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VendéeTalks 2022 : « INFORMER, S’INFORMER, comment naviguer dans l’océan médiatique ?»

5ème édition du VENDEE TALKS du 6 décembre 2022

Le CERA et St Gab à Saint Laurent sur Sèvres

« INFORMER, S’INFORMER, comment naviguer dans l’océan médiatique ?»

Accueil par Jean-Michel Mousset, président du CERA, et Thierry Letard, directeur de l’établissement St Gab’.

Cette soirée a une saveur particulière, car quand nous avons lancé le CERA en 2001, nous visions exactement le sujet de l’information. Comment s’informer, comment détecter les signaux faibles dans l’océan médiatique qui nous entoure, comment comprendre les idée forces. C’est ce que nous faisons ce soir !

Pour St Gab, les Vendée Talks sont un super champ d’expérimentation pour nos élèves, et précisément ce soir, les enjeux de l’information est une thématique extrêmement importante au sujet de laquelle nous attendons beaucoup de réponses.

 

Notre premier invité est spécialiste de l’histoire des médias. Il enseigne la communication, a créé la revue Route 64 pour les passionnés d’échecs, il est aussi scénariste de BD pour le festival Hellfest, il a écrit également pour le Vendée Globe. Il a 12 mn pour nous raconter 30 ans d’histoire des médias. Mesdames et messieurs, merci d’accueillir Fabrice Hodecent.

1663, c’est le nombre de journalistes assassinés dans le monde depuis 20 ans. Ce sinistre comptage est effectué par l’association Reporters sans frontières, une association créée par des Français qui luttent pour la défense de journalistes dans le monde. Je vous parle de ça parce que l’information est capitale, primordiale, et que de nombreuses personnes ne souhaitent pas que certaines vérités soient diffusées. Le journalisme est donc un métier dangereux, notamment dans certains pays. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas forcément des régimes politiques qui embastillent ou tuent des journalistes. Le plus souvent ce sont des mafias ou des narco-trafiquants qui opèrent, comme au Mexique. L’importance de l’information dans nos sociétés ne remontent pas à aujourd’hui. Il me reste 11 mn pour retracer 5000 ans d’histoire des médias, depuis les papyrus antiques égyptiens jusqu’aux réseaux sociaux. On va prendre quelques raccourcis… Les médias se sont surtout développés à partir de l’invention de l’imprimerie, au XVème siècle. Peu de livres, il faut dire qu’à cette période 90% de la population n'a pas accès à la lecture. En France, un premier almanach paraît en 1491 – dit du pêcheur - qui donne des informations pratiques, les lunes, tout ce qui peut être utile pour jardiner et élever des bêtes. 1510, un annuaire d’environ 1000 pages est édité, qui relate tout ce qui s’est passé pendant l’année. Le premier périodique français date de 1631, La Gazette, créée par Théophraste Renaudot. Ce dernier, qui est le médecin du roi Louis XIII, a l’autorisation de publier cet hebdomadaire. Bien évidemment sous le contrôle du roi et de Richelieu. Hors de question de donner envie à qui que ce soit de protester. Si l’on veut faire un parallèle, La Gazette s’apparentait à Gala ou Point de vue, image du monde. Pendant 150 ans, c’est à peu près le seul journal, toujours sous contrôle du Régime. Il faut attendre 1789, la Révolution française, pour que la Constitution prévoit la liberté d’expression totale pour tout un chacun. En quelques mois, 2600 journaux sont créés sur Paris et en France, un foisonnement inédit qui ne dure que 2 ans. Très vite la Terreur s’installe, Robespierre ne souhaite pas que les citoyens sachent réellement tout ce qui se passe. Très vite, les censures tombent, les journaux disparaissent. En 1792, le premier journaliste de l’Histoire assassiné par un régime politique tombe. Ce pauvre Barnabé Farmian Durosoy est guillotiné pour ses activités journalistiques. Il a eu le tort d’éditer un journal royaliste. Il va falloir attendre un siècle pour retrouver la liberté qui avait été conquise durant seulement deux ans. Les choses seront très compliquées sous Napoléon qui est un homme fin, rusé, intelligent. Avec Fouché, son ministre de l’Intérieur comme on l’appellerait maintenant, et exécuteur des basses œuvres, il fait paraître un certain nombre de décrets et de lois qui empêchent la parution de journaux qui dérangent, en ayant notamment recours à des systèmes de cautionnement. Les éditeurs doivent verser des milliers de louis pour pouvoir exercer leur métier. Tout est contrôlé de manière discrète. En 1810, il n’existe plus que 4 journaux. En 1830, Charles X décide de rétablir la censure de manière officielle. Ce qui provoque un mouvement de protestation de 44 journalistes et éditeurs qui publient l’annonce du rétablissement de la censure dans leurs journaux et appellent à des manifestations. Des milliers de personnes se rassemblent pour protester. En 1881 paraît une loi concernant la liberté d’expression en général et la liberté de la presse en particulier. Cette loi pose un cadre avec des droits, des devoirs, des obligations. Il aura fallu 5 ans aux parlementaires de l’époque pour se mettre d’accord. Cette loi est toujours d’actualité aujourd’hui, toilettée en fonction des évolutions technologiques après l’apparition de la radio et de la télévision au XXème siècle. Pour la première fois, on a un cadre à l’intérieur duquel on peut faire bouger des curseurs. Alors qu’en 1989 la liberté était totale, un peu comme Elon Musk essaye de faire avec Twitter et les Libertariens : aucune censure, tout est permis. Quant au métier de journaliste, il faut attendre les années 1930 pour qu’il soit réellement cadré, codifié, que les premiers syndicats se créent et se développent, ainsi que les premiers médias radio télévisés et écrits existent. Ils existaient déjà beaucoup au XIXème siècle. Un des plus grands journalistes de l’époque, Clémenceau, avaient déjà commencé le mélange des genres en étant homme politique, Président du Conseil, journaliste, créateur et patrons de journaux. Il a joué un rôle très important au moment du Procès Dreyfus.

Aujourd’hui, nous arrivons dans une nouvelle société avec le développement du numérique. Nous vivons l’infobésité. La multiplicité des canaux. Qu’on le veuille ou non, nous sommes assaillis d’informations, via les panneaux publicitaires dans la rue, nos ordinateurs, nos téléphones, etc. On retrouve quelque chose qui existe depuis toujours avec la propagation des rumeurs. La grosse différence est le délai de la propagation de ces rumeurs. Il suffit de quelques microsecondes pour qu’une nouvelle fasse le tour du monde grâces aux réseaux sociaux.

Comment s’y retrouver dans cet océan médiatique ? c’est le thème de notre soirée. Sachant que sur 180 pays, la France oscille entre la 30ème et la 40ème places en termes de liberté de la presse selon Reporters sans frontières. On aurait pu penser que notre pays était beaucoup mieux situé. Ce classement est en grande partie due à la concentration des principaux médias entre les mains de quelques personnes, soit des groupes industriels, soit des milliardaires. Pourquoi des milliardaires s’intéressent-ils à la presse qui n’est absolument pas rentable. On a vu l’exemple de Cnews, la reprise en main par Monsieur Bolloré du Groupe Canal+. Cnews était une chaîne de télévision assez traditionnelle qui ne faisait pas beaucoup de bruit qui d’un seul coup est devenue une chaîne dite populiste avec beaucoup d’échanges, beaucoup d’animateurs, très peu de reportages. La preuve a été faite que la parole a été donnée durant la campagne présidentielle beaucoup plus à certains qu’à d’autres. Ces médias sont concentrés entre les mains de personnes qui possèdent des groupes industriels, des groupes de téléphonie, etc. Ce n’est pas un bon signe pour la démocratie.

Les procédures dites bâillons. Des personnes, qu’elles soient entrepreneurs, élues ou non, attaquent les médias pour diffamation ou autres. Elles entament une action en justice pour intimider ou faire taire un journaliste ou un lanceur d’alerte. Elles savent très bien qu’elles vont perdre mais simplement, elles les tapent au portefeuille. Ce sont à chaque fois plusieurs dizaines de milliers d’euros, comme Médiacité avec 50 000€ de frais de justice sans avoir jamais perdu un procès. Bastamax c’est pareil, 100 000,00€ de frais de justice sans avoir jamais perdu un procès. C’est ainsi qu’on essaye de couler des petits médias indépendants n’appartenant pas à des groupes. On a aussi des groupes comme Rewild Média qui ont racheté une soixantaine de titres. Ils ne font pas de presse mais de la communication, c’est-à-dire de l’information sponsorisée. Des marques et des entreprises payent pour être citées dans des articles qui passent pour des articles de presse. Il y a 15 jours s’est produit quelque chose qui ne s’était jamais passé en France depuis 1881, un juge a interdit la publication sur le site de Médiapart d’une enquête concernant le maire de St Etienne – sans débat contradictoire. Il a fallu attendre 10 jours pour que cette affaire passe devant un tribunal.

Ces multiples affaires montrent bien que nous avons une réelle difficulté en France concernant la pluralité en raison de la concentration des médias entre les mains d’un nombre très réduit de personnes.

Sur le sujet de l’infobésité, les citoyens doivent absolument travailler avec les journalistes pour conserver notre liberté d’informer. Les journalistes essayent de vous délivrer de l’information vérifiée, qui tient la route. Les citoyens de leur côté doivent avoir une hygiène numérique, prendre des précautions. Les réseaux sociaux, les algorithmes jouent sur nos émotions, nous enferment dans des biais de confirmation. Il faut donc prendre de la distance, ne pas tout prendre pour argent comptant. Chacun a un rôle à jouer pour éduquer nos enfants et petits-enfants.

Je termine en citant Albert Londres, l’un des plus grands journalistes français des années 1930. Ses enquêtes ont notamment permis la fermeture du bagne de Cayenne. Il disait « Le journaliste n’est pas là pour plaire, pour nuire ou pour léser, il est là pour porter la plume dans la plaie ».

 

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Depuis presque 3 ans, elle est directrice de la rédaction d’une chaîne qui s’appelle B SMART, une nouvelle chaîne d’information économique et financière. Son credo, c’est l’économie. Au début, elle n’y connaissait rien. Elle va maintenant vous raconter ce qui lui est arrivé. On accueille Aurélie Planeix !

 

Je vais vous parler d’économie. N’en profitez pas pour regarder vos téléphones ! L’économie a l’air beaucoup moins fun que le sport ou l’influence sur les réseaux sociaux. C’est vrai, de prime abord, je vous l’accorde, mais je vous promets que l’info économique peut être accessible et positive.

Je vais vous expliquer comment j’en suis venue au journalisme économique, et en particulier au journalisme de solutions. Je viens de croiser quelques-uns de mes profs qui doivent être surpris de voir où j’en suis, parce qu’il ne faut pas se mentir, je suis partie de très loin. J’ai fait une formation littéraire à Saint Michel juste à côté, quand ça existait encore, et puis j’ai enchaîné avec une fac d’histoire dans le but de devenir journaliste. A 18 ans, pétrie de certitudes, je voulais devenir journaliste de presse écrite, dans Le Monde par exemple. Première année de fac, je commence à être correspondante locale pour un journal local qui s’appelait à l’époque Vendée Matin. J’écris plein d’articles, y compris le week-end, je trouve ça super et suis certaine d’avoir trouvé ma voie. En 2ème année, je me dis que je pourrais ajouter une ligne à mon CV et je pars faire un stage en radio. La radio la plus proche, c’est Alouette. Là c’est une révélation, je trouve que la radio, c’est hyper sympa. Je fais des flash tous les week-ends, pendant mes vacances, et à la fin il y a un poste pour moi. Je signe mon premier contrat à Alouette et je fais une croix sur les écoles de journalisme. Pendant 5 ans, je fais une information locale proche des gens. Je réveille de nombreux habitants du Grand Ouest tous les matins et je trouve ça chouette. En 2007, je rejoins mon mari qui se trouver en région parisienne. J’envoie pas mal de CV, et le chargé de recrutement de RMC me rappelle en me disant qu’il a du boulot pour moi mais sur une autre radio qui s’appelle BFM Radio, qui deviendra la chaîne économique BFM Business. Je n’avais jamais entendu parler de BFM Radio mais il fallait bien que je travaille, alors j’y vais, et là c’est le choc culturel ! C’est une radio économique et financière. Tout le monde parle de bourse toute la journée, c’est un peu compliqué. Il y a quelques plages de radio générale, ça je maîtrise alors j’y vais, mais peu à peu on me dit que si je veux rester, il va falloir que je me forme un peu. Je vais aux conférences de rédaction, les réunions où les journalistes décident de l’actualité du lendemain, de ce qui va faire la une. Je ne comprends rien ! Ils parlent une langue étrangère, une langue d’entreprise que je ne connais pas, de patrons dont je n’ai jamais entendu parler. Je tape leur nom en phonétique sur Google pour essayer de comprendre de qui et de quoi on parle. De fil en aiguille, je m’approprie un peu cette matière, j’écoute beaucoup la radio, je lis Les Echos, et je comprends que l’économie, c’est avant tout des histoires. Or la motivation la plus profonde de tous les journalistes, c’est précisément de raconter des histoires. Que ce soit une rencontre sportive, une élection ou un fait divers. La plupart des gens me disent « quand je pense économie, je pense à des graphiques, des tableaux, des trucs compliqués » et ils ne voient pas bien quand je leur parle d’histoires à ce sujet. Je vais prendre un exemple. Si je vous dis « Le PIB progresse de 0,5% au 2eme trimestre et Xavier Dupont de Ligonnès a disparu après avoir assassiné sa famille ». Dans laquelle des deux phrases voyez-vous une histoire ? Dans la seconde évidemment. Néanmoins, si on reprend cette phrase « Le PIB progresse de 0,5% au 2eme trimestre », il y a derrière plein d’histoires. Chacun d’entre vous consomme, travaille, recycle, etc., si l’on tire tous ces fils, on obtient une photo d’un instant T du monde dans lequel on est. On a aussi la possibilité de comparer ces situations avec ce qui a été fait avant, et on a surtout la possibilité de se projeter dans ce qui va se produire. Ce sont les tendances. J’ai compris que l’info éco, ce sont des histoires et de l’information utile, un peu comme la météo ou le trafic peuvent l’être, à condition qu’elles soient bien racontées et que des perspectives soient données.

J’ai traité ces informations pendant 15 ans tous les jours sur BFM Business et je me suis rendu compte que comme n’importe quelle information, elle pouvait aussi être biaisée. Parce qu’on voit ce qu’on veut derrière les chiffres. Il y a aussi la ligne éditoriale du média, un peu plus de droite ou un peu plus de gauche, un peu plus sensationnaliste, un peu moins, un peu plus ou un peu moins positive. On va prendre l’exemple de l’inflation. Si je vous dis « L’inflation devra atteindre 5,3% à la fin de l’année selon les prévisions de Bercy ». C’est la prévision du gouvernement. Depuis ma position de journaliste, je peux traiter cette info de deux manières. Soit je vous dis « Le pouvoir d’achat des Français est attaqué, l’inflation devrait atteindre 5,3% à la fin de l’année. Les Français auront sans doute bien du mal à boucler leur fin de mois ». Ce qui est anxiogène mais pas faux. Je peux aussi prendre le contre-pied et dire « Le pouvoir d’achat des Français sera plutôt préservé, l’inflation devrait atteindre 5,3% à la fin de l’année. Ce qui reste très relatif comparé aux 10% en moyenne que les pays voisins de la zone euro devraient atteindre ». Ce qui n’est pas faux non plus. C’est plus positif en revanche. Ce que je veux vous dire, c’est que dans l’océan d’informations dans lequel on est obligé de naviguer aujourd’hui, nous devons croiser les regards pour disposer d’une boussole. Un seul regard ne peut pas vous donner la vérité absolue. Il existe plusieurs interprétations propres à chacun. En termes de télévision économique, il n’y avait pas trop d’alternative à BFM Business. Donc quand trois fondateurs de la chaîne B SMART m’ont appelée pour me dire qu’ils montaient un nouveau média et qu’ils souhaitaient que je les rejoigne pour diriger la rédaction, j’ai sauté à pieds joints parce que j’avais l’opportunité de créer une ligne éditoriale en partant de zéro, en prenant la voie du journalisme de solutions qui commence à se développer en France. Comme the Good Goods.

Le journalisme de solutions, ce n’est surtout pas tomber dans la naïveté, c’est partir des faits et aller chercher les solutions qui peuvent être proposées. Des solutions technologiques par exemple, mais pas seulement. Prenons l’exemple de la sécheresse de cet été qui nous a tous beaucoup marqués. J’ai choisi à la rentrée de partir de ce fait-là et de proposer une semaine spéciale orientée vers les solutions qu’on pouvait trouver. Les solutions que des entreprises sont en train d’inventer. On a parlé de dessalement de l’eau de mer, de philanthropie environnementale, de solutions technologiques existantes ou en devenir pour que nous puissions moins ou mieux consommer. En économie, le journalisme de solutions part toujours d’un fait qui a un impact direct sur notre économie, notre agriculture, notre environnement, notre production d’énergie ou sur nos entreprises. Je suis bien consciente qu’il existe des biais, c’est une vision selon mon prisme. Je suis donc convaincue que ce journalisme ne doit pas exister tout seul mais à côté d’autres journalismes économiques. C’est la somme de tous ces prismes qui vous permet de disposer d’une information équilibrée.

C’est mon choix de vous présenter le verre à moitié plein, c’est mon choix de mettre en avant des innovations, les transformations que mettent en place les entreprises, et le monde des possibles qui s’ouvre à nous, et c’est votre choix de vous en saisir. Merci !

 

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Un peu comme Obélix, il est tombé dedans depuis longtemps. Il parle football, il respire football. Il a porté fièrement les couleurs de différentes équipes, les Chamois Niortais, le FC Bressuire. Aujourd’hui, c’est lui qui fait les interviews des plus grands joueurs pour notamment L’Equipe et France Football. Ce soir faites vibrer les murs de cette salle pour Thymoté Pinon !

 

Bonsoir à tous. Premièrement, je voudrais vous dire que je suis aussi ravi que surpris d’être ici. Surpris parce qu’il y a 3 ans, je venais d’obtenir un master en droit public, et c’est plutôt devant des avocats et des juristes que je m’apprêtais à parler. A cette époque cependant, il y a eu comme un hic car autour de moi dans l’amphithéâtre de la faculté de droit d’Angers, il y avait des gens qui consommaient de la presse spécialisée, des revues juridiques de droit administratif, de marchés publics, le code civil, le code pénal, alors que moi, depuis petit, mon truc c’est plutôt France Football et l’Équipe. Ce sont les lectures qui m’animent depuis mon enfance. C’est à ce moment-là qu’un premier déclic a opéré. J’avais autour de moi des gens qui étudiaient ce qui les passionnait depuis qu’ils étaient petits et ils allaient probablement exceller plus que moi dans ces matières-là. Il me restait un moyen de raccrocher le fil de ma passion. C’est ce que j’ai tenté de faire, et paradoxalement, c’est ce background, cette première expérience, qui m’a permis de le faire. Les rédactions que j’ai démarchées à ce moment-là recherchaient de l’originalité, un pas de côté, et à ce titre je vais vous parler du premier article que j’ai rédigé qui a plutôt bien marché. En droit, il existe deux types d’obligations, une obligation de résultat et une obligation de moyen. Pour faire simple, l’obligation de résultat existe quand vous passez un contrat par exemple avec un conducteur. Vous allez lui demander de vous emmener d’un point A à un point B. Une fois qu’il aura atteint ce point B, son obligation sera remplie, qu’importe la manière dont il vous aura acheminé. Si on reprend l’exemple d’un conducteur, l’obligation de moyen implique que le conducteur devra mettre des moyens précis en œuvre pour atteindre le point B. S’il y a des chutes de neige ou du verglas, il ne sera pas considéré comme responsable s’il ne vous accompagne pas au point B. Je vois que vous avez du mal à établir un lien avec mon activité de journaliste sportif actuelle. Il y en a pourtant un. Par quel type d’obligations les entraîneurs, les managers de foot, sont tenus. Je ne suis rendu compte qu’on pouvait les classer en deux catégories. Les entraîneurs qui sont seulement préoccupés par les trophées qu’ils accumulent, et là on peut penser à notre entraîneur national. Certains le critiquent volontiers, trouvant que la qualité du jeu n’est pas toujours au rendez-vous. En face, une seconde catégorie d’entraîneurs ne veut être jugée que sur le contenu produit par l’équipe. Comme tout footeux, ils cherchent bien sûr à gagner des matchs, à remporter des trophées, mais ils ne veulent être tenus responsable que de ce qu’ils offrent au public. Vous payez votre ticket et vous avez envie de voir du beau jeu. Ceux-là fonctionnent un peu en opposition par rapport à ceux de la première catégorie qui se sentent tenus par une obligation de résultat pure et simple. Voilà comment je me suis servi de mon passé d’étudiant pour sortir des sujets qui vont potentiellement attirer la curiosité de nos rédacteurs en chef, de nos décideurs, et donc des lecteurs. Sans mon passé d’étudiants en droit et de footeux, je n’aurais probablement jamais eu l’idée de ce sujet et je n’aurais probablement jamais osé toquer à la porte de l’Equipe ou de France Football.

Nos parcours, tout ce que nous avons expérimenté, font les personnalités que nous sommes, et en ce qui me concerne, influencent la manière dont je choisis mes sujets. Pour en revenir au thème d’aujourd’hui, il y a évidemment des principes intangibles, des fondamentaux. Nous abordons la déontologie. Il y a la manière dont on appelle les gens, dont on les confronte. Si demain je rédige un article sur une thématique juridique, je vais devoir respecter certains fondamentaux du droit de la presse. Mais malgré ces impératifs, ces principes intangibles, on peut semer une petite dose de sa personnalité. C’est ce que j’essaye de faire. Je vais vous donner trois exemples très concrets. Au sujet des sources, si vous avez une approche purement rationnelle du métier, vous allez avoir tendance à appeler des sources institutionnelles, par exemple tel ou tel élu.e, femme ou homme politique, sans aller beaucoup plus loin. Si je rédige un article sur le sport, sur le foot en particulier, je vais avoir tendance à appeler un dirigeant de club, un entraîneur, bref, des sources officielles. Passionné par mon métier, j’ai développé tout un réseau en amont, ce qui me permet de rencontrer des gens de façon informelle, prendre des cafés avec eux, obtenir telle ou telle information. Donc in fine, informer différemment le lecteur et de manière qualitative. Prenons l’exemple de l’interview, si je respecte certains carcans, je vais faire les questions et les réponses en utilisant certains clichés. Ce qui va ressortir concernant les footeux, c’est que certains ne sont pas très bavards ni très pertinents. La façon dont je vais mène l’interview avec un footeux va sans doute lui rendre un peu plus de substance. Prenons l’exemple de Kévin De Bruyne, l’entraîneur de la Belgique, actuellement l’un des trois meilleurs joueurs de la planète. On me l’avait vendu comme une personne assez réservée. Entre nous, journalistes, on parle souvent de « bons » ou de « mauvais » clients. Lui apparemment appartenait à la seconde catégorie. L’interroger représentait une sorte de défi. Je me suis dit qu’il fallait faire un pas de côté, susciter sa curiosité. Pour démarrer, je lui ai posé une question très simple, je lui ai demandé de visualiser un but et de me décrire. L’idée était qu’il se projette sur le terrain, qu’il me raconte ce à quoi il pensait, et lui spontanément m’a parlé d’une passe décisive plutôt que d’un but. Ça en disait assez long sur son approche altruiste du jeu. On est partis là-dessus. J’avais choisi deux trames, l’une s’il avait choisi de parler d’un but, l’autre s’il avait choisi la passe. C’est lui qui a choisi et nous avons eu un bel échange.

La dernière chose, c’est le format. On peut écrire des dizaines de pages et les envoyer, ou choisir un modèle interactif qui mêlera de la vidéo, de l’audio, une animation visuelle, quelque chose qui va être légèrement différent. Tout ça pour dire que l’on peut agir et réagir grâce à notre passion plutôt qu’en s’appuyant sur des choses qu’on a apprises et qu’on chercherait à retranscrire de manière très scolaire.

Aujourd’hui, le bon journaliste est avant tout un journaliste qui vibre pour son métier, en éveil permanent, d’où la nécessité d’être profondément animé par la matière qu’on traite. Si je n’avais pas tenu ce type de raisonnement, je ne me serais pas retrouvé devant vous ce soir mais j’aurais plutôt pris la parole devant des avocats ou des juristes. Merci pour votre écoute !

 

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Actuellement âgée de 14 ans, elle se destine à devenir ethnologue, un métier qui lui permettra de mieux comprendre le fonctionnement des sociétés humaines. Elle cultive aussi secrètement le projet de devenir écrivaine car la littérature est sa passion. Elle joue aussi du piano, parle le hollandais. Son témoignage est fort, poignant, merci d’accueillir Emma Le Cam.

 

Depuis le COVID, j’ai perdu l’habitude de regarder les actualités. Il y avait beaucoup de négatif et j’ai remarqué que ça me touchait trop. La première fois que j’en ai entendu parler, c’était par mon père, à table. Le lendemain soir, on a regardé la télévision, il en était question. J’ai demandé à ma mère son avis, d’abord pour comprendre ce qui s’était passé, parce que cela faisait beaucoup d’informations à digérer, et puis parce qu’elle a toujours été une figure de repère pour moi. A partir de son avis, j’arrive mieux à me faire une opinion. Sur Internet, j’ai trouvé toutes sortes de choses. Des témoignages, des images. Un article m’a surtout marquée, écrit par un journaliste qui s’appelait Armin Arefi. Il a eu le courage de relayer la vidéo d’une Iranienne lors d’une descente policière contre des civils. Si mon réflexe n’était pas de regarder tout de suite les médias télévisés, c’est parce qu’ils présentent parfois une version édulcorée de la réalité, et je voulais avoir une vision qui se rapproche le plus possible de la réalité. Je vais vous parler de l’histoire de Mahsa Amini.

Mahsa Amini est Iranienne. Ce jour-là, elle se trouvait à Téhéran. Elle a été arrêtée parce qu’une mèche de ses cheveux dépassait de son voile. Soudain, souffrant d’un soi-disant problème cardiaque, elle a été transportée à l’hôpital. La police des mœurs a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas eu de violence physique. C’est la version officielle. De nombreux témoins, dont son cousin, affirment le contraire malgré la pression que le gouvernement a fait subir à la famille de Mahsa Amini. Elle est morte quelques jours plus tard. Une vie contre une mèche de cheveux ! S’il est important de comprendre pourquoi la mort de cette jeune fille a provoqué une telle réaction de la part des Iraniens, je souhaite aussi vous livrer mon ressenti, ma perception personnelle, et vous parler du traitement médiatique de cette histoire.

Cette colère, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas nouvelle. Depuis la grande révolution de 1979, l’Iran est devenu une république islamique. C’est-à-dire que la religion est devenue intimement liée au pouvoir politique. L’élection de Raissi par les ultras conservateurs a amplifié la colère des citoyens qui réclamaient plus de progrès social. Les femmes qui disposaient de très maigres libertés les ont vues régresser encore plus. Elles en avaient assez, c’était la goutte de trop. Dans le film Persépolis, toutes ces régressions sont mises en valeur. Je me suis rendue compte que les Iraniennes vivent leur vie en cachette. Elles enfreignent les lois dans le dos du gouvernement, de leur famille, et même parfois de leurs voisins. La jeunesse a été complètement brisée par un gouvernement déterminé à préserver ses traditions au détriment des libertés individuelles.

Il est choquant d’apprendre qu’une personne a été tuée pour une mèche de cheveux, mais aujourd’hui, nous parlons d’une jeune fille innocente devenue un martyre. Comment ne pas s’identifier à elle ? Sa mort a été l’étincelle qu’il fallait pour laisser exploser la colère populaire et faire bouger les choses. Lorsque j’ai appris cette histoire, j’ai été purement et simplement dégoûtée de voir à quel point l’homme peut être stupide, aveugle et fou. Stupide car en 1848, une femme avait déjà été assassinée après avoir dévoilé son visage lors d’une cérémonie religieuse. Nous en sommes encore au même point. Aveugle sur les droits qu’une personne humaine doit avoir. Et fou car je trouve anormal de tuer une personne pour un simple choix. Il y avait aussi de la colère car c’est inhumain d’interdire à quelqu’un de décider pour lui de ce qu’il peut faire et ne pas faire, de se défouler sur une personne entièrement innocente. C’est absolument incompréhensible. Je ne comprends pas comment on peut se regarder en face et se dire « aujourd’hui, j’ai tué quelqu’un. » Je ne comprends pas comment l’on peut penser qu’une personne n’a pas le droit d’être libre. Mais dans le lot, il y avait également un espoir. Maintenant que ces femmes ne se laissent plus faire, leur situation ne reviendra jamais comme avant. Elles sont allées trop loin, elles ont laissé des traces, des témoignages, plus personne ne peut revenir en arrière. J’espère de toutes mes forces que leur situation va s’améliorer car elle m’a beaucoup touchée.

Nous en entendons beaucoup parler parce que cet événement impensable pour nous qui sommes libres a beaucoup choqué. Partout dans le monde, les réseaux, les médias, ont relayé la vague de soutien en mettant l’information à notre portée. Montrer notre soutien aux Iraniennes est devenu un phénomène qui touche toutes les strates de la société. Des illustres inconnus comme des personnes connues comme Juliette Armanet ou Muriel Robin se sont manifestées. On assiste au retour en force d’un phénomène qui avait permis lors des Printemps arabes de 2010 de bouleverser l’ordre établi dans les pays d’Afrique du Nord. Si en France nous en parlons, il est interdit en Iran de diffuser la moindre information sur le voile. Le gouvernement est même allé jusqu’à couper les accès internet dans certains secteurs. Il recourt massivement à la propagande pour garder son peuple sous contrôle. Il contrôle les mots employés et les images diffusées. La police des mœurs est même allée jusqu’à contrôler les images dans des tournages de films. Ce régime se sentirait-il si menacé par de simples mèches de cheveux et des histoires de cœur ?

Les réseaux sociaux ont permis aux Iraniens de partager leur colère en outrepassant la censure. J’ai du mal à imaginer qu’une telle omerta puisse encore exister dans un monde ultra connecté. Il est devenu tellement facile à l’aide d’un simple téléphone d’accéder à l’information que je ne pense pas que ce gouvernement pourra bien longtemps étouffer les aspirations de son peuple à la liberté. Les Iraniens ont d’ailleurs trouvé le moyen de manifester leur désaccord. Sur les réseaux sociaux par exemple, certaines femmes se sont prises en photo sans le voile. Elles ont organisé des manifestations où elles ont chanté Bella ciao parce que c’est une chanson qui parle de liberté. Elles sont même parfois allées jusqu’à brûler leur voile sous les applaudissements d’hommes iraniens. Elles avaient souvent les cheveux attachés, symbole de la révolution iranienne. Si pour certaines personnes, ces femmes sont des héroïnes de la liberté d’expression, elles sont une menace pour d’autres. Pour vous citer un exemple, la journaliste iranienne Masih Alinejad, qui a appelé toutes les femmes à poser sans le voile, a été menacée de mort sur les chaînes de télévision nationales. A travers ces événements, je me rends compte que les informations – les bonnes informations – nécessaires dans notre vie, doivent être relayées à n’importe quel prix. L’affaire Mahsa Amini, la guerre en Ukraine, la crise sanitaire, le réchauffement climatique. Les réseaux sociaux jouent un rôle clé pour faire éclater la vérité et forger les opinions de chaque citoyen. Il nous faut trier, comparer, multiplier les sources d’information, recouper, pour avoir une chance de faire changer les choses.

Cet événement m’a aussi fait prendre conscience d’un paradoxe. A l’heure où Internet génère pour nous beaucoup de méfiance vis-à-vis de l’utilisation par autrui de nos données personnelles, ces mêmes réseaux permettent à d’autres de faire basculer des systèmes politiques pourtant extrêmement puissants. Il est tout aussi paradoxal de constater que les médias peuvent être critiqués mais ils peuvent également nous permettre de mieux comprendre la complexité de notre monde.

En conclusion je dirais que naviguer sur l’océan informatique pour la jeune lycéenne que je suis aujourd’hui, ce n’est pas attendre que la vague nous déferle dessus mais partir à la quête d’informations sur ce qui nous intéresse pour en apprendre plus. Le résultat est nettement plus satisfaisant. Pour cela, il faut du temps, de la curiosité et un certain savoir-faire que nos professeurs, nos parents et nos amis peuvent nous transmettre. Même si la liberté d’expression est heureusement garantie en France, de trop nombreux événements comme les attentats contre Charlie Hebdo et l’assassinat de Samuel Paty nous prouvent que ce droit est un combat de tous les jours. Merci de m’avoir écoutée.

 

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Notre prochain invité est un touche-à-tout. Des centaines de milliers de gens le suivent tous les jours. Etudiant le jour, créateur de contenus et influenceur, passionné de photos et de vidéos, c’est un artiste avec un grand A. Nous accueillons Privat Millet !

 

Il y a deux ans, si on m’avait dit que je serais ici ce soir pour vous parler des réseaux sociaux, j’aurais bien rigolé parce que j’étais à ce moment-là anti-réseaux sociaux. Je pensais qu’ils étaient faits pour les narcissiques ou pour ceux qui n’avaient pas de vie et voulaient observer celle des autres. Pourtant aujourd’hui, je passe la moitié de mes journées sur les réseaux sociaux. Je vais vous dire pourquoi.

Je m’appelle Privat Millet, j’ai 19 ans, en BTS à La Roche sur Yon, alternant à l’ICES dans le service communication, photographe, vidéaste et créateur de contenus sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, je préfère utiliser le terme « créateur de contenus » parce que je ne suis pas sûr d’influencer encore beaucoup de gens. Je réalise des vidéos de 15 à 20 secondes dans lesquels j’explique comment je réalise des photos et des vidéos publicitaires ou créatives.

Tout a commencé quand j’étais petit. Un jour j’ai découvert une petite caméra et j’ai commencé à filmer mes lego et mes Playmobil, rien de fabuleux. Cette passion a disparu le jour où j’ai eu mon premier téléphone. Il y a deux ans, on m’a offert un appareil photo qui m’a paru exceptionnel, j’ai commencé à prendre des photos et les poster sur les réseaux sociaux. J’ai démarré sur Instagram et comme j’ai vu que ça plaisait aux gens, j’ai continué. Peu après, un ami m’a conseillé de communiquer sur l’application Tik Tok et d’expliquer comment je réalisais mes photos. En moins d’un mois, j’ai obtenu 10 000 abonnés et cette communauté ne cesse d’augmenter. J’ai travaillé des mois et des mois pour comprendre comment fonctionnait mon appareil photo, comment fonctionnaient les logiciels de retouche et de montage, comment fonctionnaient les réseaux sociaux et les algorithmes. Grâce à ce travail de recherche, j’ai pris confiance en moi. Quand on voit que notre travail intéresse, touche, est utile à des personnes, forcément on gagne de la confiance en soi, mais attention il ne faut pas gagner trop de confiance en soi. Rester humble est une des choses les plus difficiles dans ce milieu. Cette expérience m’a également appris à persévérer. A chaque fois que j’échoue, je me dis que je ferai mieux demain.

Aujourd’hui, je ne suis plus un anti-réseaux sociaux, même si je ne les apprécie pas tous. Je suis par ailleurs attentif au temps passé sur mon téléphone et parfois ça me déprime. Je reçois des notifications qui m’indiquent que je passe parfois 12 heures sur mon téléphone. C’est énorme ! Même si c’est mon métier. Sur ces 12 heures, je pense que je passe 12 heures à ne rien faire. A scroller sur les réseaux sociaux en regardant des contenus qui m’abrutissent. Une bonne question à se poser « Te souviens-tu des 5 dernières vidéos que tu viens de voir ? » Quand on a passé 45 mn à regarder des centaines de vidéos d’une quinzaine de secondes, je vous avoue que c’est compliqué... Se pose alors la question de savoir ce que je veux devenir.

Quand j’étais petit, mon papa me racontait souvent son enfance et j’adorais ça. Il me racontait qu’il allait à la pêche avec son petit frère, qu’il construisait des planches à voile. J’avais envie d’être comme lui et je me demande ce que je raconterai à mes enfants plus tard. Quelle image auront-ils de moi ? Est-ce que j’aurai envie de leur dire que je passe 7 heures sur mon téléphone à ne rien faire ? En écrivant ma présentation de ce soir, je me suis beaucoup questionné, je me suis dit qu’il fallait que je me limite et mon temps d’écran a été divisé par 2. Aujourd’hui j’accepte des projets qui me permettent de me détacher de mon téléphone. J’ai envie de ne pas subir ma vie mais d’en être l’acteur. Merci de m’avoir écouté.

 

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Le data, c’est son dada ! Si je vous dis IA, ça vous parle ? Veille stratégique ? Tout ça lui parle. Il a créé sa plateforme de veille stratégique Sindup. Il aide les gens à gagner du temps et donc de l’argent. Nous accueillons Michaël Réault.

 

L’aventure Sindup a démarré il y a 17 ans. D’abord un défi technologique qui est devenu une passion. Une passion pour la veille stratégique, une activité idéale quand on est curieux et qu’on aime découvrir de nombreux domaines. Au fil des années, ma conviction s’est forgée que notre rapport à l’information déterminera en partie notre capacité à relever les défis du XXIème siècle. Nous sommes en pleine transition environnementale, sociale, sociétale. Et dans des périodes de grands bouleversements comme celle que nous vivons actuellement, il est essentiel de bien s’informer, mais l’on s’aperçoit que ce n’est pas simple. La première étape est de poser un diagnostic. On va prendre l’exemple de Max qui dirige un cabinet RH. Ce cabinet est spécialisé dans l’aide au recrutement pour les entreprises à forte croissance. Max veut mettre son entreprise en veille active et non pas en veille passive. Pour cela, il devra commencer par 3 étapes essentielles :

1/ Quelles sont véritablement les informations qui lui sont utiles pour prendre des décisions, pour gérer la stratégie de son cabinet. On va appeler ces informations génératrices de valeur des pépites informationnelles. Ces pépites peuvent êtres des événements, des risques ou des opportunités, des signaux faibles, des tendances. Dans le cas de Max, détecter une opportunité pourrait être d’identifier une entreprise qui annonce avoir réalisé une levée de fonds, qui va donc être amenée à recruter massivement dans des délais assez courts. Ce sera une opportunité commerciale. A contrario, si son principal concurrent publiait une annonce fracassante sur une nouvelle solution concernant l’aide au recrutement, cela pourrait représenter un risque. Il lui faudra alors saisir cette information pour préparer ses équipes à faire face aux possibles nouvelles objections des clients. En termes de signaux faibles pour l’entreprise de Max, il peut s’agir de détecter les nouvelles aspirations sur le marché du travail, les attentes de la nouvelle génération, de nouvelles façons de gérer les espaces de travail. Ces signaux faibles, ces tendances, vont permettre à Max d’affiner sa stratégie, de la réévaluer en permanence.

2/ Choisir les sources adaptées à chacune de ces pépites. Ce qui s’apparente au travail du chercheur d’or puisqu’il faut chercher au bon endroit. Max devra être vigilant à la diversité des sources. Sans quoi elles peuvent conduire à ce qu’on appelle le phénomène de bulle informationnelle. Partant du principe que Max n’a pas envie d’exercer la veille tout seul dans son coin, soit parce qu’il n’a pas le temps, soit parce qu’il veut engager toutes ses équipes dans sa démarche de veille active, il mettra en marche une veille collaborative. A ce moment-là, la 3ème étape sera importante.

3/ La définition des rôles. Qui par exemple sera en charge de piloter, de mettre en place la démarche de veille et de l’animer ? Qui aura plutôt le rôle d’expert en capacité d’apporter des éclairages pour mieux analyser les informations recueillies ? Par exemple dans le cabinet de Max, la responsable du juridique sera plus à même d’aider les collègues à mettre en perspective une information sur la règlementation qui évolue. Le responsable pédagogique sera plus à même d’évaluer les opportunités que représentent les innovations pédagogiques pour leur centre de formation. Les lecteurs ou les commanditaires sont également importants. Ce sont eux qui vont apporter leurs pépites informationnelles. En retour, les veilleurs et les experts vont transformer l’information en décisions, en actions et en mises à jour de leurs connaissances.

Maintenant que le diagnostic a été posé, Max va pouvoir mettre en place des outils de veille au sein de son cabinet. Ce qui va permettre de paramétrer un certain nombre d’alertes pour bien caractériser la pépite informationnelle. Il y aura autant d’alertes que de pépites à détecter. L’intelligence artificielle sera là pour faire gagner du temps au quotidien dans la détection et l’exploitation de ces informations, au service de l’humain. C’est l’intelligence humaine collective qui sera seule capable de prendre des décisions, de passer à l’action. L’idée est bien de mettre la technologie au service de l’humain.

Maintenant que les outils tournent, il va y avoir le cycle de la veille avec les mêmes temps importants, la phase de collecte et d’analyse, de partage, de diffusion, et de prise de décision, d’action, de mise à jour des connaissances. À tout moment pendant ce cycle de veille, les rôles, les axes de veille, les sources, peuvent être réévalués car les résultats de cette veille vont permettre de déceler de nouvelles thématiques qu’il faudra ajouter dans les centres d’intérêt, peut-être que d’autres, devenus obsolètes, devront être évacués. Cette veille, comme toute organisation, est vivante, dans un environnement qui change en permanence.

L’intérêt de ces outils est de faire face à deux phénomènes. D’abord une sorte d’écartèlement informationnel puisqu’il y a d’un côté un nombre de sujets sans cesse croissant qu’il faudrait pourtant suivre pour comprendre la complexité du monde qui nous entoure, et d’un autre le volume d’informations qu’il faudrait analyser pour chacun des sujets à suivre en croissance constante. On parle même de croissance exponentielle. Le second phénomène est lié à la guerre de l’information qui n’est pas nouvelle. En revanche, à mesure que les grands changements s’imposent, les rapports de force s’intensifient. Avec le web 2.0, cette guerre de l’information a eu pour conséquence que la plus grande partie de la population s’est trouvée comme téléportée au milieu d’un champ de bataille sans y avoir été préparée. C’est pourquoi se former est essentiel pour développer une sorte de résilience informationnelle qui va permettre de mieux résister à l’emballement médiatique, à la désinformation, à la surinformation, aux stratégies d’influence, au débat clivant qui amène aujourd’hui 38% de la population à fuir l’information. C’est ce qu’a révélé une étude récente du Reuters Institute. 38% ont déclaré éprouver une sorte d’overdose, de saturation. A la désinformation subie vient s’ajouter une désinformation choisie. Ce qui nous met en risque d’une prise de décision mal éclairée, aussi bien sur le plan personnel que professionnel ou sociétal.

Si je reviens sur le cas du cabinet de Max, maintenant que le dispositif est en place, il va pouvoir l’étoffer sur 3 dimensions temporelles :

  • Le court terme, le quotidien, l’opérationnel, par exemple des informations sur une entreprise qui lève des fonds, on sait ce que l’on cherche. L’équipe commerciale est saisie, elle possède un argumentaire prédéfini pour valoriser les services du cabinet à l’attention des entreprises qui lèvent des fonds. C’est très processé.
  • Le moyen terme, on s’inscrit plutôt dans la stratégie. On va s’intéresser par exemple à l’évolution du secteur d’activité, à l’analyse concurrentielle, mais on reste dans un spectre connu à l’avance.
  • Le long terme est la troisième dimension extrêmement importante. On va plutôt parler de veille d’inspiration, de veille prospective. On va se permettre des paramètres un peu moins resserrés, un peu moins restreints, de manière à favoriser le sérendipité. C’est-à-dire découvrir des informations inattendues, de nouvelles sources, ouvrir les chakras. C’est ce qui va permettre pour un cabinet comme celui de Max, de se projeter à 5 ans, à 10 ans. En quoi son cabinet sera-t-il encore utile face aux défis environnementaux, aux transformations sociales et sociétales ? Cet aspect lui permettra de réfléchir à la raison d’être et d’engager toutes les parties prenantes de ses équipes pour faire en sorte qu’il existe une vision commune de l’entreprise. C’est ce que je vous invite à faire dès aujourd’hui. Un travail d’introspection pour définir quelles sont vos pépites informationnelles. Je vous remercie.

 

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Maeva Damoy est journaliste reporter spécialisée en Economie pour France Télévisions. Ancienne élève de St Gab, elle s’est dirigée vers un L.E.A. (licence de Langues Etrangères Appliquées) Commerce international parcours trilingue puis a intégré une école de journalisme parisienne.

 

Bonjour à tous, je suis journaliste depuis bientôt 10 ans. J’ai travaillé pour plusieurs médias, I-télé, BFM TV, TV5 Monde, pour l’actualité internationale, et depuis 2018 je fais partie du groupe France Télévisions. Je travaille pour les JT nationaux. C’est ce qui me différencie un peu des autres intervenants que vous avez entendus ce soir. Je travaille pour le 13 heures et le 20 heures de France 2 ainsi que pour le 12/13 et le 19/20 de France 3 national.

Je suis ce qu’on appelle une journaliste rédactrice reporter présentatrice. Ce qui signifie que je suis amenée à faire des reportages, les caler, les tourner, participer aux montages, écrire les commentaires associés, les mixer en posant ma voix quand une actualité tombe. Les commentaires que vous entendez lors des reportages sont celles des journalistes qui ont travaillé sur les sujets concernés.

Quand il n’est pas possible de mettre en images les actualités faute de temps ou pour d’autres raisons, il m’arrive d’incarner le développement de cette actualité en plateau, ça s’appelle une chronique, en direct aux côtés du présentateur ou de la présentatrice.

J’ai la chance d’être sur le terrain les ¾ du temps. Je vais rencontrer des gens de tous horizons, que ce soit en France métropolitaine, dans les DOM-TOM, à l’étranger, et j’ai constaté au cours du temps que la responsabilité que l’on porte en tant que journaliste de partager l’information est souvent pointée du doigt. Un certain nombre de personnes me disent qu’elles ne regardent plus les informations parce que c’est hors sujet, parce qu’elles ont vu des erreurs, qu’elles peinent à croire les chiffres qu’elles entendent, qu’elles ont du mal à mettre les choses en perspective. On entend de nombreuses remarques assez négatives à l’égard des médias qui n’ont pas très bonne presse.

Sans chercher à excuser certains manquements, je pense qu’il s’agit de regarder comment nous travaillons. Je prends mon service le matin à 8h30 ou 9h30, si je suis ou non de permanence. Je suis responsable de l’emploi et du social. On vient me voir le matin en me disant par exemple « Pour 13h, je voudrais un reportage sur la réforme de l’assurance chômage ». Le temps de bouclage est donc très court. Je dois trouver un bénéficiaire de l’assurance chômage pour l’interviewer et voir s’il est plus ou moins concerné par cette réforme, trouver une des têtes pensantes de cette réforme pour en comprendre les tenants et aboutissants, et trouver un expert en droit du travail ou un économiste pour aller plus loin, faire en sorte que ce reportage soit le plus complet possible. Je dois trouver l’information, la digérer et la restituer de la manière la plus concise possible pour tenir dans un espace d’environ 1 mn 45. Pour le journal de 13h, il faut que le reportage soit prêt pour 12h45 au plus tard. Vous parliez de veille informationnelle. Si mon reportage est prévu pour 13h08 et qu’une dépêche tombe à 13h04, je me dois d’intégrer un changement possible lié à cette dépêche, peut-être pondérer mon discours, mon analyse, modifier mon commentaire, je me rends alors en cabine et je le mixe en direct. C’est une situation qui se produit très régulièrement. Il convient donc d’être le plus précis possible et à jour au moment de la diffusion de notre reportage. Je ne suis pas seule, j’ai des consœurs qui m’aident à tourner des séquences pendant que je cherche à tout mettre en perspective et depuis des sites parfois éloignés.

Quelques erreurs peuvent effectivement se produire mais la plupart du temps tout se passe bien. Si la responsabilité du journaliste est forte, car il se doit d’être le plus précis et le plus exact possible, le lecteur, l’auditeur, le téléspectateur, ont aussi une responsabilité. Être bien informé passe par nous tous. On va prendre un exemple concret. Je vais vous parler de Xavier Dupont de Ligonnès qui risque de vous intéresser plus que d’autres sujets parce que l’événement s’est passé près de chez vous. En 2019, une chaîne d’info publie un bandeau : « Xavier Dupont de Ligonnès, arrêté ! » C’est une affirmation. Si vous ne regardez qu’une chaîne d’info, ce qui est le cas pour un grand nombre de personnes, vous prenez cette information pour argent comptant et vous la diffusez autour de vous. Celle-ci se propage à la vitesse de la lumière !

Si vous ne voulez pas être vecteur de fausses informations, il convient peut-être de consulter plusieurs supports ? Vous constaterez des différences dans la forme prise par cette actualité, un bandeau écrit différemment, un présentateur qui utilise le conditionnel, des reportages qui remettent en perspective toute l’affaire. C’est ainsi qu’on pondèrera l’information en se rappelant le grand nombre de fausses pistes déjà visitées. Cette posture permet de se faire une opinion évolutive. Je pense que la clé se trouve là, ne pas se contenter d’une seule source d’informations. Vous savez qu’il y a des éditos, c’est-à-dire une information un peu plus orientée et des sujets purement factuels. Il faut identifier toutes les sources, tous les formats qui peuvent ouvrir votre réflexion et votre opinion, et essayer d’y piocher 1, 2, 3 supports différents. Quand j’étais encore étudiante, j’avais le réflexe d’identifier un magazine papier qui me plaisait, des talk-shows à la télé qui abordaient différents thèmes, et la presse quotidienne. Je ne dis pas qu’il faut lire le journal entièrement tous les jours, ce serait chronophage, mais on peut lire par exemple Courrier international tous les 15 jours qui traite une actualité vue à partir de l’étranger. Vous pouvez lire Society qui propose des articles qui traitent de l’actualité mais aussi de la culture, de l’art, la littérature, il y a aussi des reportages de terrain, des portraits, etc. Utiliser plusieurs supports pour forger son opinion est selon moi capital.

France Télévisions a mis depuis quelques temps en place ce qu’on appelle une ressource. Quand un reporter fait un reportage, il est mis en ligne, rediffusé sur www.francetvinfo.fr Vous tapez les mots clés qui vous permettent d’accéder aux articles ou reportages rediffusés, et en bas de la page, vous avez un lien qui vous permet de retrouver des infos qui ont permis d’aboutir à cette analyse. Pourquoi tel chiffre sur la croissance, sur la pénurie, etc. Vous avez des infos sur des études, des communiqués de presse, le détail du parcours des intervenants qui s’expriment dans le reportage, etc. L’objectif est d’accroître la transparence et que la personne qui souhaite s’informer puisse se faire sa propre opinion, qu’elle soit proactive dans ses recherches.  Je serais contente que vous me rejoigniez sur les réseaux sociaux si vous souhaitez échanger sur ces sujets. D’ici-là je vous remercie de m’avoir écoutée.

 

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Vous l’avez peut-être remarqué, dans le monde du numérique, tout va très vite. On peut se sentir un peu perdu. Comment ça marche les réseaux sociaux ? C’est quoi l’e-réputation ?  Que peut-on faire face au cyberharcèlement ? C’est sa spécialité. Il y a quelques années, il a créé LOG.IN Prévention. Nous accueillons Guillaume Dorai.

 

 

Bonsoir ! Quelle joie de vous rencontrer et quelle responsabilité d’être le dernier intervenant de cette soirée ! Je vais revenir sur le titre de l’événement qui nous réunit ce soir, « Comment naviguer sur l’océan d’Internet ». Je cite souvent cette métaphore de l’iceberg lors de mes interventions. Vous vous souvenez sûrement du film Titanic de James Cameron. Ce qui s’est passé, c’est qu’ils ont vu un petit glaçon au loin et ne l’ont pas suffisamment évité car c’était un iceberg dont seulement 20% était visible, 80% était caché sous la surface de la mer. Le bateau a heurté l’iceberg, une entrée d’eau s’est produite et le bateau s’est mis à couler. La première grosse fake news c’est Rose sur sa planche de bois, elle avait largement la place d’accueillir Jake. On nous fait croire depuis des années que Rose n’avait pas la place, c’est faux !

Je voudrais revenir sur la théorie de l’iceberg. Comment se fait-il aujourd’hui qu’une fake news, une fausse information, se répande 6 fois plus vite qu’une information vraie ? Comment se fait-il aujourd’hui qu’un internaute passe 3 fois plus de temps à lire et à étudier une fausse information plutôt qu’une vérité ?

Avant de répondre à ces questions, je vais vous raconter une petite histoire qui m’est arrivée en 2018 dans le cadre de mes conférences. Je suis appelé par un chef d’établissement avec lequel j’ai l’habitude de travailler. Il me dit qu’une psychose grandit dans son établissement, qui touche collégiens et parents. Les jeunes reçoivent depuis quelques temps sur leur smartphone une information via WhatsApp comme quoi un certain Momo contacterait des jeunes pour leur demander de se prêter à des défis. Si les jeunes échouent, Momo viendra les assassiner. On comprend l’inquiétude ! Par ailleurs, des journalistes de BFMTV bien renseignés me contactent, me disant qu’ils ont entendu que des jeunes se suicident à cause d’un challenge, le Momo Challenge. J’interviens dans l’établissement avec des classes de 5ème. Une jeune fille me dit qu’en effet des messages circulent disant que si elle ne fait pas les défis on va la tuer. Je lui propose de me montrer ces messages pour l’aider. Elle me dit qu’en fait ce n’est pas elle qui reçoit les messages mais sa copine Alicia. Alicia également présente me dit que ce n’est pas elle qui les reçoit non plus mais une de ses copines. Ce petit jeu a duré toute la journée. Le soir j’ai animé une conférence de prévention pour les familles, sur les écrans, la prévention des réseaux sociaux etc. Un papa m’interpelle pour me dire que les enfants reçoivent des messages menaçants sur WhatsApp émanant d’un certain Momo. Je m’adresse à la salle pour demander aux parents si leurs enfants ont reçu ce type de message. Personne ne lève la main. Le Momo Challenge est inspiré d’un challenge qui a réellement existé en 2014, qui venait de Russie et s’appelait le Blue Whale Challenge. Il était demandé à des jeunes de réaliser des défis et on les incitait à se suicider. Le Momo Challenge a commencé en Australie. Une jeune fille de 12 ans s’est suicidée. Les autorités ont observé que la jeune fille avait fait une capture d’écran d’un article venant de Corée racontant qu’une poupée mi-femme mi-oiseau menacerait les jeunes. De raccourcis en raccourcis, de rumeurs en rumeurs, l’information s’est propagée à cause des réseaux sociaux, a atteint le Canada, puis les Etats-Unis, puis l’Europe et la Vendée. C’est intéressant de comprendre pourquoi les réseaux sociaux relèvent ce type d’informations au détriment d’un public fragile puisque constitué de jeunes.

Quand on lit une fake new, on passe du temps dessus. 2 à 3 fois plus de temps que sur une vérité. Le temps dans l’univers numérique est appelé du trafic. Le trafic est fondamental. Il y a une phrase que j’aime beaucoup dans l’univers numérique « quand c’est gratuit, c’est toi le produit ». Avant les années 90, Internet était un service de communication pour l’armée. Par la suite, Internet s’est ouvert au grand public. Il a donc fallu trouver des moyens de financement. On a eu alors l’idée de faire payer les gens au prorata du temps qu’ils passent sur Internet. Difficile à mettre en œuvre… On s’est dit alors qu’il était préférable de faire payer les annonceurs, les sociétés de publicité, plutôt que les internautes. Toutefois, on a envie que la publicité soit précise, ciblée. Le plus simple est alors de dire que l’internaute est un produit et qu’il est sensible à la publicité.

Il faut savoir que nous regardons environ 2000 produits publicitaires, de façon consciente ou inconsciente, par jour. On se dit que le temps que l’internaute va passer sur Internet, sur les réseaux sociaux, va générer des données personnelles, appelées des métadonnées. Il ne faut pas être naïf, les réseaux sociaux sont de véritables entreprises avec des objectifs économiques. On va donc extraire de ce temps des données personnelles qui vont être référencées sous forme de statistiques et envoyées aux annonceurs. Ceux-ci vont alors pouvoir vous envoyer de la publicité ciblée, géolocalisée en temps réel. C’est pour cette raison qu’aucun d’entre vous ne voient les mêmes publicités au même moment. C’est pour cela que parfois, alors que vous êtes avec des amis à table, vous dites « Je partirai bien en voyage à New-York » et oh miracle, environ une heure plus tard, vous recevez une publicité « Voyagez à New-York pas cher » ! Des gens me disent souvent « C’est incroyable j’ai l’impression qu’on m’espionne ! » Mais non, c’est grâce au fonctionnement de ces outils. Si vous les téléchargez gratuitement, si vous les utilisez tous les jours gratuitement, vous répondez à l’objectif. Si je fais le lien avec les fakes news, si une information aujourd’hui nous parle, c’est peut-être parce qu’il y a un objectif derrière, avec un enjeu économique. Des personnes qui ont du recul sur les choses arrivent à analyser, mais je pense que c’est le travail de chacun d’entre nous de prendre un peu de hauteur par rapport à ce tsunami. Est-ce qu’aujourd’hui nous préférons être dans le tsunami et aller de temps en temps respirer à la surface, ou préfère-t-on être dans l’hélicoptère qui survole tout ça ? C’était peut-être plus facile avant parce que l’information était unique avec Jean-Pierre Pernaut ou David Pujadas. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de croiser l’information, de comparer. J’espère que nous ne sommes pas en train de tomber dans l’ère de la désinformation. Des soirées comme celle que nous partageons permettent de transmettre cette information à quelques personnes, l’information mérite d’être comparée et croisée. Eveiller les jeunes à être curieux, les sensibiliser à cette conscience numérique.

Depuis 14 ans avec LOG.IN Prévention, je travaille à mettre en lumière la citoyenneté numérique, former les citoyens de demain sur les réseaux sociaux, ce qui est directement lié à ce que l’on consulte, commente, publie, partage. Quand on prendra la mesure de l’importance de former les citoyens numériques de demain, on aura fait un très grand pas dans cette bienveillance, dans le rôle qu’ont à jouer les réseaux sociaux. Ceux-ci permettent énormément de choses, libérer la parole, créer des vocations, mais pour cela, il faut les comprendre, prendre conscience des enjeux économiques qui se trouvent derrière. Juste une petite anecdote, les enfants des patrons de ces grandes entreprises du numérique qui gèrent les réseaux sociaux sont dans des écoles, des collèges, des lycées, des universités sans écran. Ce qui amène à se poser des questions… Merci pour votre écoute !

Je revis la soirée (YouTube)

Compte-rendu réalisé par Laurence Crespel Taudière

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