électrique totale en France. Nous pourrions ainsi éviter de remettre en fonctionnement des centrales à charbon.
J'ai une question sur les fizz. A terme, il n'y aura plus de rémunérations, il n’y aura plus que des fizz. Et sans fizz, les transactions ne passeront pas. C'est un problème, car en fait c'est celui qui donne le plus de pourboires qui va gagner. Si on n'a pas de pourboire à donner, on passe le dernier.
S G : Celui qui met une grosse somme sur la table passe le premier. Avec le Lightning vos transactions sont quasi gratuites. Une transaction sur la blockchain peut en réunir 100 000 passées sur le Lightning. Si chacun donne 1/10ème de centimes par transaction sur Lightning, cela fait une transaction 10 000 €. C'est une question de masse. La publicité peut aussi être une solution pour les exploitants de portefeuille Lightning.
Qu'est-ce que le Lightning ?
S G : Le Lightning Network c'est un réseau en surcouche qui permet d'échanger des bitcoins sans enregistrer la transaction dans la blockchain. On enregistre au bout d'un moment le résultat de toutes les transactions en même temps. C'est ce qui fait que Bitcoin est un système de paiement efficace. Avant il fallait attendre 10 minutes pour attendre la validation d'une transaction. Le Lightning répond à ce besoin de rapidité de traitement depuis 2015.
Combien faut-il de mineurs pour que ça tourne de façon sécurisée ?
S G : Il faut deux mineurs. Cela dit, plus le mur de sécurité fond, plus une attaque est possible.
Ce sont des attaques de pirates, c'est un monde où il faut se défendre et se protéger d'attaquants. Il y a des gens qui passent leur temps à pirater ?
S G : Oui bien sûr. Bitcoin est le protocole mondial qui a subi le plus d'attaques. Ce sont des centaines d'attaques par jour de différents hackers.
Quelle est leur motivation ?
S G : Montrer qu'ils sont plus forts que Bitcoin et voler des Bitcoins. Jusqu'à maintenant personne n'a réussi. Ils se sont tous cassé les dents !
Jusqu’à mes 30 ans, je pensais que rien ne pouvait m’arriver. Je me disais que l’État était papa et que la banque était maman. Quand vous êtes dans le système Bitcoin, vous êtes votre propre banquier. Si vous vous faites voler vos Bitcoins, personne ne va vous aider. C’est un nouveau paradigme.
L de F : En conclusion, je voudrais parler des stable coins. Un stable coin est un jeton stable, donc non volatile, qui représente un dollar, un euro, un yen... Ces monnaies agacent pas mal les Etats. Je vous donne un exemple qui date de la semaine dernière. En Europe, nous sommes extrêmement contraints pour créer un stable coin Euro. C’est la croix et la bannière. La seconde plus grosse compagnie du stable coin dollar, l’entreprise Circle, vient d'annoncer qu'elle créait le stable coin Euro dont les réserves seront, non pas en Europe mais aux Etats-Unis. Nous avons là la problématique d'une réglementation bête et méchante, au moins qui manque de vision. Le stable coin dollar, c'est 50 milliards de dollars et quand ils viendront eu Europe ils mettront quelques milliards dessus.
S G : En 2018, je faisais partie de la commission Person à l’Assemblée nationale sur les cryptomonnaies et la blockchain. J’ai été auditionné avec Éric Larchevêque, fondateur de Ledger qui a dit qu’il fallait absolument travailler sur un stable coin euro. Il y a 4 ans de cela, l’Assemblée nationale a eu la possibilité d’entendre de grands décideurs de l’écosystème européen, elle savait donc déjà quoi faire pour ne pas être doublés par les Américains et on a laissé passer notre chance.
L de F : Il faut savoir que le stable coin basé sur le dollar représente 50 milliards de dollars. Le stable coin basé sur le dollar ou sur l'euro peut aussi perdre de la valeur. Vous avez aussi la possibilité d'avoir un stable coin sur l'or, le stable stoken qui est un jeton stable. Vous en avez deux, le Paxos Gold basé sur l’onceaux Etats-Unis, et le VeraOne qui est français, même s'il est basé à Londres. J'ai vu les réserves d'or correspondantes dans le port franc de Genève.
L de F : Nous sommes très heureux d’avoir partagé avec vous un sujet qui peut paraître un peu mystérieux. J’espère que nous avons tenu notre pari, faire en sorte que chaque participant aura appris quelque chose ce soir. Un grand merci à Sébastien de nous avoir rejoint, un véritable aventurier qui évolue dans des situations géopolitiques un peu tendues. C’était un grand plaisir de le recevoir ce soir !
Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel Taudière