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VendeeTalks 2019 : « Quel mental pour se dépasser ? »

CERA et St Gab à Saint Laurent sur Sèvres

« Quel mental pour se dépasser ? »

 

Présentation de la soirée par Alexandre de Combrugghe.

Mesdames, Messieurs, bonsoir et bienvenu. C’est déjà la troisième édition des Vendée Talks et nous sommes ravis de vous y recevoir. Une soirée qui s’annonce unique, magique, je dirai même intimiste avec cette question : quel mental pour se dépasser ?

Avant de démarrer et de rentrer dans le vif du sujet, j’aimerais que vous fassiez résonner un tonnerre d’applaudissements pour toutes les personnes qui ont travaillé pendant des mois pour vous présenter et vous proposer cette soirée unique !

Il s’agit d’une soirée coorganisée par le CERA et Saint Gab. Veuillez accueillir les premiers invités, Jean-Michel Mousset, président du CERA et Thierry Letard, directeur de Saint Gab.

Intervention de Jean-Michel Mousset :

Quel mental pour se dépasser ? Quand on est entrepreneurs c’est un peu une seconde nature. Parce que quand on entreprend, on ne sait heureusement pas tous les problèmes que l’on va rencontrer ! Il va falloir se dépasser malgré nous. C’est donc dans l’ADN de l’entrepreneur de se dépasser. Le CERA a connu ce dépassement. Quand on s’est lancé en 2001, on était loin d’imaginer ce que deviendrait le CERA grâce à vous et encore plus loin d’imaginer qu’on pourrait faire ce genre d’événement en collaboration avec St Gab. C’est la troisième édition du Vendée Talks et vous allez passer un bon moment.

Nous vous avons remis à votre arrivée le programme 2020 du CERA. Vous pouvez donc dès maintenant cocher toutes les dates sur votre agenda 2020. Au verso de ce beau programme vous avez les conditions d’adhésion à notre association. Je vous invite à adhérer car le CERA ne vit que du montant des cotisations de ses adhérents, nous n’avons aucune subvention depuis 2001, vivons grâce à vous. Bienvenue à cette soirée et au CERA pour l’année 2020 !

Intervention de Thierry Letard :

Bonsoir à tous, je suis très heureux de vous accueillir ce soir dans la salle de la Clef des Champs à Saint-Laurent-sur-Sèvre pour la troisième édition du Vendée Talks. Nous sommes sur une opération menée conjointement avec le CERA depuis trois ans. Un vrai travail de collaboration entre les élèves de l’établissement, les enseignants, les éducateurs, le personnel de service et le CERA. C’est une vraie chance et vous avez compris que ça fait partie de l’ADN de l’établissement de faire vivre cette relation entre un établissement scolaire et des chefs d’entreprises, notamment pour mettre en place de beaux projets comme celui-ci.

Vous allez voir des jeunes sur scène parmi les speakers de cette soirée. Mais ce n’est pas la seule possibilité d’offrir aux jeunes de s’engager, il y en a aussi à la régie, d’autres dans les coulisses, d’autres encore vous ont accueillis sur le parking tout à l’heure. C’est un engagement collectif des jeunes et des adultes de l’établissement.

Ce que vous allez vivre ce soir, c’est l’esprit St Gab et pour voir ce que ça donne concrètement, je vous invite à nos portes ouvertes qui auront lieu le 7 et 8 février. Vous pouvez venir nombreux, nous procéderons aussi à des inscriptions.

Nous vous souhaitons une très belle soirée qui va, je n’en doute pas, tous nous émouvoir.

Alexandre de Combrugghe

Merci messieurs. Ce soir vous êtes plusieurs centaines de privilégiés mais encore plus nombreux devant vos écrans car nous sommes en direct depuis la page YouTube du CERA. Faites du bruit, ça va se savoir partout dans le monde !

Ils sont huit en coulisses, la pression monte, huit parcours de vie totalement différents, ils sont impatients de vous conter leur histoire personnelle. Galanterie oblige, commençons par la première femme de cette soirée, Cynthia Le Quilliec !

Intervention de Cynthia Le Quilliec:

Passionnée depuis son plus jeune âge par son sport, le basketball, elle a rêvé comme chacun d’entre nous, du plus haut-niveau. Qui aurait pu imaginer, quelques années plus tard, qu’elle deviendrait arbitre de haut-niveau ? Qui plus est, la plus jeune arbitre de ligue féminine lors de sa première saison.

Qu’est-ce que je fais là ? C’est la question que je me suis posée quelques minutes avant d’arbitrer cette rencontre.

Bonsoir à tous, nous sommes le 18 novembre 2018, je suis à Basket Landes, j’arbitre ma première rencontre de ligue féminine du plus haut niveau de basket français. Sur le terrain, il y a Céline Dumerc, vice-championne olympique, Cathy Melain, championne d’Europe, championnes des compétitions européennes. Des joueuses internationales, des joueuses européennes, des icônes du basket féminin. Moi, Cynthia Le Quilliec, j’ai 23 ans, c’est ma première saison sur ce niveau. Je suis inexpérimentée et la plus jeune arbitre de cette division. J’ai peur, je ne me sens pas à la hauteur, je ne me sens pas prête, je panique, en tout cas c’est ce que je ressens à ce moment-là. Mais je n’ai que quelques minutes pour être prête avant cette rencontre, quelques minutes pour tenir mon rôle, quelques minutes pour appliquer les règles, faire en sorte que le match se passe bien. Je dois être prête, ça fait des années que je rêve de cet instant, que je travaille pour ce moment. Oui je travaille pour ce moment, ça fait des années que j’arbitre, que j’acquiers des connaissances, des compétences qui me permettent aujourd’hui d’être à ce niveau, et c’est ça que je dois retenir à ce moment-là. Penser positivement. Pour moi ça a été la première des clés pour être performante, donner le meilleur de moi-même. Savoir ce qu’on est, ce qu’on vaut, ce qu’on sait faire. C’est ce que je me dis à ce moment-là. C’est ce qui m’a permis d’être prête. La pression monte, le match commence, je suis prête. Pour la petite anecdote, après ce match, Céline Dumerc dont je vous ai parlé, qui est une icône du basket français, est venue me féliciter à la fin – moi jeune basketteuse qui rêvait d’être à ce niveau là – me dire que j’avais très bien arbitré. C’est gratifiant ! Des personnes comme Céline Dumerc, forte personnalité du basket avec un fort ego comme d’autres joueurs de très haut niveau, je vais en rencontrer plusieurs tout au long de ma carrière.

Vous vous doutez bien que quand j’arrive dans une salle de basket de haut niveau, mes collègues sont connus. Les coachs, les joueurs, tout le monde se connaît et se côtoie depuis des années. Moi, on me découvre à chaque fois, donc c’est souvent vers moi qu’on va se tourner. Je vais vous raconter une anecdote qui s’est produite lors d’un premier match avec un coach en ligue féminine – coach dont je tairai le nom. Je travaillais avec lui depuis des années avant de devenir arbitre de haut niveau et ça se passait toujours très bien. Donc lui coache, moi j’arbitre, et pendant la rencontre, il me glisse au creux de l’oreille que de toute façon je ne sers à siffler que les sorties. Pour ceux qui connaissent un peu le basket c’est vexant, c’est déstabilisant, c’est irrespectueux. À ce moment-là, ce que je dois lui prouver, c’est que peu importe mon âge et mes années d’expériences, si je suis sur ce terrain, c’est que j’ai les compétences pour y être, c’est que ma place est ici. Et là, je dois sortir de ma zone de confort parce qu’à 23 ans c’est vrai que je suis très jeune et inexpérimentée. Je suis une passionnée de basket, j’ai toujours suivi le basket, donc les joueurs, je les connais, je connais leurs résultats, pour certains, j’ai même été fan d’eux, je les ai idolâtrés. Aujourd’hui, j’ai réussi à me mettre à leur niveau. Je ne suis pas en-dessous, je ne suis pas au-dessus, je les respecte, ils doivent me respecter. Donc pour moi, la deuxième clef, c’est vraiment de sortir de sa zone de confort. Ce que j’ai su faire et ce que je fais encore au quotidien lors de mes matchs, en me mettant sur un pied d’égalité avec des personnes qui côtoient le haut niveau depuis 15 ou 20 ans alors que ce n’est que ma deuxième saison.

Vous le savez, la réussite des uns provoque souvent la jalousie des autres dans tous les domaines. À ce propos, j’ai une petite histoire à vous raconter. J’arbitrais les finales universitaires fin 2016 à Paris. Pour moi, les finales universitaires, ce n’est pas un objectif en soi, c’est plutôt un moment où je retrouve mes amis. L’une de mes amies, Diane, habite le sud de la France et c’est vraiment notre rendez-vous annuel. On se retrouve entre copains la veille de la compétition, on rigole, on a une petite réunion pour cadrer les choses, savoir où sont les salles, comment va se dérouler la compétition. Le responsable de ce stage décide cette année-là de nous faire une petite surprise. Il nous dit « Les deux meilleurs arbitres de ce tournoi désignés à la fin seront sélectionnés pour arbitrer les championnats d’Europe universitaires ». L’ambiance change un petit peu, on regarde à droite, à gauche, les concurrents directs. On devait faire une petite soirée, finalement tout le monde est parti se coucher. On voulait être performant sur les terrains bien sûr. Le lendemain, la compétition commence, les petites réflexions aussi « Pourquoi c’est elle qui est à ce niveau-là ? », « Pourquoi il est là lui ? » Il y a un niveau masculin, un niveau féminin, un niveau élite, un niveau N2. Tout le monde veut être sur le niveau masculin élite, tout le monde veut être premier arbitre puisqu’on est deux, donc des petites réflexions un peu déplacées se pointent. Moi je fais ma compétition, je prends du plaisir car c’est ce qui est le plus important pour moi. Je suis passionnée par l’arbitrage, donc je prends du plaisir à arbitrer, j’écoute les conseils qu’on me donne et j’avance dans la compétition. Je suis désignée sur la demi-finale élite masculine avec un collègue. Un autre collègue vient me voir avant le match et me dit « si tu es mise sur ce niveau-là, c’est juste pour te faire plaisir, tu n’as pas le niveau ». Ce à quoi je lui réponds « Écoute si ça peut te faire plaisir, moi je m’en fiche, je sais ce que je sais faire, je sais ce que je vaux, je prends du plaisir, ça se voit, je travaille, je mérite ma demi-finale ». Les cadres de notre tournoi se rendent compte de la mauvaise ambiance qui règne et décident avant chacune des quatre finales, d’annoncer les arbitres une heure et demie avant chaque rencontre. On est donc obligés de rester en tenue et d’attendre. La première finale sort, la deuxième, la troisième. J’ai fait une demi-finale, puis une finale 3, une 4. Je suis très contente de mon résultat, surtout quand je vois les autres arbitres très expérimentés. Je décide avec Diane d’aller manger un petit morceau. On part toutes les deux, on va dans un restaurant prendre un sandwich, je m’apprête à le manger quand Diane m’arrête et me dit « Pause ce sandwich ! » Je lui demande pourquoi et elle me répond « Regarde ton téléphone ». Je prends mon téléphone, regarde mes mails et là surprise ! Je suis désignée en tant que première arbitre sur la finale masculine élite, je finis donc première de ce tournoi ! Très contente de cette récompense à l’égard de mon travail, je reviens dans la salle. Normalement, il est de mise de féliciter ses collègues quand ils ont réussi. Là tout le monde fait la tête, mes amis me félicitent, les autres pas, tant pis. Je fais mon match, ça se passe très bien et après cette rencontre on va tous au vestiaire. Les cadres nous remercient pour notre investissement et pour notre performance et bien sûr, ils annoncent les arbitres sélectionnés. Deuxième surprise : je suis sélectionnée pour les championnats d’Europe universitaires ! Je partirai l’été d’après en Hongrie pour vivre une très belle expérience avec des arbitres internationaux.

Ce que j’ai retenu de ce tournoi – car c’est celui qui m’a le plus marqué dans ma carrière – c’est que si vous vous arrêtez pour regarder les autres, si vous êtes envieux de leur réussite, vous n’allez pas avancer vous-même. Pour ma part, je me suis toujours concentrée sur moi-même, sur ce que je sais faire, ce que j’ai à faire, c’est ce que m’a conduit aujourd’hui à arriver à un haut niveau assez jeune et à être sélectionnée pour les championnats d’Europe. Vous n’êtes pas comme les autres, je ne suis pas comme les autres, nous sommes tous uniques, nous avons tous un parcours et c’est ça le plus important : se concentrer sur nous-même. C’est ce que je m’applique à faire chaque jour pour réussir mon propre parcours, ma propre histoire. Il n’y aura qu’une Cynthia Le Quilliec, il n’y a eu qu’un seul Michael Jordan et j’en passe. D’ailleurs quand je parle de Michael Jordan, il m’inspire mais pas parce que c’est peut-être le meilleur joueur de l’histoire du basket, mais plutôt parce que Michael Jordan a échoué plusieurs fois dans sa vie. Moi aussi j’ai échoué plusieurs fois dans ma vie, vous aussi vous allez échouer à des moments où vous ne vous y attendez pas. Ça fera mal, parfois très très mal, mais le plus important n’est pas la chute, mais la façon dont on se relève.

J’ai échoué il n’y a pas très longtemps. Je suis arrivée à un haut niveau en ligue féminine mais aussi en nationale 1 masculine, c’est à dire le troisième niveau masculin français. On y est observé, c’est-à-dire que des observateurs viennent sur nos matchs pour mettre des notes et savoir si ce qu’on fait est bien, très bien, exceptionnel ou mauvais. Et là, j’ai fait un très mauvais match donc j’ai pris une très mauvaise note dès mon début de saison. J’ai donc prouvé aux personnes qui m’avaient fait confiance que je n’avais pas le niveau d’être ici. Soit je décidai qu’effectivement je n’avais pas le niveau, je n’étais pas prête, ce n’était pas pour moi, soit je me relevais encore plus forte et j’allais chercher encore plus loin pour leur prouver que j’étais encore meilleure que ça. La saison se déroule, j’ai d’autres observations et je finis à la fin de cette saison dans les dix meilleurs arbitres de ma division et j’arbitre les play-off c’est à dire les phases finales. Donc au-delà du fait de me relever, j’ai su prouver que j’avais ce niveau-là mais aussi que j’étais encore bien meilleure que ce qu’ils pensaient. C’est ce que je m’applique à faire chaque jour, match après match. Parce que pour moi le succès, c’est aller d’échec en échec tout en restant motivée. Alors aujourd’hui, quand je repense à tout ce que j’ai appris et vécu, je suis fière de ce chemin. La route va encore être longue, car j’ai de nouveaux rêves et de nouveaux objectifs. Elle sera sûrement semée d’embûches, remplie de surprises, mais aujourd’hui mes expériences m’ont appris et m’ont permis de m’affirmer.

Quand je repense à ce 18 novembre et à cette fameuse question : qu’est-ce que je fais là ? Aujourd’hui plus que jamais je sais ce que j’étais en train de faire, j’étais en train de réaliser mon rêve de jeune basketteuse de devenir arbitre de haut niveau. En plus de ne jamais abandonner, c’est ce rêve qui m’a permis de surmonter mes difficultés, qui m’a permis d’avancer, de me dépasser. Donc sur votre chemin n’oubliez pas : n’abandonnez jamais votre rêve !

Intervention de Gaëtan Menguy :

« L’excellence est à la fois le but et le chemin » est sa devise. Gaëtan se révèle à lui-même à partir de son accident de moto-cross en 2004. Il devient sportif : basketteur en fauteuil pour commencer, puis capitaine d’équipe de la JDA Basket fauteuil en N1C. Il commence le tennis en 2008, est classé sportif de haut niveau en 2012, la même année où il devient papa d’une petite fille. Il est aujourd’hui 23ème mondial, 4ème français et sélectionné en Equipe de France de paratennis pour préparer les Jeux de Tokyo 2010. Son projet de vie repose sur 4 piliers : le sport, l’emploi, sa famille et le handicap. Oui, le handicap est un pilier pour lui, car c’est la contrainte qui lui permet de toujours repousser ses limites tout en se donnant l’obligation de prendre soin de lui pour profiter et être présent auprès de ses proches. Responsable d’un service de production de terrasses en bois made in Vendée pour mobil-home au Chalets de l’Océan, le 1er partenaire de son projet depuis 2017, il a longtemps considéré que son premier ennemi, c’était lui-même.

Bonsoir à tous. Effectivement on peut jouer au tennis en fauteuil roulant. Avant de vous parler de paratennis, je vais vous faire une confidence. J’ai appris que j’allais faire cette conférence au Vendée Talks le lendemain d’une finale où j’ai perdu 6-0 / 6-0 en Israël. Autant vous dire que ma légitimité à vous parler du mental était en dessous de zéro. Ma femme m’a annoncé ça et je lui ai dit « Va en parler à ma place, ça m’arrange, ça sera plus facile ». En prenant du recul et avec tout ce que j’ai vécu, il est évident pour moi que ma présence ici était indispensable.

Mais pour commencer, je vais d’abord vous parler de mon enfance. J’ai vécu une enfance très heureuse et pourtant dans un état de souffrance très profond. Comme dans beaucoup de familles, j’ai vécu des moments de partage mais pourtant, intérieurement, ça n’allait pas. Je ne comprenais pas du tout pourquoi, mais tout était mis sous un couvercle. On ne parlait pas du tout des émotions, on ne parlait de rien. Les années ont passé comme ça jusqu’à mes 17 ans. Et il y eu un premier déclic. J’étais en première S, je faisais mes études et j’ai décidé de tout arrêter pour entrer chez les Compagnons du devoir. C’est une étape très importante dans ma construction identitaire. Les Compagnons du devoir, c’est une école de la vie où j’ai beaucoup appris, avec beaucoup de valeurs, un petit peu comme ce que j’ai ressenti à St Gab. Le respect, l’entraide, le partage, la persévérance, le travail, la rigueur, il fallait respecter ces valeurs, sinon on était viré. Ça m’a énormément construit. Je suis convaincu aujourd’hui que la force de caractère que j’ai acquise là-bas m’a permis de rebondir le 3 septembre 2004.

À 21 ans j’ai eu un accident de moto cross qui m’a rendu paraplégique. Vous allez peut-être être surpris mais en fait ça a été un vrai soulagement. Parce que dans toute cette souffrance que je vivais au quotidien – car même chez les Compagnons ce n’était pas encore ça – j’ai vécu une vraie pause. Ça a été 6 mois où je me suis recentré sur moi, le temps de prendre le temps était arrivé. Le temps de se dire qu’il était temps de voir la vie différemment. Effectivement ça a été un peu imposé mais je suis convaincu qu’il n’y a pas de hasard dans la vie et que mon accident a été un passage obligatoire dans mon cas. Cet accident m’a transformé, m’a fait voir la vie différemment et en même temps, mentalement, je ne me sentais pas beaucoup plus heureux. Je n’étais toujours pas bien intérieurement. Au niveau de la gestion des émotions, c’était compliqué.

J’ai avancé, continué, j’ai entrepris un BTS. Et la deuxième année de mon BTS rebelote, il a fallu que je retourne me faire opérer car j’avais des problèmes de dos. Donc j’ai été obligé de repartir six mois en rééducation. C’était difficile car rater six mois de cours ce n’est pas simple à gérer et j’avais toujours un fonctionnement familial qui me disait « Ce n’est pas grave si tu n’y arrives pas, ça va aller ». Au fond de moi, je me disais « Il faut y aller, il faut tout donner, tu vas y arriver ! » Et effectivement j’y suis allé et j’y suis arrivé. J’ai eu mon BTS avec mention.

Ensuite j’ai découvert le sport, grâce à l’accident. Je n’étais pas du tout sportif avant mon accident. Je me suis vraiment découvert une âme de compétiteur au centre de rééducation. Ne me demandez pas pourquoi, je n’en ai aucune idée. Mais j’ai pris beaucoup de plaisir tout de suite à jouer au basket, et trois ans après, j’étais capitaine d’une équipe et on est monté en National 1C. J’ai aussi découvert le tennis et ma femme. Je l’ai rencontrée sur les terrains et je la remercie parce qu’avec sa vision beaucoup plus positive et beaucoup plus ambitieuse que la mienne, la vie nous a offert un premier miracle. En 2012 ma fille Elina est née. Je vous parle de miracle parce que là vous voyez la partie visible de mon handicap, je me déplace en fauteuil, je peux un peu me lever car c’est une paraplégie incomplète, mais dans tout handicap, il y a un handicap invisible et je peux vous assurer sans rentrer dans les détails qu’avoir un enfant par voie naturelle était loin d’être gagné suite à mon accident. Ça a été une belle étape dans ma vie.

J’ai vraiment découvert le paratennis en 2008, et en 2012 j’ai été champion de France deuxième série, donc les choses ont été assez vite dans le tennis. Je me suis dit qu’il y avait un beau projet à faire dans le paratennis mais ce n’était pas simple car je travaillais à côté et j’aime travailler, donc je n’avais pas envie de lâcher ça. J’ai toujours fondé mon projet sportif autour de mes trois piliers : ma famille, mon sport et mon travail. Ce qui fait que ma première devise est née lorsque j’ai démarré mon projet à l’occasion des Jeux de Rio : Sans ambition on ne commence rien, sans travail on ne finit rien. Ça rejoint un peu ce que disait Cynthia, le travail c’est important. Jusqu’à ce que mon premier patron vendéen me dise « Oui d’accord mais avec autant de négation on a du mal à aller dans l’optimisme ». Je suis alors reparti dans mes travers et mon fonctionnement familial profond.

Rio c’est un passage compliqué. En 2016, je suis numéro 5 français, les quatre premiers partent, je suis donc sur la touche. J’ai un vrai choix à faire. Il y a beaucoup de sacrifices dans le tennis. Ça faisait 7 ans que j’avais découvert le tennis et beaucoup de réflexions murissaient autour de ça. C’est un sport très complexe, qui demande beaucoup de temps et d’énergie. Financièrement, c’est également un projet qui demande énormément de soutien. Mentalement c’est une horreur, on est sans cesse mis en face de nos erreurs, de nos fautes, de la frustration. On est seul, on vit tout ça seul et même s’il y a une équipe autour de nous, on est seul sur le court. J’ai quand même eu envie de continuer, on a donc décidé de monter un projet pour partir aux Jeux de Tokyo. Là, j’ai décidé de changer tout mon staff et d’aller chercher au fond de moi pourquoi je n’arrivais plus à progresser, pourquoi je stagnais. Le dernier tremplin qui me manquait, c’était effectivement la préparation mentale et la gestion des émotions. J’ai pu découvrir trois types d’émotions :

Tout ça pour vous dire que dans le mental, il y a beaucoup d’émotions, certaines agréables, d’autres désagréables, et il faut composer avec ça. Le jour où l’on arrive à être dans cette gestion, on peut vraiment arriver à se dépasser. En tout cas je l’ai vécu comme ça.

Je souhaite à tout le monde de trouver une activité, un projet qui porte, qui arrive à faire en sorte qu’on se dépasse.  Comme l’a dit Jean-Michel Mousset, les chefs d’entreprise sont forcément ancrés dans le mental car ils ont des projets très ambitieux. Il faut arriver à scinder nos émotions pour parvenir à avancer. Je vous souhaite à tous et à toutes de trouver cette activité. Je remercie St Gab et le CERA d’avoir organisé le Vendée Talks. Pour moi cette conférence a été un vrai challenge. Merci !

Intervention de Christophe Lollichon:

Un an à l’AC Nazairien puis l’année suivante à St Sébastien-sur-Loire, il décide, alors qu’il n’a que 22 ans, de stopper sa carrière de joueur afin de rejoindre le FC Nantes qui lui propose de créer l’une des premières écoles de gardiens de but en France. Sous la direction de Raynald Denoueix et Jean-Claude Suaudeau, il a eu en charge toutes les catégories, des poussins jusqu’aux pros, avant de devenir entraîneur général à Ancenis de 1996 à 1999, année où, sollicité par le Stade Rennais, il rejoint le centre de formation du club breton avant d’intégrer le groupe professionnel en 2003 et ce jusqu’en novembre 2007. Ce départ en cours de saison, est motivé par l’appel de Chelsea dont le gardien de but de l’époque, Petr Cech, souhaite retravailler avec Christophe qu’il a connu à Rennes. Entraîneur des gardiens pros de 2007 à 2016, étoffant son palmarès avec 9 titres dont la Ligue des Champions en 2012, il est désormais à la tête du Département gardiens de but du club.

Bonsoir. Très heureux de partager ce moment avec vous, un moment très fort de ma vie. J’ai parfois même des trémolos dans la voix quand j’y pense et ce soir il est possible que vous en entendiez.

On est le 19 mai 2012, jour de la finale de la Champions League. Nous sommes à l’Allianz Arena à Munich, terrain attitré du Bayern Munich, et comme par hasard Chelsea joue contre le Bayern à Munich. Nous ne voulons pas répéter ce qui s’est passé en 2008 lorsque nous avons perdu à Moscou contre Manchester United sur une séance de tirs au but. Je me souviens d’un moment très fort de cette soirée où un joueur que vous connaissez quasiment tous, l’attaquant de Chelsea, Didier Drogba, quitte le rang central pour aller tirer le 5ème penalty, celui qui normalement, s’il marque, nous donne la victoire après laquelle Chelsea court depuis 10 ans. Quand Didier quitte le rond central, il s’en va vers le but, me regarde et il me fait un signe de la main avec un pouce de winner. Je vais vous expliquer pourquoi il me fait ce signe. Parce que je lui ai conseillé de tirer sur un côté, sur le côté droit de Manuel Neuer, le gardien de but du Bayern. Ça a été un long travail parce qu’au même moment, avant qu’il prenne et pose le ballon je repense à une petite séquence que j’ai vécue des années avant.

J’avais 18 ou 19 ans. Lors d’une soirée, on boit quelques verres, on parle avec les copains, les amis, on parle du futur, je suis un passionné de foot, je vis et j’ai toujours vécu pour le foot. Et je sais à ce moment-là depuis peu de temps que je ne deviendrai pas footballeur professionnel parce que je n’en ai pas les qualités. C’est le coup de massue. Je peux vous assurer que j’y ai cru mais ça ne sera pas possible. Et je dis ce soir-là à mes copains « Vous savez je ne vais pas devenir footballeur, mais en revanche je sais qu’un jour je serai dans un stade de 50, 60, 70 milles places et je ne serai pas dans les tribunes, je serai sur le terrain. Pas comme footballeur mais j’aurai une responsabilité ». Je n’en savais absolument rien à cette époque-là. J’étais un joueur amateur moyen. Et j’ai eu la chance de faire des rencontres magnifiques.

Je remercie encore une fois Messieurs Tronçon, Suaudeau, Denoueix, de m’avoir offert une opportunité magnifique en me confiant un projet qui était la première école de gardiens de but en France alors que je n’avais que 23 ans. Vous vous rendez compte, 23 ans ! Je n’avais pas d’expérience, j’avais entraîné des petits de 8 ans du FC Nantes, avant d’entraîner les 10 ans, les 12 ans, puis les 14 ans, et un jour ils me disent « Christophe, ça t’intéresse de créer la première école de gardiens de but ? » Oui bien sûr que ça m’intéressait mais je ne vous dis pas les frissons qui ont parcouru mon corps. Le FC Nantes c’est mon club !

Et puis j’ai bossé comme un taré, il y a des témoins dans cette salle, j’ai sacrifié énormément de choses et enfin arrive cette fameuse finale. Nous avons eu trois semaines pour la préparer. Pour ceux qui se souviennent et qui s’intéressent au foot, nous avions éliminé le grand de Barcelone Pep Guardiola au Barça sur le match de retour. Il nous restait trois semaines de préparation. J’ai vécu trois semaines d’enfer et de jouissance absolue à la fois. J’ai analysé tous les penaltys du Bayern de Munich de 2007 à 2012. 31 minutes de penaltys, c’est emmerdant sauf quand vous avez à préparer une finale de coupe du monde qui est le plus grand titre que vous pouvez préparer au sein d’une équipe, au sein d’un club, au sein d’un staff. Donc j’ai pris tous les penaltys, j’avais 15 points d’analyse. Dès que le joueur posait son ballon sur le point de penalty, je commençais à analyser son comportement selon ces 15 points. J’avais pas mal de joueurs à analyser quand même, parce qu’on ne savait pas à l’époque quels joueurs seraient désignés pour tirer les penaltys. Je ne faisais pas ça pour moi mais pour Petr Čech, le gardien de Chelsea. Une rencontre magnifique qui a changé ma vie, un homme extraordinaire, un athlète fantastique et un gardien exceptionnel. Petr a la qualité de la mémorisation. Je pouvais lui donner tout ce que je voyais en lui disant « tu vas visionner les images, voilà ce que j’en ai ressorti et après tu fais le boulot ». On a consulté le psychologue du club pour faire un travail de visualisation, pour faire en sorte qu’il ne soit focalisé que sur le ballon et le tireur, pour que les tribunes disparaissent. On a fait ce travail pendant trois semaines. Ça a été un petit peu court.

Chez moi il y avait des murs avec une tapisserie, j’ai recouvert la tapisserie pendant les trois semaines, en y fixant des feuilles de paperboard. Sur chaque feuille, j’avais chaque joueur avec sa routine. Et quand je vous dis que j’ai regardé les 31 minutes, je ne les ai pas regardées une fois mais plein de fois ! Et je me suis tapé les ralentis, vous allez me dire c’était mon job. Je n’ai pas beaucoup dormi, mon entourage me disait que j’étais peut-être un peu trop dans le détail. Peut-être mais ce n’était pas grave. Petr pour l’anecdote est parti 6 fois du bon côté parce qu’il y a eu des penaltys pendant les prolongations, qu’il a heureusement arrêtés d’ailleurs parce que sinon on était morts. Il en a arrêté 3, donc 50%, ce qui est assez rare. J’ai eu l’impression, grâce au café aussi, que j’étais en train de faire quelque chose que je n’aurai jamais imaginé faire. Passer autant de temps réveillé. J’ai dû dormir trois ou quatre heures par nuit maximum pendant trois semaines.

Mais en plus d’analyser les tireurs du Bayern de Munich, je me suis dit à une semaine de la finale, pourquoi je n’analyserais pas aussi le comportement du gardien de but du Bayern ? Pourquoi je ne donnerais pas des conseils aux tireurs de Chelsea ? Alors j’ai analysé les penaltys de Neuer. Il n’y en avait pas 30 minutes je vous rassure mais il y en avait quand même quelques-uns. Et je me suis aperçu que sur les deux dernières séances de penaltys, Neuer avait une routine. Il pouvait bien sûr la changer cette routine, mais il fallait qu’on gagne cette Champions League sinon on n’était pas qualifié pour la prochaine. J’observe que Neuer part à droite face à un droitier et part à gauche face à un gaucher. Mais sur le 5ème penalty, celui qui parfois est décisif, il change sa façon de faire. C’est à dire qu’il part à gauche face aux droitiers et à droite face aux gauchers. Je me dis que c’est pas mal mais qu’est-ce que je vais en faire ? Est-ce que je le dis aux joueurs ? Parce que s’il change sa routine, je suis mort. Juste avant la séance de penaltys, je vais voir l’entraîneur Roberto Di Matteo – ancien joueur de Chelsea – et je lui dis « Roberto j’ai vu un truc » et il me dit « tu fais ce que tu veux ». Il était complètement stressé. Je me demande si j’y vais ou non, et j’y vais. Je vais voir les joueurs un par un. Sky TV filme ce que je suis en train de montrer aux joueurs mais personne ne comprend de quoi il s’agit. C’est du direct donc personne ne peut avertir le gardien Neuer. Je suggère aux joueurs la manière de frapper. Le premier joueur c’est Juan Mata, joueur espagnol génial, lui il faut qu’il tire sur la droite de Neuer car il va partir sur son côté gauche. Mata pose le ballon et il fait l’opposé, et Neuer arrête le ballon. Vous vous rendez-compte ? Dans la nuit pendant qu’on fêtait le titre, Juan me dit « J’ai posé le ballon, je savais ce que tu m’avais dit, je voulais le faire, j’ai reculé et quand j’ai pris mon élan j’ai perdu le contrôle de mon corps ». C’est-à-dire qu’il était dans une émotion telle qu’il ne maîtrisait plus rien, il a suivi sa routine à lui, qui a avantagé Neuer. Les autres ont à peu près respecté les consignes. Ils ont tiré dans l’axe, ce qui n’était pas forcément une mauvaise décision. Et puis arrive Didier Drogba, vous vous souvenez ? Celui qui m’a fait un geste en entrant sur le terrain. On était debout et je me disais « Christophe, tu ne peux pas avoir donné un mauvais conseil après les trois semaines que tu viens de vivre, tu t’es mis minable, tu as dormi trois heures par nuit, tu as parfois voulu lâcher et il y avait une petite étincelle qui disait : Ne lâche pas, tu es sur la bonne voie ». Didier pose le ballon. C’est marrant parce que je ressens presque encore maintenant ce que je ressentais à ce moment-là, c’est fou quand même. Il s’élance et je regarde Neuer, et je me dis « Pars sur ton côté gauche !» Et juste avant que Didier parte avec son pied droit, Neuer part sur son côté gauche. Didier envoie le ballon à droite et on a gagné la Champions League. Et ça, c’est un sacré moment !

Je sais que c’est dérisoire par rapport à ce qu’on a entendu avant avec Gaëtan, mais tout ça pour vous montrer que la motivation c’est une chose et c’est bien, on doit l’avoir, mais s’il n’y a que ça, ça ne veut pas dire grand-chose. Il faut de la volonté et des objectifs pour lesquels on s’est motivé. Il faut de la ténacité et aussi de l’audace, parce que sans audace, je pense que je ne serais pas allé voir les joueurs. Parfois je sors des sentiers battus et là c’est ce qui s’est passé. Le message, c’est que quand vous avez une idée dont vous pensez qu’elle va vous apporter quelque chose, testez-là, ne lâchez pas. Soyez à la fois un peu dans l’émotion mais surtout dans une forme de maîtrise de ce que vous allez faire pour atteindre cette idée. Allez vers cet objectif et à un moment lâchez-vous.

J’espère que je vous ai fait partager quelque chose qui a été très très fort pour moi. Merci de m’avoir écouté.

Intervention de Pauline Macé et Valentin Sourisseau:

Pauline Macé habite Le Puy Saint Bonnet. A 17 ans en terminale ES, elle est élève à Saint Gab depuis la 6ème. Pauline se prépare à intégrer une école de commerce. Elle se définit elle-même comme une élève volontaire et curieuse qui aime apprendre. Elle nous confie les motivations profondes de son quotidien qui lui ont permis de se dépasser.

Valentin Sourisseau, habite Saint-Malô-du-Bois. A 17 ans en terminale ES, il est aussi élève à St Gab depuis la 6ème. Valentin se prépare à intégrer une formation en communication. Dynamique et ouvert au monde, il aime la compagnie des autres et n’est pas ennemi de la joie. Il nous raconte quelques expériences fondatrices, issues de son enfance, qui l’ont façonné.

Valentin Sourisseau, présentant Pauline : Pauline, 17 ans, moyenne générale : jamais en dessous de 16. Nous sommes dans la même classe depuis la 6e.

Pauline Macé, présentant Valentin : Valentin, 17 ans, le tchatcher.

Pauline Macé : Pour ma part, je réfléchissais sereinement à ma participation au Vendée Talks depuis trois ans.

Valentin Sourisseau : Et moi l’année dernière, spectateur, je me suis dit « tiens je le ferai bien ! ».

Pauline Macé : Et si nous sommes ici tous les deux sur cette scène, c’est parce qu’il nous semblait inconcevable de vivre cette expérience l’un aux dépens de l’autre.

Valentin Sourisseau :

Qui suis-je vraiment ? Je suis un élève de terminale ES, comme beaucoup c’est vrai. Ça fait maintenant 6 ans que je suis à St Gab où j’entame ma 7ème année. Je n’ai jamais été vu comme un élève exemplaire. Malgré des notes satisfaisantes, je suis par nature très bavard et je me distrais facilement. D’ailleurs, durant mes 4 années de collège, j’ai collectionné de nombreux mots qui ont inquiété mes parents, j’en ai conscience. L’école pour moi n’était pas un lieu de dépassement mais plus un lieu de rencontre, de socialisation. Et mes bonnes notes ne sont pas liées à l’idée de me surpasser mais davantage de satisfaire ma famille. Rendre fière ma famille me faisait plaisir, avoir de bonnes notes aussi mais le défi dont j’avais besoin, je l’ai trouvé ailleurs. Au moment où mes amis se sont dirigés vers une passion, je ne pouvais pas faire ce choix, j’avais conscience que je pouvais mener de front plusieurs centres d’intérêts. Je suis donc passé par plein de sports avant de devenir basketteur. Mais ce n’est pas ça qui me singularise par-dessus tout. C’est un autre choix qui ne se devine pas en me voyant.

Je joue de l’accordéon depuis 7 ans maintenant. Ce loisir devenu passion et même défi quotidien m’a aidé à découvrir ce qu’était le dépassement de soi, m’a conduit à me surpasser. Deux adjectifs me définissent en tant qu’accordéoniste : courageux et persévérant. Comme vous le savez, l’accordéon est plein de préjugés. D’ailleurs quand vous avez appris que je jouais de cet instrument, vous vous êtes sûrement dit « Tiens le nouveau Verchuren ! » ou encore « Il a forcément des posters d’Yvette Horner dans sa chambre ». Eh bien non, je n’écoute ni Verchuren ni Horner et ça fait 7 ans que j’essaye de modifier ces représentations vieillottes. L’accordéon n’est pas un instrument pour les personnes âgées mais il se pratique de 7 à 77 ans, et si vous ne me croyez pas, venez dans mon école de musique, vous verrez par vous-même.

D’ailleurs s’il est pratiqué aujourd’hui dans l’école de musique de Saint-Malô-du-Bois – et je n’en suis pas peu fier – c’est parce qu’il y a 7 ans, à l’assemblée générale de l’association musicale, la présidente est venue me voir en me disant « Et toi de quel instrument voudrais-tu jouer ? » Je lui ai répondu tout simplement « Comme un garçon de 10 ans, de l’accordéon, mais il n’y a pas de prof chez toi ». Deux mois plus tard, un professeur d’accordéon était engagé. Mon défi ne se résume pas qu’à ça. Après avoir commencé l’accordéon à 10 ans, je ne devais pas m’arrêter là. Arrive alors la période de l’adolescence, quand on vous juge pour ce que vous faites et pas pour ce que vous êtes. Jouer devant les autres était quasiment impossible, en parler encore moins. C’est à ce moment que je dois te remercier Papi car sans toi je n’aurais sans doute pas continué l’accordéon. Car jouer un morceau à chaque repas de famille était devenu un rituel obligatoire et voir la fierté dans tes yeux était sans doute la plus belle récompense que je pouvais recevoir. Tu ne m’as pas poussé seulement à jouer. Tu m’as poussé à bien jouer et à nous affirmer, moi et mon instrument. Mon professeur d’accordéon, qui est aussi un exemple pour moi, a arrêté l’accordéon à l’adolescence et regrette ces années perdues, je ne pouvais pas me permettre de faire la même erreur.

Tous ces efforts ont donc payé. L’accordéon n’est plus un simple défi mais une vraie source d’épanouissement. Sans les valeurs familiales qui m’ont en partie construit, qui sont la patience et surtout l’obstination, je n’aurais sans doute pas trouvé la force de me dépasser. Depuis plus d’un an maintenant je joue dans un groupe de rock en tant qu’accordéoniste, j’assure plusieurs concerts et je m’assume complètement.

Pauline Macé :

À 17 ans, comment pouvons-nous nous dépasser ? Nous avons la vie devant nous, nous devons imaginer notre futur, bâtir nos projets, construire notre avenir, mais comment devenir quelqu’un ? Pour se dépasser, chacun se raccroche à ce qui lui semble important, et pour ma part, mon principal moteur est mon entourage. D’où vient ma volonté de me dépasser ? Elle vient d’abord du caractère dont j’ai hérité. Je suis très têtue et j’ai toujours aimé la compétition. Eh oui être têtue me permet de me dépasser et de toujours vouloir le meilleur. Malgré tout je ne vais pas mentir, mon caractère, mon obstination et ma volonté de réussir m’ont parfois porté préjudice. Oui maman, il t’est arrivé d’avoir raison et il m’est arrivé de n’en faire qu’à ma tête. Cependant ce qui m’a aussi aidé à me dépasser, ce sont les valeurs que ma famille m’a inculquées : le travail et la persévérance. La persévérance m’aide à ne rien lâcher même quand tout semble sans espoir. Eh oui, je suis une championne du monde, celle qui a raté le plus de fois son code, 6 échecs à mon actif ! Et je peux vous affirmer qu’il en faut de la persévérance pour aller au cours de code 4 heures dans la semaine. Pour mes parents aussi il fallait tenir bon, ma mère était tellement désespérée qu’elle a fini par m’inscrire à trois sessions dans la même journée en espérant que ça augmenterait mes chances. J’ai pensé plusieurs fois à me marier à un chauffeur Uber ou à acheter une Google car mais bon, pourquoi viser le bac mention très bien si on n’a même pas son code…

Rassurez-vous, j’ai eu mon code le 27 décembre 2018 et je suis aujourd’hui sur vos routes en conduite accompagnée ! Le travail me rappelle que rien n’arrive jamais sans efforts. Cependant il est difficile de réussir seul. Comment ne pas abandonner lorsque la difficulté devient trop grande ou lorsque le travail ne porte plus ses fruits ? C’est dans ces moments-là que le soutien de l’entourage est nécessaire et pour moi aussi mon modèle, c’est mon grand-père. C’est à la figure charismatique du chef de la famille que je me suis rattachée, et la volonté de le rendre fier et de ne pas le décevoir m’aide à avancer dans les moments de doutes. J’ai aussi eu la chance d’avoir eu une famille à mes côtés sans qu’elle ne soit trop étouffante. Mes parents m’ont toujours menée vers l’excellence. Ma mère m’a encouragé à lire des livres, me tenir au courant de l’actualité, voir des expositions, assister à des conférences, elle m’a même fait écouter des débats sur Europe 1 quand la plupart des jeunes de mon âge écoutaient du rap sur Skyrock.

Plus tard, j’ai dû apprendre à travailler. J’ai commencé par quelques jours l’été de mes 13 ans, puis en grandissant j’ai dû travailler plus longtemps et plus souvent. C’est sûr que d’embaucher tout l’été à 5 heure du matin n’était pas l’image rêvée que je m’étais faite de mes grandes vacances, mais il fallait bien économiser pour mes études et cotiser pour vos retraites ! Quand Valentin se couchait difficilement, j’étais déjà levée, j’avais enfilé ma polaire, ma blouse blanche et je partais travailler. Et quand Valentin se levait vers midi, je débauchais et filais faire une sieste. Malgré tout, ces étés m’ont appris bien plus que je ne l’imaginais. J’y ai appris le goût de l’effort et la volonté d’avoir réalisé quelque chose de concret. Je n’aurais peut-être pas réussi à me lever tous les matins si je n’avais pas travaillé dans l’entreprise familiale mais j’avais la volonté de montrer que moi aussi j’étais capable de me dépasser et de travailler.

Ce soutien de ma famille, je l’ai aussi trouvé dans mes projets personnels. Alors je pense qu’il faut bien sûr être courageux et ambitieux pour réaliser ses projets, mais que se sentir entouré permet de se sentir en confiance et serein. J’aime me lancer des défis, j’aime avoir de nouveaux challenges. Ça me permet de rester motivée de toujours avoir des projets en tête. C’est comme ça qu’il y a deux ans, j’avais le projet de partir un mois en tant que jeune fille au pair en Angleterre. Une fois débarquée sur le sol anglais, j’ai dû m’adapter à la langue et à la culture et surtout j’ai dû m’adapter à gérer un enfant roi. Je vous laisse deviner ce qui a été le plus difficile pour moi. Je n’avais que 13 ans d’écart avec la petite Zia mais j’avais déjà la responsabilité de m’occuper d’elle de son lever à 5h du matin à son coucher à 19h. Malgré ses colères et ses caprices, je garde de bons souvenirs de ce séjour. J’ai noué des liens avec Zia, avec ses parents, et surtout je me suis révélée patiente et disponible. Pour quelqu’un de plutôt très impatient, j’avais réussi à me dépasser ou plutôt à prendre sur moi, chose que je n’avais jamais vraiment réussi à faire dans le cadre familial. Malgré ces quelques expériences, je n’ai que 17 ans et j’ai bien conscience d’avoir encore la vie devant moi. Je n’ai encore rien réalisé d’exceptionnel mais j’ai des projets en tête et j’ai la volonté de continuer à travailler pour les réussir. Alors quelle école vais-je intégrer ? Qu’est-ce que l’avenir me réserve ? Serai-je un jour chef d’entreprise ? Mère de famille ? Chef d’entreprise-mère de famille qui accueille des jeunes filles au pair ? Je l’ignore mais en tout cas je sais que des projets m’animent et que j’ai la volonté de continuer à me dépasser. Mais avant tout il me faudrait une chose, mon permis !

Valentin Sourisseau : Le permis ce n’est pas si compliqué, d’ailleurs j’ai eu mon code du premier coup. Par contre, pour le bac je ne suis pas sûr de la mention très bien…

Pauline Macé : Ce qui est sûr c’est que ce grand saut, nous le réaliserons tous les deux dans six mois. Que ce soit à Bordeaux pour toi, à Paris pour moi, nous serons déjà d’anciens élèves de St Gab.

Valentin Sourisseau : Il est un peu tôt pour être nostalgique de notre jeunesse, et en réalité j’ai très envie de nouvelles expériences.

Pauline Macé : Une fois de plus ce qui est sûr c’est que nous continuerons à nous dépasser parce que nous avons la volonté de réaliser de nouveaux défis.

Valentin Sourisseau : Ce grand saut qui pourrait paraître effrayant, nous serons prêts à le faire parce que nous sommes forts des défis que nous avons déjà réalisés.

Pauline Macé : Et ce soir pour nous, c’était déjà un vrai défi !

Intervention de Camille Griselin :

Camille Griselin est praticienne en hypnose depuis 10 ans. Après avoir mené des années d’enquête auprès des inconscients de personnes hypnotisées, elle a trouvé des moyens de contourner les peurs pour se dépasser. Au fil des années, elle a mis au point sa méthode d’hypnose SAJECE, focalisée sur un point essentiel : l’origine du problème et les émotions. Elle est également formatrice et auteure de nombreux livres et scripts d’hypnose. Le poids du mental et des émotions est essentiel pour elle. Elle va nous expliquer à travers son histoire personnelle de quelle manière nous pouvons nous reprogrammer pour réussir.

Avez-vous le souvenir d’être allé au zoo ? On a remarqué que dans les zoos, les enfants passent beaucoup de temps devant la cage des fauves. Ils se demandent comment font des animaux aussi forts, aussi puissants, aussi courageux, pour rester enfermés dans 50 mètres carrés alors qu’ils peuvent courir à 50 km/h. Les adultes leur expliquent que les animaux ont grandi ici, que la majorité est même née ici et que bien sûr, petits, ils ont senti cette force et cette énergie à l’intérieur d’eux mais que rapidement ils ont appris à la mettre de côté pour mieux obéir aux ordres qu’on leur donnait. Alors les enfants se demandent à quoi ces animaux peuvent penser ? À quoi peuvent-ils rêver ? Rêvent-ils encore de liberté ? Ont-ils conscience qu’ils sont enfermés ? Savent-ils qu’ils sont limités ?

Si je vous raconte ça, c’est parce qu’il s’est passé un miracle dans un zoo. Alors qu’il y a eu une tempête, la porte de la grille d’un loup s’est arrachée. Elle s’est envolée et s’est abattue sur une maman et sa petite fille qui se promenaient. La maman a été assommée sur le coup et la petite fille s’est retrouvée la tête coincée sous la grille. Elle pleurait mais personne ne l’entendait. Heureusement le loup s’est précipité, il a pris la grille dans sa gueule et a tiré de toutes ses forces et il a sauvé la petite fille. La maman a voulu remercier le loup. Pour cela, elle a contacté une association qui l’a emmené dans une forêt protégée. Mais ce qu’on n’avait pas prévu, c’est que le loup ne voulait pas sortir de sa cage, il avait peur, il n’était plus habitué à utiliser ses forces et son courage. Heureusement au bout de quelques heures une petite voix intérieure lui a dit « Tu peux le faire, tu en es capable ! » Il a osé mettre une patte en dehors de la cage. Instantanément, il a retrouvé toutes ses forces et son courage. Nous aussi, nous avons en nous ce potentiel que nous n’utilisons pas forcément parce que tout comme le loup, nous avons fait des choses contraires à notre nature comme rester assis huit heures par jour à écouter un professeur alors que notre nature est de bouger. Certains d’entre vous ont même fait quelques choses qui est vraiment contre nature, ils se sont volontairement empoisonnés. On a remarqué que si on mettait un bébé dans un champ, il met à sa bouche uniquement les plantes qui ne sont pas toxiques parce qu’au fond de lui il sait ce qui est bon ou pas pour lui. Et nous, nous avons oublié ce qui est bon pour nous, nous avons oublié tout ce potentiel.

Alors quand on m’a demandé d’intervenir sur la question « Quel mental pour se dépasser? » ma première idée a été : pour se dépasser il faut déjà prendre conscience qu’on est limité.

Je m’appelle Camille Griselin, je suis hypnothérapeute. En faisant de l’hypnose, j’aide les gens à déprogrammer toutes leurs croyances limitantes pour pouvoir utiliser leur plein potentiel. L’hypnose, c’est un peu comme une mise à jour, on enlève les vieux programmes pour pouvoir programmer des choses plus positives.

Dans ma carrière, j’ai remarqué qu’il y avait plusieurs choses qui nous empêchaient de nous dépasser. La première, c’est la peur d’échouer. Il faut dire que depuis qu’on est tout petit, on est conditionné. Il ne faut pas qu’on se trompe, sinon c’est entouré en rouge sur nos copies. Et quand on passe notre code, on nous dit combien de fautes on a fait au lieu de nous dire combien de bonnes réponses on a obtenu. On a peur de se tromper, d’échouer. Il y a 10 ans, j’ai plaqué mon travail de directrice d’un grand magasin pour me lancer dans l’hypnose. À l’époque j’étais célibataire avec trois enfants à élever. Je perdais toute sécurité mais j’ai osé me lancer. C’est la première peur que j’ai dépassée, la peur d’échouer.

Mais j’en ai découvert une beaucoup plus sournoise qui est la peur de réussir. Avant d’exercer ce métier, j’ai eu deux entreprises, j’ai fait deux faillites et j’ai compris que c’était cette peur de réussir qui m’avait sabotée. Il faut dire que mes parents trouvaient depuis que j’étais toute petite que les gens riches étaient des gens égoïstes. Forcement si je réussissais dans mes entreprises, j’allais devenir riche et mes parents allaient arrêter de m’aimer, j’allais sortir de cette image qu’ils attendaient de moi. Alors que si j’étais dans la galère financière, je correspondais parfaitement à leurs attentes, ils allaient me bichonner et s’occuper de moi. J’ai donc enlevé cette croyance, je me suis autorisée à réussir, à devenir riche, et mes parents m’aiment toujours.

Et puis il y a autre chose, c’est toutes les croyances que les autres ont pu nous mettre en tête. Par exemple petite, j’ai eu un professeur qui avait dit lors d’une réunion parents-profs que j’étais timide. En fait c’est juste que son cours ne m’intéressait pas et que je n’avais pas envie de lever la main. Mais je me suis mis cette idée en tête, que j’étais timide, alors j’ai commencé à me comporter comme quelqu’un de timide, à baisser les épaules, la tête, à me mettre plutôt dans un coin. Et les autres m’ont vu comme quelqu’un de timide parce que c’est ce que je leur montrais, ce que je reflétais. L’hypnose ça permet d’enlever toutes ces croyances. Et puis c’est important de mettre à jour son potentiel.

Je ne sais pas si vous connaissez cette histoire de l’éléphant de cirque. Quand il est tout petit, on lui attache une chaîne à la patte. Il essaye de se déplacer mais n’y arrive évidemment pas. En grandissant, sa force est décuplée mais il n’essaye pas de se déplacer à son gré parce qu’il est persuadé qu’il ne peut pas le faire. C’est important pour se dépasser de prendre conscience de toutes les nouvelles capacités qu’on peut acquérir. Par exemple ce soir quand je vais faire l’inventaire de mes capacités, je vais pouvoir cocher que j’ai parlé devant 350 personnes. Maintenant je sais le faire. Ça agrandit mon potentiel.

Il y a une nouvelle mode, c’est le lâcher prise. On demande aux gens de lâcher prise, et souvent ils confondent lâcher prise et attendre. Ils pensent que ça va tomber du ciel. Mais dans « lâcher prise », il y a le verbe « lâcher ».  Pour moi, c’est comme si on avait dans la main une graine de bonheur et qu’on nous demandait de la lâcher pour lui donner une chance de tomber au sol et de pousser pour pouvoir ensuite récolter les fruits. Pour dépasser son mental, il faut passer à l’action et une fois qu’on est passé à l’action, on peut attendre de récolter les fruits. C’est important de pouvoir sortir de sa zone de confort.

À chaque fois qu’on sort de notre zone de confort, on agrandit notre confiance en nous. C’est ce que j’explique aux enfants dans les écoles primaires lorsque je les incite à penser à une situation au cours de laquelle ils ont osé faire quelque chose qu’ils n’avaient jamais faite avant et dont ils étaient fiers après. Souvent ils me parlent d’accrobranche ou de toboggan aquatique. À chaque fois qu’on fait quelque chose de nouveau, on augmente notre confiance en nous. C’est aussi un état d’esprit de se dépasser, c’est une routine à adopter, c’est se dire qu’on est créateur de notre vie et c’est mettre des choses en place. Par exemple, Stephen Hawking écrivait dix pages de roman chaque jour, même les jours fériés. Moi c’est une autre routine que j’aie, je me mets des dates butoirs. Par exemple, j’écris des scripts pour des hypnothérapeutes. Et chaque premier du mois il faut que j’aie envoyé 30 scripts. Souvent la veille il n’y en a aucun de faits. Si je ne me mettais pas cette date butoir, je n’aurais pas écrit autant de choses. J’ai fait pareil avec mes enregistrements MP3 d’hypnose que je vends sur internet. J’ai mis plein de titres. Je n’en avais réalisé aucun. Mais dans les conditions générales de ventes, j’avais 24h pour les envoyer. Alors les gens les commandaient et je passais parfois toute la nuit à les enregistrer. Je n’en aurais jamais eu autant si je ne m’étais pas mis cette pression.

Pour se dépasser, c’est important de faire quelque chose qu’on aime, de vivre de ce qu’on appelle du flow. Plus on est dans un endroit où l’on se sent bien, plus on peut dépasser ses limites. C’est facile quand on est au bon endroit. Prenez l’exemple d’un enfant qui monte une tour de lego. Il ne sent pas qu’il a faim. Il ne voit pas que c’est l’heure de manger parce que tant qu’il n’a pas fini de monter sa tour de lego, il est à fond dedans. Plus vous allez être à votre place, aligné avec vos talents, plus ce sera facile de vous dépasser.

La dernière chose qui pour moi est très importante, c’est la pensée positive. C’est important de s’imaginer tel que l’on sera une fois qu’on aura dépassé les choses. Une histoire m’a beaucoup marquée quand j’étais petite, c’est la laitière et le pot au lait. C’est l’histoire d’une laitière qui va au marché pour vendre son lait. Elle est en train de s’imaginer tout ce qu’elle va pouvoir faire avec l’argent qu’elle va récolter. Malheureusement elle renverse le pot et perd tout. La morale de l’histoire, c’est que ça ne sert à rien de viser trop haut, vous risquez d’être déçu et de vous porter la poisse. Pour moi, c’est l’anti-loi d’attraction. Quand un sportif vient pour préparer un match il va s’imaginer en train de gagner sa course. Par exemple, un joueur de volley est venu me voir. Il imaginait qu’il avait des ressorts dans les mollets. Au match d’après il a sauté beaucoup plus haut ! Il avait une meilleure détente. Parce que notre inconscient ne fait pas la différence entre l’imaginaire et la réalité. Si l’on s’imagine gagner, on a le comportement d’un gagnant.

Il y a quelques temps une belle histoire m’est arrivée. J’ai rencontré une personne qui avait édité un livre, ce qui m’a donné envie de faire de même chez son éditeur. Il y a quelques jours, cet éditeur m’a contactée alors que je n’avais encore rien fait. Il m’a demandé si je voulais faire partie de leurs auteurs. Je ne sais pas comment il m’a trouvée. J’ai lâché plein de graines de bonheur sur YouTube et il m’a trouvée ! Ce qui est important, c’est que j’y ai cru, je me suis imaginé écrire ce livre.

Au travers de ces histoires, je viens de vous donner des possibilités de scier les barreaux de votre cage, toutes les limites que vous avez autour de vous. Ces histoires contenaient des messages subliminaux qui vont agir cette nuit et dans les nuits d’après. Vous ne le savez pas encore mais vous êtes maintenant tous illimités, vous avez le pouvoir de transformer l’impossible en possible !

Intervention de Laure Blagojevic :

Kidnappée dès son plus jeune âge, elle est sauvée par Robert Broussard qui devient sa figure de référence avant d’être le flic préféré des français. Quelques années après la disparition de son plus jeune frère, pour raconter ce qui ne se voit pas, pour faire tomber les masques des préjugés, du regard porté sur l’autre, de la société, des exclus, elle écrit en 2015 « Âmes frères », une autobiographie. Travailler a été pour elle LA façon de construire sa vie, de la rationaliser. Après des années dans le monde de la mode, celui de la publicité, Laure Blagojevic, maman de deux garçons, mène une vie riche et épanouissante. Elle dirige depuis 2009 l’agence Mediapolitain qu’elle a créée, ainsi que l’Innovore, start up qu’elle a imaginée en 2016.

Je vais vous raconter l’histoire d’un âne qui tombe dans le puits d’un fermier. Il crie parce qu’en tombant au fond du puits, il s’est fait mal. Le fermier est très embêté parce qu’il va geindre comme ça pendant des heures et il ne sait pas quoi faire parce qu’il se dit que l’âne est quand même bien vieux. Comme il comptait condamner le puits, ce n’est pas rentable d’en sortir l’âne. Il se dit qu’il va appeler ses copains fermiers du coin, qu’il va leur donner des pelles et qu’ensemble ils vont boucher le puits. Ils démarrent leur ouvrage et l’âne se met à hurler. Tout à coup l’âne se tait. Le fermier, intrigué, se penche et voit qu’à chaque fois que la terre lui tombe sur le dos, l’âne se secoue, fait tomber la terre à ses pieds et monte dessus, puis il recommence. L’âne finit par remonter, sortir du puits et trotter. Tout le monde le regarde, étonné.

Quel mental pour se dépasser ? La reconnaissance, dans tous les sens du terme. Reconnaître que ce qui peut nous ensevelir à un moment, c’est aussi ce qui peut nous sauver. Quand on m’a jetée au fond d’un puits, j’avais quatre ans. Ce jour-là, comme tous les matins, je pars à l’école. Je suis en maternelle à Paris. Et comme tous les matins je tiens la main de ma maman. Comme tous les matins, j’ai l’autorisation de lâcher la main de ma mère pour courir jusqu’au prochain carrefour. Donc comme tous les matins, je lâche la main de ma mère parce que je suis une enfant et que je trouve que c’est quand même super de lâcher la main de sa mère et de courir. Et tout à coup, sortie d’un porche d’immeuble, une forme toute noire, cagoulée, me soulève et m’emmène dans une voiture. Elle s’engouffre dedans à la place du passager. J’essaye de me débattre parce que je me dis que c’est peut-être un super jeu où il faut que je gagne quelque chose. En fait, la personne qui m’a capturée m’appuie sur la tête, entre ses jambes, et je me rends compte qu’en fait je ne peux pas bouger et que ce n’est pas du tout un jeu. J’essaye de me débattre en lui donnant un coup, j’arrive à lever la tête et derrière la fenêtre de la voiture, je vois ma mère courir en hurlant. Je tends les bras et ils me mettent un chiffon plein d’éther sur la bouche. Cette odeur, je ne l’oublierai jamais. Tout s’en va, mon cerveau, ma volonté, je tombe par terre comme une poupée de chiffon.

Je me réveille dans une chambre de bonne. C’est comme ça qu’on appelle les chambres situées aux derniers étages des immeubles anciens à Paris. Dans cette chambre de bonne, il y a trois hommes. Un se trouve dans le lit dans lequel je me réveille, deux sont debout et regardent la télé. Évidemment ils ne me regardent pas car à la télé, il y a plein de photos de moi. J’essaye de ne pas bouger, pour qu’ils ne voient pas que je suis réveillée. Ils sont très concentrés. J’essaye de comprendre. Je me souviens de l’épisode de la voiture. J’essaye de déchiffrer ce qui se passe et très vite je comprends. J’ai quatre ans mais je cerne exactement ce qui se passe dans cette pièce. Ils m’ont enlevée et ils veulent m’échanger contre de l’argent. J’ai compris. Mais ce que je ne comprends pas, c’est que je me dis que c’est simple, mes parents n’ont qu’à ramener l’argent et venir me chercher ! Pourquoi ça prend tant de temps ? J’ai eu le temps de m’endormir, de me réveiller et de passer à la télé. On ne passe pas comme ça à la télé. Va s’infiltrer dans mon esprit une pensée qui est comme un poison. Cette pensée dit « Peut-être que mes parents ne me cherchent pas ? » Cette pensée est terrifiante. Quand la nuit arrive, quand les hommes qui m’ont enlevée me regardent et me disent « Tu ne verras pas tes parents ce soir », je peux vous dire que la douleur, le sentiment d’abandon est tellement terrible que je n’ai qu’une seule envie, c’est de me recroqueviller et de disparaître. Et je crois qu’à quatre ans cette envie-là, c’est une envie de mourir. Parce que je crois qu’à quatre ans je me demande comment je vais m’en sortir.

Et puis un matin il y a un énorme cri « POLICE ! » Un cri brut, net et précis. Dans cette chambre il y avait tellement d’anxiété, ça bougeait tellement dans tous les sens que ce cri contrastait. Mes ravisseurs me jettent derrière un rideau parce que dans cette chambre qui est une toute petite pièce, il y a des toilettes cachées derrière un rideau. Ils avaient l’habitude de m’y mettre quand quelqu’un arrivait et je n’avais pas le droit de bouger. J’obéissais, je ne bougeais pas. En revanche j’écoutais tout ce qu’il se passait. Ils me jettent donc derrière le rideau en entendant la police et tout de suite je me dis « C’est des copains, c’est super ! » Mais je ne bouge pas, j’entends un bruit énorme, c’est le GIGN de l’époque qui défonce la porte. Et pour la première fois je n’attends pas que ce soit fini. Je sors tout de suite de derrière le rideau parce qu’on ne sait jamais, ils pourraient ne pas me trouver ou ne pas chercher derrière le rideau, donc c’est trop dangereux. Je sors et je me dirige directement vers les policiers. Je passe de mains en mains. Il y a des policiers partout. J’arrive entre les bras d’un homme à barbe qui s’appelle Robert Broussard, qui est Le commissaire Broussard, Mon commissaire Broussard !

On descend les six étages et on arrive dans la rue. Il est très tôt le matin, il y a un silence incroyable en contraste avec le vacarme de cette chambre. Il me porte dans ses bras, on sort de la voiture de police qui me ramène chez moi et en sortant de la voiture il y a une nuée de journalistes qui se jettent sur nous parce qu’ils ne veulent qu’une seule chose, une photo à sensation. Ils me tendent des micros, ils essayent d’avoir une photo où je pleure. Ce sont les paparazzis de l’époque. Un homme va me contenir, les pousser et me protéger, c’est Robert Broussard. Cet homme à cet instant-là va restaurer mon amour en l’humanité, parce que je peux vous dire que le monde des adultes est mort dans ma tête. Ce moment est religieux. Je sais que Robert Brossard est devenu l’homme préféré des Français par la suite, qu’il a sauvé plein d’adultes et plein d’enfants. Chez lui aujourd’hui, il me l’a dit, il n’y a qu’une seule photo, et cette photo c’est celle-là. Je ne suis pas peu fière et je lui suis très reconnaissante – tout comme j’ai beaucoup de gratitude face à la vie – d’avoir restaurer mon amour en l’humanité.

Quand j’arrive chez moi et qu’il me remet dans les bras de mes parents, je me dis deux choses, premièrement que j’ai la preuve qu’ils ne m’ont pas cherchée, car mes parents ont bien vu que je me suis fait enlever dans la rue et ils sont toujours à la maison. La deuxième pensée que j’aie, c’est pour mes petits frères. J’ai quatre ans, Vincent deux ans et Edouard six mois. Et je me dis qu’il faut que je sauve mes frères de ce monde de fous.

Je vais grandir avec deux sentiments extrêmement paradoxaux. Un sentiment de fragilité énorme, je fais des cauchemars terribles auxquels personne ne s’intéresse vraiment. J’ai peur à chaque fois que quelqu’un sonne à la porte. Et en même temps j’ai un sentiment de toute-puissance incroyable parce que je suis quand même toujours en vie. J’ai vu mes ravisseurs arrêtés et moi je suis là. Donc je me dis que je suis plus forte que les adultes.

Mes frères et moi, on va être ensemble et on va se construire sur cette histoire, tout petits que nous sommes. Mais on va aussi se construire sur une autre histoire. Parce que là où je reviens, c’est dans un foyer où j’ai un père fou et une mère complètement dépendante de sa folie. Mon père a fait un procès contre l’État du Japon – conséquence de plusieurs actions – et l’État du Japon lui doit 8 000 milliards de dollars. Donc vous avez devant vous potentiellement la femme la plus riche du monde ! Le fait est, mon père et ma mère vont passer leur vie en procédures pour tenter de récupérer cet argent. Ils vont passer des dizaines d’années à remplir des papiers pour récupérer cet argent et je pense que si on posait l’ensemble des papiers au sol, on devrait pouvoir faire plusieurs fois le tour de la terre. Et nous, on grandit derrière toutes ces piles de papiers. Eux ne nous regardent pas beaucoup mais nous on les regarde un peu éberlués. Pour qu’on ne les embête pas trop, ils vont nous asservir. Donc on va traverser beaucoup de violences physiques et psychologiques. Nous n’avons jamais touché cet argent mais les huissiers, les explosions et j’en passe, on en a vu passer !

Nous trois sommes extrêmement liés. On est frères de sang et on se raconte tout. On est ensemble. Mais on va vivre cette vie-là avec des perceptions très différentes. Vincent va devenir un escroc magnifique, un Arsène Lupin, une sorte de Leonardo di Caprio dans le film de Spielberg « Attrape-moi si tu peux ». Edouard va vouloir se retirer du monde assez vite, par la drogue, l’alcool. Il va s’installer et vivre dans la rue. Et moi je travaille. Parce que je trouve que c’est super reposant le boulot et parce que ça me construit.

Il y a dix ans, je monte ma première entreprise. Je m’installe dans mes bureaux le lendemain de la signature, mes stylos, mes papiers, mon nouvel ordinateur, je suis fière de moi. J’ai beaucoup de tendresse pour ce moment. Le lendemain, je reviens au bureau et le téléphone sonne. Je décroche et une voix me dit « Edouard est mort ». Mon petit frère vient de mourir, il s’est noyé dans la Seine. C’était la nuit de mon anniversaire. J’apprends quelques heures plus tard qu’il avait installé sa tente sous le pont Mirabeau. Et ce pont est au bout de ma rue. Est-ce qu’il savait que j’étais si près de lui ? Moi je ne savais pas qu’il était à portée de mes bras.

Quel mental pour se dépasser ? Savoir que comme l’âne, ce qui peut nous ensevelir peut aussi nous permettre de nous dépasser. Savoir que dans tout être, tout événement, il y a une part de lumière et une part de ténèbres. Les ténèbres ne peuvent exister que parce que la lumière existe. L’ombre sans la lumière n’existe pas, la profondeur sans la légèreté n’existe pas. Les pleurs n’existent pas sans les rires. Eh oui, il faut rire de tout parce que, quand il n’y a pas si longtemps que ça, le mec qui m’avait enlevée, après avoir fait des années de taule m’a demandée en amie sur Facebook, je me suis dit qu’il fallait garder pas mal d’humour ! Tout ça pour vous dire qu’on est tous liés. Robert et moi on est liés à vie, tous les gens qu’il a sauvés sont liés, ensemble ici on est liés, et tout le monde doit se respecter parce que chacun a une histoire dont on ne sait jamais de quoi elle est faite, on ne sait jamais ce que chacun a traversé.

Intervention de Bernard Petre :

Ancien chef d’entreprise, Bernard Petre est sociologue, philosophe, consultant tout terrain spécialisé dans les dynamiques de motivation et les processus de collaboration (www.bernardpetre.com) Il a écouté plus de 10 000 personnes lors de ses recherches et interventions. Il vient nous raconter ce qu’il a retenu de ces entretiens et de son parcours personnel en insistant sur l’importance de la vie intérieure et de l’ajustement. Avant de se dépasser, il faut trouver son cap, son chemin et son rythme. Selon Bernard Petre, le premier pas à réaliser pour disposer d’un mental permettant de se dépasser, c’est de lui donner sa juste place.

Vous êtes inscrit depuis longtemps peut-être, et vous êtes venu pour avoir des réponses à une question : « Quel mental pour se dépasser ? » Vous êtes venu chercher des méthodes, des outils, un chemin pour trouver le mental pour vous dépasser. La première chose que je vais vous dire, c’est que le chemin n’existe pas. On a systématiquement une erreur de perspective, on ne marche pas parce qu’il y a un chemin, il y a un chemin parce que d’autres ont marché. Je ne pense pas qu’aucun des autres orateurs ni moi-même aurait pu expliquer au commencement les leçons qu’il a tirées à la fin. Pour ceux qui sont fatigués, n’hésitez pas à vous assoupir, il n’y a pas de chemin, je n’ai rien à vous dire.

Maintenant que vous êtes à l’aise, ça fait trois semaines que je me demande ce que je vais raconter et au fond je me suis dit, je vais pratiquer. Donc je vais pratiquer quelque chose que je n’ai jamais fait. Je vais parler des épreuves que j’ai traversées au début des années 2000, et je vais me dépasser car au sens du Larousse, se dépasser c’est réaliser une performance qu’on n’a jamais réalisée avant. Je vais parler en public de ce qui m’est arrivé. Je vous demande votre sollicitude pour les émotions et les trémolos comme disait Christophe.

Mon nom est Bernard Petre, mais je ne suis pas le gardien de but fantastique de Chelsea dont Christophe a parlé. Le 18 février 2001, il est 8h45, nous sommes un lundi, je suis en route vers un partenaire d’affaires, un homme charmant. J’écoute de la musique dans ma voiture et je me dis quelle vie extraordinaire de commencer la semaine par une rencontre avec un homme charmant, agréable et compétent. Mon portable sonne et ma femme m’annonce que l’aînée des quatre enfants que nous éduquons ensemble a été tuée par un chauffard. Myrtille était partie en Bolivie après son bac pour faire une année d’immersion en espagnol, pour réaliser un certain nombre de tâches dans le cadre de l’aide au développement de ce pays et découvrir une autre culture. Le dimanche soir, vers 20h, heure bolivienne, alors qu’elle se rend dans un hôtel pour avoir accès à un des seuls ordinateurs connectés à internet et nous envoyer un mail, marchant le long de la route dans la pénombre sous la pluie, une voiture veut éviter un trou dans la route, fait un écart et la tue.

Nous sommes encore en plein deuil en juin 2003, je sors d’une réunion avec un autre client, moins charmant, moins sympathique, d’un parti politique belge. C’est toujours compliqué la politique en Belgique. Mon médecin m’annonce que je dois tout arrêter, j’ai vraisemblablement un cancer. Je commence donc un long parcours et j’ai guéri rassurez-vous, je suis pleinement vivant, ravi de l’être et ravi d’être parmi vous. Un long parcours qui comporte entre autres quatre mois d’isolement total, une période pendant laquelle ma femme se demande si elle sera veuve ou non.

Je suis encore dans le deuil, nous sommes encore dans le deuil. Arrive avril 2004, le groupe international dont je dirige une filière en Belgique me pousse gentiment vers la sortie à la suite d’une restructuration. Entre temps, un cinquième enfant est né en 2002 et je vis ces épreuves – et en particulier mon cancer – en me disant que si je ne survis pas, un de mes enfants n’aura aucun souvenir de moi.

C’est pour vous poser le contexte et vous dire que j’adore la vie. J’ai guéri et je considère chaque jour comme un bonus. C’est comme si en naissant j’avais gagné une première fois l’EuroMillions et en traversant ces épreuves j’avais gagné une deuxième fois à l’EuroMillions.

Qu’est-ce que je peux bien vous dire là-dessus ? Je vais simplement vous faire part de quelques éléments rencontrés sur ma route en cheminant. Je ne savais pas comment me dépasser parce que je n’avais pas la méthode, l’outil. Ce que j’ai oublié de vous commenter, c’est le mot « surprise ». Le mental n’aime pas la surprise, le mental aime le connu. Donc d’une certaine façon mon exposé pourrait s’appeler plutôt : « Quel dépassement pour le mental ? » Comment mettre le mental à sa juste place ? Comment ne pas se faire piéger ?

La première chose que j’ai envie de vous dire, c’est que les épreuves ont un avantage paradoxal car sur un certain nombre de points, elles vous facilitent énormément la vie. En ce qui me concerne, au cœur de la tempête, je vois tout de suite ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Ce qui, pour un intellectuel comme moi au quotidien, n’est pas facile. Mais au cœur de la tempête, ça l’est beaucoup plus. Je vois tout de suite les limites de ma capacité d’action. Ce qui en temps normal est plutôt compliqué. Au cœur de la tempête, et ça aussi c’est en général compliqué, je vois tout de suite qu’il faut agir. Réfléchir ne sert à rien si la réflexion ne passe pas par l’action. Dans ces moments-là, chaque petite chose positive est perçue comme un miracle. Vous pouvez exercer de façon extraordinaire votre capacité d’émerveillement.

La deuxième chose que j’ai envie de vous dire c’est que cette épreuve, je ne l’ai pas traversée seul mais avec ma femme Carole, avec Renaud, Lucie, Anaëlle et Théo. Et sans doute la chose la plus importante que nous avons faite, c’est de mettre le mental de côté à certains moments et protéger nos forces de vie. Je pense par exemple à ma fille Anaëlle, qui des années après 2001 décide de partir en échange à l’étranger. Nous décidons tous ensemble que les volets vont rester ouverts. Nous décidons que nous ne serons pas la famille qui a perdu un enfant, la famille dont le papa a eu un cancer. Non. Nous serons une famille normale, heureuse, une famille qui a une identité mais pas celle de ses malheurs. Nous décidons de protéger nos forces de vie, à tel point que ma fille Lucie, quand la psychologue de l’hôpital lui demande de façon très gentille si ce n’est pas trop difficile d’avoir un papa avec un cancer à l’hôpital répond « Non, ça va ». Et dans le couloir elle dit à ma femme « Tu sais maman, je ne lui ai pas dit que Myrtille était morte, parce que le fait que papa ait un cancer ça avait l’air déjà tellement terrible pour elle que je ne lui ai pas dit pour Myrtille ».

Comment protéger les forces de vie ? Comment garder les fenêtres ouvertes ? Qu’est-ce qui vous fait vivre ? Qu’est-ce qui vous donne envie de vivre ? Qu’est-ce qui vous porte dans vos réussites ? Qu’est-ce qui vous maintient en vie dans vos échecs ? Quelles sont vos forces de vie ?

Enfin la troisième chose que j’ai envie de vous dire, c’est qu’il y a du monde à l’intérieur. En vous je ne sais pas, mais en moi vit une gigantesque ménagerie. Je me suis rendu compte qu’en moi vivait un tigre. À certains moments il a fallu décider vite, foncer sans réfléchir et j’ai laissé les commandes à mon tigre. À d’autres moments face à certains médecins il a fallu s’imposer, et j’ai laissé les commandes à mon éléphant. A d’autres moments, il a fallu être subtil avec les compagnies d’assurance, et j’ai laissé les commandes à mon renard. Il y a des moments où il a fallu, malgré la situation, penser aux autres parce qu’après tout, moi j’étais enfermé mais ma femme avait son boulot, les enfants à la maison, tout ce qui fallait faire pour me rendre la vie un peu moins difficile à l’hôpital. Donc j’ai laissé les commandes à mon labrador. J’essayais malgré la difficulté de penser aux autres plutôt qu’à moi. Et puis surtout ne pas oublier mon dauphin, celui qui adore faire la fête, continue à fêter les anniversaires, se moque des uns et des autres, rigole et plaisante. Mais de tous les animaux de ma ménagerie, celui qui ma sauver la vie, c’est ma biche. En moi vit une biche, silencieuse, respectueuse, sensible, un peu idéaliste. Une biche qui peut rester des heures allongée dans les sous-bois ou dans une chambre d’hôpital à simplement contempler le miracle de la vie en se disant qu’exister, aimer et être aimé, ça suffit. S’il y a un peu d’amour quelque part dans le monde et même si l’amour est une illusion, on ne peut pas le perdre. C’est une illusion qui nous rend plus humain, plus fort, peu importe que ce soit une illusion.

Pour terminer je dirais que pour permettre à votre mental de se laisser dépasser, explorez votre ménagerie intérieure, tous les animaux qui vivent en vous.

Pour clôturer, je voudrais vous laisser avec ces deux questions : quelle est la partie de vous-même (le gestionnaire, l’emmerdeur, le clown, l’avocat, vous n’êtes pas obligés de choisir les animaux), à laquelle il serait utile de donner 5% de place supplémentaire pour un tout petit peu déstabiliser votre mental et vous ouvrir un peu plus à la vie ? Quel petit rituel qui va vous y aider ? J’ai connu quelqu’un qui voulait réveiller son tigre, il hurlait tous les matins dans son jardin. J’ai connu quelqu’un qui voulait réveiller son dauphin, il regardait avant de boire un verre de vin le dauphin qui était dans son verre faire un joli bond, ça l’aidait à se détendre. Je vous souhaite une excellente soirée !

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel Taudière

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