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VendéeTalks 2018 : La meilleure façon de prédire l’avenir est de le créer « Les pouvoirs de la motiv’action »

Vendée Talks– CERA – 12 décembre 2018

CERA et St Gab à Saint Laurent sur Sèvres

« La meilleure façon de prédire l’avenir est de le créer »
LES POUVOIRS DE LA MOTIV’ACTION !

Présentation d’Antoine Lambert.
Je préfère vous prévenir d’emblée pour que vous ne soyez pas déçus, la soirée de ce soir sera
un échec. Il y aura forcément des choses que nous pourrons qualifier d’échec. Je ne sais pas
quoi, la température des petits fours, la déco que nous ne voyions pas de cette couleur-là, les
intervenants que nous avions pensé de qualité et puis voilà… Alors, puisque nous en sommes
convaincus, nous allons aller au point de célébrer l’échec ce soir, mais au point de s’y
vautrer complètement ! Les trois quarts des intervenants de ce soir, voire presque tous, sont
des gros losers revendiqués. Ils le revendiquent d’autant mieux d’ailleurs qu’ils ont fait le
choix de ne pas s’arrêter sur leur échec. Ils ont en commun d’avoir choisi de ne pas chercher
à prédire l’avenir mais de le créer, d’avancer quoiqu’il arrive. Ils ont vécu plein de choses.
Ce soir, ils disposeront de douze minutes pour raconter, pour partager une conviction, une
passion, une histoire. Douze minutes, c’est très peu, mais c’est tout ce que nous leur avons
accordé !
Vous allez voir, ce ne sont pas tous des surhommes ou des surfemmes, certains sont plus ou
moins médiatisés, d’autres vivent quotidiennement dans un relatif anonymat, mais ils ont tous
l’envie de partager quelques choses avec vous. Ils ont en commun cette volonté de croire en
leur indépendance d’esprit et dans leur capacité à faire. Je vous demanderai, en retour, de
leur transmettre tout votre enthousiasme et toute votre bienveillance. Ce ne sont pas tous des
conférenciers professionnels mais nous les avons choisis parce que ce qu’ils ont à partager a
de la valeur. Certains sont assis devant, d’autres sont en coulisse à se ronger les ongles en
espérant que ça passera très très vite. Donc avant de commencer, puisque tout ça sera un
échec de toute façon, je vous remercie de les applaudir très fort !

La première personne que nous allons écouter ce soir, vous l’avez découverte dans le
courant de l’été 96, à Atlanta, d’où elle est revenue avec deux médailles olympiques autour
du cou, l’une en or, l’autre en argent. Depuis elle est cadre dirigeante dans le Groupe
Bouygues et elle est venue partager ce soir sa croyance dans la confiance, dans l’audace.
Merci d’accueillir notre première intervenante, Valérie Barlois-Leroux.

Intervention de Valérie Barlois-Leroux

J’ai décidé, ce soir, de vous parler d’une personne qui a près de 50 ans, née dans une
famille modeste, une maman institutrice, un papa soudeur tuyauteur, qui a connu une enfance
joyeuse, équilibrée, épanouie, une adolescence un peu plus difficile avec la perte prématurée
de sa mère à l’âge de quatorze ans, un papa qui ne s’en est jamais remis, une soeur de seize
mois sa cadette dont il a fallu prendre soin. Cette personne, c’est moi. Bonsoir.
Rien ne me prédestinait à être championne olympique en étant diplômée d’une grande
école de commerce, ni même cadre supérieure d’un grand groupe du CAC 40. Alors comment
c’est possible ? Je pense simplement par la volonté d’être acteur de sa vie et non simple
spectateur de sa vie.
J’ai commencé l’escrime à l’âge de six ans, par le fleuret – il y a trois armes à
l’escrime : le fleuret, l’épée et le sabre – dans un club à Melun, en Seine et Marne, avec des
parents très investis dans le club. Je m’entrainais tous les soirs de la semaine. J’ai eu la chance
d’y rencontrer un maître d’armes formidable, Maître Revenu, un grand Monsieur de l’escrime
française. Il avait ce talent, ce don, de faire travailler tous les fondamentaux de l’escrime.
C’est un sport assez peu académique dans la posture, dans la position. Mais lui avait trouvé le
truc pour nous faire travailler. Il s’adressait aux gamins que nous étions sous la forme du jeu
« Jacques a dit ». « Jacques a dit : marchez, Jacques a dit : rompez ». C’était assez drôle et
nous nous sommes bien amusés, nous étions une bande de copains et nous avons pris
beaucoup de plaisir.
J’ai parlé de la présence de mes parents dans l’entrainement, dans la vie du club, dans
les compétions. Cela peut sembler anodin mais celle-ci a été essentielles pour moi car je me
suis sentie soutenue, encouragée dans la démarche, importante à leurs yeux, bref en confiance.
La confiance, le plaisir, l’aspect ludique des choses sont pour moi des choses essentielles.
Quand je n’ai pas ces ingrédients-là dans mon quotidien, dans ma vie personnelle, dans ma
vie professionnelle, avec mes amis, je peux être amenée à prendre des positions très
marquées, très fortes. A titre d’exemple, j’ai intégré l’INSEP, l’Institut National du Sport et
de l’Education Physique, grand-messe du sport français, alors que j’étais en classe de
Première.

Qu’est-ce que l’INSEP ? Nous nous levons le matin, petit-déjeuner, deux ou trois
heures de cours, entraînement en fin de matinée, puis déjeuner et l’après-midi, rebelote, cours,
entraînement, dîner et nous nous couchons. C’est quelque chose qui ne m’a pas convenu. Ces
conditions ont généré beaucoup de stress. Triste, je m’ennuyais. La routine m’ôtait l’envie de
m’entraîner. De plus l’ambiance n’était pas exceptionnelle, des gens très égocentriques ne
parlaient que de sport, de résultats, et d’échéances sportives. Je ne jouais pas ma vie à
l’entraînement. Je pratiquais du sport de haut niveau sans jamais avoir l’idée que j’accèderai
un jour au niveau que j’ai pu atteindre. De surcroît, il y avait dans l’équipe de France de
l’époque une ambiance qui n’était pas extraordinaire. Plutôt que de donner le meilleur de soi,
l’objectif était de regarder à quel moment la copine allait se planter pour dire « Je suis la
meilleure Française de telle ou telle compétition » alors que la meilleure Française était la
100° ou 150° au niveau mondial. Il n’y avait rien de glorieux là-dedans.
Un matin, je suis arrivée à l’entraînement et j’ai dit à mon entraîneur :
 « Ecoute, je vais faire un break d’une semaine, je pars au ski.
 Ah non, ce n’est pas possible, ce n’est pas du tout compatible, nous avons des
compétitions bientôt, tu risques de te blesser !
 C’est tellement possible que j’ai déjà pris mon billet de train et je pars aujourd’hui, je
ne m’entraînerai pas aujourd’hui » et je suis partie.
Et ce qui devait arriver arriva. Le premier jour de ski, je chute et me fais une rupture des
ligaments croisés. Opération, puis six mois d’arrêt et de rééducation. Mon entraîneur n’a pas
été très joyeux mais cette rupture a été bénéfique pour moi parce que, pendant ce temps, j’ai
pu réfléchir au sens de ma vie. Pourquoi je fais tout cela, comment vais-je retrouver du
plaisir à ce que je fais ?
Quand je suis revenu six mois après, j’ai dit à mon entraîneur « C’est décidé, j’arrête ». Il
est devenu blanc et m’a dit une chose qui me sert depuis toujours « Valérie, n’arrête pas
maintenant, tu as des qualités. Il y a d’autres armes, essaie-les, le fleuret n’est pas tout, tu
verras si tu prends du plaisir. Au moins tu auras essayé ».
Il a fallu que je change de club. Nouvelles rencontres. C’est à ce moment-là que
j’apprends que l’ESCT propose une filière d’accès pour les sportifs de haut niveau. J’intègre
cette école, je fais mes entraînements le soir, avec des garçons. Ce n’est pas très facile car ils
ont une puissance plus grande que la mienne. Les premiers mois d’entrainement sont durs, je
me sens nulle et découragée. Malgré tout je prends beaucoup de plaisir à l’entraînement.
Au cours de ma scolarité, j’ai pris contact avec une personne qui a changé ma vie. Il s’agit
de M. François Jacquet, DRH de Bouygues Construction. Il envisageait l’intégration de
sportifs de haut niveau dans son entreprise. La rencontre fut assez étonnante, le contact facile.

Il m’a donné ma chance en m’offrant de faire mes stages d’étude de 2° et de 3° année chez
lui, et de m’embaucher directement. Cela m’a enlevé beaucoup de pression. En 1995, un an
avant les jeux de Sydney, j’ai intégré le groupe.
Cet homme a changé ma vie. Il a communiqué sur moi « Nous avons la chance
d’accueillir une athlète de haut niveau. Nous partageons des valeurs communes et sommes
certains que cela va bien fonctionner ». En effet notre collaboration a très bien marché. Au
retour de compétition, le lundi, j’avais toujours un petit cadeau qui m’attendait. Quand est
arrivée la préparation finale des Jeux, il a mis en place tout un dispositif et je suis partie aux
Jeux gonflée à bloc. Je me sentais soutenue par tous les collaborateurs. Il y a aussi tout le côté
magique des Jeux, le village olympique, la mascotte, les athlètes tous hyper connus, et un
évènement magique, la cérémonie d’ouverture des Jeux. Ce soir-là, notre entraîneur nous a dit
« Les filles, ça ne va pas être possible d’y assister, la compétition commence dans 48 heures.
Vous n’allez pas pouvoir défiler ». Devant notre insistance, il a fini par accepter « Mais, les
filles, il va falloir faire le job ! ». Finalement nous l’avons tellement bien fait que nous avons
fini 1° et 2° de l’épreuve individuelle et on a gagné l’épreuve par équipe. Ce jour-là j’étais
tellement en état de grâce que j’ai pu tenter et faire tout ce que je souhaitais. Tout marchait !
J’ai battu des adversaires que je n’avais jamais battues et que je n’ai jamais battues après.
Tout cela pour vous dire que la vie, c’est comme un puzzle. Vous avez des pièces, à vous
de les choisir ! A vous de choisir l’ordre dans lequel vous allez les assembler. La confiance,
pour moi, est la base des fondamentaux. Quand nous sommes en confiance, nous sommes
capables de soulever des montagnes. Nous pouvons tout faire dès lors que nous y ajoutons un
peu d’autre chose, de l’audace, de l’optimisme, se donner les moyens de ses ambitions, ne
pas avoir peur de perdre, avoir l’envie de gagner, arriver à entraîner les autres, se laisser
guider par son intuition. L’intuition est mon ange gardien, elle me donne souvent les bons
codes.
Un dernier conseil m’a été donné par une femme formidable. Quand nous faisons des
choses dans la vie, nous devons nous demander « Cette chose que je suis en train de faire, estce
qu’elle est bonne pour moi ? »
Alors je me suis demandée quand je préparais l’intervention de ce soir « Est-ce que cette
intervention est bonne pour moi ? » La réponse a été « Oui ». « Oui » car elle m’a permis de
reprendre racine, de reprendre pied avec mes fondamentaux dont je m’étais un peu éloignée
ces derniers temps. Alors pour ça « Merci ! »

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Notre prochain intervenant n’est pas neurologue, il n’est pas chercheur au CNRS. Il a un
parcours de Grande Ecole. Il est passé par l’armée puis il s’est lancé dans l’entreprenariat.
C’est un passionné des moyens de transport, de boxe thaï. Sa passion de l’entreprenariat l’a
conduit à se confronter à une question existentielle pour lui « Qu’est-ce qui explique, qu’estce
qui justifie biologiquement les différences de motivation, les différences d’envie entre un
individu et un autre ? »
C‘est à cette question qu’il va essayer de répondre. Merci d’applaudir Jean-Christophe
Ordonneau.

Intervention de Jean-Christophe Ordonneau

Ce qui m’amène ce soir devant vous pourrait concerner tout ce que j’ai pu voir sur la
question des entrepreneurs, tout ce que j’ai pu voir dans le monde de la boxe thaï où j’ai un
club depuis une dizaine d’années, cela aurait pu être tout ce que j’ai pu voir au travers du
think-tank que j’ai fondé sur les infrastructures de transport. En fait je suis allé chercher du
côté de ma curiosité personnelle : la neurologie, les sciences humaines, l’anthropologie,
l’histoire, l’économie, la finance, la nutrition, les questions de stress. Je suis allé chercher ce
qu’il y a de scientifique derrière tout cela.
Qu’est-ce que la science nous dit sur la motivation ?
Nous pouvons être au niveau 0, cela s’appelle la dépression, qui parle de l’incapacité de
faire quoique ce soit. C’est une incapacité physique, un mélange de ce que nous ressentons
lors d’un deuil, sauf que cela ne s’atténue pas, comme une douleur chronique constante. En
face, il n’y a aucune reconnaissance, « C’est dans ta tête, bouge-toi ! » C’est une maladie qui
touche 430 millions d’habitants, allergiques à l’action et au mouvement.
Comment cette maladie a pu survivre à la sélection de l’espèce ? Cela fait 200 000 ans
que nous sommes humains avec le même ADN. Beaucoup de maladies ont été repoussées
dans les maladies génétiques, les maladies rares. Toutefois la dépression persiste, et de plus
elle n’est pas rare. 430 millions de personnes, ce n’est pas rare. Pourquoi biologiquement
cette maladie existe-elle encore ?
A certains moments, ne pas bouger est une bonne option. Il fut un temps où nous risquions
de rencontrer une bête sauvage ou une maladie et se remettre consistait à rester allongé pour
que le corps se guérisse de l’attaque des virus ou des bactéries, tandis qu’une inflammation
s’installait simultanément. On peut noter le parallèle avec la dépression qui s’accompagne
toujours d’une augmentation de la température, une sorte de fièvre.

Quelles leçons pouvons-nous tirer du comportement de ceux qui n’arrivent pas à se
motiver ? Lutter contre le stress, méditer, vivre le moment présent, rendre grâce, reconnaître
les choses positives vécues dans la journée, être en contact avec la nature.
Du fait que vous êtes venus jusqu’ici, nous pouvons penser que vous n’êtes pas au niveau
0, mais à un niveau supérieur, vous cherchez à vous motiver. Nous pouvons considérer deux
types de motivation. La motivation extrinsèque qui vient de l’extérieur, alimentée par l’argent,
les récompenses, les primes, la peur, les punitions. Cette motivation n’est pas très utile, pas
très efficace. Elle détruit la performance. Nous allons plutôt nous pencher sur la motivation
intrinsèque, celle qui vient de nous-même, nous font bouger de l’intérieur.
Nous lui trouvons trois grandes origines : l’envie de progresser, le besoin de se diriger
seul et la quête de sens.
L’envie de progresser est liée à une molécule, la dopamine. Elle est là pour que nous
réalisions des tâches incertaines et difficiles. Lorsque nous sommes dans l’échec, nous avons
besoin de la dopamine pour continuer à essayer. Les médias sociaux ont très bien compris
cela en nous proposant des petites tâches, un peu difficiles, un peu incertaines. La plupart du
temps quand nous consultons nos médias sociaux, nous trouvons des choses inintéressantes,
nous sommes un peu déçus mais la dopamine est là pour nous dire « Essayez encore ». Ce
sont des mécanismes d’addiction qui nous permettent, de temps en temps, de trouver un
article sympa.
Le deuxième besoin est celui de se diriger, d’être en autonomie, de contrôler ce que nous
faisons. Il est lié à d’autres types d’hormones, notamment le cortisol, l’hormone du stress et la
testostérone, hormone de l’énergie. Elles servent à ce besoin social de se coordonner, à créer
une hiérarchie. Par exemple, qui commence à manger quand nous avons tué un gibier ? Si
cette hiérarchie n’existait pas, il faudrait, à chaque prise, se battre pour savoir qui commence.
Et se battre, c’est prendre le risque de se blesser, d’où une perte globale pour la société, aussi
bien pour le plus fort que pour le plus faible car tout le monde peut être blessé dans un
combat. Du coup, cette idée de hiérarchie a du sens. L’absence de hiérarchie donne des
génocides comme au Rwanda, au Cambodge, en Vendée.
Le troisième besoin est celui de l’identité sociale, celui de trouver du sens. Ce qui est
propre à l’homme en devenant l’homo sapiens, entre -70 000 et -200 000, est la conscience de
soi. Nous sommes devenus conscients d’exister et conscients du bien et mal. Cette conscience
nous permet donc de faire le bien ou de faire le mal.
Le dernier niveau est souvent celui que je travaille avec les entrepreneurs qui doivent
bouger mais aussi faire bouger. Nous avons vécu plusieurs révolutions successives, la
conscience de soi, l’arrivée de l’agriculture, la révolution de la science et de la compréhension
de l’individu, celle-ci n’a pas encore couvert la totalité de la planète, et l’arrivée de la dernière
qui est celle de l’informatique et de l’algorithme.
Si l’on se place dans la révolution de la conscience de l’individu, ce n’est pas parce que je
fais partie d’un groupe que j’existe, mais j’existe moi en tant que tel. C’est au niveau de
l’individu que se situe la décision. L’entrepreneur va donc devoir faire bouger l’ensemble des
individus pour utiliser leur énergie. S’il ne le fait pas, 25% seulement des employés se
sentiront motivés par l’entreprise, alors que dans les entreprises qui ont un but, ce sera 75%.
C’est un changement considérable. Le leader doit donner du sens, à la fois avec l’ordre, signe
que son entreprise est stable et le chaos, signe de la rupture et de la croissance.
Pour en finir je vais vous demander de vous poser deux questions.
Comment vous parlez-vous ? Accepteriez-vous qu’un Bac Pro vous parle ainsi ? Je
vous propose de vous parler avec respect. Merci beaucoup.

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La prochaine intervenante a dix-sept ans. Cela vous donne une petite idée de l’ivresse
que peut représenter de prendre la parole devant trois cents personnes pour partager quelque
chose, une expérience, une envie, je ne sais pas ce que j’aurais partagé à dix-sept ans si l’on
m’avait tendu le micro. Merci d’applaudir Zoé Gautier.

Intervention de Zoé Gautier

Comment faire son avenir ? Je pense qu’à dix-sept ans, lorsque l’on nous demande de choisir
notre orientation, notre avenir, c’est tout à fait normal de se demander « Comment faire,
comment créer son avenir ? »
J’ai eu un début de réponse grâce à une expérience qui m’est arrivée il y a environ un
an. Il y a un an, j’entrais en classe de Première S à Saint Gab et j’ai toujours été ce que l’on
peut appeler une bonne élève. Lorsque nous passons en classe supérieure, on nous dit souvent
que le niveau risque d’être plus exigeant et que les notes risquent de baisser. J’ai eu la chance
de ne jamais connaître cela, c’est-à-dire que je suis toujours restée dans la même tranche de
notes sans trop voir ma charge de travail augmenter. Mais un jour, en fin d’un cours d’anglais,
la prof nous rend notre interro et je me vois devant mon devoir, avec un 7 sur 20. Cette note a
été comme un déclencheur, j’avais l’impression de ne plus rien contrôler, d’avoir tout raté.
J’avais une vision de l’avenir un peu simpliste. Prenons un exemple. Je fais de
l’escalade depuis dix ans. Imaginons que je suis à dix mètres de haut, en pleine ascension, en
plein effort et que le mouvement qui suit est très dur. Pour moi, avec la vision que j’avais de
l’avenir à ce moment-là, deux possibilités s’offraient à moi. Soit je réussissais le mouvement
et je pouvais continuer vers le sommet, soit je ratais le mouvement, je tombais, j’échouais et
je ne pourrais jamais remonter, je resterais à jamais au pied du mur, je ne serais jamais
vraiment heureuse. Donc je me retrouvais avec mon 7 sur 20, je venais de tomber de mon
mur, j’avais tout raté. Pendant plusieurs semaines je me suis apitoyée sur mon sort, je me suis
répété que j’étais nulle, que j’avais déçu ma famille. Et un jour, je me suis dit que je ne
pouvais pas tomber plus bas, alors j’ai remis mon baudrier et mes chaussons d’escalade et me
suis dit que je n’allais faire qu’un mouvement de plus que la dernière fois, qu’un mouvement
de plus et je me suis rendu compte que j’avais trois possibilités. Soit je réussis, soit j’échoue
et j’en reste là, soit j’échoue et je décide de retenter encore. Je me suis rendue compte que je
ne suis pas invincible, que je peux échouer, mais que je peux me relever et repartir. Repartir
avec plus d’envie que la première fois car cette fois, je sais ce que signifie tomber et je sais où
je vais. Grâce à cette remise en question, je me suis rendue compte que pour créer son avenir,
il fallait simplement essayer et ne pas avoir peur.
Depuis le début je parle de moi car nous sommes seuls à prendre la décision, à savoir
si nous osons – ou pas – y aller. Mais croyez-vous qu’à dix mètres de haut, en pleine
ascension, nous sommes réellement seuls. Bien sûr que non, nous sommes reliés à cette
personne que nous appelons un assureur. C’est cette personne qui nous maintient en vie quand
nous chutons, quand nous échouons. Au fond du trou, nous découvrons alors autour de nous
des personnes, la famille, les amis qui nous disent que nous pouvons y arriver, mais aussi des
personnes qui sont là uniquement pour nous aider à nous relever et à repartir.
Je peux me demander pourquoi, pendant seize ans, j’ai eu une vision si réduite de
l’avenir, pourquoi cette peur me bloquait-elle depuis si petite, cette peur que nous avons tous.
Pourquoi avons-nous peur de l’échec ? Finalement, c’est normal puisque depuis toute petite,
j’entends que l’échec, c’est mal. Nous l’associons à un manque de travail, de réflexion,
d’attention, voire même un manque d’intelligence. Idem à l’école où nous apprenons que
l’erreur est négative. Nous comprenons très vite que nous n’avons pas droit à l’erreur. Il est
drôle que cette citation de Pierre de Coubertin « L’important est de participer ! » soit si
connue en France. Finalement il avait tort, « L’important est de réussir ! » Nous nous
retrouvons dans une société où nous idolâtrons les premiers de la classe et quand nous
tombons de notre piédestal, nous avons l’impression de tomber dans l’estime de notre
entourage, nous avons peur de ne plus être aimé. Nous nous remettons constamment en
question pour ne pas prendre le risque d’échouer. Il nous faut régler cette peur que nous avons
d’échouer. L’échec n’est pas la fin d’un rêve mais juste une étape en plus dans la réalisation
de ce rêve.

Ce soir avec vous, j’aimerais faire le pari fou d’arrêter cette peur de l’échec que nous
avons sur la poitrine et que nous osions croire dans la réalisation de nos rêves, ce soir je crois
en mon avenir, je crois en moi. Ce soir nous pouvons croire en nous !

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Notre prochain intervenant s’est placé dans la lumière des projecteurs quand il a sorti son
film « En quête de sens autour du monde » avec un très bon ami, un documentaire, un road
movie à la rencontre de personnalités, à travers le monde, de gens simples du quotidien qui
les ont inspirés.
Optimiste, militant, spirituel, contemplatif, il partage son expérience avec simplicité et
avec confiance. Merci d’accueillir Marc de la Ménardière.

Intervention de Marc de la Ménardière

« Le meilleur moyen de prédire l’avenir, c’est de le créer… » J’aime bien cette phrase,
mais le meilleur moyen peut être de parler du passé et du présent. Sachez que nous avons à
peu près 80 000 pensées par jour et qu’à peu près 75 000 sont les mêmes que la veille !
J’ai envie de vous emmener en Inde, dans un petit village, au nord de New Delhi, au
pied de l’Himalaya, pour rencontrer Anang et Prima qui forment un couple d’indiens qui ont
suivi la philosophie de Gandhi et ont décidé de mettre leurs talents au service de leur
communauté. Leur exemple a été pour moi un déclencheur.
A l’époque, je travaillais à New-York. J’étais entrepreneur et ça se passait bien. Je me
suis cassé le pied et j’ai fait une dépression en regardant une cinquantaine de documents sur
l’état de la planète, les revers de la mondialisation et ses conséquences en termes de
destruction de la planète, de l’humain, de la perte de démocratie. Le futur ne m’apparaissait
pas du tout sexy, il évoquait des notions d’effondrement, de fascisme. Du coup je me disais
« Comment puis-je réussir ma vie et être heureux ? » en sachant que l’avenir que l’on me
propose va être assez négatif. J’ai beaucoup réfléchi, longtemps et au bout d’un moment, j’ai
décidé de passer à l’action. J’ai essayé de partager mon malaise, sans succès, et je me suis
aperçu qu’il est préférable d’avoir des débuts de solutions pour commencer à intéresser les
autres.
J’ai proposé à mon ami d’enfance Nathanaël de faire un documentaire montrant du
positif, de raconter des histoires qui donnent envie de construire un futur qui sera plus sexy. Je
l’ai rejoint en Inde, à un festival où il présentait un film. J’y ai vu un autre film qui parlait de
résilience de la nature, de résilience de l’humain. C’est cela que nous sommes venus chercher
pour créer notre film. Nous n’avons pas besoin d’information, nous sommes en infobésité.
Nous avons besoin de sagesse pour poser une action juste et féconde dans le monde. Allons
chercher cette sagesse.
Nous nous sommes donc retrouvés dans un petit village où nous avons découvert
l’univers de Gandhi. Les habitants vivaient au sein de leur communauté. Ils avaient un talent à
vendre, ils travaillaient très bien manuellement, mettaient tout ce qu’ils avaient au service de
la communauté, prenaient soin des femmes qui travaillaient dans les champs, seules à élever
leurs enfants suite aux suicides de leurs maris qui ne supportaient plus leurs conditions de vie,
prêts et dettes, OGM, cultures insatisfaisantes, pauvreté.
Il y avait une joie de vivre, une forme de résilience. Ils partageaient les choses de
manière équitable. Je leur ai demandé quel était le secret de cette joie de vivre. Ils m’ont
répondu : deux choses : Service and Spiritual Practice. Pour eux, c’était une évidence. La
question de la pratique spirituelle a commencé à m’interroger. J’ai la chance de pratiquer le
yoga et je me suis retrouvé dans une grande salle où étaient exposés les portraits de leurs
grands sages. Il y avait ce que j’appelle des psychonautes, qui viennent explorer l’espace
intérieur et chercher à se connaître, à comprendre, à voir quelle est la nature de la réalité par
l’introspection. Au milieu des portraits, il y avait deux phrases ont attiré mon attention et
m’ont fait prendre un autre chemin que celui que j’avais prévu.
La première, « L’action est précédée de la pensée ». Donc nourrit ton esprit avec les
plus grandes valeurs, les plus grands idéaux, nourrit les chaque jour, chaque nuit et à force de
pratiquer, des choses extraordinaires naîtront. J’ai pensé que tout part du rêve alors que dans
notre société nous nous intéressons plutôt à la partie la plus basse de l’individu, la peur, l’égo,
le sexe. Vendre le plus possible étant le but de notre société avec des marketeurs qui s’y
emploie efficacement en faisant appel à notre partie un peu plus reptilienne.
La deuxième phrase était « Tu n’es pas l’ego, tu es le Soi ».
Ces deux phrases, bout à bout, ont provoqué un déclic. Une partie de mon égo a dit
« N’importe quoi » et une partie du Soi a dit « Hein-hein, il y a une piste par-là ! »
Nous avons continué à voyager avec l’idée qu’il fallait saisir ce qu’était ce Soi.
Comment se connecter au Soi. Que ce soit par la danse, le chant, la méditation, il y a dans
toutes les traditions de sagesse des techniques qui permettent d’accéder à cette partie-là. Pour
moi, c’est la partie lumineuse, la partie créative, la part de l’intuition. Pour moi, c’est surtout
de cela dont nous avons besoin, être capable de découvrir en soi la compassion, l’altruisme,
qui sont notre essence profonde. Les neuro sciences avec Mathieu Ricard montrent que nous
sommes d’abord altruistes avant d’être en compétition. C’est l’égoïsme qui sabote les
fondements de la vie sur Terre. Tout ce qui ne cherche pas à séparer mais à réunir, ne cherche
pas à juger mais à accueillir et qui permet de trouver des correspondances avec tous les êtres
humains, est la voie pour essayer de proposer un avenir désirable. Nous nous sommes dit
« Qu’est ce qui va nous connecter au meilleur de nous-même ? » Et en voyant tous les rushes
réalisés « On parle bien de tout cela, mais ce serait mieux de les vivre et de les appliquer à
nous-mêmes ». Nous adorons les concepts mais l’expérientiel est important et il a fallu trois/quatre
ans pour digérer tout cela. L’esprit comprend à la vitesse de la lumière mais il faut du
temps pour reprogrammer notre inconscient, notre ego, pour proposer une action plus en
congruence avec qui nous sommes. Cela a donc été un long travail. J’ai appris la culture
biologique, j’ai aussi travaillé avec la cantatrice Mariame Sébastien. Moi qui pensais que le
développement personnel était réservé à une élite, je me suis aperçu qu’elle appliquait toutes
ces choses-là avec ses enfants. Elle permettait aux gens d’exprimer toute leur histoire, au
chant, en quelques notes. Les gens m’ont inspiré dans ce qu’ils faisaient. Il y a d’abord eu
cette introspection, cette connaissance de soi qui permet de vraiment savoir qui je suis, quelles
sont mes valeurs. Puis nos projets sont devenus extrêmement féconds. La qualité de nos
intentions quand nous menons un projet détermine la fécondité de nos actions.
Citons une phrase de Nelson Mandela sortant de prison « C’est le chemin qui me mène
vers la liberté. Je sens que si je ne laisse pas derrière moi toute la haine et l’amertume, je serai
en prison toute ma vie ». Faire ce travail là est ce qui va nous permettre d’amener cet avenir
vers quelque chose de plus coopératif, de plus harmonieux. Changer uniquement les structures
sans avoir fait ce travail ne sera pas suffisant. Nous ne sommes plus dans l’ère du ou-ou, mais
dans l’ère du et-et.

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Le prochain intervenant est également un élève de Saint Gab, mais un ancien et dans
son genre, c’est encore une fois un sacré bon loser, un vrai pigeon. Il le revendique
d’ailleurs ! Il aime le pigeon des campagnes mais aussi celui des trottoirs parisiens, deux
territoires qu’il cherche à rassembler depuis quelques années. Mesdames et Messieurs, merci
d’accueillir Paul-Henri Bizon.

Intervention de Paul-Henri Bizon.

Un écrivain n’est pas du tout fait pour parler, il vit dans un autre espace-temps, celui
du feuillet. Le feuillet, c’est 1500 signes et espaces compris, c’est à peu près une heure
d’écriture quand je suis bien lancé. Si je fais bien le calcul, 12 minutes c’est 5 fois moins, soit
300 signes et espaces compris. Pour moi c’est abyssal car, en à peine 30 secondes, j’ai déjà
gagné 12 minutes de temps d’écriture, autant dire que ma présence devant vous ce soir n’avait
rien d’évident. D’ailleurs la dernière fois que je suis monté sur scène, j’avais neuf ans, pour
réciter une fable de La Fontaine qui s’appelait Le héron.
« Un beau jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où le héron au long bec emmanché
d’un long cou. Il côtoyait une rivière, l’eau était claire comme au plus beau jour, etc. etc. » A
l’époque, ce fut une catastrophe, je n’avais pas appris la fable, j’avais le trac encore plus
qu’aujourd’hui, peut-être et surtout cela ne sonnait pas très années 80. Pourquoi dois-je réciter
ces vieilleries, pourquoi ne pas en écrire de nouvelles ? En fait, vis-à-vis de La Fontaine
j’avais déjà un complexe, mais à l’époque, c’était un complexe de supériorité. En y repensant
pour préparer cette conférence, je me suis dit qu’à ce moment-là j’ai pris conscience d’une
chose qui allait prendre de l’importance dans ma vie et dans mon travail, c’est la notion de
transmission. Faisons un retour au cours de latin à Saint Gab. La transmission est à la fois ce
que nous donnons et la façon dont nous allons le donner, c’est aussi la façon dont nous le
recevons et la façon dont nous allons le transmettre. En fait, la transmission n’est pas
seulement une action mais presqu’un espace-temps, un écosystème d’actions qui serait
engendré par une volonté de porter quelque chose au-delà.
Il y a de multiples façons de le faire, la mienne est un peu monomaniaque, elle a
toujours été la même, c‘est écrire. Ecrire, c’est prendre du réel, le transformer par la fiction et
puis le donner à lire. Dis comme de cette manière, cela paraît assez simple, mais c’est plein de
surprises. D’abord parce que le réel est rarement mono chromatique. Il peut être agréable,
l’été, les petits oiseaux, l’amour. Moyennement agréable, un avion raté, un contretemps. Et
puis parfois, carrément désagréable, ce qui s’est passé hier, le terrorisme, la mort. Il faut
savoir s’y confronter. Et puis, il y a peut-être encore pire pour un écrivain, c’est quand le réel
paraît tellement délirant qu’il faut d’abord le faire ressembler à du réel.
Un jour, un type vient me voir et me propose de participer au projet de mes rêves.
Créer à Paris 35 commerces de bouche et des restaurants qui permettront aux gens de venir
s’approvisionner en produits agricoles vertueux sans l’intermédiaire de la grande distribution.
Le type est un peu louche, il sort de nulle part mais il est entouré de gens que j’aime bien,
dont je connais les travaux, et c’est pour moi l’occasion d’être une sorte de courroie de
transmission entre deux mondes qui parlent peu, et quand ils parlent ensemble, ils ne parlent
pas la même langue. Il s’agit de Paris, là où je vis et de la campagne d’où je viens. On me
demande de donner un nom au projet, La Jeune Rue et de devenir la plume du projet, c’est-à dire
de synthétiser toutes les idées qui vont affleurer aussi bien en urbanisme, en architecture,
en agriculture, en commerce, en relation sociale. Je me trouve embarqué dans un projet qui
grossit à vue d’oeil, qui ne cesse de grossir comme un monstre qui se nourrirait de tous les
phantasmes, des miens et de ceux de tous les gens autour. Le truc prend une ampleur dingue
et la presse ne parle plus que de cela, les Américains n’ont que La Jeune Rue à la bouche. Le
type est invité à la télévision. Il se dit riche à millions mais les factures ne sont pas payées et
au bout d’un moment, je me retrouve comme un idiot. Je perds beaucoup d’argent et sui
obligé de licencier mon employé. Il ne me reste que la propriété de la marque. Un an après, le
truc explose, 30 millions de dettes, 5 mois de prison pour le type et mes yeux pour pleurer.
Voilà le monde réel, les histoires d’escrocs ne manquent pas. Qu’est-ce que je peux en faire ?
Finalement la solution était dans Balzac et les « Illusions perdues » écrites en 1837. C’est
l’histoire, à Angoulême, d’un vieil imprimeur radin qui vend son imprimerie à son fils qui se
sent obligé de la payer. En même temps, la Révolution industrielle fait apparaître de grands
financiers et Balzac décrit de grands progrès et les dangers qui les accompagnent. A Paris, la
restauration se porte bien. Il y a beaucoup d’investissements, c’est un lieu de pouvoir et de
l’autre côté de la chaîne, Angoulême est à bout de souffle. Balzac a été pour moi une sorte de
courroie de transmission. Une fois que nous avons dépassé le réel par la fiction, une question
se pose « Qu’est-ce que nous allons devenir ? » car en 2017, ce n’est pas comme en 1837. En
2017, le problème n’est pas qu’industriel, seulement lié à l’imprimerie, il dépasse l’humanité
elle-même, c’est le problème de son environnement. Qu’est-ce que nous allons faire ?
Qu’allons-nous devenir ? Je suis écrivain, je n’ai pas de réponse. Ces questions sont offertes
aux lecteurs. Je transmets. En éclairant, en montrant que nous sommes liés, que nous devons
construire ensemble.
Il n’y a d’autres vérités que celles que nous refusons de voir quand nous échouons. Ce
pour quoi nous avons échoué et la contrepartie de cette responsabilité est que nous avons les
solutions en nous. Il faut accepter de les voir, de faire un pas en avant, accepter de trouver
cette motivation pour engendrer des connections nouvelles. Finalement dans cette fable, La
Fontaine ne disait pas autre chose, « Ce n’est pas aux hérons que je parle, écoutez humains,
un autre conte, vous verrez que chez vous j’ai puisé ces leçons. »

___________________
Le prochain intervenant a une vraie hantise, c’est que tout se passe comme prévu.
Exceptionnellement ce soir il ne serait pas contre que son propos se fasse sans accroc. Mais
il en fera une exception et ce ne sera que durant sa prise de parole car le reste du temps, dans
sa vie professionnelle, il est coach clinicien du travail, sa passion est de traquer, de tout
observer, de traquer quand ça rate, de traquer tous ces petits échecs, de traquer le hasard,
pour essayer de voir tout ce qui s’y cache et ce que cela peut révéler. Mesdames et Messieurs,
merci d’applaudir Jean-Yves Germain.

Intervention de Jean-Yves Germain.

Je vais commencer par une question que je voudrais partager avec vous :
« Aujourd’hui ou ces derniers jours, qu’est-ce que vous avez vécu de surprenant, d’inattendu
ou d’imprévu ? »
Voici une question que je me pose le plus souvent possible parce que depuis que je
suis gamin, je suis fasciné par cette histoire qui m’a été racontée. L’histoire d’un grand
navigateur au XV° siècle qui est parti pour rejoindre les Indes et qui aurait découvert
l’Amérique. Surprenant, inattendu, imprévu !
Peter Broker, le grand pape du management, a écrit un livre sur l’innovation dans
lequel il décrit les sept sources d’innovation. La première source de l’innovation est
l’imprévu, l’inattendu. Depuis, j’ai appris qu’il y avait un mot pour désigner ce phénomène. Il
s’agit de la sérendipité. La sérendipité est le fait de trouver quelque chose que nous ne
cherchions pas. Quelquefois nous parlons de découverte par hasard, par chance. A mon avis,
la sérendipité est un peu plus complexe, beaucoup plus riche que juste le hasard ou la chance.
Par exemple, il y a une soixantaine d’années, à Marcq-en-Baroeul, dans une usine où était
fabriqué du caramel, les responsables parce qu’ils avaient trop de cacao ont mélangé du cacao
avec le caramel, les machines se sont alors déréglées et le caramel est sorti en barre. Les
caramels en barre ! Sans le faire exprès, ils ont à la fois inventé le Carambar et la machine à
fabriquer les caramels en barre. Surprenant, inattendu, imprévu !
Il y a environ soixante ans, chez 3M, il y a un chercheur, Spencer Silver, qui cherchait
les colles les plus résistantes, les plus dures, les plus durables possibles. Il ne cherchait pas
une colle qui ne colle pas ! Ses recherches ont abouti à la création du post-it. Surprenant,
inattendu, imprévu !
Il y a des dizaines et des dizaines d’exemples. C’est l’histoire de la découverte de
l’Amérique, du Brésil, des grottes de Lascaux, c’est l’histoire du kevlar, du velcro, du VTT,
du camping-car, de la tarte tatin. C’est extrêmement riche. On peut trouver quelque chose en
cherchant autre chose. On peut trouver par maladresse, on peut trouver parce qu’il manque
quelque chose ou parce qu’il y en trop, on peut trouver en imitant la nature, c’est le
biomimétisme, on peut trouver en regardant ce que font les clients ou les salariés et on peut
quelquefois trouver sans chercher. Ce que je trouve particulièrement motivant en travaillant
sur la sérendipité, c’est que je m’intéresse à ce que nous découvrons qui est en réalité là, sous
nos yeux. Les temps de recherche, de mise au point, de tests sont considérablement réduits,
c’est génial ! C’est tellement génial que je me demande pourquoi nous n’en parlons pas
davantage.

La première source d’innovation ? Combien d’heures de cours, d’entraînement au
collège, au lycée ! Pasteur a dit : « Le hasard ne favorise que les esprits préparés ». Quand j’ai
lu cela, j’ai fait attention à avoir un esprit préparé et, depuis pas mal d’années, je travaille ce
concept le plus possible. L’idée est d’apprivoiser l’inconnu, d’apprécier l’inattendu, d’aimer
l’imprévu et d’en faire quelque chose.
J’ai appris que l’on m’avait appris des bêtises. Christophe Colomb n’a jamais
découvert l’Amérique. Pendant quatorze ans, c’est-à-dire jusqu’à sa mort, il a toujours
proclamé qu’il était arrivé aux Indes, même si en 1492 ses bateaux sont bien arrivés en
Amérique Centrale. Pourquoi ? Parce que c’est ce qu’il avait prévu, ce qu’il cherchait.
Autre exemple, chez Pfizer, ils travaillaient sur la mise au point d’un médicament pour
lutter contre une maladie cardiaque, l’angine de poitrine. Le médicament était presque au
point, il était en test et en validation sur des malades quand quelques-uns ont fait état d’effets
secondaires inattendus, imprévus, qui permirent aux chercheurs de comprendre qu’ils avaient
découvert un médicament pour lutter contre l’impuissance et a permis à Pfizer de gagner
beaucoup d’argent avec le Viagra.
Aujourd’hui cela peut paraître totalement évident, mais nous pouvons imaginer que
pour les chercheurs qui avaient un programme, cela n’était peut-être pas facile d’abandonner
la piste première, éventuellement de confier les nouveaux travaux à une autre équipe. Peutêtre
auraient-ils préféré travailler sur les effets secondaires. Ils ont été beaucoup plus lucides
que Christophe Colomb, ils se sont intéressés à ce qu’ils avaient trouvé.
Puisque vous avez réfléchi à ce que vous avez vécu d’inattendu, d’imprévu ces
derniers jours, je vous propose une démarche en quatre étapes. Premièrement, qu’est-ce qui
s’est passé ? Deuxièmement, qu’est-ce que je peux en retenir de positif ? Qu’est-ce que cela
m’apprend et surtout qu’est-ce que je peux en faire ? Et plus je pratique cet exercice, plus je
transforme l’inattendu en source de saisie d’opportunités, et plus je le fais souvent, plus je
transforme l’imprévu en innovation. Si je le fais souvent, j’en fais une posture quotidienne,
c’est-à-dire une innovation ordinaire, de tous les instants sur n’importe quel sujet. Je trouve
tout cela tellement formidable que je n’ai qu’une envie, c’est que cela arrive plus souvent
parce que je peux le faire exprès, j’ai appelé cela la sérendipité intentionnelle. En gros, qu’estce
que je pourrais mettre en oeuvre pour que plus souvent, une saisie d’opportunités soit
inattendue. Ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît car il faut à la fois une posture de lâcherprise
et d’humilité et en même temps être dans l’action, dans la recherche d’application et
d’innovation.
Pour faire cela, j’ai une nouvelle question : « Demain et dans les jours qui viennent,
qu’est-ce que je vais faire pour mettre en oeuvre, pour rencontrer quelque chose de surprenant,
d’inattendu, d’imprévu ? » J’ai des propositions très simples et d’autres plus sophistiquées.
Ça commence tout à l’heure. Tout à l’heure, je vous propose durant le cocktail que vous
engagiez la conversation avec quelqu’un que vous ne fréquentez pas d’habitude et qui si
possible ne ressemble pas aux personnes que vous fréquentez d’habitude. Dans les jours qui
viennent, je vous propose que vous laissiez, dans votre agenda, une journée ou une demijournée
totalement vierge en écrivant « Rien de prévu » pour laisser place à l’imprévu. Dans
les mois qui viennent, je vous propose d’assister à toutes les conférences du CERA, surtout si
le sujet ne vous intéresse pas. Et comme vous serez comme moi et que vous découvrirez dans
les inattendus plein d’opportunités et plein de connaissances nouvelles que vous appliquerez,
vous n’aurez qu’une envie, pratiquer plus souvent la veille de choses plus sophistiquées.
Prédire l’avenir est quasiment impossible, le monde est complexe, l’incertitude est
plus certaine que le reste. Mais surtout, à trop le prédire, à trop le prévoir nous risquerions de
ne pas nous rendre compte que ce que nous avons rencontré, c’est l’Amérique. Le meilleur
moyen d’appréhender l’avenir avec la sérendipité, c’est de le découvrir et d’en faire quelque
chose. Avec la sérendipité intentionnelle, le meilleur moyen d’appréhender l’avenir est de
provoquer l’inattendu. La méthode pourrait tenir en quelques mots sur un post-it :
« Provoquer l’inattendu, observer ce qui se passe, l’utiliser pour en faire quelque chose. » Ma
proposition est la suivante : j’aimerais qu’ensemble, nous devenions des provocateurs de
l’avenir.
Au moment de nous quitter, je vous propose une dernière question : « Est-il possible
de trouver volontairement quelque chose que nous ne cherchions pas ? »

___________________
La prochaine intervenante fait partie de ces gens qui pose un vrai problème aux gens
comme moi qui ont un métier d’animateur et de présentateur. A chaque fois que nous
cherchons un truc pour définir ces personnes, ce qu’on en dit ne remplit pas exactement la
fonction. J’ai donc renoncé à chercher comment vous la présenter, elle le fera très bien elle même
et évitera l’écueil dans lequel j’aurais pu tomber, en oubliant une partie ou la faisant
rentrer dans une case qui n’était pas la sienne. Mesdames et Messieurs, merci d’applaudir
Emilie Coutant.
Intervention d’Emilie Coutant.
De Fernando Pessoa, écrivain et poète portugais, je tire ces quelques mots qui
synthétisent le regard que je porte sur ma vie : « De tout il restera trois choses, la certitude que
tout était en train de commencer, la certitude qu’il fallait continuer, la certitude que cela serait
Page 17/22 Vendée Talks– CERA – 12 décembre 2018
interrompu avant que d’être terminé. Faire de l’interruption un autre chemin, faire de la chute
un pas devant, faire de la peur un escalier, du rêve un pont, de la recherche une rencontre ».
Je vais vous parler de la rencontre, de cette rencontre qui a fait de moi ce que je suis
aujourd’hui, une sociologue libre, indépendante, une surfeuse, une maman heureuse, ancrée
sur le littoral, à Longeville sur Mer. De cette rencontre est né le désir de créer ma vie et de
m’affranchir des contraintes qui auraient dû peser sur le choix d’embrasser une carrière de
sociologue. Cette rencontre est triple. C’est la rencontre d’un lieu, la rencontre d’un élément
et la rencontre avec soi-même. J’ai fait cette rencontre il y a dix ans, sans rien chercher
vraiment. Je ne cherchais rien d’autre que de passer quelques jours apaisés, loin de la capitale,
quelques jours de vacances. J’ai d’abord rencontré un territoire, la Vendée. Elle est un lieu
riche de sa qualité de vie, j’ai découvert ce territoire mais aussi un sport, le surf, une tribu. J’ai
découvert en fait la Vendée par son littoral, par ses vagues, par le surf. J’ai rencontré la Petite
Californie comme nous l’appelons ici, et plus précisément Bud Bud, le célèbre spot de surf à
Longeville sur Mer. Et bien c’est chez moi ! J’habite juste de l’autre côté de la dune.
Désormais c’est une partie de moi, ici, loin des parcours des enseignants chercheurs des
universités françaises ou des consultants des bureaux tendance parisiens, c’est dans ce coin
très reculé que j’ai choisi d’élire domicile et surtout d’installer le siège social de mon cabinet
d’études sociologiques.
Ma rencontre était le surf, la Vendée, la vie libre et indépendante, atypique pour un
sociologue mais avec laquelle je me sentais alignée, en phase avec moi-même. De cette
rencontre est née mon ambition, mon envie de créer ma vie, quitte à bousculer les conventions
établies et froisser Papy, Mamy et quelques amis. « Pourquoi vas-tu t’enterrer là-bas, tu ne
trouveras pas de travail !» Et pourtant avec de l’optimisme, du panache et un soupçon de
rébellion à l’égard des chemins classiques, il est facile de s’affranchir des contraintes. Au
contraire, celles-ci vont devenir de formidables leviers de développement personnel et
d’amélioration de soi. Se libérer des contraintes, sortir des sentiers battus, être créative de sa
vie, j’avais trouvé mon créneau.
Originaire de Saint Laurent, petit village dans le Cher, j’ai ensuite passé mon
adolescence à Abou Dabi avant d’entamer mon cursus universitaire à Tours puis à Paris.
Attachée à la ruralité et enivrée par l’océan, je voulais surfer la vie et c’est ici que j’ai trouvé
un lieu d’attache.
Nous étions en 2008, j’avais 23 ans, je venais de créer ma petite structure
d’indépendante et parallèlement je démarrais ma thèse de doctorat, je m’engageais avec
passion dans la vie. Pour moi il était inconcevable de vivre à Paris et de faire les allers et
retours, les week-ends, pour trouver un peu d’apaisement en Vendée. J’ai pris le problème à
l’envers. J’ai choisi un lieu de vie non pour le travail que j’aurais pu y trouver une fois mon
diplôme en poche mais pour mener cette vie paisible que je m’étais choisie. Je voulais
m’engager dans une vie plus slow avec du temps à consacrer à la recherche, à la lecture, à la
réflexion, source d’inspiration pour satisfaire ma soif de connaissances.
Cette soif de connaissances a toujours été le moteur de ma vie depuis que je suis toute
petite. Une curiosité, une envie de tout savoir, de tout comprendre et de tout transmettre aux
autres. Je voulais vraiment apprendre pour transmettre ces connaissances. J’ai même eu l’idée
en 2006 de faire un master en vulgarisation scientifique, mais j’ai rebroussé le chemin pour
faire ma thèse de doctorat car j’ai compris que c’est vraiment là, dans la recherche que je
satisferai ma soif de connaissances. Comme le dit Edgar Morin, « Plus on apprend, plus on se
rend compte de l’immensité du savoir et finalement plus on devient ignorant ». Eh bien moi,
c’est ça, plus j’apprenais, plus je me sentais riche et à la fois pauvre, j’avais toujours envie
d’apprendre.
Qu’est-ce qui m’a amené à la recherche ? Quand j’avais six mois, j’ai perdu ma mère
d’une méningite foudroyante. J’ai vécu mon enfance avec mon père et mes frères, dans un
monde d’hommes. C’est tout naturellement que la question du masculin s’est posée à moi et
j’ai voulu comprendre comment nous pouvions déconstruire et reconstruire le masculin. Oui
messieurs, j’ai fait une thèse sur vous qui s’intitule « Le mâle du siècle, mutation et
renaissance des masculinités ». A cette époque, nous parlions beaucoup des métrosexuels, des
hommes efféminés, l’homme qui change, qui prend soin de son apparence. Peu à peu j’ai
commencé ma thèse de doctorat en Vendée, j’avais créé ma société pour être à mon compte.
Une société d’études à Paris, Eranos, me proposait de réaliser des études sociologiques pour
ses clients, comme L’Oréal, et des médias me sollicitaient pour des défilés de mode. J’ai alors
accroché ma première corde à mon arc, je suis devenue sociologue de la mode, ce qui
n’existait pas à l’époque.
En 2012, j’ai accroché une deuxième corde à mon arc. Eric Verdier, psychologue
communautaire, est venu me chercher pour travailler sur la question du jeu d’argent et du
hasard, de ces hommes qui jouent trop, des joueurs addicts. L’idée était de comprendre les
vulnérabilités au masculin, parce qu’un certain nombre d’hommes qui fréquentent les bars de
jeux ne vont pas bien. De là a commencé une immersion de quinze mois pour rencontrer ces
hommes et en sous-terrain pour comprendre les situations de vulnérabilité, sociales,
familiales, professionnelles, psychologiques parfois, qui conduisent à des trajectoires
problématiques. Cela fait maintenant six ans que je travaille avec La Française des Jeux et la
filière de soins. Nous mettons en place des dispositifs expérimentaux pour repérer les joueurs,
intervenir auprès d’eux, les diriger vers les filières de soins. Ces projets sont passionnants car
nous aidons des gens et nous rencontrons des gens qui ont envie d’aider. Nous nous appuyons
sur d’autres types de personnes, en particulier d’anciens joueurs. Nous côtoyons l’immensité
du monde, ses trous noirs, ses malheurs, tout cela me donne envie de les comprendre pour les
combattre et la motivation que je tire de ces joueurs, de ces personnes vulnérables, de ces
personnes faibles, est incroyable. De ces joueurs addicts, nous pouvons tirer une capacité à
nous extraire de la souffrance. L’empowerment, la résilience, c’est tout à fait fascinant. Je ne
me lasse pas d’aller dans ces bars parler avec ces gens, avec des bossus, des cabossés de la
vie. Je peux vous dire qu’il y a des gens avec des expériences fabuleuses, qui m’ont nourrie.
Montrez-vous curieux de leurs parcours. J’ai l’habitude d’aller parler avec les SDF et les
mendiants dans la rue. Eux aussi, ils ont une motivation incroyable. Imaginez-vous à leur
place, répéter toutes les quinze secondes la même demande sachant que neuf fois sur dix, ils
obtiennent un refus. Et pourtant, ils le font avec optimisme et avec le sourire. En parlant avec
eux, vous leur offrez la ressource la plus inestimable, le plus beau cadeau de la vie, vous leur
offrez du temps, quelque chose qui ne vous reviendra jamais. Quand nous parlons avec eux,
nous apprenons beaucoup de choses sur l’humanité, nous relativisons nos propres difficultés,
nous bousculons notre zone de confort. L’inspiration par la motivation, je l’ai trouvée.
Alors qu’est que créer sa vie ? Pour moi, c’est tout cet ensemble. Pour moi, créer sa
vie, c’est surtout garder cette indépendance du corps et de l’esprit et savoir prendre tous ces
risques. La grenouille au fond du puit n’en connaît pas la hauteur. J’aime le risque, j’aime les
chemins de traverse, les routes qui quittent la grande route, les chemins plus courts, plus
sauvages, moins connus mais parfois plus ou moins rassurants. Se risquer, c’est cela, se tester,
s’expérimenter, c’est échouer et recommencer, être sur le fil et se sentir divin. Être rebelle,
c’est faire de la rébellion une ressource contre la normopathie, cette maladie de la norme qui
parfois rend les témoins passifs et empêche les témoins d’oser défendre les plus vulnérables,
d’intervenir dans une situation de discrimination, de harcèlement, de violence.
Personnellement j’ose, j’ose défendre les plus vulnérables. Se rebeller, c’est ça. J’ai osé
remettre en cause les normes, c’est être plus humain. Mon indépendance, ma rébellion, c’est
mon humanité et je ne la quitterai jamais. Alors s’il suffit d’être travailleur indépendant,
d’exercer en libéral, de ne pas savoir de quoi seront faits les prochains mois, de jongler entre
l’addiction, la mode, la robotique industrielle et plus récemment la sociologie des gilets
jaunes, vous voyez cette liberté, cette ouverture d’esprit, cette rébellion face aux conventions,
cette prise de risques, c’est pour moi la condition de réalisation de soi, la condition de la
rencontre avec soi. Cette rencontre n’est jamais achevée, c’est tous les jours. Alors prenez le
risque de vous rencontrer, soyez rebelle, libérez-vous des normes et devenez créateur de votre
vie !

___________________
C’est amusant, Emilie disait à l’instant que en tant que sociologue, elle surprenait tout
le monde en s’installant en Vendée. Moi au contraire, je me disais que si je devenais
sociologue mon premier terrain d’études serait la Vendée. Je ne suis pas vendéen au départ,
j’ai grandi à Caen mais ma belle-famille est vendéenne et je me suis toujours dit que ça ferait
au moins une ou deux thèses de pouvoir comprendre ou chercher à comprendre le début de
quelque chose. Je sais ce que je vais pendre. « Pourquoi est-ce que les vendéens, dès que
nous parlons de la Vendée, se mettent à applaudir ? » Je vais même pouvoir me faire financer
par des labos de recherche.
En tout cas Emilie le disait, ce n’est pas par hasard si la grenouille du fond de la mare
ne connaît pas la mer. Elle le disait parce que nous avons choisi de placer la fin de cette
soirée sous le signe des batraciens. Pourquoi ? parce qu’il faut bien faire des choix dans la
vie. Notre prochain intervenant n’est pas zoologue, n’est pas non plus chercheur à l’institut
de bactériologie mais, en tout cas sa passion, à lui, ce sont les crapauds fous. Nous aurions
pu dire que c’était une très bonne raison de ne pas l’inviter, nous avons pris l’option inverse,
Stéphane Bigeard, s’il vous plait.

Intervention de Stéphane Bigeard.

Quel est le point commun, à votre avis, entre toutes les personnes que vous venez
d’entendre ? Malgré leurs différences, ce sont tous des crapauds fous et il y en a peut-être
même d’autres dans la salle. Je suis aussi un crapaud fou, mais qui vient du Nord de France,
reconnaissable à son accent. Je suis un crapaud fou qui observe le monde qui l’entoure, je suis
un consultant en management et en motivation. C’est un beau métier parce que mon job, c’est
observer ce qui se passe dans les entreprises et comme je n’ai pas fait de grandes études, je
n’ai pas de doctorat, j’observe, je pique les bonnes idées, je les garde et je les revends très
cher ailleurs et ça marche très bien !
La première chose que j’ai observé, c’est qu’il y a une masse critique qui regarde ce
qu’on lui a dit de regarder. Ce sont des gens disciplinés qui s’emmerdent dans leur quotidien.
Ils vont bosser le matin, vous les croisez à la machine à café et si vous leur demandez
« Comment ça va ? », ils vous disent « Bof ». Ils s’emmerdent dans ce qu’ils font parce qu’ils
n’ont pas le choix, nous leur disons ce qu’ils doivent faire, comment ils doivent le faire et
avec qui ils doivent le faire.
Voyez les similitudes que nous pouvons avoir avec la société. Les gens ne décident de
rien, ils ne regardent rien, ils attendent que ça se passe et ils passent leur temps à se plaindre
discrètement en disant « Je n’ai pas le choix ». Alors pour se consoler, ils regardent le 20
heures et là ils disent « Tu as vu chérie, ce n’est pas si mal chez nous quand même ». Ces
gens vivent dans la tristesse parce qu’ils ne regardent rien et que nous ne leur montrons pas
grand-chose de bien à la télé.
A l’opposé de ça, vous avez ceux qui ne regardent que ce qui va mal et qui le disent
« Y’en a marre, c’est le bordel !» Aucune similitude avec la vie actuelle. Ces gens-là sont
obnubilés par le bordel environnant.
Et il y a une troisième catégorie, les crapauds fous. Ils regardent ce qui va bien, les
forces en présence qui pourraient changer le monde, qui pourraient aider les autres. Ils sont
centrés sur des forces, sur des positions, même s’il y a plein de choses qui ne vont pas. Ils
vont d’abord regarder ce qui va bien pour essayer de traiter ce qui va le moins bien. Cela
s’appelle des crapauds fous.
Alors pourquoi les appelle-t-on des crapauds fous ? Parce que à Paris, il y a quelques
semaines de cela, j’ai découvert une magnifique pièce de théâtre. C’est l’histoire vraie de
deux médecins polonais qui ont sauvé 8000 personnes de la déportation en cherchant une
solution dans leur secteur d’activité, la médecine. Ils ont inoculé le virus du typhus à une
population qui grâce à ce stratagème, considérée comme contagieuse, n’a pas été envoyée
dans les camps. Cette pièce est aussi très drôle, elle montre l’exemple d’un groupe de
personnes qui trouve des solutions en faisant autrement, en cherchant ce qui est positif dans la
vie, même dans une situation de conflit mondial.
Je vais vous présenter trois crapauds fous que vous connaissez probablement tous si
vous êtes Vendéens. Le premier est Philippe Maindron, un vendéen distributeur de bonheur
au travers des Meules bleues, du festival des Poupées, du championnat du monde du Cheval à
deux pattes. Il aime voir les gens se rassembler et vivre des instants de bonheur. Comme par
hasard, ce sont des chefs d’entreprise qui vont se rencontrer, échanger, faire du business
ensemble, du développement, créer une communauté de partage extraordinaire dans la région.
Le deuxième est Jean-Michel Mousset que j’ai la chance de connaître depuis une
dizaine d’années. C’est un entrepreneur qui est toujours en avance d’une expérience. Il a créé
l’événement de ce soir, sans lui nous ne serions pas réunis. Il a créé le Vendée Job Challenge
pour permettre à des jeunes accompagnés par des chefs d’entreprise de trouver un emploi. Il a
créé le Ludylab, réalité virtuelle, jouer pour apprendre, jouer pour partager. Et il a des projets
plein la tête. A quoi ça sert ? A pas grand-chose, n’empêche que ça peut faire avancer le
monde. C’est un super crapaud !
Un troisième n’est pas Vendéen mais il pourrait l’être. Il s’agit de Damien GRIMONT.
L’année dernière il a organisé la traversée de l’Atlantique entre les Etats-Unis et la France
pour permettre à des gens de se retrouver et surtout de fêter l’aide des Américains lors de la 1°
guerre mondiale en 1917. Il a su rassembler 2500 dirigeants qui, pendant une semaine, se sont
isolés pour réfléchir au monde positif que nous pourrions construire dans les entreprises.
Voilà des crapauds fous. Il y en d’autres dans la salle. Ce que j’ai vu de Saint Gab fait
que vous êtes un super incubateur de crapauds fous et si tous, vous êtes ici, c’est que vous êtes
déjà des crapauds fous. Comment devenir un crapaud fou ?
Première clé, trouve son terrain de jeu. Nous ne cherchons pas un métier, nous
cherchons un terrain de jeu. Je le dis aux jeunes qui souvent, ne savent pas quel métier faire
mais qui peuvent plus facilement définir leur univers de prédilection, le sport, la culture, la
recherche, la médecine, le jeu. Trouve ton univers et tu trouveras dedans un métier !
Deuxième clé, trouve ton verbe. Chercher son verbe, c’est chercher son ADN, sa
force, ce pour quoi je suis fait et ce que j’utiliserai quel que soit l’univers dans lequel je serai.
Posez-vous la question, parlez en ensemble, avec vos enfants ! Nous avons besoin des autres
pour trouver notre verbe. Cela fera de belles conversations autour de la table.
Vous allez maintenant fermer les yeux et vous allez entendre les trente dernières
secondes de la pièce des crapauds. « Un été j’ai entendu parler des crapauds fous. Alors que
tous les crapauds migrent vers le sud aux mauvais jours, certains remontent la rivière à contre
sens et se rendent dans des régions inhospitalières sans qu’aucun biologiste ne puisse
expliquer ce comportement marginal. Ce que nous savons en revanche, c’est que, lorsque à
cause d’une catastrophe naturelle, d’une soudaine sécheresse ou d’une construction humaine,
tous les crapauds voient leur vie menacée et succombent, il est sûr que la survie de
l’espèce repose uniquement sur l’existence de ces crapauds fous. »
La dernière chose que j’ai envie de partager avec vous, c’est une phrase que vous
pouvez garder pour vous « Faites un choix ! Que voulez-vous regarder pour que ce que vous
allez regarder se développe. Soit vous ne regardez rien parce que vous êtes obnubilé par ce
que vous vivez sans vous occuper de rien. Dans ce cas, vous allez avoir une vie plutôt terne.
Soit vous passez votre temps à regarder ce qui va mal et probablement vous allez développer
ce qui va mal pour vous-même et pour les autres. Soit vous passez votre temps à regarder ce
qui fonctionne, ce qui est beau, ce qui est bon, ce qui est utile pour vous-même et pour les
autres. »

Epilogue d’Antoine Lambert.

C’était le dernier conférencier de la soirée, le dernier à partager son expérience de
vie avec vous. Merci à eux ! J’espère que cela aura changé deux trois petits trucs en vous,
que vous ne repartirez pas complètement de la même façon ce soir !